Chapitre 1
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Depuis le départ de May d'Arda, le temps était passé rapide comme tout pour la « jeune » elfe de dix mille ans et long comme un jour sans pain pour ses amis restés sur la Terre du Milieu. Elle avait découvert le bonheur de ne rien faire dans ce beau pays, de ne pas se soucier de sa sécurité ou de celle des autres.
En effet, le jour même de son arrivée en Valinor, les Valar se mirent en cercle autour d'elle et, utilisant les pouvoirs que leur avait donné Eru, ils débarassèrent ses nouveaux pouvoirs du mal qui les corrompait, leur rendant la pureté qu'avait Melkor au tout début de la Création. La cérémonie fut longue et épuisante, autant pour les Valar que pour elle. En effet, elle s'évanouit dans les bras de Tulkas qui l'amena dans une petite maison construite spécialement pour elle, sachant que la jeune femme aimait être seule. Le Vala caressa tendrement les longs cheveux bruns de la jeune femme qui cachait sous cette apparence fragile un pouvoir aux capacités de destruction infinie, comme l'avait prouvé Melkor. Il n'arrivait toujours pas à le croire. Comment un petit bout de femme comme elle, avait pu détruire le Vala noir? C'était impensable. Il était dans l'expectative la plus complète quand Varda entra dans la petite maisonnette. La puissante Valië s'approcha de l'elfe et demanda au Vala :
-Comment va-t-elle ?
-Elle se repose. Je me demande encore comment elle a pu résister aussi longtemps au mal qui la rongeait. Voilà un bon moment déjà qu'elle aurait dû basculer du côté maléfique.
-Seule sa volonté et l'espoir d'un monde meilleur pour son peuple, l'empêchaient du pire. Laissons-la se reposer. Elle doit être épuisée, ce qu'elle a vécu durant tous ces millénaires aurait tué le plus solide des elfes.
-Oui, tu as raison, ma soeur.
Les deux Valar saluèrent la jeune femme, puis partirent rejoindre les autres afin de fêter l'arrivée du seizième Vala, qui prenait la place qu'aurait dû avoir Melkor si le mal ne l'avait pas détruit de l'intérieur. Durant trois jours, l'elfe dormit profondément, les yeux clos, pour la plus grande perplexité des Valar qui ne savaient pas que les elfes dormaient ainsi. Ils ne savaient rien de ce qu'il s'était passé avant, dans l'ancien monde de May. Tout ce qu'ils savaient, c'est que la guerre avait été meurtrière, aussi longue que la bataille finale avait été courte. Ils savaient que du peuple de la jeune femme il ne restait que dix mille individus qui vivaient paisiblement un peu à l'écart des elfes des bois. Malgré leur puissance, ils étaient timides et ne s'approchaient que très rarement des hommes ou des races autres qu'elfiques. Ils avaient participé à de nombreuses batailles contre les gobelins et les orcs, la haine se lisait toujours dans leurs yeux quand ils les taillaient en morceaux. Ces nouveaux elfes que tous surnommaient elfes de Phoenix ne quittaient que rarement les abords de Mirkwood. Mais, pourtant, ils n'obéissaient pas au souverain de ce royaume elfique au grand dam de ce dernier qui n'en pouvait plus de voir ces elfes se promener n'importe où. Un jour, il croisa une petite fille aux doux yeux gris et lui demanda :
-Qu'attendez-vous ?
-Que notre véritable chef revienne. Elle est partie pour un long voyage, mais elle a dit qu'elle reviendrait et elle a toujours tenu ses promesses. Elle nous avait promis que Morgy mourrait et elle l'a tué. Elle a promis qu'on verrait des arbres et on en voit. Elle a promis qu'elle reviendrait, eh bien elle reviendra.
Le souverain comprit alors qu'ils avaient déjà un chef et qu'ils attendaient simplement son retour afin qu'elle donne ses ordres.
