« Si VOUS vous retrouviez coincés dans Death Note, votre première pensée serait : qui m'a filé de la LSD ? La seconde ? ''Je vais résoudre l'enquête parce que j'ai déjà lu toute la série comme un bon petit fan- ET SAUVER LE MONDE ! HOURRA !'' Puis les choses se compliquent. »
Disclaimer : Cette histoire ne m'appartient pas. Les personnages que vous reconnaîtrez appartiennent à Oba et Obata les autres sortent tout droit de l'imagination de Snatchelle. Je ne suis qu'une petite traductrice improvisée (j'ai obtenu l'autorisation, yeah !). Si vous lisez l'anglais, je ne peux que vous recommander la version originale (qui est carrément jouissive) de Forever the Faithful Fan, que vous pourrez retrouver dans mes favoris. Pour les autres, je me dévoue :).
Pairing : Vous ne voyez pas ? Euh… il semblerait qu'on se dirige droit vers du LxOC.
Venez avec moi découvrir l'histoire merveilleuse d'une jeune Canadienne aux pieds nus et au caractère bien trempé, et sa plongée chaotique dans cet univers que vous connaissez si bien, celui de Death Note !
Premier chapitre un peu galère à traduire. A vous l'honneur ! )
Xxx
Xxx
Xxx
Mon cœur battait à toute allure. J'avais un fichu mal de crâne, et mes pieds souffraient plus encore.
Ne t'arrête surtout pas.
Mes mains giflèrent un mur de briques rouges tandis que je traversais une barricade de poubelles en aluminium. Elles s'entrechoquèrent avec fracas avant de rebondir à travers la ruelle. Des pigeons grassouillets marchaient sur la pointe de leurs serres leurs yeux faisaient de rapides va-et-vient. Ils battirent des ailes aux quatre vents, alarmés par le fracas métallique, et allèrent se percher sur des balcons. Le froissement de leurs ailes se perdit dans les cris d'indignation derrière moi.
Bondissant au-dessus de restes de casseroles abandonnées, je continuais à fuir, d'un pas trébuchant. Je retrouvais un rythme régulier, aidée par le battement lancinant dans mes tempes.
Je tournais à l'angle de la rue et me faufilais entre les passants. Certains étaient visiblement riches et arboraient de somptueuses fourrures, des vêtements de velours ou encore des cravates serrées et des porte-documents très chers. D'autres tenaient un café dans leurs mains ou poussaient des landaus, agrippant leurs enfants par le col.
Je bousculais tous ces inconnus noyés dans la marée humaine. On me lâchait des hurlements et des injures, aussitôt oubliées. La foule s'écartait comme cette maudite mer rouge pour les deux hommes en uniforme à ma poursuite. Je pouvais presque les entendre me crier de m'arrêter, malgré mes halètements sonores. Leurs appels résonnaient dans mes tympans à chaque fois que je reprenais mon souffle.
Je jetais un instant un regard en arrière. Mes cheveux trempés de sueur me fouettaient les yeux. Mes poursuivants ne se laissaient pas distancer. Leur matraque se balançait le long de leurs hanches. Ils ressemblaient à un duo comique ; le large tour de taille du premier recouvrait de son ombre le corps filiforme de l'autre. Ils avaient tous deux des auréoles sous les bras et le visage rouge, mais ils n'abandonnaient pas.
Il était temps de prendre des mesures désespérées.
Je sautais sur un banc de bois, me balançais sur le dossier et enroulais mon bras autour d'un lampadaire proche, puis je m'y hissais. Une fois grimpée, je me penchais en arrière sur la route, mes orteils recourbés autour de la planche de bois sur laquelle s'étalaient affiches et publicités. Je resserrais ma prise sur le métal lisse et brillant du lampadaire. *
La foule qui s'était attroupée autour de moi et des policiers haleta de stupeur alors qu'un bus passait à vive allure, me manquant de quelques centimètres.
Je réprimais un large sourire et les hélais frénétiquement : « Hé ! Avec vos rembourrages aux donuts, vous aurez une crise cardiaque avant d'être grimpés deux mètres en-dessous de moi ! »
Le plus gros posa ses mains sur ses genoux, gonflant ses joues alors qu'il tentait de reprendre son souffle. Son képi était de travers, légèrement incliné sur le côté. Son compagnon n'avait pas l'air aussi essoufflé que lui. « Rendez-vous, vous êtes cernée ! » Le grand maigre avait crié sur un ton qui lui semblait à coup sûr très viril, mais le reste des spectateurs y entendit plutôt une supplique.
