J'ai tiré certaines informations sur le japon féodal de la série du Clan des Otori et de Memoirs of a Geisha. Ceci dit, je les ai vérifiées et corrigées, quand une correction était nécessaire. Je précise que l'histoire n'est nullement tirée d'aucune de ces deux oeuvres, il n'y a donc pas de plagiat.
Disclaimer: Naruto appartient à Masashi Kishimoto. Sans blague.
Voilà – premier chapitre d'une énième nouvelle fic. J'espère que vous aimerez. Si vous voyez quelque chose à critiquer, quoique ça soit, n'hésitez pas, faites le remarquer, ça ne peut me faire que du bien!
A FEU ET A SANG
Chapitre 1
- Sakura-san! Sakura-san! Dépêchez-vous, vous allez être en retard !
Sakura était assise, dos droit, écoutant les cris des servantes. A ses côtés, sa grande sœur, Shizune, geisha d'une délicatesse aussi redoutable que renommée, respirait paisiblement, en attendant qu'elles soient congédiées de la présence de l'Okaa-san ou que celle-ci reprenne la parole.
Par la fenêtre, elles pouvaient voir la pluie tomber, ruisselant sur les profonds avants-toits, martelant le bâtiment de leur coups, masquant le paysage tel un voile opaque jeté sur la cité. C'était la mi-octobre ; la saison des pluies venait juste de commencer. Les feuilles des érables revêtaient leur parure d'automne, et les sans-abris, enfants et vieillards, tremblaient dans les rues de la ville en voyant l'hiver arriver. La jeune femme sentit la compassion lui étreindre le cœur un bref instant. Eux aussi étaient prisonniers, enfermés par la pauvreté dans un monde sans espoir ; elle l'était par ce luxe qui l'entourait et l'étouffait.
Leur faisant face, Tsunade-hime, l'Okaa-san, ou patronne de l'okiya, finissait coupe de saké sur coupe de saké. Elle aussi avait été une geisha de renom, célèbre à travers la ville et même au-delà, mais dès qu'elle avait prit possession de la maison elle avait cédé à sa passion du jeu et de l'alcool. Malgré tout elle avait gardé un bon sens à toute épreuve, et c'était grâce à elle que Sakura et Shizune étaient devenues ce qu'elles étaient, alors qu'au départ rien n'aurait pu suggérer un tel dénouement. Tsunade avait su voir leur potentiel, et les avait accueillis – peut-être pas à bras ouvert, mais du moins sans rechigner.
Sakura inclina légèrement la tête en un signe d'impatience, ce qui lui valut un regard réprobateur de la part de Shizune. C'était elle qui lui avait appris, il y a des années de cela, qu'une geisha ne montrait pas son courroux ; son visage se devait d'être un masque de politesse raffinée à toute épreuve.
- Nous reprendrons cette conversation plus tard, fit-elle avec un geste ample de sa main, ayant compris l'échange entre les deux geisha. Sakura, on t'appelle. Shizune, reste, j'ai encore à te parler.
Sakura s'inclina jusqu'à ce que sa tête touche les nattes de paille qui couvraient le sol, montrant ainsi à l'Okaa-san le respect qui lui était dû. Puis elle se leva et sortit, aussi rapidement que son kimono le lui permettait ; elle avait rendez-vous au château dans une quinzaine de minutes, et elle ne voulait pas risquer d'irriter ses seigneurs en étant en retard.
Elle sortit dans la cour, encore protégée par l'auvent du toit, et enfila ses sandales de bois pendant qu'une jeune servante s'approchait, un parapluie décoré de fleurs de cerisier à la main.
Ce n'était pas souvent que Tsunade demandait à leur parler, se dit-elle tandis qu'elle montait dans son palanquin. La chose était d'importance, en effet ; si les mesures des seigneurs concernant les maisons des quartiers de plaisir s'appliquaient également aux maisons de geisha – ce qui serait une aberration – cela menacerait l'existence de ces dernières. Quels idiots ! se dit-elle avec un mouvement d'humeur. Leur tentative de maîtriser la débauche ne ferait que de l'accroître. Depuis quand les propriétaires des bordels se conformaient-ils aux réglementations ?
Cependant, elle devait l'avouer, ces histoires de nouvelles lois étaient le cadet de ses soucis. Ce qui l'inquiétait plus, c'était les rumeurs qu'elle avait surprises comme quoi Shoichi, le chef du puissant clan des Haruno, était mourant. Evidemment, c'était possible que ces rumeurs n'aient aucun fondement valable, mais on n'était jamais trop sûr…
Sakura lissa son kimono d'un geste nerveux et risqua un coup d'œil à travers la fente des rideaux du palanquin.