Quand les trois jours furent écoulés, May se réveilla, l'oeil hagard et le cheveu hérissé. Elle ne se rappela pas du tout la raison de sa présence dans cette petite maison coquette. Elle resta donc étalée sur le lit et se mit à y réfléchir intensément. Puis, peu à peu, les souvenirs lui revinrent en mémoire. Les différents combats mentaux contre Morgoth, son arrivée en Aman et la purification de ses pouvoirs grâce aux Valar. Elle avait des pouvoirs ! Elle n'en avait jamais voulu. Est-ce que Morgoth allait continuer à lui pourrir la vie encore longtemps, même après sa mort ? Mentalement, elle était lasse de ce combat contre elle-même. Elle voulait retrouver la vie qu'elle avait quand elle était plus jeune. Mais elle savait que cela était impossible, comme son rêve enfantin de retourner sur Terre et de recréer la vie. Morgoth avait failli la faire basculer en utilisant cela contre elle. Pourquoi ne pouvait-elle pas pour une fois avoir ce qu'elle voulait ? Une vie normale, avoir un mari, deux enfants, un chien, une voiture et deux poissons rouges ? Mais non, elle se coltinait un Seigneur des ténèbres psychopathe, sa meilleure amie perdait la boule, tuait son propre fils, prenait les pouvoirs de sa fille et faisait un massacre dans les rangs du peu de survivant qu'il y avait. Elle aurait dû la tuer quand elle en avait eu l'occasion, elle avait encore cru à cette amitié mais à quel prix ! Et puis sa deuxième meilleure amie qui se faisait littéralement étripée par les orcs. Sabrina lui manquait tellement, combien de nuit n'avait-elle pas passé à pleurer la mort de la mère de Mel ?
Elle poussa un lourd soupir de tristesse et de désespoir, puis décida de prendre une douche, car elle avait quand même chaud, même très chaud, et elle n'était plus du tout habituée à ces températures douces, qui, pour elle, ressemblaient plus à une canicule. Elle sortit lentement de la chambre et visita la petite maison. Elle découvrit que la maison était de plain pied. Elle possédait une chambre, une cuisine, un immense salon qui faisait aussi salle à manger et une gigantesque salle de bain. La jeune femme était ravie. Elle n'aimait pas les grandes maisons et préférait les petites mais avec un grand jardin. Magré sa joie, aucun sourire n'étira ses lèvres. Cela faisait longtemps que la joie n'éclairait plus ses yeux changeants et que son visage ne montrait plus d'émotions. C'était comme si elle était morte intérieurement. La douleur physique de ses différents combats et les épreuves morales qu'elle avait dû supporter durant ces millénaires lui avaient retiré toute joie de vivre. Si elle avait survécu aussi longtemps, c'est qu'elle devait vaincre Morgoth et ensuite, elle devait aider son peuple à trouver un endroit pour vivre. Mais maintenant qu'elle ne servait plus à rien, qu'est-ce qui la pousserait à vivre ? Combien de fois n'avait-elle pas joué avec cette petite fiole remplie d'une toxine tellement concentrée qu'une seule gorgée tuait en quelques secondes.
Elle se tourna un instant vers la table et vit la fiole. Allait-elle faire le dernier pas qui l'emmènerait vers la mort, rejoindre sa meilleure amie et ses parents ? Alors qu'elle s'approchait de la table, elle se rappela de la promesse qu'elle et Sabrina s'étaient faites quand elles étaient revenues de leur mission à Utumno : « May, nous allons nous faire une promesse, si l'une d'entre nous venait à mourir et qu'elle ait un enfant, que celle qui est encore en vie le reste et fasse tout ce qu'il faut pour que l'enfant ait une belle vie. » Elle avait toujours respecté sa promesse, mais Mel était bien maintenant, il était heureux. Alors pourquoi était-elle bloquée par cette promesse ? Seul le temps pourrait le lui dire et, donc, il faudrait qu'elle vive encore un peu pour le découvrir. Elle poussa un autre soupir, puis, faisant demi-tour, elle alla vers la salle de bain. Elle vit une grande psyché contre le mur et, près de celle-ci, la baignoire qui n'attendait qu'un peu d'eau pour être le paradis sur terre, enfin sur Aman.
Elle ferma la porte de la salle de bain, puis ouvrit l'eau. Elle s'assit près de la baignoire et la regarda rêveusement se remplir. Quand l'eau fut à un niveau suffisant, elle y versa un liquide qui moussa immédiatement à son contact. Ensuite, elle se leva, et retira la robe que lui avait prêtée Elwë. La robe était toujours aussi magnifique et toujours aussi trop grande pour elle. Maintenant nue, elle s'observa dans la psyché et soupira lourdement en regardant son corps. Qui voudrait aimer une femme dont le corps est couturé de cicatrices plus laides les unes que les autres ?
