ANCELIN STILLVICTOR-DISTRICT 1
Qu'est-ce que gagner au fond ? Remporter une victoire. Avoir des récompenses. Être respecté. Obtenir une gloire plus ou moins éternelle. D'après mon père, gagner, c'était rentrer dans les mémoires, c'était marquer l'histoire de son empreinte. C'était avoir les acclamations de tout le District pour le restant de tes jours. Dans mon monde, il y avait des gagnants et des perdants. Dans mon entourage, il n'y avait que des gagnants. Mon père était un gagnant. Ma sœur était une gagnante. Mon frère était un gagnant. Mon oncle était un gagnant. Mes cousins étaient tous les trois gagnants ainsi que mes deux tantes. Mon chat aussi, pourrait être un gagnant, s'il en avait l'occasion. Ma famille avait son gagnant au moins tous les cinq ans. Les Hunger Gammes étaient un pique-nique dans une prairie fleurie pour les Stillvictor, une partie de plaisir, une chasse aux papillons ou une promenade de santé. J'avais été éduqué toute ma vie pour figurer sur les tableaux des vainqueurs de la famille. Toute ma vie on m'avait entraîné durement, aussi bien mentalement que physiquement.
Les Stillvictor étaient aussi puissants que sympathiques. Des tueurs sympas, quoi. Mais quand il s'agissait des Hunger Games, le sérieux était de mise. Arava l'avait bien vite compris. C'était en étant rigoureuse et forte que ma sœur avait gagné une édition. Cassir, lui c'était surtout grâce à sa force brute et à sa capacité à réfléchir malgré tout. Nous étions identiques à ce niveau-là... Mais physiquement, c'était à Arava que je ressemblais le plus. Tous les deux blonds comme les blés aux yeux bleus limpides, les joues creuses et le front haut, le nez droit et les lèvres charnues, nos carrures imposaient le respect. Mais si nous étions identiques physiquement, c'était elle, la meilleure de nous deux. Cassir, lui était brun ténébreux du genre à chasser les chauves-souris et à les manger ensuite. Je ne rigolais même pas. Mon frère était quelqu'un de très sombre et de très secret. Surtout depuis sa sortie des jeux. Je n'avais jamais fait le poids face aux autres enfants de l'institution, malgré mon ascendance. Je n'en souffrais pas. Enfin un peu... Mais j'avais un sens de l'humour plus développé que celui de mes aïeuls !
-Ancelin-Caesar Brade Wren Stillvictor !
Quand ma mère m'apostrophait par mon prénom entier c'était que : a)- J'avais encore fouillé dans les affaires de ma sœur b)- J'avais oublié mon entraînement et Cassir m'avait encore dénoncé ! c)- J'étais toujours dans mon lit d)- Ma mère avais remarqué que j'étais encore sortis avec Swan e)- Je ne savais pas ce que j'avais pu faire, mais il fallait que je bouge si je ne voulais pas être atomisé par la famille « attention-on-manie-les-armes-dès-le-berceau-alors- si-tu-ne-veux-pas-mourir-maintenant-obéis-et-tais-toi. ». Quoiqu'il en était, il fallait que je bouge. Je sortais de mon lit, avec de grands yeux et les cheveux en bataille. Cela me donnait une allure de chouette. Avant d'avoir pu atteindre la porte de ma chambre, ma mère l'ouvrit. Si elle n'avait pas participé à des Jeux, son regard assassin scannait celui qu'elle visait. Je me sentais nu.
-Aujourd'hui tu n'as pas d'entraînement. Mais Swan t'attend !
Elle ne pouvait s'empêcher de grimacer en m'annonçant cela. Moi, je souriais. Swan était ma petite amie depuis quelques mois. Six pour être exact, mais si je comptais les mois où j'étais déjà fous amoureux d'elle, on en aurait pour environ toute une vie. Si maman n'aimais cependant pas le fait de me voir avec elle, c'était parce qu'elle craignait que cela ne me détourne de l'entraînement. Je savais aussi qu'elle avait souffert, lorsque papa avait fait les Jeux. Elle était enceinte de Cassir, je crois. Elle pensait que Swan vivra le même chagrin qu'elle...
