Titre: Ten months.

Auteur: Nosky

Rating: T

Date: 18/01/2015

Info: Yaoi / Tao x Kris


Chapitre 1: L'amertume n'est agréable que dans le citron

Cela faisait un long moment depuis leur dernière entrevue. La tension était si élevée dans l'air qu'ils suffoquaient presque. En effet, l'atmosphère était intensément insupportable. Ils s'observaient l'un l'autre comme si personne n'était aux alentours, comme deux prisonniers d'une bulle qu'ils ne pouvaient désormais plus éclater.

Les autres ne pouvaient dire un mot, ou plutôt ils attendaient simplement que les deux jeunes homme se réveillent de ce moment d'absence qu'ils semblaient partager afin de poursuivre la conversation qu'ils tentaient d'entretenir avec l'ancien membre de la team. C'était si compliqué pour les garçons d'atteindre la conscience du blond. Il était complètement ailleurs et Tao l'avait simplement laissé dans ce drôle d'état dont il était la victime. Il ne pouvait pas se comporter ainsi devant les autres garçonnets. Il allait se ridiculiser en montrant ce genre de réaction.

Il aurait dû être heureux, s'il n'était pas si choqué. Il n'y pouvait rien, son corps ne réagissait plus, même pas un peu. Ses lèvres recommencèrent à se mouver lorsqu'il les humidifia à l'aide de sa fine langue. Néanmoins, il était déjà trop tard. Tous les autres s'étaient déjà précipité près de l'ancien leader que le brun dévisageait durement, alors qu'ils se bousculaient tous pour être le premier à sauter dans les bras du blond.

Lui aussi voulait un câlin.

Un gros câlin.

Un de ceux qui peut effacer toute la souffrance qu'il avait ressenti durant les longs mois où il n'avait pas vu son visage. Pas une seule fois. Mais il ne pouvait pas. Il sentit un petit pincement de tristesse et de ressentiment s'épanouir lentement dans son cœur. Il savait que ça allait arriver. Il savait qu'un jour il allait être la victime de ces sentiments atroces et horrifiques. Vivre ça était bien plus douloureux à ses yeux qu'être abandonné, que de rester seul, car il avait réalisé il y a déjà longtemps que ce ne serait plus jamais pareil.

Alors, comme toujours, il resta en arrière et perdura ainsi avec difficulté pendant que tous les bavardages intempestifs causaient un bourdonnement terrible dans ses pauvres oreilles. Elles étaient clairement violentées par les exclamations des voix que les jeunes possédaient. Il ne pouvait qu'à peine distinguer la véritable expression qu'il cachait derrière ce masque. Il gardait certaines choses pour lui pour la première fois depuis qu'ils s'étaient connus, et une sorte d'amertume se répandit à travers son être entier.

Il ne bougea pas, pas tant que ses partenaires se décident à enfin changer de lieu de rencontre. Ils choisirent, sans le consulter plus que ça, qu'il était grand temps d'aller se déguster un petit met, et quoi de mieux que le restaurant qu'ils fréquentaient anciennement ? Une salve de souvenirs remonta dans l'esprit de Tao, qui enclencha ses premiers pas uniquement lorsqu'il vit que les autres étaient en train de disparaître de sa vue. Même le blondinet ne se préoccupait plus de lui, il s'attelait à faire rire la galerie avec ses attitudes disparates habituelles. Il avait toujours été un peu spécial, peu de gens le comprenaient.

Tao était l'un de ceux qui le comprenaient.

C'est ce qu'il pensait.

Avant.

Malgré l'odeur fumante et aguicheuse de viande, rien ne lui donnait envie. La gorge sèche, la langue endolorie et pâteuse, il ne parvenait pas à dire un mot en la présence de son homologue. Il avait beau essayer à maintes reprises de prendre part à la conversation, il n'y arrivait pas. Il ne pouvait que regarder ses pieds s'étendre en dessous de la table. Les douze jeunes gens étaient assis face à face sur deux banquettes. Six de chaque côtés et Tao était au fond de celle de droite, enfermé-là dans son coin.

L'enjôlement général ne faisait qu'amplifier cette drôle de sensation qui rampait dangereusement au fond de son estomac à la rechercher de nourriture qu'elle pourrait forcer à faire sortir. Des nausées à répétition lui firent tourner la tête, surtout lorsque le plat de résistance se manifesta sur la petite coupelle noire qui lui était destinée. Il posa sa main sur ses lèvres rosées et la pressa dessus afin de retenir cette envie plus que naissante, ainsi que de ne pas régurgiter sur la planche en bois qui leur servait de support. Il força les cinq garçonnets à bouger leurs fessiers musclés pour qu'il puisse sortir de là et se hâter vers les toilettes sans un mot de plus.

« – Qu'est-ce qu'il a Tao depuis tout à l'heure ?

– Hn, j'sais pas, mais je peux prendre sa bouffe du coup ?

– Ah, quelle bande de gamins. Laissez cette nourriture là où elle est. »

Deux yeux suivirent le dénommé Tao s'éloigner. Deux lèvres cessèrent de se mouver au moment où les autres poursuivirent leur conversation enfantine sur celui qui gagnerait la viande du fuyard. Il quitta finalement la table à son tour pour prendre la direction des toilettes. Personne ne se questionna, tout le monde était bien trop occupé à se mettre des coups de baguettes pour chiper les morceaux survivants dans la minuscule assiette ronde.

