Masashi Kishimoto © (Pour la totalité des personnages)

UA / OOC / M / Présence de shonen-ai et yaoi plus tard dans l'histoire.


Tout Commence Toujours Dans Le Sang

Je suis un ange déchu, on a coupé mes ailes. Je veillais sur le monde avant que celui-ci ne me détruise.

Le fin katana tranchait tout sur son passage sans pitié. Les têtes, les bras, les jambes, tout était fendu sans résistance, sans même qu'aucune victime n'ait réellement conscience de la situation. Le vent soufflait fort sur la plaine, et la bruine qui tombait depuis un bon nombre de minutes déjà avait apportée le brouillard dans son sillage. Tout était gris, flou, sans couleur, exceptée celle du sang qui jaillissait de partout, de nulle part. Les hommes sentaient leurs os gelés et leurs muscles fatigués se manifester, leur interdisant d'en faire plus, alors que la vie les quittait en un souffle une seconde plus tard, arrachée brutalement par la lame aussi grise que les nuages oppressant massés dans le ciel.

- Derrière toi !

- Qu-urgh….

- Non, non, s'il vous-….

Le bataillon ANBU envoyé aujourd'hui au cœur de l'action ne savait plus si leur ennemi était humain, ou s'il s'agissait d'un fléau descendu du ciel pour s'abattre sur leurs pauvres âmes apeurées et totalement démunies. La terreur s'emparait de chacun au fur et à mesure que les cris d'agonies se multipliaient, chaque fois de moins en moins lointain, chaque fois augmentant la fréquence impitoyable de ces cris annonciateurs de morts prochaines.

Quatre hommes seulement étaient encore debout. La boue montaient sur leurs bottes jusqu'aux genoux alors que la pluie s'acharnait sur leurs casques, brouillant leur vue. Dos à dos, l'épée tendue, ils étaient seuls. Seuls au milieu des cadavres de mille hommes de leur camp, et de huit cent autres du camp ennemi. Ils auraient dû gagner, ils étaient mieux armés. Mais ils avaient à nouveau lâché une de leur bête féroce. Si rapides et assoiffées de sang que tous disparaissaient en un rien de temps. Leurs maudits monstres qu'ils employaient en dernier recours, ou pour frapper un grand coup. Cela semblait injuste, mais la guerre était injuste.

- Faites attention, souffla un homme qui tentait d'étouffer les tremblements dans sa voix.

- Il se rapproche, je le sens, en gémit un autre.

- Nous allons tous…

L'homme qui venait de prendre la parole lâcha un sanglot. Une fraction de seconde après, sa tête valsa dans les airs, crachant de l'hémoglobine, alors que le reste du corps retombait dans un bruit sinistre sur l'herbe déjà rouge à ses pieds. Les trois soldats restant tournèrent la tête de tous les côtés. Mais ils ne virent rien. Et trois minutes plus tard, leurs corps gisaient, eux aussi, démembrés dans la boue souillée sous la pluie battante.

Un éclair illumina le ciel, dévoilant les corps dans l'obscurité, tandis qu'un grondement assourdissant retentissait, plus menaçant que jamais.

.

.

Au loin, ils pouvaient tous distinguer l'énorme concentration de nuages noirs. Et tous savaient qu'il recouvrait le champ de bataille sur lequel leurs confrères étaient sûrement en train de livrer une rude bataille. Ailleurs, le ciel était couvert, mais le vent ne soufflait que très peu. Les seuls courants d'air qu'ils sentaient sur leur peau s'engouffraient dans la direction de ce point culminant.

- Accélérez l'allure, ordonna l'un des hommes.

Jeune, mais déjà expert, il arborait des cheveux noirs comme l'ébène, soyeux comme tous les gens de son rang, et assortis à des yeux dont la lueur glaciale en déstabilisait plus d'un. Sa monture, aussi noire que les cheveux du maître, avait cette même élégance qui se ressentait dans ses muscles puissants. Tout le monde s'exécuta, et les autres chevaux changèrent d'allure pour suivre celle du guerrier peut-être le plus puissant parmi eux.

- Je vois un homme approcher vers nous ! prévint l'un soldat aux côtés du noble.

- Moi aussi. Il est de notre armée. Un lâche oserait-il venir nous affronter au lieu de combattre l'ennemi ?

Les soldats ANBU encerclèrent le déserteur. L'homme avait le bras gauche en sang, et le souffle court. Il luttait pour tenir encore debout par la force de ses jambes tailladées.

- Maître, salua-t-il à l'adresse du jeune guerrier.

- Que fais-tu ici, faible !

- Non… Je… Le capitaine m'a envoyé vous dire… Qu-Qu…Ils… Ils sont… Ils sont morts… Les soldats de la Racine.

Des sifflements de surprises et des ricanements se firent entendre dans les rangs avant que d'un geste de la main, le noble les fasse taire. D'un regard intrigué, il regarda l'homme au visage anxieux et apeuré. Pourquoi donc avait-il l'air si désespéré s'ils avaient gagnés ?

- Ne serait-ce pas le capitaine lui-même qui devrait m'annoncer notre victoire d'aujourd'hui ?

- Il… Il est mort… Et… Tous les hommes aussi… Presque… Il y a… Ils ont… Ils en ont lâché un… Aujourd'hui…

- QUOI ? Mais ça faisait des mois qu'ils n'y avaient pas eus recours ! Et moi qui pensais qu'ils étaient tous morts et enterrés. Comment cela a-t-il pu se produire ?

- Je-Je ne sais pas… Il y a eu… Du vent… Beaucoup de vent… Et les hommes ont commencé à mourir… Il n'y a plus aucun de leur soldat, maître. Mais lui, il continue de se battre en ce moment même… Il est en train de nous massacrer… Il faut plus de renforts, ou tous les hommes qui sont restés-

- Ils sont déjà morts. S'ils ont vraiment lâché l'un de ces pourceaux, alors tous nos hommes sont déjà morts, trancha le jeune homme à la monture noire.

Les soldats restés bouche bée derrière lui eurent des regards de haine. Encore une fois, la Racine n'avait pu s'empêcher d'utiliser les créatures immondes qu'ils transformaient pour les décimer. Tant qu'ils en possédaient, l'ANBU ne pourrait espérer gagner rapidement. Tous leurs frères, cousins, amis partis aujourd'hui avant eux étaient morts. Morts et sans dépouille digne. Ils savaient tous qu'ils ne retrouveraient que des tas de chaire puante éparpillés un peu partout. La dernière fois, le champ de bataille où ils avaient combattu contre l'un de ses monstres avait fini comme l'enfer lui-même, couvert de rivières de laves, l'air empli de cendre faisant suffoquer ceux qui avaient été désignés pour récupérer les dépouilles.

- Allons-y, ordonna le noble.