« Vous voyez, c'est précisément la raison pour laquelle vous et moi, on ne pourra jamais bien s'entendre. » Je fis une pirouette autour du poteau et atterris sur la pointe des pieds, sur le banc. « J'ai plus d'imagination que vous n'avez l'air de le penser. » Et avec ça, je les saluais rapidement d'un air décontracté et plongeais entre les voitures.
Et je disparus derrière le vrombissement assourdissant d'un camion.
Quelques immeubles et feux rouges plus tard, je relâchais ma prise sur la grille métallique du camion et sautais au sol à un carrefour. Avec un sifflotement enivrant, je claquais mes mains sur mes cuisses et rejoignis la rue MacGaber.
Je glissais ma main dans la poche de mon pantalon cargo*. Mes doigts s'enroulèrent autour de l'objet qui s'y trouvait, comme pour être sûrs qu'il n'avait pas disparu.
Cher, brillant, et destiné à une boutique de prêteur sur gage.
La lumière matinale ruisselait sur les immeubles gris et se reflétait sur les vitres bleues de lointains gratte-ciels. De minuscules laveurs de carreaux étaient suspendus à une cinquantaine de mètres du sol, avec leur casquette blanche et leur affolant réglage de cordes et d'harnachement, semblables à de minuscules insectes qui se tortillaient.
Je tournais à l'angle de la rue et donnais de petits coups secs à la fenêtre de l'accueil de mon fast-food habituel, contournant la file d'attente de clients bâillant avec impatience. La vitre s'ouvrit avec un bruit sonore et Dorothy en dépassa. Son habituel maquillage excessif formait des paquets sur son visage et ses cheveux teints en roux dépassaient de sa visière en boucles rebelles.
« Mais qui voilà. »
Ses lèvres se firent boudeuses alors que sa voix de fumeuse tirait dans les tons graves. Elle abandonna son air distant et haussa ses sourcils parfaitement entretenus, me toisant d'un air désapprobateur.
Je n'étais pas très bien habillée, je dois l'admettre. Je pouvais parfaitement comprendre pourquoi elle pinçait les lèvres de dégoût. Pas de chaussures, un débardeur blanc dégoulinant de sueur, des tâches sur tout le visage et les vêtements. Je n'étais pas vraiment prête à concourir pour Miss Univers, mais qui pouvait me le reprocher ? Je venais de me faire poursuivre sur une longueur de 23 blocks (par l'armoire à glace et son partenaire filiforme, pour ne pas remonter plus loin).
Je repoussais une mèche de cheveux derrière mon oreille, prenant vaguement conscience de mon propre état. « Moi aussi je suis ravie de te voir, Dorothy. Est-ce que je pourrais avoir… » Je me mordillais la lèvre inférieure, comme si je réfléchissais à ce que je pourrais demander -même si nous savions toutes deux que je demanderai exactement la même chose que tous les mercredis. « …un Strawberry Explosion, s'il te plait ? »
Dorothy fit éclater une bulle couleur cerise et commença à la mâchonner, la bouche grande ouverte. Elle reprit son air distant. « Mais certainement, Sydney. » Elle se retourna pour crier la commande puis me regarda de nouveau. « Comment va ton oncle ? »
« Oh, très bien, pas de doute là-dessus. Il est en pleine forme ! » Je frictionnais mon épaule à l'évocation de ce souvenir. Autant de whisky dans le ventre d'un homme aussi irritable et aux bras aussi énormes, cela finissait forcément avec des tas de trucs brisés. Heureusement que ce n'était pas ma clavicule.
Ça passe pour cette fois.
Dorothy pinça ses lèvres jusqu'à ce qu'elles deviennent blanches. Ses narines frémirent. Elle savait à quoi ressemblait la vie dans la rue, avec le job qu'elle avait. « Voilà ton Strawberry-Explosion. » Elle fit glisser la monstrueuse coupe vers moi. « SUIVANT ! »
Je me fis pousser par un cycliste qui grommela sa commande.
Je portais la paille à ma bouche et détalais le long du trottoir, sans prendre la peine de rappeler à Dorothy que je n'avais pas encore payé. Ce qui tombait plutôt bien, parce que de toute façon, je n'avais pas un centime en poche.
