« J'ai tout sacrifié pour mon fils. Mon esprit, ma vie, ma nourriture, mon toit. Tout lui revient de droit. Aujourd'hui, je suis dans un état de torpeur, affaiblit, assaillit de remords. Je ne vois en moi qu'un pâle reflet de l'homme que j'étais auparavant. Tout ce que j'ai fais, je l'ai fais pour lui. Pour sa mère, pour qu'il comprenne un jour qu'il représentait mon bien le plus précieux et que, malgré la mort, malgré la folie qui envahit mon esprit, je serais toujours à ses côtés.
D'ailleurs je pense que pour lui, je n'étais qu'un père absent, rendu fou de douleur lorsque sa mère a disparu. Je ne peux pas le blâmer, j'aurais réagit de la même façon à sa place.
Je sais que porter le nom Black n'est pas non plus une partie de plaisir. Ce nom traîné dans le sang, traîné dans la terreur depuis des générations en fait fuir plus d'un. J'espère qu'un jour, il trouvera la paix dans son histoire et qu'il se servira de sa magie à bon escient.
Or, quand cette guerre sera terminée, la lumière triomphera des ténèbres, alors le nom des Black sera bannit. Honteux. Traîné dans la boue. Nous serons des monstres de foire.
A la clameur de Harry Potter, nous cracherons des larmes de sang.
Je n'ose pas imaginer mon fils vivre caché, à fuir toute sa vie à cause de son patrimoine familial de dégénérés. Mais je ne le vois pas s'agenouiller devant Potter et le Ministre pour les supplier de l'épargner.
Je pense qu'ils voudront nous voir morts. Tous. Mangemorts, collaborateurs, femmes et enfants. Des familles entières de mangemorts seront persécutées jusqu'au bout de la terre.
Je peux comprendre combien le sentiment de vengeance est destructeur et peut vous faire traverser des océans à la nage pour assouvir cette pulsion, cette douleur immense de la perte d'un être aimé. Croyez-moi, je le comprend mieux que personne.
Malgré tout, j'aimerais que mon fils ait une vie paisible, loin des cauchemars de l'après-guerre. Qu'il sache que son père a participé à l'abolition de cette catastrophe, qu'il en est un de ses héros et non un de ses auteurs. Malheureusement, je ne sais pas s'il saura la vérité un jour.
Mon coeur se brise rien que de penser qu'en ce moment même, il porte certainement la marque des ténèbres qu'il arbore fièrement, comme un symbole de victoire. A son âge, j'ai moi-même pensé que la doctrine de Lord Voldemort serait un miracle pour notre société, une renaissance du monde sorcier à sa juste valeur. Mais je n'avais pas pris en compte les millions de massacres et de vies brisées. Dont la mienne.
Lord Voldemort fut un symbole pendant des années pour moi, un modèle et un appui solide. Une force de la nature, qui était destructrice. Il me fascinait. Comme il doit fasciner mon fils en ce moment même.
J'aimerais être là pour le protéger, l'empêcher d'entrer dans le cercle vicieux de Lord Voldemort, car moi-même je n'ai jamais réussi à en sortir.
Je garde néanmoins l'espoir qu'il franchisse cet océan à ma recherche. J'espère être toujours là, dans la cellule numéro 58, à entendre les hurlements, le claquement assourdissant des vagues et les crises de folies de mes voisins. J'espère être toujours moi, de me souvenir de lui, du jour de sa naissance et des yeux de sa mère.
J'espère me souvenir de son visage. »
Regulus Arcturus Black.
Cellule 58, Azkaban.