- N-Non ! hurla le messager au bord de la mort. Vous ne pouvez pas y aller maintenant ! Vous serez tués, il vous faut attendre ! Je vous en pris, l'ANBU à besoin de vous… De vous tous !

- Nous serons tués un jour ou l'autre. Allons-y, j'ai dit.

Les autres hommes le suivirent, dépassant le soldat terrorisé qui ne put rien faire d'autre que de trembler de terreur en voyant les chevaux s'éloigner en direction du carnage. Son regard glissa vers le jeune noble. Si jeune, et si fort. Grand, beau, et particulièrement doué au combat, il était sans surprise l'un des meilleurs depuis son plus jeune âge. Pourtant, cela ne faisait qu'un an qu'il combattait. Il avait attendu avec impatience de devenir majeur, d'avoir enfin ses vingt et un ans. Et maintenant, il faisait partit des plus terribles de leur camp. A seulement vingt deux ans maintenant, il avait dû tuer bien plus que la plupart des hommes de son âge. Sa peau pâle, froide comme son regard, froide comme son allure, et froide comme ses intentions où le doute et la peur n'était pas permis, reflétait tout ce qu'il avait été destiné à être dès sa naissance. Oui, il était exactement comme l'Uchiha qu'il devait être.

.

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Quelques minutes plus tard, les hommes de l'ANBU entrèrent enfin dans la zone couverte de brouillard. Celui-ci s'était un peu dissipé, mais restait présent au ras du sol, recouvrant les cadavres, ou du moins les bouts de cadavres découverts à chaque pas. Des rochers sortant du sol étaient couverts intégralement de sang.

- C'est immonde, lâcha Kotetsu.

L'homme aux cheveux hirsutes et presque aussi foncé que le capitaine fronça le nez, plissant le fin bandage qui s'y étalait. Sa main était crispée à son sabre, rangé sur son flan. L'odeur putride était tout aussi insoutenable que la vision d'horreur de dévoilant petit à petit devant leurs yeux. Ils ne ressentaient même pas encore de peine pour les morts, à défaut souvent de pouvoir les identifier.

L'Uchiha arrêta son cheval, et leva le poing. Aussitôt, deux de ses hommes partirent en éclaireur. Les autres commencèrent à former un périmètre autour de lui. Kotetsu, à ses côtés, était visiblement nerveux.

- Je n'aime pas ce silence. Il ne présage rien de bon.

- Garde tes présages pour toi. Il n'y a plus personne ici, rétorqua le brun.

Mais soudain, un sifflement se fit entendre, avant de laisser de nouveau place à un silence morbide. L'Uchiha et son second entendirent un de leurs hommes les prévenir qu'un des leurs était mort avant d'émettre un gargouillement étrange.

- Sur vos gardes ! Revenez au point de départ ! cria l'Uchiha.

- L'endroit n'est pas si désert que vous le pensiez, maugréa Kotetsu en grinçant des dents.

- Il semblerait, en effet.

- Cette bête ne s'en tirera pas si facilement ! C'est une promesse, lâcha le second.

Les hommes revinrent peu à peu en marche arrière vers leurs deux supérieurs. Le brouillard avait commencé à s'épaissir de nouveau, et les jambes des hommes comme celles de leurs montures étaient entièrement masquées. La plaine du Feu, couverte de rochers, offrait un spectacle surnaturel, comme fendue par des griffes de rocs sortant du sol.

Comme l'Uchiha s'y était attendu, l'un des hommes paniqua, et pressa son pas sans plus regarder derrière. Plissant les yeux, il vit aussi bien que son second l'ombre rouge qui passa à toute vitesse, lui arrachant un bras, avant de revenir et de lui couper une jambe. Un hurlement infâme s'éleva de la gorge de l'homme qui s'écroula, avant qu'il ne finisse poignardé en plein milieu du front. Ce phénomène déclencha une vague de doute dans les rangs, et tous les hommes finirent par s'agiter, cédant à la panique. D'un mouvement similaire et parfaitement synchronisé, Kotetsu et le noble descendirent au sol. Avançant lentement, ils observèrent l'ombre couleur sang tuer les hommes les plus éloignés.

- Je peux le voir… chuchota l'Uchiha.

Décidant à se montrer, le monstre de la Racine apparut. Bondissant de rochers en rochers, il évitait les coups d'épée de ses adversaires avec agilité et rapidité. Tout de rouge vêtu, seule la boue venait perturber cette silhouette sanglante. Un masque représentant un animal sauvage sur le visage, et une longue natte guerrière si tâchée de sang que l'on n'en distinguait pas la couleur initiale donnait une allure bestiale à l'homme en face d'eux.

Analysant son ennemi comme toujours, le capitaine sut que Kotetsu lui aussi tirait des informations de cette apparition. Mais le tableau ne collait pas. L'homme était fin, habile, et vif. Pour autant, il possédait une force incroyable, et n'avait même pas encore utilisé les armes que sa condition monstrueuse lui proférait. Cette aisance au combat ne s'acquérait que par de nombreuses années de pratiques. L'Uchiha lui-même n'était pas si rapide, bien que la puissance de ses coups ne fut pas à déplorer. Qui était ce guerrier farouche et impitoyable ?

- Maintenant, lâcha-t-il.

Son adversaire avait déjà tué cinq de ses hommes. A l'entente de sa voix, il tourna la tête en sa direction. Aussitôt, il se précipita vers lui, esquivant les soldats s'interposant, bondissant et s'aplatissant, totalement intouchable. Son katana fin et aiguisé tendu dans sa direction, il approcha sans un bruit. Arrivant à son niveau, il frappa en plein ventre.

- ?!

Son visage se releva de surprise quand il se rendit compte que sa lame n'avait pas atteint sa cible. Un sourire narquois aux lèvres, le capitaine, intéressé par cette réaction, réapparut après l'avoir esquivé. D'un geste précis de la main, il frappa sa nuque. Kotetsu arriva à ce moment, et rattrapa le corps inconscient dans l'un de ses bras, avant de le retourner, face au ciel. Le guerrier de la Racine, l'un de ses fameux monstres, était comme l'on pouvait se l'imaginer. Des habits écarlates et couverts en plus du sang des victimes, un masque monstrueux blanc et rouge représentant une tête de renard lui donnait un air mystique.

Tous les soldats restant s'étaient mis en cercle autour de leurs deux supérieurs. L'occasion d'en voir un était plutôt rare. Ils s'étaient massés, le visage colérique mais tout de même curieux. Curieux de savoir quel type d'homme, si l'ont pouvait les voir comme des hommes, massacraient tant de gens sans sentiments, sans sembler éprouver ni douleur ni fatigue au champ de bataille. Kotetsu adressa un regard au noble. Ce dernier enleva son casque, dévoilant son visage laiteux, d'une beauté transcendée par cet éclat de colère permanent qui rajoutait un charisme jamais égalé. D'un geste du menton, il fit comprendre à l'hirsute de retirer le masque de leur ennemi. Il aurait enfin l'occasion de savoir si ce guerrier était un adulte normal ou quelqu'un de plus vieux que ça. Sa main presque tremblante sous le mélange de l'excitation et de l'appréhension, Kotetsu sentit tous les regards tournés vers lui, vers sa main, au-dessus du masque d'animal. D'un geste rapide, il s'en saisit et le décrocha. Un hoquet de stupeur général pétrifia la petite assemblée.