Mon cœur battait encore à vive allure, détraqué par mes efforts de la matinée, et le liquide sucré que j'aspirais bruyamment n'était pas vraiment l'idéal pour me calmer. J'imagine que l'adrénaline coulait encore dans mes veines, parce que je ne pouvais pas m'empêcher de sautiller avec entrain le long du trottoir. Je claquais même mes pieds en l'air l'un contre l'autre, improvisant une chorégraphie assez caricaturale de Broadway.
Mon cerveau a grillé !
La boutique du prêteur sur gage se trouvait dans le bas des quais. J'avais donc un sacré chemin devant moi. J'empruntais le trajet le plus long (juste au cas où les flics se montreraient un peu trop persistants), en prenant soin de boire mon Explosion lentement.
Une brise aux effluves de sel et de pollution rafraîchit ma peau brûlante.
Le monde m'ignorait, sans penser deux fois à l'adolescente pieds nus, occupée à aspirer un Strawberry Explosion. J'aimais bien observer les gens, leurs yeux rivés sur un but invisible.
Je passais devant un homme qui portait une boîte de ce qui ressemblait à de gros verres de terre, un genre de gothique à moitié fou avec des cheveux frisés et de l'eye-liner coulant. C'était un vieux clodo qui jouait de toute son âme aux bongos*, son crasseux casque de cycliste posé devant lui pour recueillir les dons des passants.
Je te donnerais quelque chose si je pouvais, mon gars, pensais-je avec empathie.
La boutique du prêteur sur gage faisait face au fleuve. Au loin, des ferries allaient et venaient, et quelques voiliers serpentaient entre eux.
Un vol de mouettes poussait des cris, relevant et baissant la tête à la recherche du moindre déchet comestible.
Une cloche tinta lorsque j'appuyais sur la porte vitrée. Une grille recouvrait la vitrine, et un néon indiquant « OUVERT » crépitait. La boutique regorgeait de tables en plastique alignées contre les murs, sur lesquelles se trouvait un assortiment d'objets non étiquetés. Il y avait des bateaux dans des bouteilles, des livres de poche en piteux état, plusieurs katanas, de vieilles armes –de la camelote-, et même quelques crânes (faux, j'en étais persuadée). Il n'y avait aucune organisation qui permette de distinguer le genre de produit. Les acheteurs devaient fouiller un peu partout pour trouver ce qu'ils cherchaient.
Des lampes fluorescentes rectangulaires s'alignaient avec de minces cages bourdonnant au plafond. De nombreuses mouches malchanceuses jonchaient les boites métalliques. Quelques-unes bourdonnaient frénétiquement, à la recherche d'une échappatoire. La caisse était au fond, une manière de forcer les éventuels acheteurs à regarder ce qui pourrait leur faire envie avant d'atteindre leur but. Je traînais les pieds sur le carrelage multicolore et laissais tomber ma ''trouvaille'' sur le dessus du comptoir.
J'aspirais l'Explosion inexistant qui se cachait au fond de mon gigantesque gobelet et agitais deux fois la cloche cuivrée. Un minuscule ventilateur vrombissait, presque sans effet sur l'air étouffant de la pièce.
Un indien à l'air sympathique traina les pieds à ma rencontre. Il portait une chemise à carreaux entrouverte au niveau du col, un jean délavé et un chapeau de cow-boy cousu de croix (avec une plume d'aigle teinte en rouge, ajoutée pour faire bonne mesure). Ses longs cheveux tombaient sur le bas de son cou en d'abondants dreadlocks.
« Que puis-je pour toi aujourd'hui, ma chère Sydney ? J'ai une toute nouvelle arrivée de BDs, des éditions originales, venues tout droit du bureau des auteurs, je le jure sur les Dieux. »
Jerry jurait sur ses dieux très souvent, habituellement quand ça l'arrangeait. Mais qui pouvait prendre au sérieux un homme avec des dreadlocks et un chapeau de cowboy ?
