Résumé

Shiro avait l'habitude de rêver de la Terre. C'était avant l'Arène, avant Haggar, avant de rejoindre les rangs de l'armée galra. Au moins, il avait un allié, un officier galra nommé Keith. Ensemble, ils avaient l'intention de détruire l'empire de Zarkon depuis l'intérieur.

Matt n'aurait jamais cru revoir sa famille un jour. Mais il s'écrasa sur Terre et Pidge le sauva des griffes de la Garnison. Les enfants Holt, accompagnés de Lance et de Hunk, doivent désormais trouver les lions de Voltron et libérer l'univers du contrôle des Galras.

Ou : Galra!Keith, agent double!Shiro, paladin rouge!Matt, paladin noir!Allura, série complète AU.

[Saison 1 de Voltron : Duality. COMPLÈTE]

Note de la traductrice : Hola les gens ! Je suis de retour (pas pour faire des blagues sur Pokémon) pour une nouvelle traduction !

Je vous présente donc Another Word for Never (une autre façon de dire jamais, donc), qui remanie l'histoire de Voltron d'une façon que j'ai absolument adoré ! J'espère que ça vous plaira tout autant. Si vous préférez AO3 pour lire, vous pouvez également la retrouver à l'adresse indiquée sur mon profil.

Pidge est de genre neutre dans cette histoire, j'utiliserai donc le pronom "iel". Faites-moi savoir si je fais une erreur, on sait jamais :) Et pis, pour les amateurs de Klance, cela viendra, promis ;)

Aussi, je m'essaie au style français, avec les tirets pour les dialogues et tout et tout. C'est tout nouveau pour moi, donc dites-moi si je fais ça bizarrement ou quoi.

Bref, bonne lecture.


Chapitre 1

Transfert

Shiro commençait vraiment à détester le commandant Sendak. Cela faisait cinq minutes qu'il se trouvait sur le pont, saluant, et Sendak n'avait pas fait signe d'avoir remarqué sa présence. De toute évidence, ce dont il discutait avec Haxus était bien plus important que son urgente convocation qui avait obligé Shiro à traverser l'intégralité du Prédateur en courant. Cela n'avait rien d'inhabituel, en réalité, mais cela restait frustrant. Et évidemment, qui irait s'en plaindre ? Les deux officiers étaient déjà assez intimidants en soi : Sendak était grand et bestial, même sans son énorme bras mécanique ; Haxus était un peu plus fin, bâti comme un guépard prêt à poursuivre sa proie jusqu'à sa tombe. Mettez-les côte à côte et seul un fou irait leur chercher des noises.

Shiro garda donc un air impassible. Calme. Respectueux. Joue ton rôle, Champion. L'obéissance était cruciale dans l'armée galra, surtout pour le peu de soldats qui sortaient de l'Arène. Shiro, comme les autres, était surveillé de près. Le moindre signe d'insubordination lui serait fatal.

Il ne pouvait se permettre de tout gâcher maintenant.

Il se tint donc le dos bien droit, la tête haute, son bras mécanique traversant son torse dans un salut militaire en attendant que Sendak se souvienne de son existence.

Cinq nouvelles minutes passèrent. Des Galras s'activaient autour de Shiro, le regardant curieusement. Lui, le grand Champion, resté invaincu pendant six mois. Lui, le seul et unique humain de l'armée de Zarkon. Lui, l'animal de compagnie d'un prince galra.

De la sueur perla sur le front de Shiro ; il avait des crampes aux jambes du fait d'avoir sprinté depuis la salle d'entraînement.

Sendak congédia enfin Haxus et se dirigea vers Shiro. Il lui fit un signe de tête et Shiro se mit au repos, les mains liées derrière son dos, les épaules et les pieds écartés. C'était un geste typiquement humain, un reliquat de son temps à la Garnison Galactique, ce qui en faisait un petit geste de rébellion – la seule rébellion que Shiro s'accordait.

Sendak fit une moue dédaigneuse, mais ne dit rien. Au lieu de ça, il activa l'écran de son bras mécanique et le fit glisser. L'émetteur au poignet de Shiro bipa, indiquant la réception d'un message qu'il ouvrit et lut en diagonale.

Il jeta un coup d'œil à Sendak.

— Des ordres de transfert, sire ?

— Avec application immédiate.

Le sourire de Sendak ressemblait plus à une grimace bestiale, sauvage et dangereuse. La fente de sa prothèse oculaire se réduisit alors qu'il étudiait Shiro du regard.

— Dis-le à ta gouvernante.

— Vous voulez dire mon commandant.

Le ton de Shiro était peut-être un peu trop acide pour une nouvelle recrue qui s'adressait au commandant du vaisseau. Shiro n'en avait cure. Il maintint le regard de Sendak jusqu'à ce que le sourire du Galra s'agrandisse.

— S'il ne veut pas venir avec toi, il va devoir te trouver une nouvelle nounou. Dis-lui qu'il dispose d'une heure pour te dégager de mon vaisseau.

Shiro ravala ses protestations (une heure ?) et salua Sendak à nouveau.

— Vrepit sa, grogna-t-il avant de tourner les talons et de quitter le pont.

-x-x-x-

— Tous vos commandants sont comme lui ? demanda Shiro dès que la porte de ses minuscules quartiers se referma derrière lui.

La forme se trouvant sur une des deux petites couchettes grogna en réponse, le nez plongé dans un énorme livre. Un livre matériel, ce que Shiro trouvait toujours autant amusant, même après l'avoir vu presque tous les jours pendant trois mois. Combien de Galras possédaient ne serait-ce qu'un livre, sans parler des deux douzaines qui étaient rangées en vrac sous la couchette ?

Shiro s'appuya contre sa propre couchette et leva un sourcil.

— Il t'a encore traité de nounou.

— Pour être honnête, il n'a pas tout à fait tort.

Keith.

Avec un grognement, Keith coinça un bout de papier entre deux pages de son livre et le reposa. Ses cheveux étaient emmêlés après avoir dormi et l'une de ses oreilles de chauve-souris était retournée. Elle tressauta à deux reprises avant de se remettre d'aplomb et Keith frotta les marques d'oreiller sur ses joues. Il leva ses yeux jaunes fatigués vers Shiro.

— Shiro, il y a trois mois encore, tu te battais dans l'Arène. Si tu voulais leur faire croire que tu avais changé d'avis aussi vite, il fallait abattre un chiot.

Shiro leva les yeux au ciel et s'accroupit, cherchant un grand sac sous son lit.

— Vous n'avez même pas de chiots, ici.

— Eh bien, improvise.