- C'est une blague, j'espère ! cracha l'Uchiha.

- Il est… commença l'un des hommes.

- C-C'est… balbutia Kotetsu, perdu.

Il aurait pu s'en douter s'il avait été plus observateur. Il s'en voulut de ne pas avoir écouté ce que son esprit lui disait. Dans la souplesse du corps, son agilité, et sa carrure musclée mais loin d'être imposante. Et même après, lorsqu'il était tombé mollement dans ses bras, ne pesant presque rien, comme une plume. Même sans armure, un être capable de tant de puissance aurait dû avoir les épaules larges, les muscles du torse bien développés. Non. L'homme qu'il avait dans les bras avait le visage comme peiné et affaibli après une corvée. Sa taille était fine, et sa natte n'était pas une décoration, mais des cheveux bien réels. Maintenant que le casque ne gênait plus, on voyait clairement que les mèches frontales qui formaient presque une frange étaient d'un blond éclatant. Dans cet état d'inconscience, le corps était complètement abandonné dans les bras qui le soutenait, comme une personne soumise et docile.

- C'est un gamin ! finit par conclure le second. Un gamin ! Regardez-le, il ne doit même pas avoir vingt ans ! Et il a tué des centaines d'hommes, si l'ont en croit les cadavres démembrés sur le chemin !

- Du calme, Kotetsu, intervint l'Uchiha, agacé.

Le précédent bataillon s'était fait décimé par une seule et unique personne qui se révélait n'être qu'un blondinet mineur. Bien qu'il ne soit pas tout à fait humain, il restait jeune. Et c'est ce point particulièrement qui irrita le brun au plus haut point.

- Alors la Racine sacrifie même les enfants, maintenant ? Je crois bien que le pacte est brisé. Un mineur, humain ou non, n'est pas autorisé à la guerre…

Il jeta un regard en direction du corps du jeune homme qui semblait fragile alors même qu'il était recouvert de sang séché presque noir.

- On l'emmène. Attachez-le bien. Je pense que notre maître sera particulièrement satisfait de la nouvelle que nous sommes sur le point de lui apporter.

Tous s'exécutèrent, admiratif. Utiliser une de leurs meilleures armes pour la retourner contre eux était un merveilleux moyen de compromettre la Racine. Cela signifiait aussi que les batailles ponctuelles prenaient fin. La guerre, la vraie, allait commencer. Aussi, le fait que l'Uchiha ait réussit à maîtriser l'une de leurs bêtes sauvages était un acte rassurant. Ces monstres n'étaient pas invincibles, et le jeune capitaine était décidément un guerrier de valeur.

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Deux semaines plus tard, une tension s'était installée dans la guerre qui opposait la Racine à l'ANBU. Du côté de ces derniers, des messages plus qu'explicites avait été envoyé à l'ennemi pour leur signifier que la guerre était totale, et que leur mascarade avait été bel et bien été découverte.

Dans les couloirs de la base avancée, les hommes étaient tous anxieux. L'appréhension mêlée à l'inquiétude rendait leurs journées infernales. Quelque chose sans précédent se préparait. Ils sentaient que, tôt ou tard, et dans le cas présent, plus tôt qu'ils n'osaient le songer, une bataille finale les opposerait aux autres. Ces autres qui pourtant semblaient fatigués. Eux étaient des guerriers, de véritables soldats disciplinés, les descendant de générations de capitaines. Du sang noble. Du sang fait pour les champs de bataille. Face à eux, de terribles adversaires, mais qui n'étaient pas guerrier de profession. La Racine sacrifiait des personnes forcées de se battre, laissant leurs familles derrière elles, remplies de regrets.

Les guerriers contre les maçons, marchands et autres agriculteurs. Mais tous ces soldats, aussi experts et confiants qu'ils pouvaient l'apparaître redoutaient que la Racine n'ait d'autres monstres à lâcher dans le combat. Certes, un avait été maîtrisé. Mais à quel prix ? La haine s'était emparée de leur cœur lorsque la nouvelle était tombée. Fils, frères, neveux, cousins, maris, gendres. Combien avaient été tué ? Y avait-il déjà eu une bataille pareille ? Sans aucun survivant pour en témoigner ? Sans aucun gagnant, puisque le seul homme restant avait été capturé par l'ennemi après avoir massacré tous ceux se trouvant sur son passage. Une bataille pour rien, mais qui avait fait perdre tellement.

Au premier étage, occupé par les hommes gradés, l'ambiance était la même. Au détour d'un couloir dont les murs de pierre donnaient un aspect froid et austère à l'endroit, un jeune homme tourna. Il marchait d'un pas précipité, alors que son visage ne reflétait pas d'émotion particulière. Vêtu de noir, seuls ses bras blancs étaient nus. Ses cheveux, aussi sombres que ses habits, recouvraient son front, masquant une ride soucieuse qui s'y était logé. Son maître n'allait pas être content de la nouvelle. Il aurait pu l'être, mais ce n'était pas vraiment le genre. Arrivé devant une porte, il s'imagina le visage de ce maître apprécié mais quelque peu craint depuis un certain temps. Immobile, le brun resta la main en suspend devant la porte en bois massif. Un coup. Puis deux.

- Entrez ! s'éleva une voix forte et fière.

Le garçon s'exécuta. Du haut de ses dix-neuf ans, il se trouvait encore bien fébrile, comparé à cet homme, jeune certes, mais qui en imposait par sa simple présence. Il fit quelque pas dans la pièce qui constituait les appartements privés de son maître au sein du bastion. Il hocha la tête en avant, en signe de respect, avant d'attendre qu'on ne lui accorde la parole.

- Sai. Puis-je savoir ce que tu fais ici ? N'était-tu pas sensé t'entraîner comme je te l'avais demandé ? Je n'aurais pas toujours le temps de veiller à ton entraînement. Surtout en ce moment…

- Je sais, maître. Pardonnez-moi. Je suis partie m'entraîner, mais le capitaine Ibiki m'a renvoyé vous annoncer quelque chose.

- Cesse donc de m'appeler maître. Je te l'ai répété je ne sais combien de fois.

- Pardon…Capitaine Uchiha.

- Qu'as-tu à me dire ?