Son offre resta en suspens quelques instants, mais je la chassais. « Je me contente de vendre, aujourd'hui. Merci, Jerry. »
« Hmm… » Jerry s'empara d'un gant de chirurgien et inspecta la marchandise avec une surprenante délicatesse pour ses doigts boudinés. « … Je pourrais mettre… peut-être cent dollars pour cette pièce. »
« Cent dollars ? » Je plaquais avec fracas mon gobelet de Strawberry Explosion désormais vide sur la vitrine. Un anneau de buée commença à se former et à bruiner tout autour. « Ça en vaut quatre cent, au moins ! » J'arrachais ma marchandise volée de la prise de Jerry et la retint avec un avertissement. « Il y a plein d'autres prêteurs sur gage dans cette ville, Jerry. Je peux l'apporter n'importe où- »
« Non, non ! » Son fort accent glissa alors que les mots se précipitaient dans sa bouche. « Deux cent soixante-quinze ! C'est ma dernière offre. »
Je souris à pleines dents et lui rendit lentement l'objet.
Le truc le plus génial chez Jerry, c'est qu'il ne posait jamais de question. Une fois qu'un objet de valeur passait le seuil de sa porte, la façon dont il était entré en ma possession devenait une information inutile.
« Alors nous avons un accord. » Je ramassais mon Explosion et mes yeux brillants parcoururent la pièce à la recherche d'une poubelle à papier. Hé, je suis canadienne. On fait attention aux trucs comme l'environnement, lorsqu'on est canadien. A ça et à la liberté d'expression et aux services de santé publique (le genre de chose auquel je n'ai même pas le droit). *
Le droit de vote était aussi compris dans le 'paquet'. Pas que j'aie l'âge de voter, vous pensez bien. Et pas que je le ferais, vu comme les politiciens se ressemblaient tous. On avait le droit à ces putains d'impôts, qu'importe pour qui on était.
« Hé, jette un coup d'œil à ça, Sydney. » J'émergeais de mes réflexions sur les poubelles recyclables et lançais un regard au manuscrit posé en face de moi.
Jerry se faisait insistant. Il fredonnait un air étranger à mes oreilles et commençait à fouiller dans la caisse en sautillant d'un pied sur l'autre.
La ''chose'' avait des caractères japonais gribouillés sur le dessus. Par pure politesse, je soulevais précautionneusement la page (tu le déchires, tu l'achètes) et laissais échapper un petit cri de plaisir. L'un de mes personnages préférés m'observait, assis à son habitude dans son étrange position accroupie, tenant du bout des doigts son éternelle coupe de thé sucré.
Ok, j'étais une pure Otaku. Mais qui ne l'était pas de nos jours ?
Ce que j'aimais en particulier avec les mangas et les animes, c'était qu'il n'y avait jamais rien qui paraisse trop fou ou trop étrange. Il pouvait y avoir d'immenses faux qui se transformaient en êtres humains, des samouraïs adeptes de break-dance, ou même des dieux de la mort qui raffolaient de pommes.
Death Note était définitivement mon préféré parmi tous ceux-là.
Pourquoi ?
C'était simple.
L.
Oui, oui. La combinaison de tous les personnages, allant du séduisant maniaque qu'était Light à la gothique BCBG Misa-Misa, en passant par le gentil Matsuda et même le mystérieux Watari, c'était important. Le fil tortueux de l'intrigue et la singularité de tout ça maintenait la série numéro un des charts.
Mais L était la raison pour laquelle on pouvait surprendre les cris et autre soupirs des fans de Death Note. Il était définitivement inégalable. Il était certainement dans le top cinq de mes personnages favoris. J'avais lu et relu la série, en long, en large et en travers.
C'est la raison pour laquelle, en arrivant à la moitié, eh bien… j'ai simplement perdu tout intérêt pour la série après qu'il se soit fait tuer. Ne vous méprenez pas, j'adorais Matt. Je l'aimais énormément. Mais Near n'était qu'une pâle imitation, et Mello… eh bien, c'était Mello. Je ne dis pas qu'à eux deux ils n'étaient pas meilleurs que L. C'est juste que je n'accrochais pas.
Après tout, j'ai le droit de penser ce que je veux.
Comme dans : L DECHIRE ALORS NE M'EMMERDEZ PAS !
Ou quelque chose dans ce genre.
« C'est… » Je pointais du doigt le manga calligraphié.
« L'un des volumes originaux. » statua-t-il. Et il commença à compter les billets verts. Il fit une pause et m'observa à travers de grosses lunettes rectangulaires, un brin moisies. « C'est une sacré blessure que tu t'es faite là. »
Je haussais nonchalamment les épaules.