Ni une, ni deux, je ne m'habillais avec précipitation en choisissant mes vêtements avec soin. Je passais un peigne dans ma tignasse : sans grand succès ! Mes cheveux étaient indomptables. Pour ma sœur c'était plus embêtant... On aurait dit qu'un explosif l'avait coiffé. C'était assez artistique des fois. Je quittais ma mère, descendis l'étage de notre somptueuse maison de vainqueurs et piquais un sprint vers la sortie. Arrêté dans mon élan par mon père, je le regardais pendant qu'il me parlais sérieusement :
-Avant de partir... Fais-moi un cri carnassier.
J'éclatais de rire et imitais grossièrement un rugissement.
-Pitoyable... Tu ferais presque peur à un cafard !
Malgré ses airs de brutes épaisses, mon père savait aimer. Dur et froid, il n'accordais des sourires qu'à sa famille. Comme le reste des Stillvictor. Si on demandait aux passants ce qu'ils pensaient de nous, ils diraient : froids, hautains, forts, puissants, brutes, indestructibles, impitoyables, carnassiers, violents et riches. C'était assez flatteur pour la plupart d'entre nous.
J'ouvris finalement la porte et aperçu une vraie déesse. Swan Olor, châtains, yeux chocolat, lèvres aussi oranges que chaudes et aux adorables taches de rousseur qui pigmentaient chaque partie de sa peau. Elle était tellement belle ma Swan. Mais elle était aussi fragile et maligne.
-Salut Ancelin.
-Salut beauté !
Je me réjouissais de voir que même après six mois, elle rougissait quand je l'appelais ainsi. Mon cœur s'emballait encore plus quand je voyais que ses joues s'enflammaient d'avantage sous mes baisers. J'agrippais sa main et l'entraînais loin du quartier, dans un coin qui n'appartenait qu'à nous : la fabrique abandonnée des diamants. C'était un endroit désert depuis cinq ans, suite au changement de mode. Les diamants c'était obsolète ! Maintenant c'étaient les saphirs, les rubis et les émeraudes. Enfin, c'était ce qu'affirmait Arava en tout cas.
-Ancelin..., murmura mon ange en me regardant.
Je savais ce qu'elle allait me dire. Je m'y étais préparé. Et pour la faire taire, je me concentrais à embrasser chacune de ses adorables taches de rousseur. Ce qui faisait pas mal de baisers... La dernière fois j'avais essayé de toutes les compter mais je m'étais arrêté à 236. J'avais commença à manquer de patience...
-Ancelin arrête tout de suite !
Je m'arrêtais d'un coup, un peu surpris. D'habitude, cela marchait à tous les coups !
-Ne me dis pas que tu n'apprécies pas ! Sinon je vais te traiter de menteuse et on sait tous les deux comment ça va se finir…
-Arrête Ancelin ! Tu crois que je n'ai pas compris que tu voulais me distraire ?
Je grognais sous ma barbe (inexistante) un petit « et merde » sentant que les ennuis venaient. Swan était peut-être belle, timide, gracieuse, intelligente, douce et gentille mais elle était aussi capricieuse, colérique et manipulatrice. Ainsi, elle obtenait toujours ce qu'elle désirait. Et là, elle voulait, c'était une réponse. La réponse, à la question que j'évitais depuis très longtemps.
-Ancelin... Tu croyais vraiment que tu allais pouvoir faire cela, sans m'en parler avant ! Non, mais c'est vrai quoi ! Nous ne sommes peut-être pas mariés, ou juste fiancés mais j'ai le droit de savoir ce que tu comptes faire de ton avenir. Nous nous connaissons depuis nos deux ans Stillvictor ! Deux ans ! Soit seize ans, ou pour moi tu as tout représenté ! Nous avons tout partagé Ancelin ! Tous... Mais toi, maudit Stillvictor, tu décides de rompre tout cela et de m'abandonner comme ça. Sans rien. Je ne sais pas si je t'aime ou si je te déteste, maudit Stillvictor !
Je ne disais rien, m'asseyant contre le mur froid de la fabrique. Je ne voulais pas en parler. Je le savais qu'elle réagirait comme cela. J'avais retardé cette discussion depuis tellement longtemps que je ne savais même plus ce qu'il fallait que je dise.