- C'est à propos du prisonnier que vous avez ramené. Le…hm…Ibiki était aujourd'hui chargé de voir l'état des choses. Il semblerait que le second, Orochimaru, n'ait pas respecté les lois sur le traitement des prisonniers.

- Et ce vieux crouton d'Ibiki me dérange pour cela ? Quel est le problème ? Un verre d'eau manqué ? Tss. Ils ont vraiment du temps à perdre.

Le dit maître, qui s'était levé de sa table de travail où reposait une pile de rapport, se rassit brusquement sur sa chaise. Il leva la main en signe de dédain, faisant signe à son apprenti de partir. Sai, lui, quelque peu gêné par la situation, faillit s'exécuter. Entre son maître et le capitaine au visage balafré, il ne savait lequel craindre plus qu'un autre. Il ne pouvait pas désobéir, peu importe la personne. Après tout, il n'était qu'un apprenti, encore trop jeune pour prendre des initiatives. Que pouvait-il faire, sinon écouter ses supérieurs et exécuter leurs ordres ? Il ne se sentait pas comme le second que voyait en lui son maître.

- C'est-à-dire que… Il a torturé le prisonnier.

- Pardon ?...

L'Uchiha venait de se lever à nouveau, très calmement et d'un air détaché. Il s'approcha en quelques pas de Sai et regarda attentivement son regard. Il semblait vouloir y déceler une trace de plaisanterie, mais n'en vit aucune. Ses sourcils se froncèrent, plissant son nez délicat. Sai, au visage si imperturbable, ne put s'empêcher d'avoir un tic nerveux du menton. Il ne savait pas s'il avait bien fait.

- Suis-moi.

Aussitôt, il partit derrière l'Uchiha sans se faire prier. Il referma soigneusement la porte de ses appartements à clé – que lui avait jetée son maître – avant de le suivre dans le couloir. Ils descendirent jusqu'au sous sol où se trouvaient les cachots. Le fait que son maître n'ait pas encore montré le moindre signe d'énervement le laissait perplexe. Normalement, il aurait déjà explosé, l'aurait peut-être même frappé pour calmer ses nerfs et l'aurait abandonné avant d'aller pester sa rage contre le premier crétin venu qui avait osé le contrarier. Peut-être était-ce dû au fait que le prisonnier en question n'avait rien d'un prisonnier banal. Peut-être qu'il trouvait, comme la plupart des hommes ici, juste de tuer un monstre pareil. Tout enfant qu'il soit encore. Même lui avait entendue la rumeur. Ils avaient envoyé un de leurs atouts alors que celui-ci n'avait pas encore la majorité. Mais, dans son cas, cela ne semblait pas vraiment compter. Que ce soit pour aller se battre, ou pour se faire exécuter en prison.

L'atmosphère humide et lugubre des cachots rendit Sai nerveux. Ibiki se tenait là, au milieu d'un couloir, devant la porte en fer qui cachait la cellule où était enfermé le prisonnier.

- Capitaine Uchiha, pardon de vous avoir dérangé. On m'amène cet idiot d'Orochimaru.

- Ne parlez pas ainsi dans mon dos, susurra une voix inquiétante derrière Sai et Sasuke.

Tous tournèrent leur regard en direction du nouveau venu. Orochimaru, un homme grand et fin, dont les longs cheveux un peu gras lui tombaient devant le visage, inspirait la crainte chez la plupart des hommes de l'ANBU. Outre le fait qu'il ait un style particulier, une audace insolente, et une tendance malsaine à torturer mentalement les gens, il était aussi l'un de ceux qui se chargeait de faire parler les prisonniers. Quelle n'avait pas été sa surprise, mais surtout sa joie, quand il avait reçu le jeune garçon blond. Ses lèvres fines s'étirèrent en un sourire effrayant à la vue d'Ibiki, de l'Uchiha et de Sai.

- Oh. Vous venez voir comment je traite mon prisonnier ? lança-t-il, tout enjoué.

- Pauvre fou. Ne savez-vous donc pas qu'il y a des règles ? On ne torture pas les mineurs. L'invectiva Ibiki, passablement agacé par l'attitude de l'homme qui se tenait devant eux sans honte aucune.

- Et si ce mineur a tué des centaines d'hommes sur le champ de bataille ? Ne doit-on pas lui rendre la monnaie de sa pièce ? grogna Orochimaru, qui commençait visiblement à s'énerver lui aussi.

Il mit une de ses longues mèches brunes derrière son oreille, se défaisant de l'emprise du garde qui l'avait amené ici. Vêtu d'une tunique beige retenue par une corde et d'un pantalon noir, il ne faisait pas vraiment guerrier. Son regard menaçant accrocha celui d'Ibiki. Il passa devant l'Uchiha sans même le remarquer, bousculant Sai qui ne souffla pas mot.

- N'a-t-il pas pris un de vos neveux ? Vous le savez pourtant… Ce petit….monstre…a pris tout le reste de ma famille…Parfaitement, les dix derniers membres de ma lignée ont été retrouvés en morceaux. De la charpie. Qu'en dites-vous ? N'ai-je pas le droit de le faire payer ? DITES-MOI !

- N'approchez pas plus, pauvre crétin. Il n'est même pas humain. Il ne sait même pas l'horreur qu'il a commise. Vous le torturez pour votre plaisir. Aucune révélation ne nous ai parvenu. Vous n'avez rien tiré de lui. Vous vous êtes juste amusé comme le sadique déséquilibré que vous êtes, accusa Ibiki d'une voix calme et dure.

- Comment osez-vous…gronda Orochimaru. Vous ne valez pas mieux que lui. Mais puisque vous tenez tant à faire scandale à son propos, je vous en pris. Ouvrez cette porte, constatez par vous-même.

- Avec plaisir, siffla le balafré. Monsieur Uchiha ? Vous viendrez avec nous ?

- Hm. Sai, tu peux rester.

- Bien, répondit le second.

Sai, lui, n'était pas bien sûr qu'il voulait assister au spectacle. Il déglutit en entendant le bruit grinçant de la porte métallique lorsqu'elle s'ouvrit. Le cachot était sombre et seulement éclairé par de faibles torches. Le petit groupe pénétra dans le cachot. Il faisait encore plus froid à l'intérieur, et de l'eau croupie suintait des murs, tandis que des rats se faufilaient dans les fissures des murs de pierre polis par l'humidité omniprésente. Les visiteurs plissèrent le nez à cause de l'odeur pestilentielle qui émanait de la salle avant d'avancer de quelques pas. Sur le mur du fond, enchaîné par les poignets, ôtant toute possibilité à la personne attachée de se mettre debout, le prisonnier gisait sur le sol recouvert par la mousse. Sai coula un regard vers son maître qui semblait pris d'une certaine curiosité. Orochimaru, lui, passa devant, avant de montrer, bras ouvert, le garçon qui se tenait là, inconscient, à moitié affalé sur le sol.