Il glissa les billets devant moi et les effeuilla. Regardant toujours mon épaule, il dit : « Dans mon clan, nous croyons que les histoires sont très puissantes » J'acquiesçais sans vraiment l'écouter et commençais à compter les billets par moi-même. Jerry pouvait discourir pendant des heures sur son clan si on lui en laissait l'occasion. Il persévéra, s'étendant au-dessus du comptoir en me regardant avec intensité. Comme un chat plongé dans l'obscurité qui saurait dans quel sac poubelle abandonné il trouverait les restes d'une boîte de thon. « Les histoires peuvent te changer la vie. »
« Bien sûr, bien sûr. » J'agitais les billets devant son nez et lui sourit. « Mille fois merci, mon pote. Prend soin de toi, ok ? »
Mon Strawberry Explosion oublié, je commençais à me frayer un passage entre les rangées de tables jusqu'à la porte. Mes paumes moites serraient fermement mon salaire de la journée. Je savais exactement que je m'achèterais en premier : un gigantesque banana-split, puis des chaussures. J'avais définitivement besoin de chaussures. Je n'avais pas spécialement envie d'aller repêcher ma dernière paire dans les égouts (une longue histoire).
Je pensais que Jerry était retourné derrière son comptoir, lorsque -
« Les histoires sont une échappatoire. » Je sursautais si violemment que je manquais de me cogner le crâne contre le plafond. Je parie que j'aurais pu participer aux Jeux Olympiques. D'abord la course à pieds ce matin, et maintenant le saut en hauteur. J'allais finir par faire carrière dans l'athlétisme.
Jerry était penché au-dessus de mon épaule, comme un large corbeau avec une bosse sous ses plumes. « Certaines personnes ont besoin d'échappatoires, une fois de temps en temps. »
J'étais un peu trop proche pour être à l'aise. « Euh-euh, ouais. Je crois que je vais prendre des vacances, mais passe une bonne journée, d'accord ? »
J'avais presque atteint la devanture du magasin. Les publicités placardées à la fenêtre étaient clairement visibles, la lumière blanche du soleil se déversait au travers du verre brumeux…
« Bien, je suis ravi que nous soyons d'accord là-dessus ! »
Je sentis un frisson involontaire me parcourir le dos. Avançant lentement, je le regardais bien en face sans la moindre retenue, un coude appuyé contre la poignée de la porte. Jerry tapotait l'inestimable manuscrit de Death Note contre sa tempe, souriant d'un air entendu. « Tu vas bien t'amuser dehors. »
« Ouais, je vais m'amuser. A bientôt, Jerry. » Légèrement contrariée, j'émergeais au grand jour tandis que la cloche tintait derrière moi et…
…fis une crise cardiaque.
Ok, je ne fis pas une crise cardiaque. Mais ça y ressemblait vachement, entre mes viscères qui tressautèrent, ma peau qui se glaça, mes os qui tremblèrent et mes yeux qui me ressortirent de la tête.
Une réaction de pur choc.
Au lieu des quais tranquilles sur lesquels je m'attendais à poser les yeux, je me retrouvais face à de grands gratte-ciels qui se dressaient devant le soleil comme d'étincelants phares de métal et de verre.
Des automobiles et des scooters filaient à une vitesse alarmante. Klaxonnés, des cyclistes et des piétons se menaçaient du poing et montraient les dents.
Je suppose que ce n'était pas la populace habituelle.
Parce que, d'un : ils étaient presque tous asiatiques.
De deux : tout, et je dis bien tout, du gigantesque écran télévisé sur le bâtiment de l'autre côté de la rue aux chewing-gums collés sur le panneau de l'arrêt de bus, tout était en 2D, comme s'il s'agissait d'un décor de dessin animé.
Ma première réaction fut de pousser un hurlement.
M'attirant ainsi plusieurs regards dégoûtés de la part des passants, maugréant des phrases irritées, puis m'ignorant.
Ma seconde fut de pivoter comme une toupie vers la boutique de Jerry. Sauf que ce n'était pas la boutique de Jerry. C'était un magasin qui se dressait sur deux étages, avec de la peinture effritée et du bois blanchi par le soleil. Un volet bleu décoloré s'appuyait sur les marches ; le tout s'écroulait, tristement abandonné. Les alentours du bâtiment étaient sales, sans pelouse ni pots de fleur, vides.
