Blabla de l'auteur : parce que Kizzbloo a demandé d'autres détournements de conte
Le petit triton
JOUR 1 : Sous et sur l'océan
Tout au fond de l'océan Paradis, vivent en secret les sirènes sous la protection du grand triton. Celui-ci a de nombreux enfants, mais parmi ceux-ci, le plus connu est le caporal Livaï, aussi fameux pour la brigade de sécurité qu'il a monté avec ses frères et sœurs, que pour sa petite taille alors qu'il n'est pas le plus jeune. D'un naturel plutôt impassible et sérieux, il lui arrive de s'énerver si on le taquine trop longtemps sur le sujet. Mais comme il en impose quand même, personne n'a envie de se retrouver à subir ses foudres pour ça... sauf son dauphin de compagnie Hanji qui ne craint rien ni personne - parfois au mépris de sa propre sécurité.
Tout ce petit monde vivait heureux, loin des hommes dont les bateaux passaient rarement dans leurs parages. Mais un jour que Livaï patrouillait, il aperçut l'ombre d'une coque à la surface, et la curiosité l'emporta sur la prudence. Mais après tout, ne valait-il pas mieux connaître ses ennemis pour s'en protéger ? Affleurant au ras de la quille, il s'assura que personne n'était en position pour le voir. Plantant ses deux coutelas tour à tour dans le bois de la coque, il réussit à se hisser jusqu'à un sabord de décharge qui lui donnait vue sur le pont. Le temps était au beau fixe et le vent arrière était aussi fort que stable, aussi les marins étaient plutôt détendus, s'affairant tranquillement au maintien de la trajectoire et se distrayant s'ils n'avaient rien à faire.
L'attention de Livaï se posa sur un groupe qui semblait s'amuser avec des rectangles plats colorés. L'un des hommes caressait une étrange boule de poils. D'abord intrigué par la bestiole, le regard de Livaï se trouva bientôt attiré par l'homme qui passait sa main dans la fourrure. Bien qu'il ne ressemble en rien à une boule éclairante, Livaï ne put s'empêcher de le trouver aussi lumineux et chaleureux que le soleil. Et ses yeux étaient d'un vert-bleu magnifique qui l'hypnotisa. La voix de l'homme faisait courir des frissons dans son corps et ses sourires lui donnait l'impression de chavirer - il n'était pas un bateau pourtant. Livaï ne se rendit pas compte du temps qui passait, et c'est seulement quand le groupe se dissout pour aller préparer le dîner qu'il se rendit compte que la nuit était tombée.
S'arrachant à regret à la vision de celui que les marins appelaient "mon prince", Livaï se laissa glisser le long de la coque. Il ne savait pas combien de miles le bateau avait parcourus mais il aurait un long chemin à faire pour rentrer. Sans doute qu'on s'inquiétait pour lui même s'il n'était pas rare qu'il s'isole régulièrement. Son humeur pensive vola en éclat lorsqu'il se retrouva sous la surface et subit l'assaut d'une Hanji hystérique qui le harcela de questions sur les humains. Fichu dauphin trop curieux. Encore heureux que son anatomie l'ait empêchée de le rejoindre à son poste d'observation, elle n'aurait pas manqué de les faire repérer, bruyante comme elle était. C'était déjà un miracle qu'elle se soit retenue de caqueter à la surface. Soupirant, Livaï lui rapporta tout ce qu'il avait vu. Autant la calmer sur le chemin, il ne voulait pas qu'elle attire l'attention sur les risques qu'il avait pris quand ils seraient rentrés au château. Pour le reste il se contenterait d'envoyer chier les curieux, il était adulte et occupait son temps comme il voulait après tout !