Le sang répandu dans les cheveux blonds avait séché et semblait comme profondément incrusté dans les mèches de cheveux. La longue natte ne ressemblait plus tellement à ce qu'elle aurait dû être, de fin cheveux s'échappant des mèches nouées. Son visage, caché sous sa frange, seule partie de son cuir chevelu à ne pas être tâché, semblait lui aussi incrusté de crasse. Ses habits écarlates, quant à eux, étaient déchirés par endroit. Un bruit de stupeur sortie de la bouche d'Ibiki. Il se rendit compte qu'aux endroits où le tissu était déchiré, sûrement dû aux coups reçus, nul tâche de sang ou plaie n'apparaissait.

- Intrigué ? souffla Orochimaru d'un air goguenard.

L'Uchiha leva un sourcil perplexe, ajoutant une moue dégoûtée devant le visage excité du maître des tortures. Orochimaru s'approcha et s'agenouilla à côté de son torturé. Il leva les yeux vers les trois hommes et commença à parler, comme sur le ton de la confidence.

- Vous n'êtes pas sans savoir que les outils utilisés lors des séances de tortures évoluent d'année en année. Le dernier en date est un sublime objet qui entame la chair non pas en surface mais…à l'intérieur.

- Des liaisons internes. Invisibles à l'œil nu, en déduisit l'Uchiha.

- Exactement…capitaine ! C'est tout à fait ça. Notre cher petit monstre ici présent ne vous montrera malheureusement pas combien il a pu souffrir.

Un frisson parcourut l'échine de Sai lorsqu'il entendit Orochimaru rire sadiquement, en regardant avec haine et colère le blond.

- Et de toute façon, ces saletés guérissent plutôt vite des plaies. Aucune chance que cela soit aussi rapide à guérir quand c'est profond. Si seulement on me laissait l'occasion de le saigner, ce-

- Suffit ! tonna Ibiki.

Sa voix grave et forte sortit l'être emprisonné de sa torpeur. Il bougea imperceptiblement les jambes. Levant la tête de quelque centimètre, il offrit à ses « visiteurs » la vue sur son menton, et sa bouche. Ses lèvres gercées n'avaient surement pas touché d'eau depuis plusieurs jours. Et la bave ainsi que le sang qui avait séché sur la peau était probablement le résultat de ses séances de torture. Il expira, avant d'être pris d'un spasme unique. Comme s'il avait reconnu aussitôt la présence d'Orochimaru dans la pièce, il tenta de ses maigres forces de se reculer un peu plus encore contre le mur glacial de sa prison. Son tortionnaire, ravi, sourit à pleines dents en le considérant. Et d'un geste violent, il lui prit le cou avant de plaquer sa tête contre le mur. Sonné par le choc que venait de recevoir son crâne, le prisonnier lâcha un gémissement de douleur.

- Bien sûr, tu ne peux rien. Tout ton flux ténébreux est bloqué.

Sai comprit de quoi parlait Orochimaru en baissant les yeux.

- Un maoh sans ses pouvoirs venus du monde des démons ne peut rien. Tu n'es plus rien.

Un lourd bracelet métallique était attaché à la cheville droite du blond. Les maohs. Ces créatures dont on ne savait presque rien. Ce dont ils étaient sûrs, c'est qu'ils existaient depuis longtemps déjà. Sai eu un pincement au cœur à cette pensée. Mais il fut tiré de cet état douloureux à l'entente de la voix d'Orochimaru.

- Dommage. Aujourd'hui, il semblerait que je ne sois pas là pour m'amuser un peu avec toi. Comme c'est cruel ! Je te réservais pourtant encore bien des choses…

Le blond haleta soudainement, et entre les mèches blondes, on découvrit enfin de grands yeux bleus, habités par une peur sourde. Tortillant des jambes, le prisonnier tentait lamentablement de se défaire de son ennemi qui resserrait sa prise sur son cou. Sai vit son maître regarder d'un visage impassible ce prisonnier suffoquer. Son visage aux traits fins reflétait clairement sa jeunesse, accentué par sa peur. Sai aurait pu jurer qu'il s'agissait d'une simple victime, un garçon innocent, les faisant passer pour des tortionnaires sanguinaires, cruels et sans émotions.

Ibiki croisa les bras. Une lueur de doute traversa son visage. Le blond semblait redouter de tout son être Orochimaru. Il semblait parfaitement terrorisé, comme s'il avait été son pire cauchemar.

- Pour qu'un homme, adolescent, peu importe, soit dans cet état… commença-t-il. Puis-je savoir combien de coups vous lui avez donné avec votre lame à ondes brûlantes.

- Oh, donc vous connaissez cet outil ! Je pensais que vous n'étiez plus dans la torture, rétorqua Orochimaru au balafré.

- Une réponse.

- Hm… le brun aux longs cheveux sembla réellement réfléchir, la tête tournée vers le plafond, étranglant toujours le blond dont des larmes de détresse dévalaient sur ses joues sales. Je ne sais vraiment pas, acheva-t-il.

- Comment ça, vous ne savez pas ? demanda l'Uchiha, lassé que cet entretien prenne autant de temps.

Sai tourna la tête vers ce noble capitaine à la patience réduite à qui il obéissait. S'il prenait la parole, c'est vraiment que cet Orochimaru devait l'agacer au plus haut point. Lui, ne voyait vraiment pas pourquoi il ne se permettait alors pas d'être violent avec le bourreau. Cela aurait changé, plutôt qu'il ne se reçoive lui-même, après coups, les foudres de son maître.

- Et bien, je m'en suis toujours servi sur lui, à vrai dire.

Sai ne comprit pas l'air choqué peint sur le visage de son maître et celui d'Ibiki. Il ne connaissait rien à la torture, et ne préférait pas savoir.

- Ma parole, vous cherchiez vraiment à le tuer ! Pourtant, vous savez que ce n'est pas ce que nous attendons de vous ! explosa Ibiki.

- Une chance qu'il ne soit pas mort. Il aurait dû l'être depuis un moment. Deux semaines de ce traitement… Mon pauvre Orochimaru, vous voulez vous faire congédier, ce doit être ça, conclut posément l'Uchiha.

- Oh, n'en faites pas toute une histoire. Il ne s'agit pas d'un humain. N'est-ce-pas, petite erreur de la nature ?

Orochimaru avait parlé dans le creux de l'oreille du blond qui frissonna. Un gémissement étranglé passa ses lèvres alors qu'il tournait son regard défiguré par la terreur vers celui du tortionnaire. Ce dernier lâcha finalement le cou du garçon pour passer sa main sur la peau découverte par le vêtement déchiré sur son torse du blond. Son long doigt fin parcourra la parcelle de peau avant qu'il n'appuie brusquement. Le prisonnier poussa un cri étranglé, se repliant sur lui-même.

