Disclaimer : Rien ne m'appartient.
Ragnarok était un régal. Taika Waititi est, à mon sens, plus dingue de Thor que ses propres créateurs. Du reste, je pense me spécialiser dans l'écriture de câlins off-screen. Bonne lecture !
« La guerre forge le corps là où les déceptions forgent le cœur. »
A la lumière des néons et le vide interstellaire à la fenêtre, les remous en son être se calmaient à peine. Le Ragnarök avait ce goût amer d'inévitable, persistant en bouche.
Le deuil seyait fort mal à Thor, Dieu du Tonnerre, désormais Roi borgne – à l'image de feu son père – d'une Asgard déchue, si ce n'était dans les cœurs opiniâtres de son peuple.
Pour l'heure, sa Majesté ne s'autorisait pas de larmes. Sur Midgard, peut-être, en Norvège, où le tendre souvenir d'Odin reposait, battu par les vents. Où les siens se sentiraient, l'espérait-il, enfin chez eux.
Une pensée, comme un vœu chuchoté après le passage d'une étoile filante, lui arracha un sourire crispé :
Même Loki.
« Si tu étais là, mon frère, je te prendrais dans mes bras ! »
En vérité, si quiconque avait demandé au Roi d'Asgard pourquoi il dardait son cadet de détritus – toujours émoussés, d'ailleurs – Thor aurait répondu, l'air faussement espiègle : « Vengeance personnelle. » et pensé, un peu morose : « Pour vérifier s'il est présent en chair, en os, pour de vrai. ».
Son cœur manqua d'exploser lorsque Loki répondit simplement :
« Je suis là. »
Trois mots, qui signifiaient tellement plus. Trois mots, pour dire Je suis fatigué de fuir quand mon seul désir est de demeurer, fatigué de te haïr alors que je n'ai jamais su que t'adorer. Trois mots qui ouvrirent une brèche dans l'âme longtemps chagrine d'un Dieu du Mensonge et de la Tromperie qui n'était guère malfaisant, finalement.
Alors, Thor étreignit son frère, son monde entier, jusqu'à s'en couper le souffle, avide de contact et de miséricorde, l'orage dans la poitrine, comme pour rapiécer son âme – leurs âmes – en lambeaux et enfin poser les armes et après tout ce temps, une éternité, se faire pardonner.
Alors, Loki Laufeyson, le plus perfide, traitre et félon d'entre tous les Ases, pleura.
Soudain, ils n'étaient plus dans une carlingue voguant entre les étoiles ; soudain, ils étaient deux mômes pleurnichards – des princes – enlacés dans leur chambre, sur Asgard, à la maison. Ça sentait l'exubérance, l'or vieilli et la gloire, l'hellébore d'hiver, aussi. Affectueux, Thor essuyait les sanglots de son cadet, s'écoulant de ses yeux abyssaux – désinvoltes et rusés et bleus, bleus et froids comme un glacier, comme les ténèbres du fond des mers, animés d'une flamme ancienne, impérieuse, et pourtant si mélancoliques – en cascades d'eau brillantes, et ses mains, quoique délicates, étaient rugueuses. Tremblantes.
Cependant, le Dieu du Tonnerre voulut briser ce silence vieux, trop vieux qui leur gangrénait les entrailles, chasser les non-dits qui, jadis, achevèrent de les séparer. Rien ne vint, hormis un murmure de remords gonflé :
« Je t'aime, mon frère. »
Loki, le visage fendu d'un sourire plein de promesses folles, ne dit mot, car il n'en avait pas, plus besoin.
Il avait fallu tant d'années aux fils d'Odin, héritiers orgueilleux – l'un assoiffé de sang et de guerre, l'autre envieux de lumière – pour se comprendre et, en une étreinte muette, tristement éperdue, se retrouver.
Oh, qui pourrait prétendre les désunir à nouveau, si même le Ragnarök, le Crépuscule des Dieux, avait échoué ?
« D'ailleurs, ne t'avise pas de t'enfuir en utilisant le Tesseract, mon frère. Je pressens que cette relique nous sera fort utile, le moment venu. »
Si Loki rougit presque d'être rendu à ce point prévisible – il n'avait rien laissé transparaitre, et son aîné n'était même pas présent ce jour-là, bon sang – Thor, lui, était hilare.