Shiro laissa échapper un petit rire. Il ne savait pas où Keith avait entendu parler de chiots ; cela ne semblait pas assez important pour faire son apparition dans les dossiers militaires des Galras ni pour faire l'objet d'une rumeur sur l'équivalent intergalactique d'Internet. Shiro ne lui en avait jamais parlé, il en était sûr, et il constituait 90 % des sources de Keith. Mais on parlait de Keith. Il revenait toujours avec de nouvelles blagues humaines ou de simples anecdotes. Shiro appréciait, même quand il ne comprenait pas. Cela le faisait se sentir un peu plus chez lui sur ce vaisseau de guerre.

Shiro prit le sac de Keith et le lui lança.

— Tu devrais commencer à préparer tes affaires.

Keith fixa le sac.

— Quoi ?

— Ordres de transfert. Sendak ne veut pas de nous sur son vaisseau.

Le ton de Keith se fit acide :

— Quoi.

Shiro jeta une dernière paire de chaussettes dans son sac et le referma. S'il fallait bien dire une chose à propos des prisonniers devenus soldats, c'était qu'ils avaient vite fait de faire leurs bagages. Il se redressa, passant le sac par-dessus son épaule.

— Non, sérieusement.

La couchette grinça quand Keith en descendit. Jusque là, il était le seul Galra à être plus petit que Shiro, ce dont le jeune humain tirait parti autant que possible.

— Qu'est-ce que tu veux dire par ordres de transfert ? Où allons-nous ? Pourquoi Sendak veut qu'on parte ? Qu- ?

Keith s'interrompit dans un grognement frustré et Shiro soupira :

— Tout ce que je sais, c'est que Sendak a dit que j'avais une heure pour quitter le vaisseau. Tiens.

Il chercha la sommation sur son émetteur et la transmit à Keith, qui resta silencieux un moment pour la lire.

Quand il en eut terminé, il souffla avec agacement et croisa les bras.

— Ça ne veut rien dire.

Shiro lui adressa un faible sourire :

— Bienvenue dans l'armée de Zarkon.

-x-x-x-

Pidge était sur le toit de la Garnison quand la sirène s'était déclenchée. Une fois le choc initial passé, les tympans vrillés, la première chose à laquelle iel pensa fut l'alarme incendie. Puis la voix d'Iverson s'était fait entendre, indiquant à tous les élèves de rester dans leur chambre. Ensuite, une boule de feu – pas une météorite, mais un vaisseau qui s'écrasait – avait traversé le désert.

Iel avait fait la seule chose qui lui semblait logique, soit partir en courant. Si cela voulait dire laisser Lance et Hunk derrière, qui avaient trouvé Pidge sur le toit, en train d'écouter des transmissions provenant de l'espace… eh bien, iel n'allait pas se plaindre d'échapper à cette explication.

Sauf que, quand Pidge s'installa sur la falaise, au-dessus de la base temporaire de la Garnison qui était apparue dans le désert près du lieu de collision, Hunk et Lance étaient juste derrière iel.

— Qu'est-ce que vous faites ? demanda Pidge, fouillant son sac à dos à la recherche d'une paire de jumelles numériques.

— Je ne sais pas, honnêtement, dit Hunk. Je devrais être dans ma chambre, là. Vous avez entendu Iverson ? Ce n'est pas un exercice. On est censé rester à l'intérieur et laisser les adultes s'en charger. Mais tu es parti·e en courant et Lance a dit que c'était étrange et qu'on devait te suivre et je voulais simplement pas être laissé seul sur un toit au beau milieu de la nuit. C'est pas de ma faute.

Avec un soupir, Pidge leva ses jumelles et observa les alentours. La base mobile n'était composée que d'une sorte de grande tente, mais était entourée d'au moins une douzaine de véhicules. Il y avait des jeeps, des hovercrafts et même un tank. Ils prennent vraiment ça au sérieux.

— Qu'est-ce que c'est ? fit Lance, son coude percutant Pidge dans les côtes alors qu'il se laissait tomber à ses côtés. Des aliens ? Des espions ? Laisse-moi voir.

Il n'attendit pas de réponse, arrachant simplement les jumelles des mains de Pidge.

— Hé !

— Je vais faire vite, t'inquiète. Apprends à partager, Gunderson.

— Excuse-le, dit Hunk. Lance, te comporte pas comme un con.

Pidge poussa un long soupir. S'iel ne traînait pas avec ces deux-là, c'était pour une bonne raison. Hunk et Lance (surtout Lance) étaient difficiles à supporter à la longue. Rien qu'en classe, iel avait du mal.

Mais Pidge laissa les jumelles à Lance pour le moment et ignora leurs murmures effrénés, Hunk essayant de convaincre son ami de s'excuser. De toute manière, il n'y avait rien de bien plus intéressant que la tente. Sauf le vaisseau en lui-même, que Pidge ne reconnaissait pas du tout. Il n'appartenait pas à la Garnison. Il n'était pas humain, à moins qu'un autre pays ait complètement remodelé ses vaisseaux depuis la dernière fois que Pidge avait regardé.

Iel ne voulait pas se faire de faux espoirs, mais il était bien possible que la personne qui se trouvait dans cette tente soit un alien, ce qui voulait dire qu'il y avait une petite chance qu'elle amène Pidge à sa famille.

La première chose à faire était de jeter un coup d'œil à l'intérieur. La sécurité de la Garnison était étroite, mais cela faisait un an que Pidge hackait leurs ordinateurs. Iel connaissait tous leurs points faibles, tous les raccourcis qu'ils prenaient pour reconfigurer leur système. Et là-bas ? Dans une tente qu'ils avaient montée en moins de dix minutes ?

Ouais, ce qu'ils avaient mis en place ne méritait pas le nom de pare-feu. Ce n'était rien de plus qu'un ruban de police demandant poliment à Pidge de rester en dehors de ça.

Pidge eut accès aux transmissions des caméras sur son ordinateur en moins d'une minute.

Son cri de triomphe, cependant, tourna court en voyant ce qui se passait à l'intérieur. Une infirmerie rudimentaire avait été installée, constituée simplement d'un lit et d'un moniteur. Le jeune homme qui se trouvait sur le lit se débattait avec ses liens.

— Non. Je vous en prie ! Lâchez-moi ! Lâchez-moi !

— Oh mon dieu, murmura Pidge.

Iel n'arrivait plus à respirer. Iel ne pouvait pas détourner les yeux de l'écran, même quand Lance se jeta par-dessus ses épaules, exigeant à voir ce qui se passait, même quand Hunk se plaça derrière eux, posant des questions.

— Hé, attendez une minute…

Lance se pencha sur l'écran alors que les médecins parlaient de quarantaine et de sédatifs.