- N'est-ce-pas fabuleux ? On n'a beau ne rien voir, la blessure est là. Il finira par parler, j'en suis certain.

- Et moi, j'en doute, opposa le maître de Sai. Libérez-le. On le sort de là.

- Vous ne me le prendrez pas ! cracha Orochimaru.

Se saisissant à nouveau de la gorge de l'adolescent, il le plaqua à nouveau contre le mur avant de prendre une voix tremblante de colère.

- Parce que tu dois payer pour ce que tu as fait, misérable créature.

- P…Ne…P-pitié, lâcha misérablement le blond, d'une voix éteinte.

- Pitié ? répéta Orochimaru en riant jaune. En as-tu eu ? Tout ce que tu mérites c'est de crever comme un sale insecte après avoir eu ton compte !

Ibiki, sentant que les choses dégénéraient, fit signe au garde resté dehors afin qu'il se saisisse d'un Orochimaru se débattant comme un beau diable, hurlant des insanités. D'un signe de tête, il congédia le garde qui emmena le tortionnaire griffant tout ce qu'il pouvait comme un animal sauvage. Un deuxième garde arriva juste après, un trousseau à clés à la main. Quelque peu inquiet de ce qu'il pourrait lui arriver au contact du maoh, il inséra la première clé dans la première serrure qui libéra le bras gauche du prisonnier. Il fit de même avec la deuxième serrure, et tenta de faire se lever le blond. Mais celui-ci ne tint pas sur ses jambes et s'étala par terre. Ibiki s'approcha pour aider le garde, quand il remarqua une tâche au sol.

- Il semblerait qu'Orochimaru l'ai vraiment mis à mal. Ce genre de chose n'arrive qu'en cas de peur extrême.

L'Uchiha comprit ce qu'il se passait. Il remarqua aussi la tâche d'eau jaune sous le corps du maoh qu'ils relevèrent et trainèrent hors de la cellule. Sai, lui, n'avait pas remarqué ce détail, et se contenta de suivre son maître.

- Allons voir Hinata. Elle se chargera de lui et pourra le maîtriser s'il se rebelle, proposa Ibiki.

- Hn, acquiesça le capitaine derrière lui.

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Hinata, une jeune apprentie, elle aussi, avait de longs cheveux bruns tombant en cascade jusqu'au creux de ses reins. Ses yeux gris et sa peau pâle inspiraient la pureté, tout comme chez son cousin qui la formait, Neji. Sai avait déjà passé du temps en compagnie de la demoiselle, et savait que sa douceur n'effaçait pas son caractère farouche et agressif lorsqu'il fallait se battre.

- Oh, Ibiki, Sasuke, Sai ! Que faites-vous donc ici ? s'exclama-t-elle en les voyants arriver.

- Je vois que les titres ne t'affectent pas, remarqua Ibiki en souriant.

- Préférez-vous que je vous appelle capitaine, et capitaine et…second ? plaisanta la jeune femme.

- Nous verrons cela une autre fois, soupira l'aîné du groupe.

Le caractère pétillant de la jeune fille fit sourire Sai qui constata que même les yeux de son maître, le toujours si sérieux Sasuke Uchiha, reflétaient son amusement face à la brunette.

- Nous aurions besoin que tu t'occupes d'un prisonnier.

- Hm ? Ici à la laverie ? Vous ne nettoyez donc jamais les cachots ?

Curieuse à propos du dit prisonnier, elle pencha la tête sur le côté, ses longs cheveux dévalant sur son épaule, pour découvrir l'adolescent retenu par le garde placé derrière le balafré. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise.

- Oh ! Mais ce garçon… Ne serait-ce pas…

- Le maoh, si, confirma Ibiki. C'est peut-être trop te demander, mais Orochimaru n'a pas pu s'empêcher de se charger personnellement de lui. Et je crois qu'en dehors de la torture abusive, il ne s'est pas non plus donné la peine de le nourrir.

- Depuis deux semaines ? Et il est toujours vivant ! s'exclama la Hyuuga, impressionnée.

- Tu peux t'en occuper ? demanda simplement Ibiki.

- Bien sûr. Venez avec moi.

Le groupe pénétra dans une salle dont le sol était recouvert de carrelage. Bien loin de l'état militaire des autres appartements, celui d'Hinata était presque chaleureux, assurément féminin, et coquet. Il en était de même pour cette salle d'eau sous sa charge. Les petits carreaux vert pâle et la lumière du jour pénétrant directement dans la pièce donnaient un air frais et propre à la spacieuse salle de bain. Le garde tenant le blond l'assit sur un tabouret en bois. Hinata s'approcha alors doucement, et voulu retirer le haut du prisonnier qui sembla d'un coup se réveiller. D'un geste brusque, il chassa la main d'Hinata et tenta de se lever pour s'enfuir.

- Comme si tu pouvais partir, misérable.

Sasuke venait de rattraper l'adolescent, étant resté à l'embrasure de la porte. Il le relança dans les bras d'Ibiki qui sortit une seringue d'un tiroir du meuble d'Hinata.

- Permettez-moi, demoiselle Hyuuga…

- Je vous en pris, Ibiki. Cela sera plus facile pour moi.

Le balafré piqua dans le cou du frêle prisonnier, lui injectant un calmant qui le fit s'arrêter aussitôt de se débattre. Un soupir mourut en sortant de ses lèvres. Son corps devint cotonneux, et Ibiki le rassit sans mal sur le tabouret où il resta sagement, dodelinant de la tête sous l'effet de la drogue.

- Hm, c'est mieux ! constata Hinata, toujours optimiste.

Elle put enfin retirer les vêtements de l'adolescent, découvrant une peau pâle et un corps musclé quoiqu'un peu maigre, en raison de sa non-alimentation des derniers jours. Il restait cependant indéniable qu'il avait la carrure d'un guerrier. Elle lava ses membres abîmés et sales, changeant plusieurs fois de linge pour évacuer toute la crasse qui avait recouvert l'épiderme du prisonnier comme une seconde peau.

- Puis-je vous demander d'appliquer également ce baume sur lui ? Nous voudrions vérifier les dommages causés par Orochimaru. Ils ne seront visibles qu'après l'avoir mis.

- Bien sûr, Ibiki. Où dois-je en mettre ?

- …Partout, je pense.

- Je vois, murmura la brunette, soudain soucieuse.

De ses mains pâles, elle passa le baume sur le dos du blond, appliquant la mixture en faisant des mouvements circulaires. Des marques rougeâtres apparurent progressivement sur la peau découverte. De longues traînées se dessinèrent peu à peu. La Hyuuga continua sur les bras du blond, puis son torse, et son ventre, avant de passer aux jambes. L'adolescent ne protesta pas, tremblant seulement lorsque le contact froid du baume passait sur des endroits trop douloureux. Une fois l'opération exécutée, elle se releva, et constata avec les autres le résultat. Orochimaru n'avait pas épargné le maoh. Pas un seul endroit de son corps n'était pas strié de marques rouges, révélant les blessures profondes qui mordaient la chair du blond.