-Je croyais que tu tenais à moi, Stillvictor, souffla Swan.
-Swan, tu sais très bien que je tiens à toi. Alors pose tes mignonnes petites fesses à côté des miennes, arrête de m'appeler Stillvictor et écoute-moi.
Elle s'exécuta. Ses yeux chocolat s'étaient agrandis par l'intention qu'elle allait me porter. Ils étaient brillants. J'étais persuadée qu'elle allait pleurer, fondre en larmes dans mes bras, et que j'allais être incapable de la consoler.
-Avant cela, dis-moi honnêtement Ancelin. As-tu vraiment l'intention de te porter volontaire pour les Hunger Games ?
La fameuse question. J'inspirais un coup et répondis :
-Oui. Mais avant de me couper Swan, laisse-moi parler ! Tu sais ce que j'ai vécu, avec ma famille. Tu sais que c'est important pour moi d'être à la hauteur du nom que je porte...
-Depuis quand tu y portes tant d'importance ? Me coupa-t-elle.
-Laisse-moi parler ! Je ne l'ai jamais montré. Mais je dois le faire. Pour me prouver que moi aussi, je peux apporter gloire et honneur à ma famille. Je t'aime Swan. Je crois que je t'ai toujours aimé de cette manière, Swan. Ma vie, c'est avec toi que je veux la passer. Je veux me marier avec toi, avoir trois enfants, un garçon et deux filles, qu'on appellera Hachil, Calypso et Jewelle. Je veux une grande maison dans le village des vainqueurs, à côté de celle de nos parents, une vie à tes côtés pour pouvoir te voir aussi ridée qu'un vieux pruneau ! Mais pour cela, je dois te mériter. Auprès de tes parents qui sont des gagnants. Auprès des miens qui attendent cela depuis ma naissance. Et auprès de toi, qui mérites une vie de princesse !
-Tu sais très bien que je me fiche que tu sois gagnant ou pas. Je t'aime, maison de vainqueur ou pas ! Je t'en supplie Ancelin ! Ne participe pas à ces Jeux... Je t'en supplie !
-Je pourrais boire une mer, t'apporter mille étoiles, gravir toutes les montagnes et chasser tous les nuages du ciel, rien que pour toi et tes taches de rousseurs... Tout Swan. Mais, non. La seule chose que je ne ferais pas pour toi, c'est renoncer aux Hunger Games.
Elle baissa la tête. Je la remontais par le menton et essuyais les larmes qui prenaient place sur ses taches de rousseur.
-Je ne pourrais jamais te convaincre de changer d'avis n'est-ce pas ?! Dit-elle d'un air résigné.
-Non.
C'était ça qui était génial chez ma copine. Quand une cause était perdue, elle savait le reconnaître alors même que ses larmes roulaient au milieu de ses joues affreusement pâles.
-Alors je voudrais revenir sur quelques points. Tout d'abord il est hors de question que notre fils s'appelle Hachil ! C'est une horreur ! Notre maison sera la plus loin possible de mes parents. Je les ai assez supportés pendant dix-huit ans. Maintenant, c'est toi que je veux supporter...
Je ris doucement face à sa remarque. C'était du Swan tout craché.
-Tout ce que tu voudras Swan. Bon, est-ce que je pourrais profiter de toi avant de partir loin ?!
Elle rougit. Je plaquais mes lèvres sur les siennes tandis qu'elle déboutonnait ma chemise. Elle plaqua ses mains aussi douces que des pétales de fleurs sur mon torse et caressa mes abdominaux. Cela me faisait fondre comme à chaque fois. Je l'embrassais et descendis le long de sa gorge ou sa peau était si fine que j'entendais les battements de son pouls. Elle gémit alors qu'elle fouillait et s'agrippait à mes cheveux. Je me levais, la prenant dans mes enroula ses jambes autour de ma taille, approfondissant toujours notre étreinte. Nous allions continuer tout cela dans l'ancienne salle de repos des ouvriers. Le canapé, si souvent testé, était des plus agréable !