— Je reconnais ce gars ! Il faisait partie de la mission Kerberos !

— Ils ne l'écoutent même pas, dit Hunk.

Pidge referma vivement l'écran de son ordinateur et le fourra dans son sac. Oh mon dieu. Oh mon dieu.

— Je dois le sortir de là.

— Attends, quoi ?

Lance l'attrapa par le bras alors qu'iel cherchait un endroit de la falaise où la chute serait plus du genre « glissade incontrôlable sur dix mètres » que « dix mètres à la verticale totale ».

— Attends. Je croyais que c'était moi qui me chargeais des plans tarés dans cette équipe.

Pidge se dégagea.

— Je ne vais pas rester sans rien faire et les regarder l'endormir !

Lance pencha la tête, fronçant les sourcils.

— C'est en rapport avec les aliens ?

— Non, Lance ! Ça n'a rien à voir avec les aliens. C'est-

La voix de Pidge faiblit.

— C'est mon frère qui est là-bas.

Cela réduisit les deux garçons au silence et Pidge en profita pour dévaler le flanc de la falaise. Iel montait déjà un plan dans sa tête en se relevant au pied de la pente, se dépoussiérant un peu. Il me faut une diversion. Une explosion ? Comment je peux construire une bombe en moins de trente secondes ?

Des bruits de pas qui dérapaient et des jurons l'interrompirent et iel pivota, regardant Lance et Hunk d'un air hébété. Qu'est-ce qu'ils faisaient là ?

— Vous allez vous faire virer de la Garnison si vous n'êtes pas prudents.

— Toi aussi, rétorqua Lance.

Pidge lui lança un regard noir.

— C'est différent.

— Parce que c'est ton frère ? s'enquit Hunk.

Il jeta un coup d'œil par-dessus la rangée d'arbrisseaux morts qui bordait la falaise avant de se remettre à l'abri des regards. Il semblait plus qu'un peu anxieux de se trouver aussi près d'une zone qui devait certainement être interdite au public, mais sa voix restait ferme :

— Tu ne pourras pas t'en sortir sans notre aide.

— Ouais, acquiesça Lance en posant son poing sur sa paume ouverte. On forme une équipe, ce qui veut dire qu'on doit affronter ça ensemble. Donc. C'est quoi le plan ? On s'infiltre ? On attaque de front ?

— Avec quelles armes ? demanda Hunk. À moins que tu n'aies des pouvoirs magiques latents qui n'attendent que de se montrer, on peut pas y aller « l'arme au poing ».

Pidge se contenta de les regarder, les yeux ronds.

Ils devaient plaisanter. Ils choisissaient Pidge et non la Garnison ? Pourquoi ? À eux trois, ils n'avaient aucune chance contre la Garnison. Ils en étaient les pires éléments : le pilote qui devait encore réussir à compléter une simulation sans causer de dommages structurels importants à son vaisseau, l'ingénieur qui avait trop le mal de l'air pour faire son boulot et le gnome asocial aux problèmes de comportement qui leur servait d'opérateur radio.

Mais si Hunk et Lance voulaient foutre tout ça en l'air pour aider Matt, Pidge n'allait pas se plaindre. Iel poussa une branche et plissa les yeux en direction de la base.

— Il faut faire diversion.

— Pas de problème, Pidge, je sais quoi faire, dit aussitôt Lance avec un sourire qui promettait des ennuis.

Pidge hésita, mais, eh bien, Lance était en effet le membre le plus distrayant de leur équipe.

— D'accord, dit-iel. Fais comme tu veux. Déchaîne-toi et gagne-nous autant de temps que possible.

Lance leva un pouce dans sa direction.

— T'as tout compris, Gunderson… euh. Holt ? Peu importe. Souhaitez-moi bonne chance.

-x-x-x-

Ce qu'il lui fallait n'était pas de la chance, mais l'aide de Hunk, qui lui dégota un hoverbike et le fit démarrer sans clé. Pidge ne vit pas où Lance disparut après cela, mais moins de deux minutes plus tard, des explosions illuminèrent le ciel nocturne de l'autre côté de la base. L'impact fit trembler le sol sous les pieds de Pidge et de Hunk et sema la zizanie parmi les troupes de la Garnison.

Plus d'une douzaine de soldats montèrent dans leur véhicule et se précipitèrent en direction de la source de l'attaque, laissant à Pidge et à un Hunk très nerveux la voie libre jusqu'à la porte d'entrée.

Pidge se rua sur le premier garde et lui asséna un coup dans le genou. Il cria et tomba. Pidge s'arrêta juste le temps de s'emparer de la matraque à sa ceinture avant de s'enfuir en courant, Hunk sur les talons, lui murmurant des avertissements qu'iel aurait préféré ne pas entendre.

La base était heureusement assez petite, simplement constituée de trois couloirs étroits tous reliés à la chambre principale. Pidge électrocuta un autre soldat et deux médecins et finit par parvenir jusqu'à Matt, au visage pâle et à l'air fragile sur son brancard. Il avait perdu du poids depuis qu'il avait quitté la maison – beaucoup de poids. Il avait des cernes noirs sous les yeux et les cheveux emmêlés. Les jambes de Pidge se liquéfièrent à cette vue.

— Matt…

Hunk lui jeta un coup d'œil en arrivant, avant de s'employer à défaire ses liens.

— Je m'occupe de ton frère, Pidge, dit-il, glissant un bras sous les genoux et les épaules de Matt. Occupe-toi des gardes.

— Ouais.

Pidge inspecta la salle du regard, observant les murs froids et stériles de l'infirmerie, les doigts frétillants, lui démangeant de… iel ne savait pas quoi. De trouver un moyen de faire payer la Garnison d'avoir perdu Matt. D'avoir noyé l'affaire. De l'avoir attaché et endormi quand il était enfin rentré à la maison. Pidge et leur mère l'auraient-ils appris si Pidge ne s'était pas trouvé·e sur le toit cette nuit-là ?

Pidge voulait réduire la Garnison en cendres.

Au lieu de ça, iel fit demi-tour, ré-électrocutant le deuxième soldat alors qu'il essayait de saisir Hunk. Ils réussirent à sortir de la base assez facilement, mais des lumières au loin éblouirent temporairement Pidge. Les soldats revenaient.

Le souffle d'un pot d'échappement au-dessus de sa tête fit tousser Pidge et iel trébucha. Iel percuta Hunk, qui grogna, plissant les yeux en levant la tête.

— Salut les gars. Un petit tour, ça vous dit ?

— Lance ! s'écria Hunk. Tu n'es pas mort !