Elle avait honte de son corps, de sa laideur. Elle ne put retenir une larme et s'enfonça doucement dans l'eau glaciale et pourtant relaxante. Elle s'immergea complètement sentant l'eau retirer lentement les douleurs physiques qui la faisaient souffrir. Elle resta une bonne partie de la matinée jusqu'à ce qu'elle entende un pas à l'extérieur qui se rapprochait de sa maison. C'était un pas feutré que seuls les elfes pouvaient avoir. Elle se figea, écouta. La porte d'entrée s'ouvrir doucement, et elle se tint prête à massacrer celui qui entrait dans cette maison. Elle observa rapidement autour d'elle, mais il n'y avait aucun autre vêtement que la robe blanche. Elle devint carrément blême quand la porte de la salle de bain s'ouvrit et qu'une personne entra. May toujours aussi peu dévêtu se cacha sous l'eau et observa la nouvelle venue. C'était une femme sans âge aux longs cheveux blonds et aux doux yeux violets avec de mystérieuses zébrures rouges. La femme eut un gentil sourire en la voyant et lui dit :
-Tu t'es enfin réveillée ? Cela fait trois jours que nous attendions ton réveil.
May sortit un peu la tête de l'eau et marmonna :
-Qui êtes-vous ?
-Tu es un peu perdue, ce n'est pas grave. Je me nomme Varda Elbereth.
-Var...da ? La reine de Valinor ? S'exclama la jeune femme stupéfaite.
-On peut dire cela comme ça, oui. Tu as bien dormi ?
-Oui, merci Votre Majesté.
-C'est bien. Une servante t'attend dans ta chambre et...
-Mais, je suis toute nue !
-Tu ne sais pas... Ce n'est pas grave, je reviens.
La reine du royaume d'Aman s'éclipsa quelques instant, puis revint avec une jeune servante qui portait des vêtements qui, d'après May, seraient dix fois trop grand pour elle. La jeune servante salua avec respect la jeune femme dans son bain, puis lui apporta des serviettes et lui dit:
-Voulez-vous sortir de votre bain, altesse ?
Rouge comme une écrevisse à l'idée même de sortir, la jeune femme ne répondit pas à l'interrogation et s'enfonça plus profondément sous l'eau jusqu'à disparaître complètement. Varda pouffa de rire et dit à la servante :
-Laissez-la seule, je crois qu'elle est pudique. Laissez des serviettes et ensuite vous l'aiderez à s'habiller.
-Bien, Votre Majesté.
May sous la surface de l'eau écoutait la conversation et ne sortit la tête qu'au moment où elle fut sûr que la servante n'était plus là. Elle s'étira longuement, heureuse de ne plus sentir de souffrance, puis elle s'extirpa de l'eau, prit une serviette et se sécha. Elle ne fut pas douce avec son corps, mais vraiment pas du tout. Elle se frotta rapidement et efficacement le corps. Puis quand elle fut sèche et rouge, elle s'enroula avec la serviette puis se mit en tête de se sécher les cheveux. Malheureusement, la servante arriva et poussa un hurlement d'horreur, faisant violemment sursauter May qui se tourna et la vit l'observer avec stupéfaction. Elle lui demanda :
-Mais qu'est ce qui vous arrive ?
-Ce qu'il m'arrive ? Mais vous avez vu la façon dont vous vous essuyez ?
-Je me sèche de cette façon depuis près de dix mille ans, alors ce n'est pas vous qui allez changer cela ! Répliqua froidement May.
Elle se remettait au séchage brutal de ses cheveux quand la servante, ne pouvant plus le supporter, lui arracha la serviette des mains. Ensuite, elle la tira vers le salon où les attendait Varda, l'assit de force sur une chaise et lui sécha les cheveux avec beaucoup plus de douceur. May qui, un instant auparavant la menaçait des pires horreurs, était en train de somnoler sur sa chaise. Varda eut un soupir de désolation en ne voyant aucun sourire étirer les lèvres de la jeune femme. Quand ses longs cheveux furent secs, elle ouvrit les yeux et Varda poussa un autre soupir en ne voyant aucune émotion les traverser. Ils étaient froids comme de la glace. La reine des Valar savait que la jeune femme avait souffert dans sa vie, mais pas au point d'oublier d'aimer. Et lui, est-ce qu'elle se souvenait de lui ? Cela faisait des millénaires qu'il la cherchait et maintenant qu'elle était de retour, voilà qu'elle repartait dans un autre royaume. Elle espérait que toute cette histoire ne lui briserait pas le coeur et ne le tuerait pas, rompant ainsi la promesse qu'il lui avait faite il y a si longtemps. Mais heureusement, elle devrait repartir un jour, et cela, Varda en était consciente. Cependant cela pouvait être dangereux de la laisser repartir sans qu'elle contrôle véritablement ses pouvoirs. May savait qu'elle en avait, mais elle ne connaissait pas leur étendue. La Valië décida de lui apprendre le contrôle qui lui manquait et le fait de rester ici l'aiderai peut-être à rouvrir son coeur aux émotions.