Ma bouche devait être si grande ouverte qu'un train aurait pu en sortir.
Après plusieurs minutes infructueuses, je me laissais choir au sol, soudainement épuisée. Je pliais mes jambes et posais mon menton sur mes mains calleuses pour mieux regarder le monde, les yeux écarquillés.
Incroyable.
Je me frictionnais la bouche et creusais mes joues. Dorothy a dû mettre quelque chose dans mon Strawberry Explosion. Je n'allais pas laisser passer ça. Qu'est-ce que c'était ? De la LSD ? Des amphés ? Quoi d'autre ? Elle l'avait probablement fait avec les meilleures intentions du monde ; je pouvais presque entendre son larynx grésiller. Je vais t'aider à oublier tous tes problèmes, chérie.
« L'affreuse – quand j'en aurai fini, je jure-… » Mon dos se courba soudain, ma cage thoracique s'effondrant sur elle-même alors que le monde se mettait à tourner. « Si il m'attrape dans cet état… je suis morte, pire que morte. » J'eus une image de lui souriant à la police, puis me saisissant et me tirant hors du commissariat.
J'entendais déjà un bruit d'os brisés.
Je me frappais la tête et grognais. « Et merde, rédigez tout de suite le certificat de décès. »
Je regardais de nouveau, entre les pantalons et les jupes droites qui défilaient, (ce que je supposais être) la vue concoctée par mon imagination d'un quartier japonais typique.
Un quartier japonais typique, en 2D.
De toute façon, je suis fichue. Alors autant en profiter.
Je m'étirais, reculant légèrement mon épaule endolorie, et me penchais d'avant en arrière. Après avoir fait rouler mes hanches, m'assurant que mon corps était bien entier, je me levais, rejoignant la foule d'inconnus.
Je me laissais porter par les flots un petit moment. Je me sentais immergée, presque comme si je faisais partie du groupe, comme si je n'étais pas une simple personne mais une machine.
La foule finit par se disperser. De rares personnes étaient éparpillées et pianotaient sur leurs portables en s'appuyant à l'angle d'un mur.
« Je suppose que la pause déjeuner est finie » murmurais-je.
J'avais atterri en face d'une boutique de culture pop. La vitrine exposait des mannequins très minces (ne commencez pas à me parler de ça !) vêtus de couleurs chatoyantes, avec des perruques colorées et pleines de frisottis, avec des talons hauts et des mitaines ou des bas descendus jusqu'à leurs chevilles.
Le genre de couleurs qui devait bouleverser les nouveaux-venus dans le ''monde de la LSD''. Cela ressemblait à une usine de chewing-gums, ou au pire cauchemar d'une abeille.
Tout était si clair et si solide. Comme si je pouvais l'atteindre et le toucher…
Mon Dieu.
Je battis des paupières, me frictionnais les yeux, et battis de nouveau des paupières.
J'étais là, aussi claire que le jour, me reflétant sur la vitre.
Mis à part que ce n'était pas moi. Je veux dire, ça devait être moi, mais ça ne l'était pas.
J'étais moi aussi en 2D.
Ce qui était logique, après tout. J'étais dans une ville en 2D, je devais donc être en 2D moi aussi pour pouvoir en faire partie.
Bizarre, bizarre, bizarre, bizarre, bizarre…
Je me recoiffais involontairement et lissais mes vêtements. Je me tournais de droite à gauche, tordant le cou pour me voir à 360°.
Toujours pieds nus, des pieds nus en 2D. Toujours sale, les mêmes taches en 2D. Toujours le même pantalon, un pantalon cargo en 2D. Oh, oublie tout ça. J'étais totalement en 2D, de mes yeux gris jusqu'aux ongles de mes doigts rosis.
Chaque couleur était définie, chaque ligne lisse.
Un autre Otaku serait déjà en train de crier, sautillant et essayant toutes les expressions faciales des mangas. De la classique veine qui pulse à, bien sûr, la goutte de sueur.
Hé, je ne suis pas si différente des autres. Ne me retenant plus, j'essayais le coup de la veine qui pulse en triangle.
Pense à quelque chose qui te rend furieuse… si furieuse que tu as envie d'exploser… Pense aux hypocrites… à ces gens qui cachent leur vrai visage… à SON visage…
POP !