- C'est assez horrible, commenta Hinata. Je sais bien qu'il est un maoh mais… C'est un enfant quand même.

- Si je peux me permettre, il a autour de votre âge, probablement, l'informa Ibiki.

- Hm. Sûrement. Mais il fait quand même si jeune…soupira la brune.

- Nous le laissons à vos soins. Lavez-le, et des hommes viendront le chercher pour le mettre dans l'une des cellules du rez-de-chaussée. Capitaine Uchiha, allons-y.

- Hn.

Les quatre hommes quittèrent la pièce, laissant Hinata seule avec le prisonnier, toujours assommé par la drogue qui lui avait été injectée. Hinata, surprise, avait cru déceler une lueur de profonde surprise sur le visage de l'Uchiha face aux marques rouges. Pourtant, il ne se souciait de rien d'autre que de ses missions. Mais cet adolescent, maoh ou pas, ne devait pas mériter autant de souffrances avec un visage aussi innocent et apeuré, comme un animal sauvage.

- Comment peux-tu tuer ? souffla Hinata, en s'agenouillant à côté de lui. Tu ne fais vraiment pas monstre sanguinaire. J'espère qu'ils ne se sont pas trompés de personne…

Elle prit un nouveau linge qu'elle trempa dans un seau dont l'eau était mélangée à du savon à côté d'elle avant de l'appliquer sur le bras de l'adolescent. Celui-ci eu un sursaut.

- Hm, oui. C'est froid, désolée.

La Hyuuga lava avec patience le corps du jeune prisonnier, le débarrassant de tout le sang et de toute la crasse qui le recouvrait. Elle ne put enlever celle sous l'anneau à sa cheville qui bloquait ses pouvoirs, mais fit de son mieux. Puis, elle s'attaqua au visage si jeune et épuisé du blond. Elle passa le linge sur ses joues, et son front, écartant les mèches blondes de sa frange, se plaçant face à lui. Avec stupeur, elle aperçut des larmes perler au creux des yeux du blond. Ses pupilles étaient baissées vers le sol, dénuées de toute vie.

- Oh… Ne pleure pas. Tu n'es pas vraiment sensé être le gentil…

Mais les gouttes salées coulèrent tout de même sur les joues du blond, parcourant la peau fraichement lavée. Hinata déglutit, touchée et en proie à d'horribles doutes.

- Pourquoi as-tu l'air si innocent, maoh… ?

N'ayant pas de réponse, elle renversa un seau d'eau sur la tête de son prisonnier, mêlant ses larmes à l'eau. Elle mit ensuite du savon sur les cheveux ensanglantés, et frotta. Le sang ne sembla pas vouloir quitter les mèches collées entre elles. Avec un petit soupire, la brune se résigna et se leva. Elle alla chercher une paire de ciseaux dans le meuble de sa salle de bain, et revint près du blond. Prenant ce qu'il restait de sa longue tresse en main, elle plaça les ciseaux à la base.

- Non…souffla l'adolescent.

La Hyuuga ouvrit les yeux d'étonnement. Doucement, la main de l'adolescent vint prendre son poignet, la suppliant par ce geste d'arrêter son action. Il leva de pauvres yeux vers elle, lui dévoilant son regard bleu saphir douloureux. D'autres larmes coulèrent sur ses joues.

- Tes cheveux ont trop de sang, ce serait plus simple de…

- N…non…

- Mooooh… Pourquoi devrais-je t'écouter ? Comme si j'avais envie de m'embêter à passer des heures sur tes cheveux !

La brune tenta de prendre un regard sérieux et résigné. Mais face au visage du blond, elle abandonna bien vite, expirant bruyamment, les yeux fermés.

- Bien, bien, c'est bon ! Je vais les laver !

Elle posa sa paire de ciseau à terre et détacha tant bien que mal la longue tresse maculée de sang. Les cheveux étaient vraiment emmêlés, et elle se sentit malgré elle faire attention à ne pas trop tirer sur l'épaisse tignasse pour ne pas faire mal au blond. S'armant d'un peigne et d'une bonne dose de savon, elle commença à laver progressivement les cheveux de l'adolescent, de la base jusqu'aux racines. Celui-ci avait fermé les yeux, comme assoupi, la laissant faire. Ses bras pendaient de chaque côté de son corps, et sa tête était penchée en avant. Il s'abandonnait totalement à elle.

Troublée, la Hyuuga n'en passa pas moins de trois heures à défaire les nœuds et faire partir le sang des cheveux du si redouté prisonnier. Une fois fini, elle le coiffa encore longuement, et admira le résultat. Les mèches frontales qui faisaient presque office de frange laissaient tout de même voir les paupières fermées de l'adolescent. Puis une première longueur de mèches arrivait jusqu'à son menton, avant que le reste de sa tignasse ne dégringole sur ses épaules et dans son dos jusqu'à ses reins.

- C'est vrai que les maohs ont toujours eu les cheveux longs. Je me demande bien pourquoi. Ca ne fait pas vraiment viril sur un garçon, constata à haute voix la brune.

Intriguée, elle pencha la tête sur le côté, admirant la face angélique et pourtant ô combien torturée de l'adolescent. Le tableau était vraiment des plus troublants. Ne sentent plus ses cheveux se faire manipuler, le blond ouvrit les yeux, regardant fixement de ses iris bleues la Hyuuga. Son mutisme n'empêcha pas son léger hochement de tête vers l'avant de faire comprendre à la brune qu'il la remerciait de son traitement. La lumière filtrant pas la fenêtre renforça son teint pâle, éclairant le visage de la brune, qui reflétait un début d'affection pour cet être qui n'aurait pas dû en susciter.

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En début de soirée, Sai vint annoncer à l'Uchiha que le maoh avait bien été enfermé dans une cellule, complètement attaché, pour bloquer ses mouvements. Il avait tout de même eu le droit de boire et de manger, bien qu'il n'ait touché qu'à l'eau apportée.

Finissant son rapport oral, Sai détailla un peu plus ce maître qui lui semblait bien silencieux et avares de ses émotions aujourd'hui. Sasuke Uchiha, fils de la lignée des Uchiha, n'était autre que le fils de Fugaku Uchiha, leur maître à tous. En tant que fils du chef de l'ANBU, il était l'image même de ce à quoi s'étaient attendu tous les vétérans. D'un charisme inégalable venant d'une apparence fière, puissante mais également pure, il était doué pour les armes. Tous les guerriers, toutes ces familles nobles qui composaient l'ANBU avaient un don pour l'art de la guerre. Mais les Uchiha les surpassaient, mêlant à leurs aptitudes physiques une intelligence hors norme, parfaite pour élaborer les stratégies les plus meurtrières.