Devant la grande glace accolée au lavabo, il retraçait chacun de ses traits dégoulinant d'eau fraîche. Il s'était doucement aspergé le visage et toute sueur froide avait lentement rendu l'âme. Il ne se sentait qu'un peu mieux, et malheureusement, rien n'était prêt de s'arranger. Surtout pas lorsqu'il eut la surprise et l'effroi de poser son regard sur la figure pâle qui le suivait des yeux dans ses moindres faits et gestes. La porte avait grincé mais il n'avait rien eu la chance d'entendre, avec ce fichu bourdonnement qui résonnait dans son esprit. Ses doigts se crispèrent sur le rebord du meuble qui tenait le vasque encore humide et il sentit un long frissonnement lui remonter la colonne. Que faisait-il ici à un tel moment ? Pourquoi avait-il laissé les autres en arrière ? Tout un tas de questions transperçaient son esprit déjà largement assez tourmenté.

Il était tout d'abord resté immobile face au brun, le violant de ses pupilles qui se reflétaient dans le miroir. Il jouait là-dessus et il savait y faire. L'ex partenaire de Tao avait toujours su comment le mettre dans tous ses états et malheureusement pour lui, même après tout ce temps, il était toujours aussi faible face à ses agissements. C'était une chose irrévocable. Il ne pouvait qu'adopter ce genre de réaction en sa présence. C'est pour cette raison presque évidente qu'il se colla au même meuble sur lequel il prenait appui, comme pour prendre du recul face à son comparse. Ce qui n'eut aucun effet particulier après réflexion car celui-ci avança tout de même pour le rejoindre, quoi que Tao en dise.

Comme apeuré, il tenta de se recroqueviller sur lui-même, comme pour disparaître de la surface de la Terre. Sa tête se ramassa sur ses épaules tandis que de longues phalanges gelées retracèrent la ligne de sa nuque, ce qui le força à se raidir bien plus encore qu'il ne l'était déjà auparavant. Il allait implorer la pitié de vive voix quand tout se déroula bien trop vite à son goût. Il perdit la notion du temps une fois que des lèvres humides et tièdes se posèrent sur les siennes sans plus de discussion. Alors c'était ça ? Il pensait pouvoir revenir comme si de rien n'était ?

Il en était hors de question.

Il prit la résolution de le repousser brusquement en posant ses mains sur son torse. Il pensait réellement qu'il trouverait la force intérieure de le jeter comme un malpropre, et pourtant ce ne fut pas le cas. Il ne put que s'accrocher lamentablement à sa chemise cintrée qui laissait paraître son corps finement sculpté, svelte. C'était une torture de le pousser dans ses retranchement. Est-ce qu'il avait fait exprès de porter ce genre de vêtements lors de leurs retrouvailles ? C'était bien son style de calculer un tel coup par avance. Il lui en voulait un peu pour ça aussi de pouvoir le manipuler à sa guise et si facilement.

Son crâne se fit renverser entièrement jusqu'à ce qu'il puisse mirer son propre reflet fondre sous l'emprise de cet homme qui n'était plus qu'un étranger à son cœur, si tenté qu'il veuille avouer un jour le contraire. Ses deux prunelles brillaient de bonheur et sûrement de larmes également, alors qu'il pouvait constater l'acharnement dont son compagnon chinois faisait preuve à dévorer ses lippes désormais meurtries. Comme un chacal qui se jetterait sur une carcasse, il réservait un traitement tout particulier à son partenaire qui semblait lui avoir manquer. Enfin, Tao s'en convainquait comme il le pouvait.

A bout de souffle, il posa tout de même le point final de ce baiser bien plus à sens unique que partagé et n'émit aucun son. Il n'avait pas vraiment à se justifier de son action, après tout, ne sortaient-ils pas ensemble ? Il n'eut d'ailleurs pas besoin de parler car le plus petit s'enquérit de prononcer quelques paroles qui se voulaient moins accueillantes qu'il l'aurait espéré, alors que celui-ci caressait ses lèvres de son pouce le plus tendrement du monde, Tao afficha deux yeux perdus dans le vague, comme noyé dans ses songes. Prostré, il était droit comme un I.

« Tu crois vraiment... Que tu as encore le droit de faire ça.. ? »

Les petites perles salées qui ne roulaient plus sur son visage retrouvèrent très facilement le chemin précédant pour gorger d'eau l'expression choquée qu'il arborait. Ce fut un terrible choc pour son homologue. Il ne s'était pas une seule fois posé la question à propos de son départ. Allait-il causer des problèmes ? Changerait-il la nature de la relation qui les unissait ? Jamais il n'aurait osé imaginer ce type de scénario catastrophe. Pourtant, il devait y faire face. Il devait faire face à un véritable cadavre que l'absence avait rongé. Tremblant, le plus jeune tenta vainement d'essuyer son faciès à plusieurs reprises et perdit finalement celui-ci dans ses manches en poussant son homonyme.

Il le repoussait ouvertement.

Il avait réuni une once de courage.

« Jamais je ne pourrais oublier... Ces dix longs mois... »

Pas un mot. Un profond silence s'empara de la pièce alors que Tao ne pouvait plus s'empêcher de frotter ses pommettes et ses lèvres jusqu'à les voir rougir, jusqu'à provoquer une faible irritation de son épiderme.

« Kris... Ce n'est plus possible... »

Rien. Il ne put rien dire. Estomaqué par la tournure mélodramatique qu'avaient pris les choses en si peu de temps. Vraiment si peu de temps ? Dix mois, ce n'était pas rien après tout.

« Kris... »