Je l'aimais, ma Swan. Et devoir partir loin d'elle pendant un petit moment m'effrayait un peu. Nous n'avions jamais été séparé, elle et moi. Je caressais ses cheveux lentement en profitant de leur touché satiné. Elle était si belle. Elle était à moi. Swan avait les yeux clos et fredonnait une mélodie légère. Allongée à plat ventre sur moi, totalement nue, elle secouait la tête en rythme avec sa mélodie. Je me disais dans des moments comme ceux-là, que pour rien au monde je n'échangerais ma place et que j'étais un imbécile de risquer tout ce que j'avais pour l'honneur de ma famille.
-À quoi penses-tu ma Swan ?
-À toi, Ancelin, me répondit-elle en ouvrant ses deux prunelles chocolat. Avant que tu partes j'ai un crime à expier.
J'arrêtais de jouer avec ses cheveux. Une de ces boucles était enroulée sur mon index.
-Tu te souviens de la fois ou tu as retrouvé Monsieur Kenny décapité ?
-Très bien. Nous avions cinq ans. Je crois que j'ai pleuré ce pauvre Monsieur Kenny pendant une semaine.
Elle fronça ses sourcils.
-Bon OK ! J'ai pleuré pendant au moins deux semaines ! Je te préviens, je n'irais pas plus loin !
Son rire cristallin résonna dans la pièce. Je reprenais mes entortillements avec ses cheveux et mon index.
-Tu ne t'intéressais pas à moi à cette époque... , soupira Swan en reprenant son récit.
-Oh si ma Swan. C'est toi qui n'était pas intéressée.
-Tu te trompes Stillvictor !
-Arrête de m'appeler ainsi ! Tu sais que cela m'agace !
Ses deux yeux chocolat brillaient avec malices. Cela m'énervais et elle le savait parfaitement. Je la chatouillais sur le ventre : c'était son point faible. Elle se essaya de se débattre, en laissant échapper des petits gloussements. Je la fis basculer et l'entraînais dans une chute sur le sol froid et dur de la salle ou nous nous trouvions. Swan posa un baiser sur mes lèvres et me donna une pichenette. Je grimaçais par pure politesse. Elle rit et se blottit contre moi, la tête reposée sur mon torse, ses cheveux châtains reposant en un halo.
-Je continue mon aveu ! Quand nous avions cinq ans, tu étais toujours fourré avec cette greluche de Gabardine.
-Elle sera volontaire cette année, elle a toutes ses chances : elle est assez jolie bien que stupide.
Je m'arrêtais en constatant son air boudeur.
-Je n'ai plus le droit de trouver les autres filles jolies ?
Elle ignora ma remarque d'un air boudeur, alors que je l'embrassais. Elle savait qu'elle était la seule et l'unique à mes yeux. Gabardine l'avait trés vite compris, bien avant elle !
-Bref. J'étais un peu jalouse.
-Un peu ?! la taquinais-je malicieusement
-Bon, peut-être beaucoup. Ne me cherche pas Ancelin ! Mais vas-tu me laisser finir ?
J'opinais de la tête.
-Je voulais que tu passes encore plus de temps avec moi. Mais tu restais collé à cette greluche. Alors quand tu as laissé Monsieur Kenny, sans surveillance et près de Gabardine, je l'ai pris. C'est moi qui lui ai arraché la tête. Je voulais faire accuser Gabardine.
Je soupirais. Je le savais depuis longtemps que c'était elle. Mais j'avais toujours sû tout lui pardonner… Je sentais à sa respiration qu'elle prenait la chose très sérieusement. Elle se décolla de moi, pour mon plus grand déplaisir, et me regarda avec inquiétude.
-Tu ne m'en veux pas ? Me questionna-t-elle.
-Non. Pas du tout. Et puis comme ça nous somme quittes.
Soulagée, elle m'embrassa fougueusement. Je répondis favorablement en caressant ses boucles. Elle s'arrêta subitement. Me regardant encore une fois, mais avec une pointe de curiosité.
-Comment ça « Nous somme quittes » ?
-C'est moi qui ai cassé ta poupée Aurore, celle en porcelaine et que tu aimais tant, quand nous avions sept ans.