Le courant quotidien reprit son cours, en apparence identique et paisible. Mais Livaï se languissait de son prince. Lui qui n'avait jamais été autre chose que blasé de toute sa vie, voilà qu'il trouvait enfin la personne pour lui en donner le goût mais il fallait que ce ne soit pas une sirène - ou un triton dans ce cas précis. Il s'énervait lui-même à faire des ronds près de la surface en guettant en vain les bateaux. A l'idée que son prince ne naviguerait plus jamais dans leurs eaux, il sentait son cœur se serrer et avait envie de se terrer au fond d'un trou.
Mais Livaï n'était pas du genre à se laisser abattre et, bien qu'il sache que c'était risqué et que sa famille désapprouverait, il alla rendre visite au sorcier Kenny. Celui-ci, avec un sourire sinistre lui assura qu'effectivement il connaissait un sortilège pour le rendre humain, séparant sa queue en deux pour faire des jambes tout-à-fait fonctionnelles quoiqu'un peu douloureuses. Par contre le sort ne durait que trois jours à moins qu'il ne reçoive un baiser d'amour de son humain. Auquel cas ils pourraient vivre heureux ensemble sur la terre ferme. Autrement Livaï perdrait forme humaine pour se dissoudre en écume. C'était malheureux mais Kenny n'avait jamais réussi à éliminer cet effet secondaire.
Le risque était énorme mais Livaï ne se voyait pas passer le reste de sa vie à pleurer après son prince. Il accepta donc, grimaçant quand Kenny demanda sa voix comme paiement. Bon, c'est pas qu'il était un grand parleur mais ça n'allait pas faciliter les choses. Si la perte de sa voix lui fit juste l'effet d'un froid passager, la potion qu'il dut avaler ensuite avait un goût épouvantable et les sortilèges qui lui furent jetés le traversaient de part en part, lui donnant l'impression d'être au sein d'un nid d'anguilles électriques. La douleur qui s'empara de sa queue était telle qu'il ne rendit pas compte de la métamorphose sur le moment. Quand l'eau qu'il respirait devint soudain une brûlure, il n'était plus en état de penser, fut-ce pour regretter de s'être jeté dans cette folie de manière irréfléchi.
La chance était cependant avec lui car peu après qu'Hanji l'ait ramené en catastrophe à la surface, c'est le prince lui-même qui le trouva en train de cracher ses poumons tout neufs sur le sable. Sincèrement inquiet pour la santé de ce pauvre naufragé muet, le prince - il se présenta comme "Eren" - l'enveloppa dans son long manteau pour cacher sa nudité, et l'emmena dans son château, le soutenant alors qu'il avait du mal à tenir sur ses jambes tremblantes. Un peu douloureuses, mon cul ! Ce charlatan de sorcier avait voulu minimiser les effets secondaires pour ne pas le décourager, il avait l'impression qu'on lui enfonçait un couteau dans la queu... les jambes, à chaque pas qu'il faisait ! Livaï se concentra sur la chaleur du corps contre le sien. Il avait été inconscient de tenter le calmar avec une échéance aussi courte, mais le dieu des mers était avec lui. Les sourires et la voix tendre d'Eren le remplissaient de félicité.
Alors qu'ils traversaient la ville, Livaï eut la mauvaise surprise de voir que même avec des jambes il restait plus petit que les humains de son âge. Même que certaines femmes ! Il aurait dû demander au sorcier un changement à ce niveau-là. Mais qui sait ce qu'il lui aurait demandé en plus. Il avait déjà assez de handicaps comme ça. En tout cas c'était fascinant de découvrir le monde humain - enfin quand il arrivait à détacher son regard d'Eren. Livaï eut un pincement au cœur en pensant à Hanji qui aurait sûrement rêvé de l'accompagner. Il avait vraiment été égoïste sur le coup. Mais le sort était jeté et il n'avait plus qu'à tenter sa chance. S'il échouait tout était fini, et s'il réussissait à obtenir le cœur de son prince... peut-être qu'il pourrait revoir ses amis et sa famille à la faveur d'une balade en bateau.
A SUIVRE
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Iroko
