La première note résonna dans la grande véranda du manoir des Fowl. Un sol profond et sonnant, qui venait du superbe piano à queue d'Artémis. Car c'était bien lui qui en jouait.
La première note résonna, et les autres coulèrent sous les doigts étranges du jeune homme. Étranges, car on aurait dit que son majeur était plus court que son index. Étranges, mais suffisamment habiles pour tirer des larmes à un nain.

Artémis Fowl Junior accompagnait sa mélancolie avec une sonate de Brahms.
Mélancolique. Le voilà de nouveau à s'endormir l'esprit sur de banales équations insolvables, alors qu'il y a quatre mois, il sauvait de nouveau le monde. Enfin, sa mère, en l'occurrence.
Et cette satanée fièvre qui ne le quittait pas...

Artémis ferma les yeux un moment et les rouvrit. Il n'avait pas besoin de partition pour jouer ce morceau qu'il connaissait pas cœur.
La mélodie se poursuivait sous ses mains, prenant quelques accents sombres, romantiques.
Il leva les yeux un instant, et son regard se réfléchit contre le piano noir.
Ses amis du monde souterrain ne lui avaient donné aucune nouvelle depuis déjà deux mois. Il se faisait un sang d'encre pour Holly -ses mains manquèrent une note- qui ne répondait plus à l'autre bout de leur ligne privée.

Il marque les derniers accords avec emportement, comme s'il en voulait personnellement au piano.
Puis sa colère fit place à une pensée douce comme une caresse. Ces yeux... Ses yeux qui s'étaient posés sur lui avec une infinie tendresse, et un trouble que lui même avait ressenti, alors qu'ils étaient en danger de mort à Rathdown Park...
Les dernières notes qui s'écoulaient étaient l'essence de ces instants qu'Artémis chérissaient entre tous.
Des notes que personne n'entendrait jamais. Ou du moins le croyait-il.