Son visage devenait écarlate et je savais qu'elle était en colère. Les cheveux partants dans tous les sens, les lèvres entrouvertes, les joues rouges et les yeux menaçants... Swan aurait pu me faire presque aussi peur que mon frère ! Mais c'était Swan : incapable de tuer un petit puceron ! Je ris de son allure. Elle me rejoignit vit et reprit ses baisers. Après quelques minutes, elle s'arrêta sous mes protestations :
-Faut que je prenne une douche avant de rentrer. Et que je me prépare pour la Moisson.
-Mais tu pourras le faire chez toi...
-Impossible, mes sœurs prennent toute l'eau chaude.
Elle se leva et rejoignit les douches de services qu'utilisaient les employés. J'admirais le corps de ma déesse. Je me levais à mon tour. Après tout, moi aussi je devais prendre une douche !
Tous les deux, nos doigts entrelacés, nous étions sur le chemin du retour. Sa petite main était moite dans la mienne et un air triste et inquiet s'étalait sur son si beau visage. Elle avait peur pour moi. Je m'obstinais à la rassurer, mais rien n'y faisait : elle ne comprenait pas mon choix.
Swan avait revêtu une robe d'un orange doux, à bretelles larges, qui s'accordaient avec ses taches de rousseur. Elle s'était faite une couronne de tresses en laissant la plupart de ses boucles retomber dans le milieu de son dos. Ses boucles d'oreilles en saphir, que je lui avais offertes pour ses dix-huit ans accompagnaient le tout, dans un tableau enchanteur et des plus agréable à regarder. Je ne le disais jamais assez mais elle était belle ma Swan. Je la déposais chez elle, et rentais chez moi, pour manger.
-Alors Ancelin, tu vas être tribut cette année ? M'interrogea Cassir pendant le repas.
-Oui.
-Eh bien ! Il était temps ! Tu commençais à nous faire honte ! Ajouta-t-il d'un air trop sérieux à mon goût.
-Laisse-le Cassir ! le coupa Arava. Ce n'est pas de sa faute si ce n'est qu'une petite mauviette !
-Arrêter d'embêter votre frère. Aujourd'hui il prouve sa valeur !
-Ou sa stupidité ! Continua Cassir. Il ne tiendra pas deux jours dans l'arène ! Ce gros bébé n'a hérité d'aucun gène des Stillvictor !
-Ce n'est pas vrai, reprit notre père, tenant à me défendre. Il mains très bien les épées, les lances et les pieux. Le combat rapproché est son point fort et il est très réfléchi. Il est aussi doué que vous deux.
-Pff... Je te parie deux chocolats qu'Ancelin sera mort avant le cinquième jour.
-Pari tenu Cassir ! Moi je te parie qu'il sera mort trois jours après le bain de sang, déclara Arava.
Comme à chaque fois, je ne disais rien et pensais à Swan. J'avais tellement envie de leur prouver que moi aussi je pouvais gagner ! Moi aussi je pouvais tuer ! Moi aussi j'étais fort. Et je méritais le nom des Stillvictor ! Je voulais qu'ils soient fiers de leur frère et de leur fils. Je voulais leurs reconnaissances. Je savais que je pouvais leurs prouver tout cela. Et père l'avait dit lui-même : je pouvais facilement gagner ! Ainsi je rentrerais en dorant encore plus le blason des Stillvictor et en honorant Swan.
Quand le gong retentit, j'étais déjà sur la place en compagnie de mes deux amis : Roch et Basil. Nous étions quasiment nés ensemble. Les entraînements, nous les avions fait ensemble, les quatre cent coups aussi...Basil me salua gaiement :
-Alors Ancelin ! Prêt pour ton jour de gloire ?
-Aujourd'hui le dernier des Stillvictor va nous éblouir et rapporter la victoire à son district adoré ! Clama Roch.
-Fin prêt les gars ! Je ne vous oublierai pas dans l'arène ! Leur fis-je en un clin d'œil. Mais rendez-moi un petit service...
-T'inquiète ! On prendra soin de ce qui t'es cher ! Me rassurèrent Basil et Roch en désignant Swan qui venait d'arriver en compagnie de Silk et d'acétate, deux filles qui s'entraînent avec nous au centre.