Elle eut quand même un léger sourire quand May froidement dit :
-Si vous voulez, vous pouvez recommencer quand vous le souhaiterez.
La servante eut un grand sourire et lui dit :
-Retirez cette serviette, que je puisse vous habiller.
Là, elles virent enfin un sentiment animer les traits impassible de la jeune femme, l'horreur et l'effarement. Elle balbutia :
-Vous... vous... vous vous moquez de moi, là ?
-Si vous traitez aussi bien votre corps que vos cheveux, je n'imagine même pas les dégâts. Vous êtes en Valinor et non plus sur un champ de bataille, alors venez, nous allons aller dans votre chambre et je vous soignerai avec douceur.
May observa avec stupeur la jeune servante, mais, sentant le regard de Varda sur son dos, elle ne put qu'accepter. Elle se leva et suivit tête basse la servante. Cette dernière lui ordonna de nouveau de retirer sa serviette. May soupira lourdement, puis ôta la serviette qui tomba à ses pieds. La servante et la Valië furent horrifiées quand elles virent l'état déplorable du corps de la jeune femme. Varda avait une main sur la bouche et tentait de retenir un cri d'horreur devant les innombrables cicatrices qui mutilaient son corps souple et puissant. Le pire endroit était son dos, des brûlures, des marques de fouet, des déchirures. C'était horrible. La jeune servante se mit à sangloter et murmura :
-Mais qui a été assez fou pour vous faire cela ?
-Une des mes amies. Sa folie a entrainé la mort de nombreux elfes. Mais parlons d'autre chose, s'il vous plait.
-Bien. Allongez-vous, je vais tenter de réparer les dégâts !
L'elfe se coucha sur le ventre et laissa la servante lui passer une crème douce sur le corps. Elle la massa longuement et était étonnée en sentant les muscles fins et puissants rouler sous sa peau. La séance de relaxation dura presque trois heures. Trois heures de bienfait et de papounes pour une pauvre elfe en piteux état. Elle en ferma les yeux de plaisir et brusquement un ancien souvenir qu'elle ne pensait pas avoir, lui revint en mémoire. Ce n'était pas vraiment un souvenir, mais plutôt une sensation. Des mains fortes et douces caresser son corps faisant disparaître ses soucis et ses douleurs. Une voix masculine qui lui murmurait des mots d'amour. Elle ne comprenait pas ce qui se passait, puis tout disparut et elle se retrouva de nouveau entre les mains de la servante qui lui dit :
-Je vais vous habiller, Votre Altesse.
May bailla à s'en décrocher la machoire, puis se leva et laissa l'elfe la revêtir d'une robe. Mais quand elle voulut lui mettre des chaussures à talon, ces dernières eurent l'immense bonheur d'apprendre à voler. Varda éclata de rire et demanda à la servante de laisser faire la jeune femme avant que les chaussures évoluent et se retrouvent avec des ailes. Maintenant que May était lavée et habillée, Varda lui dit :
-Viens, beaucoup de monde t'attend.
La jeune elfe, très étonnée, suivit la Valië. Elle siffla de stupéfaction quand elle vit le magnifique royaume de Valinor. May suivit la reine des Valar et quand celle-ci se retourna pour lui parler, elle arrêta tout mouvement, raidie par la stupéfaction. May lui demanda :
-Votre Majesté, que vous arrive-t-il ?
-Retourne-toi et tu comprendras.
Elle vit ce que la Valië lui avait dit de faire et ouvrit de grands yeux quand elle vit un chemin de fleurs qui partait de la maison et suivait ses pas. Elle murmura :
-Mais qu'est-ce que c'est que cela ?
Elle fit quelques pas et le chemin la suivit, elle et non Varda. C'était elle qui créait ces fleurs. Elle fronça un peu des sourcils car elle avait déjà vu ces fleurs quelque part. Après quelques secondes de réflexion, elle se rappela où elle les avait vues. Dans son ultime combat mental face à Morgoth, il y avait des fleurs comme celles-la. Varda observait le visage froid de la jeune femme et murmura :
-Ainatal, pied béni ! Cela te va bien comme surnom. Maintenant c'est comme cela que nous t'appelerons. Ainatal !