Jetant un coup d'œil aux phares qui se rapprochaient, Pidge se précipita à l'arrière de l'hoverbike. Hunk lui passa Matt avant de monter à son tour.

Lance leur lança un regard noir.

— Vous savez, je m'attendais à un peu plus de confiance de la part de mon équipe.

— Tu rigoles, j'espère ? fit Pidge en enroulant ses bras autour de Matt tandis que Lance décollait, prenant à peine d'avance sur les bolides de la Garnison. J'ai bien vu comment tu pilotes.

— Pff. En simulation. C'est la vraie vie, là.

— Ouais, dit Hunk, le teint tournant légèrement au vert quand Lance prit un virage un peu trop serré. Et une vraie mort quand tu t'écrases.

— Je ne vais pas m'écraser.

Une jeep tomba d'un ravin devant eux et Lance dérapa brusquement pour éviter une soudaine volée de balles. Pidge serra les pieds de chaque côté de leur bolide et enfouit son nez dans les cheveux de Matt.

— Arrêtez de parler, essayons de ne pas mourir, s'il vous plaît !

Lance marmonna quelque chose qui se perdit dans le hurlement du vent. Il tourna les gaz, Hunk hurla de frayeur et Pidge garda les yeux fermés, ses doigts serrant les haillons crasseux et trempés de sueur que Matt portait. Je t'ai trouvé, pensa-t-iel. Je t'ai trouvé.

-x-x-x-

Vingt minutes plus tard, Shiro et Keith se trouvaient dans une navette en direction du Messager, le vaisseau de guerre du commandant Torrak, accompagnés d'une douzaine de soldats et de personnel tout sauf indispensable. Depuis un écran de transmission, Shiro observa le vaisseau de Sendak ouvrir un trou de ver et disparaître de sa vue.

Ils n'avaient pas eu le temps de chercher des informations avant de quitter le Prédateur. C'était peut-être délibéré, ou simplement une coïncidence malheureuse. En tout cas, cela rendait Shiro nerveux. Dans l'armée galra, il évoluait sur une frontière très étroite entre être découvert et être impuissant. Il devait en pousser les limites pour s'empêcher de se sentir comme un traître à la race humaine et pourtant, il n'avait jamais cessé de s'inquiéter de pousser trop loin. Une seule erreur et lui et Keith seraient tous les deux morts.

Sans informations, il ne pouvait rien faire et il détestait ça. Il avait l'impression d'être de retour dans l'Arène, où il n'y avait que deux règles : prendre les choses comme elles venaient et essayer de ne pas mourir.

Keith se tenait près de lui, silencieux et contrarié.

— Nous ne pouvions pas rester, dit Shiro.

Il ne savait pas vraiment pour qui il disait ça ; Keith avait toujours été du genre à agir avant de réfléchir. Il n'avait aucun problème à réagir sans posséder tous les faits. Ou la moindre information. Cependant, les ordres de transfert semblaient le déranger.

— Ce sont des ordres directs de Sendak… Tant que nous sommes sur son vaisseau, personne d'autre que Zarkon en personne ne peut y déroger.

Un grognement frustré gargouilla au fond de la gorge de Keith.

— Je sais, dit-il.

—On a l'habitude de jouer avec la limite entre liberté de pensée et mutinerie, mais avec ça, on aurait été trop loin.

— Je sais.

Shiro s'arrêta pour étudier le visage de Keith. Autrefois, il le trouvait indéchiffrable : ses yeux jaunes semblaient toujours vides de toute émotion et ses canines rendaient sa bouche très menaçante. C'était étrange de voir à quel point les choses pouvaient changer en à peine quelques mois.

Shiro appuya un bras contre l'écran, déformant la vue qui y était projetée avant qu'elle ne se dissolve.

— Ok, alors parlons de ce qu'on va faire ensuite.

Keith leva les yeux au ciel, mais céda :

— Il n'y a pas grand-chose à dire là-dessus, tant qu'on n'en saura pas plus.

Il prit garde à parler à voix basse, œillant les autres Galras passagers, perdus dans leur propre univers.

— Je vais voir ce que je peux trouver dans les archives en arrivant, reprit-il. Fais un tour du Messager, pour voir si quelque chose sort de l'ordinaire.

Fais un tour du vaisseau. Ouais. Keith ne sous-entendait rien par là, mais cela lui donna l'effet d'un coup de couteau en plein cœur. C'était toujours la même chose. Keith trouvait les informations, posait les questions, écoutait les murmures, épluchait les registres. Shiro attendait et observait, faisant profil-bas. C'était une mesure nécessaire, mais cela restait frustrant. Sans Keith, Shiro serait démuni.

Il mit sa frustration de côté et hocha la tête. Leur façon de faire avait fonctionné jusque-là ; ce n'était pas le moment de la changer. Reste calme. Sois patient. Joue ton rôle, Champion, et attends le bon moment pour frapper.

-x-x-x-

Pidge ne savait pas ce qui était le plus surprenant : que Lance ait réussi à semer la demi-douzaine de pilotes qui les pourchassaient ou qu'il ait réussi à le faire sans perdre le moindre passager.

À vrai dire, Pidge ne l'avait pas regardé voler, alors iel ne pouvait pas expliquer ce qui s'était vraiment passé. Iel était sûr·e qu'ils avaient constamment été à deux doigts de mourir, impression qui avait été renforcée par les commentaires de Hunk, mais… peut-être que ça n'avait pas été aussi terrible. Peut-être que Lance était véritablement un meilleur pilote en dehors des simulations.

Pidge ne pensait pas découvrir la vérité de sitôt. L'hoverbike volé était tombé à court de gaz quelques heures avant l'aube et Lance s'était posé au milieu d'un ensemble de canyons et de caves loin de toute civilisation. La bonne nouvelle, c'était que la Garnison avait peu de chances de les retrouver ici, alors que le bolide était caché dans une cave et qu'il n'y avait pas d'autre signe de vie à des kilomètres à la ronde.

Malheureusement, cela voulait aussi dire que personne d'autre ne pourrait les trouver. Ils n'avaient rien à manger, aucun moyen de transport et ne pourraient trouver de l'aide avant des kilomètres. Plus de quelques kilomètres, d'ailleurs, puisque Pidge doutait que la Garnison leur pardonne après tout ça. Pidge ne captait aucun signal, ce dont iel se rendit compte en essayant de contacter sa mère. Elle n'aurait sûrement pas pu les aider immédiatement, mais c'était la seule alliée de Pidge en dehors de cette cave. Iel envoya son message, espérant que son portable capterait un faible signal à un moment ou un autre et l'enverrait à Carlsbad.