Elles étaient, elles aussi, volontaires cette année. Si Swan n'était pas une carrière, comme nous, c'était parce que sa mère l'avait refusé. Et je devais bien admettre que j'en étais bien content. Mais je savais qu'elle en avait souffert un moment, de cette différence. Sa mère était une ancienne gagnante des Jeux, et elle n'avait pas voulu que ses filles en deviennent. C'était la seule famille du village des vainqueurs à ne pas entraîner ses enfants en vue des Hunger Games.
-Merci.
- On ne la laissera pas, notre Swan. Tu sais, c'est aussi notre amie avant d'être ta copine Stillvictor ! Rit Roch. Tu as intérêt à revenir, parce que sinon la bande ne sera plus la même sans toi. Et ramasser Swan à la petite cuillère ne me fait pas très envie. Puis on n'aurait plus personne pour faire des blagues vaseuses...,rajouta Roch.
-Eh ! M'indignais-je. Mes blagues ne sont pas vaseuses ! Elles sont subtiles et hilarantes. Depuis dix-huit ans vous auriez dû avoir compris que le problème venait exclusivement de vous et de personne d'autre !
Je les frappais amicalement avant de nous faire enregistrer et de rejoindre la section des dix-huit ans. En face de moi, se trouvait Swan. Ses yeux étaient rougis. Elle avait refusé de pleurer devant, je le savais. Elle pouvait se montrer tellement fière, dès fois. Elle évita mon regard et se contenta de contempler ses pieds pendant plusieurs minutes, avant de parler avec Acétate et Silk, toutes excitées.
-T'inquiète pas Stillvictor. Elle ne t'en voudra voudras pas longtemps.
Je grimaçais. Rien n'était moins sûr... La cérémonie commença, et la foule, comme un seul homme, fit le silence.
-Bienvenu, bienvenu peuple du District un ! Est-ce que vous allez bien ? Bien sûr ...répondis Albin Snow à notre place. Dans quelques instants, nous saurons lesquels d'entre vous, auront l'honneur et le privilège de marquer leurs noms dans les courageux combattants du District le plus noble de tous Panem!
Nous applaudissions, tous avec plus au moins d'énergie. La mienne était restreinte. Mon cœur battait à tout rompre. Je pouvais encore renoncer, changer d'avis. Personne ne m'en tiendrait rigueur, je le savais. Cassir et Arava se moqueraient de moi, ma mère, elle me prendrait dans ses bras me répéterait que j'avais fait le bon choix. Mon père comprendrait. Et Swan... Et Swan serait folle de joie. Mais moi, je ne mériterais plus le nom des Stillvictor. Je ne serais plus que le petit dernier, celui qui avait trop peur pour affronter la mort. La voix de l'hôtesse me sortit de mes pensées :
-Avant cela, prenez votre mal en patience et visionnons ce merveilleux film sur le Capitole !
Chaque Moisson c'était la même chose. Je savais qu'il me restais du temps avant de me porter volontaire. Alors j'admirais ma déesse. Je me retournais et aperçu ma famille, amassée avec les autres, en attendant de savoir qui allait représenter le District un. Leurs yeux étaient fixés sur moi. Mon père avait un air triste. Voulait-il que je renonce ? Arava et Cassir se battaient comme deux enfants et ma mère, agrippée au bras de mon père, avait les prunelles brillantes.
-Voilà. Maintenant chers habitants du District un, trêve de patience. Vous voilà récompensés ! Je vais de ce pas, désigner l'heureuse élue qui aura l'honneur de représenter le District un pour ces quarante-sixième Hunger Games.
Mon regard se tourna vers les mentors de cette année. Fenrir et Georgina étaient des amis de la famille. J'avais toujours soupçonné Arava d'avoir un faible pour Fenrir... Je les connaissais très bien et je savais qu'ils feraient tout, pour me ramener en vie et sain et sauf à mes parents. Une fillette de treize ans s'approcha de l'estrade. J'avais totalement perdu le fil de la cérémonie.
-Je vais poser la question, mais s'il vous plaît, Mesdames ne m'arrachaient pas les tympans : Qui se porte volontaire ?