« Eurêka ! » m'exclamais-je, lançant mon poing en l'air. Aussi vite que la victoire était arrivée, ma veine avait disparu.
Un sentiment mauvais m'envahit. Ça va être vraiment amusant.
Après avoir fait le coup de la veine qui pulse aux mannequins immobiles dans leur vitrine (qui j'en suis sûre m'applaudirent dans leur petite tête en synthétique), je m'entrainais à basculer sur le côté et à tomber au sol dans un élan d'incrédulité. Après avoir terrifié un couple qui attendait un bus (au bout de mon huitième essai environ), je décidais de me faire plus discrète.
La goutte de sueur fut le plus difficile. Mon cerveau explosa presque sous l'effort. Je pouvais sentir mon corps tout entier trembler alors que j'essayais de toute ma volonté. Utilise la force…
J'essayais d'invoquer un sentiment de… hmm, difficile à décrire, difficile à faire.
Au final, je ne réussis pas à créer une seule goutte de sueur, simplement parce que je ne savais pas quel sensation y associer.
Je suppose que c'est le genre de chose qui se fait dans l'instantané.
Je regardais de nouveau autour de moi, à présent lassée par mon petit entrainement. Des tas d'étrangers m'évitaient largement, méfiants au vu de mes précédentes pitreries… ou peut-être comme ils auraient réagi face à une étrangère qui marchait pieds nus ?
Un son de trompettes me transperça les oreilles, rejetant au loin mes interrogations. Je levais les yeux pour apercevoir un nouveau reportage sur l'écran de télévision géant une dizaine de mètres au-dessus de ma tête.
Je tendis le cou et protégeais mes yeux du soleil. Je ne comprenais pas un mot de ce qui se racontait, mais un petit détail se ficha en plein dans mon cœur.
Le mot ''Kira'' prononcé plusieurs fois, et la gigantesque lettre 'L' éclairant l'écran.
Alors l'évidence me heurta.
Comme un bus qui entrerait en collision avec ma poitrine.
Comme une matraque en aluminium valsant pour s'abattre sur mon crâne.
Comme une minuscule bombe qui aurait fait exploser la moitié de ma tête, direction les cieux.
Mon hallucination ne m'avait pas plongée dans n'importe quel anime.
J'hallucinais à propos de Death Note.
FIN du chapitre
Xxxx
Xxx
Xxxx
*Notes de traduction :
(Le passage avec le lampadaire a été trafiqué. Un vrai casse-tête. Je ne vous dis pas le temps que j'ai mis à comprendre pourquoi il y avait une planche en bois sur ce fichu poteau…)
1 : un pantalon cargo, c'est un pantalon un peu large du genre vêtements de camouflage, militaire. Et les bongos sont des percussions.
2 : les samouraïs break-dancers, c'est une référence à quel manga ?
3 : Un peu de culture G, mes amies… Broadway et les comédies musicales, ça passe ? Bon, alors maintenant, les pensées de Sydney dans la boutique de Jerry. Euh… Désolée Snatchelle, mais le Canada est l'un des plus gros pollueurs au monde (je crois qu'ils n'ont pas ratifié le 2e Kyoto à cause de ça d'ailleurs). Mais c'est beau, le patriotisme ! C'est dommage que ça manque autant en France. Passées ces pensées, venons-en à la sécu. Apprenez donc un truc moche : aux USA, la sécu n'existe pas. Ou du moins, elle n'existait pas du tout quand le début de cette histoire a été écrit. Bénissons Obama d'être passé par là (au cas où il me prendrait l'idée d'émigrer, sait-on jamais). Il a réussi, hein ? Parce que je n'ai pas tout suivi… Voilà, donc grâce à Snatchelle, vous saurez que le 'paye ou crève', ça existe bien. Le monde des bisounours n'est pas le nôtre… Liberté d'expression… ça doit être une référence aux groupes de pression, je suppose. Et droit de vote, eh bien Sydney a le droit de rêver, vu qu'elle est canadienne, elle ne votera pas de sitôt aux USA.
xxx
Je transmets TOUTES vos reviews à l'auteur. J'espère que ça vous a plu, et que vous piaffez d'impatience à l'idée que Sydney rencontre ENFIN notre grand L.
Promis, le prochain chapitre ne tardera pas trop.
…
Eeeet…
Devinez qui on retrouve dans le prochain chapitre ? )