Et ce fils cadet, cheveux mi-longs semblant plus sombre encore que le plus profond des noirs, du haut de ses vingt-deux ans, était déjà capitaine. Un an seulement qu'il avait rejoint le monde de la guerre, passant de l'apprenti de son frère aîné à l'homme qui dirigeait des troupes entières. Des épaules puissantes, un air sérieux et qui ne laissait filtrer aucune émotion, Sai voyait en son maître la figure parfaite d'un meneur d'hommes.

- …ainsi que le renvoi temporaire d'Orochimaru suite…aux évènements de ce matin.

- Merci, Sai. Maintenant que tout est rentré dans l'ordre, espérons que tous les fous du bastion n'auront pas la bonne idée de me déranger à leurs tours. Tu peux y aller. Vérifie que le maoh a été nourri. Après, tu as quartier libre.

- Merci, capitaine Uchiha.

Sai tourna les talons et sortit de la pièce. Ses pas le guidèrent à travers le dédale de couloirs du bastion. Le bâtiment, conçu pour ne pas être pris facilement, se présentait comme un véritable labyrinthe. Le brun eu un sourire discret en se remémorant ses premiers instants dans cet endroit. Tout juste apprenti, il n'avait passé son temps qu'à se perdre, exaspérant Sasuke Uchiha, encore relativement calme et débutant à l'époque.

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Au beau milieu de l'été qui suivit l'acte de guerre opposant deux clans bien distincts, Sai perdit sa famille dans un acte de représailles. Ses parents, adoptifs en réalité, étaient morts, le laissant seul. Alors que le feu ardent léchait la maison familiale, il ne put que tomber à genoux, ses provisions ramenées du marché roulant au sol. Ses genoux touchèrent terre, et les larmes commencèrent à couler de ses yeux noirs. Un grondement monta dans sa gorge, avant qu'un cri ne suive, déchirant, raisonnant du haut de la colline où il avait habité jusque au plus profond de la vallée.

Abandonné à son sort, à demi-inconscient, il était resté là, à genoux, devant les ruines enfumées de sa maison. Jour et nuit, sans bouger, la tête baissée. A force de couler, les larmes cessèrent de venir, laissant les yeux hagards du garçon le déchirer de picotements. Supportant le vent et la pluie, il n'entendit pas, cinq jours plus tard, les cavaliers se diriger vers lui. Les pas des chevaux dans la boue matinale ne suffirent pas à le sortir de sa torpeur. Se fut finalement quand un homme aux cheveux sombres, assez longs et retenus en queue de cheval, se baissa devant lui, qu'il prit conscience d'une autre présence que la sienne. Lentement, il avait relevé la tête, découvrant le visage du génie de guerre Itachi Uchiha. D'un regard grave, il lui avait fait comprendre qu'il partageait sa peine. Sai n'avait pas hésité à prendre sa main, le suivant, abandonnant sa maison et son nom. Il avait perdu conscience, et ne s'était réveillé que trois jours plus tard. A son chevet, il revoyait parfaitement le visage d'un Itachi Uchiha plus jeune.

- Je m'appelle Sasuke Uchiha.

- S-Sai…

- Veux-tu faire partie de la guerre à mes côtés et devenir mon second ?

Sai avait hoché la tête avant même de comprendre le sens de la phrase prononcée par l'Uchiha. La guerre… Oui, il la ferait pour qu'une injustice comme il l'avait vécue ne se reproduise pas. Sans pourtant haïr tous ces paysans, ces gens de classe inférieures qui avaient tenté de les éliminer pour prendre le pouvoir, il avait décidé de contrer leurs actions. Sasuke Uchiha, son nouveau maître, l'entraînerai et deviendrai un capitaine fort et respecté. Quant à lui, Sai, Sai tout court, il ferait en sorte de contrer le maudit Danzou, cet homme sans nom aussi, qui lui avait pris sa famille.

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Perdu dans ses pensées, le brun ne reprit pied qu'une fois arrivé devant la nouvelle cellule du maoh, fermée non pas par une étroite et massive porte en métal, mais par une grille. D'un geste de la tête, il signifia au garde son désir d'entrer dans cette cellule. Le garde lui ouvrit la porte située à droite de la grille de prison. La pièce était plongée dans l'obscurité. Le garde, trempant sa torche dans la lignée de liquide inflammable formant un petit balcon autour de la cellule, éclaira ainsi la pièce.

Sai baissa alors la tête, cherchant le blond du regard. Penaud, il se gratta l'arrière du crâne, et lança un regard suspect au garde qui déglutit.

- Intéressant. Et où est le prisonnier ?

- Je… Il… Enfin tout à l'heure…

- Cette fois, je m'arrangerai pour que ce malheureux incident vous retombe entièrement dessus. Hmf… Et vous allez me faire le plaisir d'annoncer ça à mon maître vous-même pendant que je vais chercher une pierre de localisation.

- B-Bien… Je, J'y vais !

Le garde partit en fuyant avant de ralentir le pas. Ce garçon… Il était le second de Sasuke Uchiha. Et personne n'était sans savoir que depuis des mois déjà, le capitaine était devenu d'un naturel violent…Très violent. Surtout lorsqu'on l'irritait au plus haut point. Et encore, le plus haut point ne devait être rien comparé au fait de laisser s'échapper un prisonnier de taille qu'il avait capturé lui-même.

Sai, lui, sourit sadiquement. Ce soir, il ne prendrait pas les coups. Se dirigeant vers l'armurerie, il se demanda soudain si les pierres de localisation prenaient en compte les anneaux dédiés aux maohs. Ils étaient plutôt rares, contrairement aux autres anneaux des prisonniers réguliers. De toute façon, il devait bien y avoir une pierre correspondante. Les hommes de l'armurerie étaient de vrais maniaques aux idées de génie. Ils sauraient bien retrouver un maoh en escapade.

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Bonjour ! Voici ma troisième histoire, Ange Déchu.

Cette histoire ne parle pas d'ange. Elle parle d'une guerre, et des dommages collatéraux qu'elle a entraîné, ainsi que de ses origines et de l'époque la précédant à travers les flash-backs (les passages en italique). Je mélange donc le présent et le passé pour savoir comment on en est arrivé à la "Grande Séparation". Il y a un autre but à cette histoire, mais je ne peux pas le révéler maintenant :P

Je posterai dès que j'en aurai l'occasion !

En espérant que ce 1er chapitre vous a mis l'eau à la bouche et vous donne envie de lire la suite ! Un commentaire ?

A la prochaine !

PS: Si vous ne connaissez pas mes histoires précédentes, Le Renard Et l'Assassin et Odd Doll, passez sur mon profil et faites-vous plaisir ! :3