Il y avait de l'eau, au moins, et cela n'avait pas tué Lance quand il y avait plongé la tête, donc ils disposaient d'au moins un jour ou deux pour trouver un moyen de s'en sortir.

Lance et Hunk prirent quelques heures de sommeil quand Pidge s'était porté·e volontaire pour faire le guet, au cas où la Garnison reviendrait. De toute façon, iel n'arriverait pas à s'endormir alors que Matt était allongé à moins d'un mètre de là ; toujours inconscient, grâce à ce que les médecins de la Garnison lui avaient administré, mais moins tendu qu'avant.

Pidge passa une main dans les cheveux de son frère, démêlant les plus gros nœuds. Il allait avoir besoin de se faire couper les cheveux à son réveil (ils lui arrivaient au bas des épaules, désormais, plats et gras) mais Pidge aurait bien aimé qu'une simple coupe de cheveux soit tout ce dont il ait besoin. Iel avait déjà vérifié s'il était blessé. Iel avait trouvé des coupures et quelques bleus, ainsi que de légères brûlures causées par son atterrissage en catastrophe dans le désert. Il avait également une longue et fine balafre le long de sa clavicule, fraîchement suturée, et une horrible cicatrice semblant un peu vieille sur le tibia, mais à part ça, il semblait aller bien.

Que t'est-il arrivé, Matt ? Où est Papa ? Où as-tu trouvé ce vaisseau spatial et pourquoi es-tu rentré maintenant ?

Pidge avait tellement de questions, mais jusqu'au réveil de Matt, cela ne servirait à rien de se creuser la cervelle. Iel trouva des chaussettes de rechange dans son sac à dos et les trempa dans une grande flaque qui s'écoulait et s'enfonçait plus loin dans la cave. C'était peut-être les vestiges de la rivière qui avait sculpté ces canyons, ou une source naturelle quelconque.

Quoi qu'il en soit, cela lui donna quelque chose à faire : nettoyer les coupures de Matt et retirer la terre incrustée dans sa peau. Pidge aurait voulu avoir des antibiotiques, voire des bandages propres, mais c'était mieux que de laisser toute cette poussière et cette crasse infecter ses blessures. Il allait bientôt falloir trouver un moyen de lui fournir de véritables soins et des vêtements propres, mais c'était un petit pas dans la bonne direction.

Lance et Hunk se levèrent avec le soleil, crispés et grognons. Hunk grommela quelque chose à propos de petit-déjeuner et Lance aplatit ses cheveux en se plaignant d'avoir manqué une douche, mais ils oublièrent leurs tracas en voyant Matt.

— Comment se porte-t-il ? demanda Hunk.

Pidge haussa les épaules.

— Bien, je pense. Je ne sais pas si c'est la drogue qui agit encore ou s'il est simplement fatigué après… purée. S'être échappé d'une prison alien ? Je suppose ?

Lance étira ses bras au-dessus de sa tête en bâillant :

— Toutes ces histoires d'aliens sont vraies, alors ?

— Matt a disparu pendant près d'un an et il vient de débarquer avec un vaisseau différent de celui par lequel il est parti. Tu vois une autre explication ?

— Je sais pas. Un voyage dans le temps ?

Pidge se frotta l'arête du nez.

— Donc… reprit Hunk, son regard allant de Pidge à Lance puis à Matt, avant de revenir à Pidge. Je ne savais pas que tu avais un frère.

— Ouais.

Pidge regarda Matt, se demandant ce qu'il était nécessaire de révéler à Lance et Hunk. Ou… ce n'était peut-être pas juste de sa part. Peut-être qu'iel devrait se demander ce que Lance et Hunk méritaient de savoir. Tous deux avaient risqué leur vie pour aider Pidge à récupérer Matt. S'ils ne s'étaient pas déjà fait exclure de la Garnison, ils le seraient certainement dès qu'ils y remettraient les pieds. Pidge ne leur devait-iel pas la vérité ?

Avec un soupir, Pidge se tourna vers ses camarades et regarda obstinément un caillou posé sur le sol entre Hunk et Lance :

— Je ne m'appelle pas Pidge Gunderson. Ou… Du moins, ça n'a pas toujours été le cas. La plupart des gens me connaissent sous le nom de Katie Holt. Matt est mon frère et Sam Holt, le commandant de la mission Kerberos, est mon père.

— Et tu étais à leur recherche depuis tout ce temps ? demanda Hunk. Avec tes scanners spatiaux et tout ? C'est… très impressionnant.

Pidge voûta les épaules.

— Il le fallait bien. La Garnison cachait quelque chose. Je l'ai su dès que j'ai entendu parler du prétendu accident. J'ai essayé de fouiller leurs fichiers au début, mais on m'a prit la main dans le sac dans le bureau d'Iverson. Il m'a banni·e de la Garnison et il a dit à tout le monde de me surveiller. J'ai dû devenir Pidge pour pouvoir rentrer.

Iel haussa les épaules.

— J'ai donc changé de nom, coupé mes cheveux et j'ai essayé de ne pas attirer l'attention.

— Ohhhhhh, je vois, s'exclama soudainement Lance en pointant Pidge d'un doigt-pistolet et lui lançant un sourire en coin. C'est pour ça que tu voulais pas traîner avec moi. Tu ne voulais pas devenir trop populaire. J'ai saisi.

Pidge le fixa, clignant lentement les yeux.

— Quelque chose du genre, ouais…

— On dirait que Matt a de la chance de t'avoir… Euh, on en reste à Pidge, ou tu préfères qu'on t'appelle Katie ?

— Pidge, fit-iel timidement, levant les yeux vers Hunk. Pidge me va.

Hunk sembla se contenter d'en rester là et Pidge l'en remercia intérieurement. Iel était fatigué·e et n'était pas doué·e avec les gens. Iel voulait seulement s'isoler dans ses pensées et avec Matt. Ainsi, quand Lance se leva avec l'intention d'explorer la cave et que Hunk lui lança un regard interrogateur, Pidge lui indiqua d'aller avec lui.

— Quelqu'un doit le surveiller, histoire qu'il ne tombe pas dans un trou et meure, fit-iel aussi joyeusement qu'iel le pouvait.

Hunk sourit, l'étreignit rapidement et se précipita à la suite de Lance, lui lançant des avertissements qui le firent pouffer avec moquerie.

Quelques minutes plus tard, Pidge ne les entendait plus.

-x-x-x-

— Ils vont droit vers la Terre.

Shiro s'arrêta net au beau milieu de sa deuxième série de pompes, fixant le sol sans le voir. La Terre. Ses bras se mirent à trembler et il dut se mettre à genoux pour éviter de s'effondrer.