Plusieurs filles hurlèrent en même temps dont Acétate et Silk. Elles laissèrent ma Swan toute seule, que je voyais perdre pied petit à petit. Swan releva la tête et me regarda de ses yeux chocolat tous rougis. Je lui souris. Un sourire s'étala sur son visage, timide et sans éclat.
-Allons, allons ! Intervient Albin Snow. Ne faites pas pleurer une si jolie fille ! Alors Dilana Quarelle acceptes-tu que cette volontaire prenne ta place ?
Je devais être concentré pour ces Jeux ! Je regardais de nouveau la scène. Une fille à la peau claire et aux cheveux noirs colla un baiser sur la joue de la petite fille qui s'empressa de l'essuyer. Cette fille était dangereusement folle. Je la connaissais de vu et en avais entendu parler. Ebène Allonzer... Elle fréquentait le même centre que nous. Elle représentait une force brute qui effrayait tout de suite. Elle ne semblait pas réfléchie et peu maligne.
-Et mais c'est la petite pauvresse : Ébène Allonzer ! S'exclama Roch ! Je ne l'avais pas reconnu. Une vraie folle née celle-là ! L'autre fois, je l'ai vu démolir un gamin de six ans qui lui bloquait le passage.
-Va falloir faire gaffe, Ancelin. Celle-là, elle est venimeuse !
-Peut-être, mais elle est trop sure d'elle, affirmais-je.
Ébène resta sur l'estrade, un énorme sourire charmeur collé sur le visage. Acétate et Silk repartirent à leurs places. Swan les épaula et les consola, mais les deux jeunes filles ne s'en préoccupèrent pas, trop occupées à regarder méchamment celle qui leur avait volé la vedette.
-Maintenant ! Autour des valeureux garçons de faire leurs preuves, s'exclama Albin Snow.
Il tira un papier du bocal, avec grâce et fantaisie. Il le déplia minutieusement tandis que la foule retenait son souffle.
-Brutus Allwoway !
Un gamin de quinze ans sortit des rangs. C'était le neveu de la plus puissante des familles du District. Eucacia, sa tante était vraiment une fille sympathique et rigolote quand on la connaissait mieux. Je savais qu'elle aimait beaucoup Swan. Dépitée et affolée, cette dernière me regardait comme une petite souris prête à être dévorée par un gros chat. Elle me suppliait du regard. Je n'avais qu'une envie : la prendre dans mes bras et lui dire que j'allais revenir auprès d'elle.
-Alors maintenant Messieurs, lequel d'entre vous désirent se porter volontaires ?
Je me déplaçais, mollement, comme si mon corps ne m'appartenait plus et me dirigeais vers l'allée centrale tandis que d'autres cris se faisaient. Je m'avançais sur l'estrade et tout s'enchaîna incroyablement trop vite. J'allais forcément être choisi : un fils, frère, cousins, neveu, petit-fils de vainqueurs... Une autre victoire familiale à coup sûr ! Il était trop tard pour reculer. Je collais un sourire aussi gros que celui d'Allonzer et imposais ma carrure aux caméras. Mon prénom et mon nom annoncés, les habitants du District 1 m'acclamèrent d'avantage. J'étais déjà leur gagnant. Quand on me demanda de serrer la main d'Allonzer, je réprimais un geste de dégoût face à cette fille qui ne m'inspirais aucun respect. Elle avait l'air étonnée de me voir mais secoua ma main en la broyant. Conduis dans l'hôtel de Justice puis dans une vaste pièce qui ressemblait au petit salon personnel de ma mère, j'allais recevoir les dernières visites avant mon départ. J'étais dans un état second. Je ne réalisais pas ce que je venais de faire. Je réprimais ce sentiment de regret qui me rongeait petit à petit. Mais qu'est-ce que je venais de faire ?
-Cette année va être riche en émotions Roch ! Notre meilleur pote fait partie des tributs !
-Tu m'étonnes Basil ! Nous allons observer de très près ce que tu fais. À ton retour rien n'aura changé.
Justement. Je voudrais qu'à mon retour tout ait changé. Le jugement de ma famille, la désolation de Swan, la lourdeur de mon nom de famille...