La toute nouvelle Ainatal se tourna vers Varda et lui lança un regard méfiant et un peu perdu. Mais ne voyant rien de mal dans cette proposition de changement de nom, elle accepta d'un signe de la tête. Les deux femmes marchèrent tranquillement vers la ville de Valmar, qui était un peu éloignée de la petite maison d'Ainatal. La jeune elfe observait tout avec étonnement, cela ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait connu auparavant. Elle entendait des cris de joie et des rires au loin et demanda à Varda :
-Que fêtez-vous ?
-Rien, pourquoi cette question ?
-Les rires !
-Ici, il n'y a que des rires et de la joie.
-Trop bruyant. Si un orc était dans le coin votre ville serait déjà à feu et à sang.
-Mais il n'y a pas d'orc. Tu n'as plus à combattre.
-Il y a toujours quelque chose à combattre. Toujours. Répondit froidement la jeune femme.
Varda soupira une nouvelle fois en se disant: Va y avoir du boulot pour la rendre plus... "humaine". Toutes les deux marchèrent lentement, Varda lança un coup d'oeil vers sa compagne et vit le regard frigorifique et méfiant de la jeune femme. Elle ne ressemblait pas à Morgoth (Merci Eru) mais d'une certaine façon, elle était pire. Il n'y avait aucun sentiment, aucune émotion dans ses yeux et sur son visage, comme si tout les combats qu'elle avait eu à mener avait détruit définitivement son humanité. En fait, elle n'était pas un danger pour les autres, mais Varda craignait qu'elle ne soit un danger pour elle-même, que comme certains humains, elle ne se tue ou qu'elle se laisse mourir.
Quand, enfin, elles arrivèrent à Valmar, les elfes ne virent pas une jeune femme douce et amusante comme l'avait dit les Valar, mais un bloc de glace, froid, silencieux et extrêmement méfiant. Elle observait les autres comme s'ils étaient des dangers potentiels et ils sentaient qu'au moindre faux-pas, ils risquaient de se retrouver face à un tueur de la pire espèce. Dans la cité elfique, Ainatal fit la connaissance des autres Valar. Tous savaient par quoi elle était passée et Varda leur avait expliqué par télépathie qu'il fallait tout faire pour qu'elle se sente à l'abri et qu'elle trouve un moyen de se remettre à vivre et, surtout, à leur faire confiance. Tous étaient très gentils avec elle, vraiment très gentil et Ainatal commença à se sentir bien jusqu'au moment où voulant toucher une épée qu'avait Tulkas autour de la taille, ce dernier lui dit :
-Non, je préfèrerais que vous n'y touchiez pas. Elle est lourde et vous êtes si faible !
Varda et Manwë observèrent Tulkas avec de grands yeux et attendirent le carnage, qui arriva assez vite. Ainatal se mit à gronder, comme l'orage qui venait étrangement de se créer. Elle s'approcha lentement de lui comme un fauve en chasse, les yeux luisant de fureur. Puis elle l'attaqua. Faisant des gestes souples et rapides, elle lui faucha les jambes, le terrassant en quelques secondes. Elle avait de nouveau attaqué par surprise, c'est ce que son peuple faisait toujours dans les combats car, n'étant pas nombreux, ils ne pouvaient pas se permettre de se jeter dans la bataille comme au temps de jadis, grandes armées face à face. Quand le Vala fut à terre, elle encercla son cou de ses jambes et serra, de plus en plus fort, l'étouffant efficacement. Le Vala tenta de se libérer, mais il était complètement bloqué. Là, il entendit une voix menaçante siffler :
-Recommencez à dire que je suis faible, et vous saurez comment Morgoth a été tué !
Manwë calmement lui dit :
-Ce qu'il voulait dire, c'est que pour le moment, vous n'avez pas entièrement récupéré votre force physique. Veuillez l'excuser de sa maladresse.
Ainatal renifla, pas du tout dupe, mais laissa quand même le Vala et se retrouva sur ses jambes d'un bond. Elle regarda le Vala qui l'observait toujours à terre et elle dit :
-Je ne l'excuserai qu'à une seule condition.
-Laquelle ? Demanda Tulkas en frottant son cou et en se relevant.
-Que vous m'entraîniez.
-C'est d'accord ! Répliqua le Vala avec un grand sourire, mais la jeune femme resta toujours aussi froide.
-C'est bien la guerre, mais il n'y a pas que cela dans la vie. C'est pour cela que vos journées vont être chargées.