— J'ai regardé les données concernant les déploiements, continua Keith. Les ordres ont été donnés il y a moins de deux heures.

— Vers la Terre.

Keith dansa d'un pied sur l'autre, mal à l'aise.

— Oui.

— Zarkon se dirige vers la Terre.

— Ce n'est pas une invasion à grande échelle, dit Keith. Le Prédateur n'est pas équipé pour. C'est peut-être une mission de reconnaissance ? Un vaisseau de la résistance se trouve peut-être dans la zone. Ils en ont fait le tour une ou deux fois depuis qu'ils t'ont récupéré, mais ils n'en ont jamais rien tiré…

Le silence s'étira, remplissant la pièce comme un ballon prêt à éclater. Zarkon se dirigeait vers la Terre. Shiro savait que Keith avait raison : ce n'était pas la première fois. Les informations dont ils disposaient sur les défenses terrestres devaient bien venir de quelque part, après tout. Mais cela datait du temps où Shiro était toujours un prisonnier. C'était différent de l'entendre désormais.

Finalement, Keith brisa le silence :

— J'aurais dû accepter l'offre de Sendak.

Shiro se tourna dans sa direction, fronçant les sourcils.

— Quelle offre ?

— Celle de te laisser à quelqu'un d'autre.

Les lèvres de Keith se courbèrent en un petit sourire.

— Dire que j'ai manqué ma seule chance de voir la Terre juste parce que je dois te servir de baby-sitter.

Shiro lui jeta une chaussure et il leva le bras pour la bloquer en rigolant.

— Quel horrible commandant tu fais.

Keith haussa un sourcil.

— Pourquoi penses-tu qu'ils t'ont donné à moi, Champion ?

— J'en sais vraiment rien. Ils savent déjà que je peux te réduire en bouillie.

— Ha, fit Keith platement. Ha.

Il jeta son sac sur la couchette en face de celle de Shiro.

— Rigole tant que tu peux. Tôt ou tard, tu te rendras compte de ce qu'ils ont fait en t'assignant à un Héritier supérieur. Ce n'est rien de plus qu'une autre prison, tu sais. Une impasse.

Une réponse sarcastique monta aux lèvres de Shiro, mais mourut en voyant la tête que faisait Keith.

Un Héritier supérieur. C'était un point sensible pour Keith, l'une des seules choses que Shiro savait mettre Keith vraiment mal à l'aise. Lui tirer une explication avait été une véritable épreuve et Shiro avait toujours l'impression de manquer quelque chose.

Zarkon régnait depuis les dix derniers milliers d'années ; Shiro l'avait bien compris. Il n'avait pas d'héritier, mais à un moment donné, les gens avaient commencé à désigner le cercle proche de Zarkon comme ses princes. Pas parce qu'ils pouvaient remplacer Zarkon (les Galras semblaient croire qu'il était immortel et invincible) mais parce que Zarkon ne pouvait pas être partout à la fois, pas dans un empire aussi grand que le sien. En son absence, il donnait à ses commandants, ses princes, une autonomie totale.

La plupart des princes galras avaient gagné leur place par le biais d'une combinaison de complots et de démonstrations de force. Ils étaient ses meilleurs combattants, ceux qui ne laissaient personne se mettre sur leur chemin jusqu'au pouvoir. Quelques-uns, cependant, avaient hérité de cette place. On les appelait Héritiers supérieurs, les descendants des premiers membres du conseil de guerre de Zarkon. De ce que Shiro en savait, seules trois familles transmettaient encore leur titre en héritage. Deux des princes Héritiers actuels étaient au pouvoir depuis des années, soit depuis assez longtemps pour être considérés dignes de leur position. Les autres princes les exécraient, mais les respectaient.

Et puis il y avait Keith. Son père, l'ancien prince, était mort au combat l'année passée, laissant la place à son fils, alors âgé de dix-sept ans.

Shiro n'était pas surpris d'apprendre que Keith était toujours traité comme un enfant. Bien que Keith était un duelliste accompli, il n'avait pris part à aucune bataille de grande importance et Shiro était le seul soldat sous son commandement. Il était petit pour un Galra ; rapide, mais faible. Il était peut-être un commandant en théorie, mais était plus souvent traité comme une recrue.

Ce n'est rien de plus qu'une autre prison, tu sais. Une impasse.

Avec un soupir, Shiro plaça une main sur l'épaule de Keith :

— Peut-être qu'ils voulaient t'offenser en me confiant à toi, mais j'ai eu de la chance. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi, Keith.

Keith sembla pris au dépourvu pendant un instant. Il se ressaisit aussitôt et se dégagea avant de se tourner vers son sac pour commencer à le déballer.

— Ouais, peu importe, dit-il.

Il crut probablement que Shiro n'avait pas remarqué son sourire.

-x-x-x-

Matt se réveilla doucement. Le soleil brillait à l'horizon et commençait à réchauffer les canyons. Hunk et Lance n'étaient pas revenus et Pidge commençait à somnoler contre le mur de la cave. Iel fut réveillé·e en sursaut par l'accélération soudaine de la respiration de Matt.

— Matt !

Les yeux troubles et raide de fatigue, Pidge se précipita aux côtés de Matt. Iel tendit le bras, avant d'hésiter, une main frôlant l'épaule de Matt.

— Matt ?

Un grognement sourd s'échappa d'entre les dents de Matt. Il remua et ouvrit les yeux. Il cligna les paupières avant de se concentrer sur Pidge.

— Qui… Katie ?

Au son de sa voix, la volonté de Pidge vola en éclats. Iel se jeta sur Matt alors qu'il essayait de se redresser, ce qui lui tira un halètement de douleur. Pidge enroula ses bras autour de Matt, qui se figea un léger instant avant de lui rendre son étreinte.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il, frottant doucement le dos de Pidge. Est-ce réel ? Je suis… rentré ?

Pidge se recula, essuyant les larmes qui avaient coulé sur ses joues.

— Ouais. Ouais, tu es rentré. Je ne-

Sa voix faiblit un instant, puis le barrage céda et les mots se précipitèrent les uns à la suite des autres dans leur hâte de sortir.

— Ça fait un an que tu as disparu, Matt. On ne savait pas ce qui t'était arrivé, où tu étais, si tu allais bien. La Garnison nous a dit que vous étiez tous morts, mais je savais que tu étais en vie. Tu étais forcément en vie. Et maintenant, tu es de retour et- et… Matt, où est papa ?

Un air étrange traversa le visage de Matt : les sourcils froncés, les lèvres entrouvertes, il fixait un point sur le mur, dans le dos de Pidge. Pidge recula, fronçant les sourcils.