Ils étaient en train de franchir le pont qui enjambait les douves du château. L'eau se jetait contre ses quatre arches parfaites, comme si elle cherchait à se rebeller contre ce monument. On racontait que le fleuve, le Umegawa, aimait attirer des proies dans ses eaux troubles, et qu'il se battait contre le pont car il garantissait le passage de tous, lui dérobant ainsi ses victimes. Du moins, la douce Shizune et toutes les servantes de l'okiya y croyaient dur comme fer. Sakura elle-même n'avait pas d'opinion arrêté sur le sujet, bien qu'elle peine à croire qu'une rivière aussi généreuse que l'était l'Umegawa ne puisse être par ailleurs si cruelle.
Le palanquin traversa la grille et s'arrêta, tirant Sakura de ses pensées. Elle n'attendit pas que quelqu'un accoure avec un parapluie mais descendit et ouvrit le sien. Elle était lasse ; elle avait marre de son rôle de femme fragile, et aurait voulu pouvoir plus souvent se montrer telle qu'elle l'était : décisive, sûre d'elle, avide de liberté. Elle avait finit par prendre horreur à être confinée dans ce minuscule monde féminin qui était le sien, centré sur la beauté, superficiel, alors qu'elle même aspirait à une vie qui aurait plus de sens.
Si seulement les rumeurs étaient vraies, peut être que… Ce serait une chance inespérée…
Elle franchit la cour d'un pas brisque. La résidence des seigneurs se dressait devant elle, sombre contre le ciel noir, imposante, d'une beauté raffinée quoique froide. Comme les seigneurs eux-mêmes, d'ailleurs, se dit la jeune femme, non sans un sourire ironique. Le trait distinctif des Uchiha était leur impassibilité, et leur perfection physique faisait qu'ils avaient pour la plupart des egos surdimensionnés. Sakura détestait et la demeure, et les résidents, et pour cause ; ils se comportaient comme les justes seigneurs de la ville alors qu'ils n'étaient que des envahisseurs, des parvenus de surcroît.
Une servante apparut à ses côtés dès que Sakura eut enlevé ses sandales, et la délesta de son parapluie trempée. Le jeune geisha leva une main pour vérifier que sa coiffure était en place et attendit qu'une servante vienne la chercher, mais ce fut un jeune homme qui s'approcha d'elle. Avec un minuscule hoquet de surprise, elle remarqua l'éventail imprimé sur le devant de ses robes, attestant qu'il faisait partie du clan.
- Bonjour, murmura-t-elle en s'inclinant, essayant de se montrer aussi respectueuse que possible.
- Sakura-san, répondit-il d'un ton bref, sire Uchiha vous attendait. Veuillez me suivre.
Elle le suivit à travers des méandres de couloirs sans qu'aucun d'eux ne prononce un mot. Sakura se sentait légèrement mal à l'aise ; c'était la première fois qu'elle avait affaire à des clients aussi importants que ceux-ci, et elle ne savait pas trop quelle contenance adopter, quoiqu'elle connaisse les formules de politesses sur le bout des doigts.
La résidence était ancienne ; elle avait été bâtie par les seigneurs précédents, que les Uchiha avaient brutalement exterminés. Les vainqueurs n'avaient pas tardé d'y ajouter une nouvelle aile, aussi abrupte et brutale que le reste du château était fragile et délicat. Les habitants de la ville le nommaient 'le château à deux faces', avant d'ajouter à voix basse que les seigneurs eux aussi avaient deux visages ; honnêtes et francs quand il s'agissait de conclure une nouvelle alliance, et cruels et retords quand il fallait trahir ladite alliance.
La pièce dans laquelle Sakura entrait à présent était décorée dans un style flamboyant. Les écrans de gauche montraient un paon, dont les plumes brillaient d'un bleu et d'un émeraude éclatant. Le reste représentait un paysage de montage, couverte d'une forêt de pins qui luisait argent et vert à la lumière pâle de la lune. Sur le coup, la jeune geisha se demanda pourquoi cette pièce était si colorée ; elle tranchait si fort avec le reste du bâtiment que c'en était éblouissant. Puis elle comprit que c'était la pièce de réception de sire Uchiha, seigneur du clan, et qu'il cherchait par là à impressionner ses invités.
Elle s'agenouilla avec grâce et s'inclina jusqu'au sol. Selon la coutume, elle ne devrait se relever que sur ordre du seigneur. Elle l'avait entr'aperçu en entrant ; Uchiha Fugaku était un homme de taille moyenne, mince, les cheveux grisonnants, avec un pli sous la bouche qui lui donnait une apparence sévère, et un nez légèrement incurvé, tel un faucon ; un chef de guerre dans toute la splendeur de l'âge.
Sakura attendit un moment ainsi tandis que le seigneur finissait de parler à l'un de ses convives, un homme doté d'une voix grave et rocailleuse. Il était question d'un domaine, et d'héritiers – son cœur bondit dans sa poitrine lorsqu'elle entendit le nom de Haruno, et, en prêtant l'oreille, elle se rendit compte qu'ils parlaient de la succession du défunt seigneur.