Le regard de la jeune femme perdit un peu de sa froideur et ils virent de la curiosité y luire alors que l'orage disparaissait comme par magie. Les Valar avaient observé cette étrange manifestation de la nature, et se rendirent compte qu'il était apparu quand Ainatal s'était mise en colère et avait disparu quand elle s'était calmée. Alors donc d'après le peu qu'ils avaient pu voir, la nature obéissait à ses émotions. Et comme pour l'instant elle était plutôt neutre, il n'y avait pas grand chose de visible dans le ciel. Pourtant, la soleil brillait avec éclat et aucun nuage ne l'obscurcissait. Manwë comprit à ce moment le véritable fond d'Ainatal. Si extérieurement elle était froide et peu engageante, au plus profond d'elle-même, elle devait être douce et sensible. Il fallait simplement qu'ils réussissent à détruire cette protection qu'elle avait créée autour d'elle. Ils sourirent quand Ainatal soupira bruyamment. Varda lui dit avec sérieux :
-Qui dit nouvelle vie, dit nouvelles connaissances !
-Pffffuuuuuu ! Ce fut bien la seule réaction qu'ils eurent de la jeune femme.
-Bien, les Valar vont t'aider à contrôler les pouvoirs que t'a transmis Morgoth et...
-J'aurai bien voulu m'en passer ! Grogna Ainatal.
-Donc je disais, les Noldor t'apprendront l'orphèvrerie et l'art de la forge, les Teleri t'apprendront l'art de la navigation et de la construction navale et les Vanyar le chant et la musique. Continua Varda avec un grand sourire.
-Et la torture commence quand ?
Certains eurent un petit sourire et la Valië lui répondit avec un grand sourire:
-Maintenant.
Ainatal pesta mentalement, regrettant de ne pas pouvoir rentrer dans la petite maison et s'y cloîtrer jusqu'à la fin de sa vie. Elle en avait assez, elle voulait enfin être tranquille. Mais d'après les regards des elfes et des Valar, ils n'avaient pas du tout l'intention de la laisser faire. Et la torture put commencer. Heureusement entre chaque enseignement, il y avait un entrainement dur avec Tulkas. Ce dernier découvrait un combattant hors pair qui pourtant voulait encore s'améliorer comme si un ennemi encore plus dangereux que tout ceux qu'elle avait rencontré dans sa vie allait bientôt apparaître. Alors il l'entraîna durement et quand il ne l'entraînait pas au combat, il lui apprenait à monter à cheval. Un jour, il lui demanda :
-Comment cela se fait-il que tu ne sache pas monter à cheval ?
-Parce qu'ils ont tous été tués durant les différentes batailles. Morgoth a détruit toute vie afin de nous affamer, et de nous vaincre plus facilement. Heureusement, certains d'entre nous étaient des chercheurs très renommés, ils ont réussi à créer de la nourriture artificielle, ce n'était pas vraiment bon, mais ceux qui étaient resté plus humains et les enfants avaient de quoi reprendre des forces et calmer leur faim.
-Pourquoi dis-tu plus humain ?
-Parce qu'avant on était humains.
Il pensait qu'elle allait continuer à parler, mais rien. Alors il décida de lui laisser le temps de se reconstruire. Cependant, malgré toute leur bonne volonté, Ainatal restait renfermée sur elle-même. Enfin, en apparence, car peu à peu, la carapace de la jeune femme fondait comme neige au soleil. Par exemple elle aimait beaucoup ses cours avec les Noldor quand elle leur montrait ses créations qui, soit dit en passant, ressemblaient plus à des oeuvres originales de Braque durant sa période cubiste synthétique, qu'à du travail elfique, éclataient bruyamment de rire. Combien de fois ses professeurs avaient été pris de fous rire en regardant ses "oeuvres" ! Eh bien au lieu de l'énerver, ces rires lui réchauffaient le coeur. Cependant, malgré tous ses progrés, elle n'arrivait à rien, à part pour la construction navale et l'art de la forge. Elle faisait des lames excellentes, alliant légereté et résistance, puissance et souplesse. Pourtant, elle trouvait que ses anciennes lames étaient meilleurs que tout ce qu'elle pourrait faire. Malheureusement, le reste de ses cours laissaient à désirer, pour le chant, elle le comparait souvent à deux chats qui se battaient. En effet, depuis le jour où un orc l'avait presque égorgée, elle ne pouvait plus chanter aussi bien qu'avant et donc sa voix était cassée et rauque.
A suivre