— Est-ce que ça va ?

Matt se redressa lentement, grimaçant et portant une main à son flanc. Une fois assis, il se prit la tête entre les mains. Il tremblait.

— On a été fait prisonniers. Il y avait des aliens… les Galras. Ils ont envoyé papa ailleurs et Shiro a dû se battre dans leur arène. Je ne les ai pas vus depuis… depuis très longtemps. Je ne sais pas s'ils sont toujours en vie.

— Comment t'es-tu échappé ?

Matt leva la tête et regarda ses mains.

— Je ne m'en souviens pas.

Il semblait terrifié.

Avant que Pidge ne puisse essayer de le réconforter, le sol se mit à trembler sous leurs pieds. Matt se releva brusquement, les yeux exorbités.

— Ils sont là.

Pidge perdit l'équilibre et tomba alors que l'onde de choc se répercutait dans la cave.

— Ils ? De qui tu parles?

Matt sursauta et regarda Pidge comme s'il avait oublié où il était. Il avala sa salive et, sans répondre à la question de Pidge, se glissa en direction de l'entrée de la cave. Pidge le suivit de près, les yeux rivés sur le crâne de Matt. Que pouvait-on dire à son frère après qu'il ait disparu pendant un an avant de s'écraser sur Terre, un cauchemar dansant au fond de ses yeux ? Il n'existait pas de manuel pour ce genre de choses. Pas de schéma que Pidge pourrait examiner pour voir ce qui était cassé et comment le réparer. Chaque mot de réconfort que Pidge avait gardé au chaud pour l'occasion lui semblait tomber à plat dans cette situation. Je suis désolé·e que tu aies traversé toutes ces horreurs. Y a-t-il quoi que ce soit que je puisse faire pour t'aider ?

Matt s'arrêta à la limite de l'ombre de la cave, regardant le ciel. Pidge le rejoignit, mais ne vit aucun vaisseau à l'horizon, ni de la Garnison ni alien.

— Peut-être que c'était juste une chute de pierres ? supposa-t-iel.

Matt ne sembla pas l'entendre.

Après un moment de délibérations silencieuses, Pidge tira gentiment la manche de Matt. Il baissa les yeux vers sa main. Pidge n'avait jamais vu son frère sembler si perdu, si… distant. C'était comme si une partie de lui était toujours là-bas, dans cette prison alien, quelque part bien au-delà de la portée de Pidge.

— Il n'y a personne, Matt, dit Pidge d'une petite voix. Retournons à l'intérieur.

Observant une dernière fois le canyon, Matt hocha la tête.

— Ouais, dit-il. C'est… ouais.

Alors qu'il se retournait, une ombre survola le canyon. C'était comme si une tempête éclatait, masquant le soleil, mais c'était bien plus rapide qu'un nuage orageux. C'était silencieux, de ce silence sinistre des films d'horreur avant qu'un monstre n'apparaisse pour tuer quelqu'un. Pidge se crispa et Matt se mit devant iel. Sa main tremblait alors qu'elle se refermait autour du poignet de Pidge.

— Quand je te dis de courir, tu cours. Compris ?

Pidge s'accrocha au dos de Matt.

— Je ne te laisserai pas.

— Je m'en sortirai, assura-t-il, bien qu'il était évident qu'il n'en croyait pas un mot. Je ne les laisserai pas t'avoir.

Pidge repoussa la main de Matt, qui écarquilla les yeux.

— Je ne laisserai personne t'arracher à moi une nouvelle fois, Matt. Je me fiche du nombre d'aliens qu'il va falloir combattre. Je ne partirais pas.

Une expression inhabituelle passa sur le visage de Matt. Un mélange de choc, de peur… mais Pidge vit également de la fierté dans ses yeux. Il lui sourit doucement, nerveux, et Pidge s'empara d'une pierre sur le sol. Ce n'était pas une très bonne arme, mais le premier alien à montrer sa sale tête aurait une mauvaise surprise.

Pidge ne s'attendait pas au lion.

Ce n'était pas un lion normal, bien qu'il aurait été déjà étrange d'en trouver un dans le désert du Nouveau-Mexique. Non, c'était un lion géant, bleu et mécanique. Et il volait. Silencieusement. Cela ne ressemblait à aucun hoverbike que Pidge ait jamais vu, même en rêve.

Le lion se posa dans un nuage de poussière, baissa la tête et ouvrit la gueule, qui était assez large pour laisser passer un homme sans qu'il n'ait à se baisser. Pidge ne savait pas s'iel devait être terrifié·e par la taille de cette chose ou s'ébahir devant la technologie qui ne venait visiblement pas de la Terre.

Hunk tituba en descendant de la bouche du lion, serrant son estomac. Un instant plus tard, Lance apparut derrière lui, dansant sur place. Il tapa le dos de Hunk en passant et prit la pause pour Pidge, s'appuyant d'un bras contre le museau métallique du lion.

— Alors, t'en penses quoi de mon nouvel engin ? Oh, hey ! Matt ! T'es réveillé ! C'est génial. Comment tu t'sens ?

— Euh…

Pidge regarda Matt, qui observait avec grande attention le vaisseau… lion… truc.

— D'où… ça sort ce truc ?

Lance sourit de toutes ses dents.

— Oh mon dieu, Pidge, c'était trop cool. Il y avait des inscriptions sur les murs qui se sont mises à briller et le sol s'est effondré !

— Ce qui était terrifiant, ajouta Hunk. Juste, vous savez, pour ceux qui se posaient la question.

Lance agita la main.

— Ouais, ouais, si tu veux. Terrifiant. Sauf qu'on a trouvé un robot-lion géant là-dessous ! Il est télépathe, ou un truc du genre. J'ai à peine besoin de contrôler ce truc.

Pidge croisa les bras, haussant un sourcil sceptique.

— Hm-hum. Un robot-lion télépathe, hein ?

Pourtant, iel ne pouvait quitter du regard les lignes épurées et les néons de l'énorme chat.

— C'est peut-être une sorte d'Intelligence Artificielle ? Je me demande si mon ordinateur peut se connecter à ce truc. Vous pensez que ça ressemble à quoi, un code alien ? Je veux dire, ce robot doit être super vieux ! Enfoui dans le désert, entouré d'inscriptions sur les murs ? Ça doit dater d'au moins deux cents ans avant Unix.

Iel tourna la tête vers le fond de la cave, où iel avait laissé son sac et son ordinateur à l'intérieur.

— Hé Lance. Ça te dérange pas si je l'examine un peu de l'intérieur, hein ?