- Evidemment, murmurait l'un, la mort du noble seigneur est très malencontreuse… (elle devina qu'il s'efforçait de ne pas sourire) …étant donné qu'il n'a pas de successeur légitime, elle embarrasse le clan Haruno au plus haut point…
- En effet… répondit le seigneur, il ne faudrait pas que leurs terres tombent dans des mains inconsidérés…
Il y eut des éclats de rire bruyants. De toute évidence, tous les hommes présents dans cette pièce avaient compris le sous-entendu de sire Uchiha.
Elle n'aurait pas cru qu'elle pourrait vérifier les bruits si vite. Haruno Shoichi, seigneur du clan Haruno, s'était éteint. Bien entendu, cela intéressait le clan Uchiha, se dit-elle ; il n'avait pas d'héritiers légitime, et il serait donc aisé de s'emparer de ce grand domaine qui s'étendait le long de la côte sud et ouest. Ce serait un bien inestimable. La terre était riche et prospère, et les marchands affluaient en grand nombre dans la capitale. Mais ce serait sans compter les héritiers illégitimes de Shoichi, et Sakura avait bien l'intention de faire valoir son dû avant ces vautours d'Uchiha.
La réussite de cette entreprise était si peu probable que Sakura se demanda un instant si elle était folle. D'abord, elle était une femme, et à part Hyuuga Hinata, aucune femme de dirigeait de clan. D'ailleurs, dame Hyuuga ne dirigeait pas vraiment son clan ; les anciens la 'guidaient' dans toute ses décisions, et dès qu'elle serait mariée, le domaine reviendrait à son mari. Une femme n'avait aucun pouvoir, de n'importe quel milieu ou famille qu'elle fut. Et puis, Sakura était une geisha et n'était pas instruite dans l'art de diriger un clan.
Le seul espoir de Sakura était la haine ancestrale entre ces deux clans. Jamais les Haruno ne laisseraient les Uchiha prendre contrôle de leur terre. Peut-être même préfèreraient-ils avoir une femme à leur tête… quoique… ça les choquerait sûrement à un tel point qu'ils ne voudraient même pas en entendre parler.
Depuis le début des temps, les hommes avaient si peur que les femmes viennent à acquérir du pouvoir et qu'elles l'utilisent contre eux qu'ils leur avaient défendu d'avoir un quelconque rôle sur la scène politique, et les avaient obligées de toujours s'en remettre à eux. Une femme était censée obéir à son mari et à son père ; hors Sakura n'avait ni l'un, ni l'autre, et personne ne pouvait en théorie s'opposer à ce qu'elle aille quérir son héritage ; mais en pratique, ces codes étaient si profondément ancrés dans la société que sa quête était quasi-sûre de s'avérer vaine.
Qu'importe ! Sa résolution était faite ; c'était le seul échappatoire possible. Elle devrait faire vite, car Uchiha Fugaku n'attendrait pas avant d'envoyer ses troupes.
- Sakura-san. Je vous en prie, relevez-vous.
Elle se redressa mais garda les yeux baissés, essayant d'avoir l'air aussi impassible que possible, malgré le sang qui battait dans ses tempes si fort qu'elle en avait mal à la tête. Le seigneur la fixait avec un visage inexpressif, mais elle pouvait sentir l'avidité des autres hommes présents dans la pièce. Ils ne voyaient en elle qu'une chose, qu'une œuvre d'art aussi animée qu'exotique, avec ses yeux verts sombre et ses cheveux roses. Elle n'avait plus aucune envie de devoir rester à leur côté toute la soirée, à verser le thé et le saké pendant qu'ils parleraient, ou à danser et à jouer du shamisen - quoi que ce soit qu'ils exigeraient d'elle.
- Je dois remercier sire Uchiha pour l'honneur qu'il me fait, murmura-t-elle, bien que les formules de politesse aient un goût de poison dans a bouche.
Il ne répondit pas, et elle resta dans cette position en ne souhaitant rien de plus qu'ils meurent tous, tout ces hommes qui voulaient contrôler sa destinée. Elle se fit le serment silencieux qu'un jour qu'ils regretteraient de n'avoir vu en elle qu'une femme frêle et inoffensive, un pion dans un jeu de Go.
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Il était minuit, ou un peu plus tard lorsqu'elle ressortit du château et se hâta vers son palanquin. La pluie s'était calmée et les étoiles brillaient doucement dans l'immensité veloutée du ciel nocturne. Cette promesse, cette décision, Sakura ne se doutait pas qu'elles allaient bouleverser sa vie.
Et voilà - premier chapitre de pondu! J'espère que vous avez aimé. En tout cas, j'ai l'impression d'avoir fait un travail correct sur ce chapitre :)
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