-Ne t'inquiète pas pour Swan, Ancelin. Tu dois te concentrer pour les Jeux. Et si tu reviens dans une boîte en carton, cela ne l'aidera pas à aller mieux.
-Tu as raison. Je dois faire abstraction de tout cela. Mon nom de famille est ma plus grande force.
-Non Ancelin. C'est Swan ta plus grande force. Depuis qu'on est gamin, c'est elle qui te fais avancer. Pas ta famille.
Ils partirent trés vite, certains de me revoir tous les deux. Aussitôt fermée, la porte s'ouvrit de nouveau et une tornade de cheveux bouclés et de taches de rousseur fondirent sur moi. Je la prit dans mes bras et la serra fort, très fort, trop fort... Mon étreinte était désespérée. Je m'accrochais à elle comme à une ancre. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. J'étouffais un sanglot. J'étais loin d'être faible... Mais je n'avais jamais voulu tout ça. Si seulement j'étais né dans une autre famille.
-Ancelin-Caesar jusqu'au bout tu n'en auras fait qu'a ta tête. Petit être immature et abruti !
-Swan...
-C'est décidé Stillvictor : tu es l'être le plus détestable que cette terre a créé ! Un vrai con !
-Swan...
-Je te déteste maudit Stillvictor !
-Swan... Je t'aime aussi.
Elle pleurait à grosses larmes et je la consolais du mieux que je le pouvais. Elle tenait dans sa main un bouton que je reconnu immédiatement. C'était un des deux yeux de Monsieur Kenny. Je me souvenais lui avoir donné le cadavre de la peluche il y avait quelques semaines. Elle le serrait fort dans sa petite main. Je remarquais que sur son poignet, l'autre œil y était, cousu à un ruban de satin de la couleur de mes yeux. Je lui pris le bouton des mains. Swan me le reprit et l'attacha sur mon poignet.
-Quand tu rentreras, Monsieur Kenny retrouvera ses deux yeux. Comme ça il ne pleurera pas pendant ton absence.
-Monsieur Kenny me retrouvera vite Swan. Ensuite je me marierais avec toi.
Ses yeux s'illuminèrent et je l'embrassais avec tout l'amour que je ressentais pour elle. Elle était ma bouffée d'oxygène, dans ce monde qui n'attendait qu'une seule chose de nous : que nous soyons des combattants, des tueurs.
-Reviens vivant Ancelin. Ne me laisse pas toute seule...
-Tu ne seras jamais seule Swan, je serais toujours avec toi. Et puis tu as Acétate et Silk.
-Il va falloir que je les console surtout... Je t'aime tellement Ancelin. Ne m'oublie pas.
-Jamais Swan. Jamais, murmurais-je tandis que les pacificateurs la traînaient hors de la salle.
Elle hurla et se détacha des deux pacificateurs en courant pour me prendre dans ses bras une dernière fois. Elle m'embrassa comme si je détenais la dernière bouffée d'air de la planète. Elle s'arracha vite de moi, et partit d'elle-même en se retournant qu'une seule fois et en regardant les hommes d'un œil méchant. Personne d'autre ne vient me voir. Ma famille n'en avait que faire. Ils avaient peurs pour moi certes, mais ils pouvaient me revoir une fois au Capitol. Les anciens vainqueurs s'y trouvaient toujours durant la période des Hunger Games. Soit je mourrais pendant les Jeux, et je n'avais jamais existé pour eux. Soit je les gagnais et je me mettais à exister pour qui j'étais réellement, à leurs yeux.
Tout ne fût que brouillard après. Je savais juste que je m'étais présenté amicalement à Allonzer. Il fallait se mettre cette brute dans la poche ! Je n'avais pas entendu ce qu'elle m'avait répondu, mais j'avais juste deviné que cela serait dur. Tripotant le bouton autour de mon poignet, je pensais déjà à Swan et au bonheur de me marier avec elle, et de fonder une famille avec des enfants blonds, les nez constellés de taches de rousseurs brunes. Les Hunger Games commençaient. J'allais devoir tuer. J'étais prêt à tuer. Je le devais. Pour enfin naître aux yeux des Stillvictor.
Ancelin Stillvictor Tribut du District 1
Le sort sera-t-il en sa faveur ?