— Comment ça, l'examiner ? voulut savoir Lance qui plissa les yeux et enroula lentement un bras protecteur autour du nez du lion. T'as pas intérêt à casser mon vaisseau.

Pidge leva les yeux au ciel.

— Je ne vais rien casser. Je vais juste… jeter un coup d'œil aux ordinateurs.

— Voltron.

Lance, qui avait ouvert la bouche pour dire quelque chose, s'arrêta et regarda Matt, qui fit un pas en avant, la main tendue, comme s'il était en transe. Ses lèvres étaient entrouvertes et il avait le regard vitreux.

Oubliant le lion alien et ses ordinateurs, Pidge s'approcha de son frère.

— Tu connais Voltron ?

Matt cligna les yeux.

— Quoi ?

— Tu viens d'appeler ce lion « Voltron ». J'ai déjà entendu ce mot… Les aliens le prononçaient dans les transmissions que j'ai détectées avec mon scanner. Ils n'arrêtaient pas d'en parler. C'est ça qu'ils cherchent ?

— Oui, fit Matt avant de froncer les sourcils. Peut-être ?

Il secoua la tête et porta une main à son front.

— Je ne sais pas, tout est si… Je connais le nom de Voltron et j'ai l'impression que ce lion y est connecté, mais… Je ne sais pas comment je sais ça.

Lance fixa Matt la bouche ouverte pendant une seconde, avant de regarder le lion et de tapoter son museau.

— Eh ben, peu importe comment tu t'appelles, t'es génial. Qui veut faire un tour ?

Hunk vira au vert.

— Je préférerais garder pieds à terre pour un moment, merci. Ce truc, c'est pire que des montagnes russes.

Lance haussa les épaules.

— C'est toi qui vois, mec. Il y a une bonne trotte jusqu'à Carlsbad.

Alors que Lance disparaissait à l'intérieur du lion, Hunk jeta un regard paniqué à Pidge. Pidge haussa les épaules à son tour.

— Il n'a pas tort.

Le visage de Hunk se décomposa. Il grogna, mais se traîna jusqu'au lion pendant que Pidge récupérait ses affaires. Quand iel pivota, Matt était toujours planté devant le lion, le regardant avec un air de concentration intense.

— Matt… ?

Pidge s'approcha de lui, une centaine de questions non formulées dans la voix.

— Je vais bien, Katie, dit doucement Matt. C'est juste que… J'ai l'impression qu'il y a quelque chose d'autre que je devrais savoir à propos de ce lion.

— Oh.

Pidge frotta le bout de son pied contre le sol.

— Il est dangereux ?

Matt serra les lèvres.

— Très. Mais je pense que c'est une bonne chose.

Pidge ne savait pas quoi répondre à ça. Matt avait une certaine tolérance pour le danger, comme quiconque qui explorait l'espace pour gagner sa vie. Il ne le cherchait jamais, cependant, pas comme certaines personnes le faisaient. Mais Matt se contenta de lui sourire, ébouriffa ses cheveux et entra dans le lion. Et qu'est-ce Pidge était censé·e faire ?

Iel le suivit, évidemment. Même avec Lance aux commandes, c'était un vaisseau alien en forme de lion bleu et c'était leur porte de sortie du désert. C'était une bonne chose, non ?

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Ou pas.

Le lion bleu venait à peine de quitter les canyons qu'un rai de lumière était apparu dans le ciel. Matt fut le premier à le voir et le premier à savoir ce que cela voulait dire. C'était les Galras, les aliens auxquels Matt venait d'échapper. Pidge ne savait pas s'ils venaient chercher Matt ou le lion, mais dans tous les cas, ils les avaient repérés. Lance n'était pas tellement désireux de voir la ville de Carlsbad rasée par des lasers aliens, ce qui voulait dire que la seule issue possible, c'était en haut.

Cinq minutes plus tard, ils étaient à la limite du système solaire. Kerberos était hors de vue derrière eux depuis quelques temps, mais Matt regardait toujours dans cette direction, comme s'il s'attendait à voir une navette y apparaître, Sam Holt et Takashi Shirogane à son bord.

Au moins, le lion avait un sacré arsenal d'armes en sa possession, donc ils n'étaient pas complètement sans défense. Mais bon, c'était Lance qui se trouvait aux commandes et il ne savait pas plus piloter un lion de l'espace qu'un vaisseau quelconque. Il avait réussi à porter plusieurs coups décents à l'énorme vaisseau de guerre qui les suivait, mais cela devenait parfaitement clair qu'ils devaient s'échapper.

Donc, quand un gigantesque portail d'un bleu luisant s'ouvrit dans le vide devant eux, tout le monde sembla penser la même chose.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Hunk, semblant hésiter entre la peur et le soulagement. Un trou de ver ? Est-ce que ça ressemble à un trou de ver pour vous ?

Lance tira les manettes sur le côté, évitant de justesse un rayon laser lancé par le vaisseau derrière eux :

— Tu sais ce que ça n'est pas ? En train d'essayer de nous tuer.

Il hésita, regardant Matt du coin de l'œil.

— Hé, euh… Tu es officiellement la personne la plus haut gradée ici et la seule qui a déjà été dans l'espace, alors… t'en penses quoi ?

Pidge se mordit les lèvres, regardant Matt et le trou de ver.

— Tu viens tout juste de rentrer, murmura-t-iel. Tu n'as pas à-

— Non, coupa Matt.

Il avala sa salive, mais ses yeux ne flanchèrent pas alors qu'il regardait à travers ceux du lion. Pivotant, il lui lança un sourire.

— Papa et Shiro sont toujours là-bas. Je n'aurais pas pu rester sur Terre en sachant ça. Je ne peux pas décider pour vous trois, mais si j'étais seul dans ce lion, j'irais sans hésiter.

Pidge sourit et regarda Hunk, qui hocha la tête malgré la nervosité apparente sur son visage. Lance semblait attendre une sorte de signal, alors Pidge posa une main sur son épaule.

— Ok, dit Lance, ajustant sa prise sur les commandes du lion. Un trou de ver pour on ne sait où, c'est parti.

Il évita un dernier laser avant de plonger dans le trou de ver.


Note de la traductrice : Voilà ! J'espère que ce chapitre vous aura plu - je sais que cela ressemble grandement au premier épisode de Voltron, mais plus l'histoire avance, plus elle s'éloigne de la série et plus elle devient intéressante ! Faites-moi confiance, je ne traduirai pas une aussi grande série (19 chapitres pour cette première saison, trois saisons complètes, plus d'une douzaine d'histoires complémentaires) si elle n'était pas terriblement géniale :D

Ceci dit, je vous retrouve la semaine prochaine !