1. Dernière danse, de Kyo - Soul et Maka : ils affrontent une sorcière particulièrement coriace.
J'ai longtemps parcouru son corps
Effleuré cent fois son visage
« Allez, Maka, relève toi ! »
Pour appuyer mes mots je l'attrape par le bras et la tire mais elle se dégage et reste prostrée au sol. Je vois ses mains trembler sur la terre battue. Je m'accroupi à ses côtés et enlace doucement ses épaules. Cette fois, elle ne tente pas de se dégager. Tout son corps tremble contre mon torse et mon cœur se sert en la voyant ainsi. Pitoyable. Où est donc passée la grande manieuse, la fille forte et courageuse avec laquelle je vis ? Envolée. Envolée avec son regard brillant, son dos droit et assuré, sa prise ferme, sa moue décidée. Envolée, avec notre seule chance de survie. Mes mains glissent le long de ses bras, comme si j'essayais de la réchauffer. C'est ridicule, il ne fait même pas froid. Le tissu familier de son manteau glisse sous mes doigts. J'avais jamais remarqué que je le connaissais à ce point. Je pose mon front contre sa tempe. Elle sent le sang et la sueur, mais je m'en fiche. La sorcière nous regarde, l'air amusé. Je lui lance un regard noir qui lui est autant destiné à elle qu'à moi. À quoi je sers, moi, dans ce genre de situation ? À rien. Strictement rien. Cela n'a pas changé depuis des années, même mon statut de Death Scythe ne peut rien contre ça. Si Maka n'est plus là, je suis impuissant. Impuissant à me battre, impuissant à gagner, impuissant à la sauver. Mais tout cela ne va pas durer, non. Ça, au moins, j'en suis sûr.
J'ai trouvé de l'or
Et même quelques étoiles
En essuyant ses larmes
Je murmure doucement à son oreille :
« Tu peux le faire, Maka. On peut le faire. Ce n'est qu'une sorcière, une petite sorcière de rien du tout !
_ Ne dit pas ça, Soul… Elle est trop forte !
_ Mais qu'est-ce que tu racontes comme connerie ? je m'exclame. Maka, tu es plus forte qu'elle ! Tu es celle qui a fait de moi une Death Scythe ! Et tu penses que cette sorcière est plus forte que nous deux réunis ?! »
Je la force à me regarder dans les yeux. Son visage est couvert de la poussière du combat où ses larmes ont tracé deux sillons humides bien visibles. Son arcade gauche commence lentement à gonfler, prémices d'un œil au beurre-noir imminent, sa lèvre est fendue et il y a du sang séché aux coins de sa bouche. Je réprime une folle envie de l'embrasser pour le lui enlever. Je repère un hématome violet dans l'échancrure de son haut mais n'y prête pas attention. La sorcière nous regarde toujours avec son sourire de merde aux lèvres. Encore une sadique qui préfère frapper des personnes combattives ; les gens sans volonté, ça l'intéresse pas. Tant pis pour elle, elle aurait dû attaquer tant que Maka n'est pas en forme. Promesse de mec cool : dès qu'elle est d'attaque, elle va prendre cher. Je me concentre à nouveau sur ma coéquipière. Ses yeux rougis me fixent, ils sont emplis de terreur. Je crois que j'ai un air rassurant, ou peut être tendre, car elle se détend légèrement entre mes bras. Je lui essuie le visage du bout des doigts. Elle ne tremble plus.
« Tu ne comprends pas, Soul, son âme est vraiment énorme et…
_ Peut-être que tu ne te rends pas bien compte, la coupe-je, de la taille de la tienne ? »
Pour être tout à fait franc, moi non plus je ne me rends pas compte de la taille de son âme, mais cela a l'air de lui faire du bien. Ses yeux ne sont plus exorbités et je sens qu'il est temps de la lâcher, elle n'a plus besoin de mon soutien. Cette pensée me fait mal et, rien que pour la tenir dans mes bras ainsi, j'aimerais qu'il y ait des centaines de sorcières trop puissantes pour nous, pour que Maka ait besoin de moi et de mon étreinte. Je soupire et me lève à contre cœur. Il faut que je me détache d'elle, le plus possible. Je vais bientôt partir, même si elle ne le sait pas encore. La Folie en moi se fait de plus en plus présente, de moins en moins contrôlable. Et il n'y a qu'un seul moyen de s'en débarrasser.
J'ai appris par cœur
La pureté de ses formes
Parfois, je les dessine encore
Elle se lève derrière moi. Je n'ai pas besoin de me retourner, je le sens. Son regard me brûle quelques secondes entre les omoplates avant de se déplacer jusqu'à notre adversaire. Un mouvement d'air ; Maka a levé le bras. Je connais la taille de ses membres au centimètre près, je sais exactement où se trouvent sa main, ses doigts, son corps. Pour la première fois depuis le début du duel, j'esquisse un sourire. Je me transforme, mon sourire continuant à luire dans le reflet de ma lame. Les mains de Maka se referment sur moi, me tenant avec assurance. Cette sensation familière me rassure tandis qu'elle se met en garde.
« Prêt, Soul ?
_ Quand tu veux. »
Elle resserre sa prise quelques secondes à peine, juste assez pour que je sente sa peur toujours présente. Je frissonne. Mais elle ne s'en rend pas compte. Une faux, ça ne frissonne pas. Mais, d'un autre côté, ça ne parle pas non plus. Elle s'élance vers la sorcière qui la cueille avec le sourire. Toujours ce foutu sourire. Je danse entre les mains expertes de ma partenaire. Un coup à droite, un coup à gauche. Estoc, taille, parade. Je sais d'avance quelle attaque elle va faire, jusqu'où je vais porter, à quelle distance elle va sauter, sur quelle longueur elle va se fendre. Mais l'autre en face, elle, ne le voit pas venir. C'est logique, elle ne la connaît pas comme je la connais. Elle ne l'a jamais regardée comme moi je la regarde. Quelques éraflures ornent désormais son visage et ses bras et je remarque alors que son sourire est crispé, tendu. Le mien n'en est que plus grand.
Elle fait partie de moi
Mais ce n'est pas assez. Elle continue à parer chacune de nos attaques avec ses ongles démesurément longs. Son truc à elle, c'est les abeilles si je me réfère à son chapeau ridicule et sa tenue bicolore. Et elle, c'est la reine. Je m'éclafferais bien devant la minuscule couronne qui oscille sur le haut de sa tête si la situation n'était pas aussi désespérée. Les dards au bout de ses doigts sont aussi durs que du béton et ma lame arrive à peine à les abîmer. Corps à corps : impossible. Lorsque Maka s'éloigne pour reprendre son souffle elle se met alors à les lancer, telles des flèches d'ébène, ce qui l'empêche de se reposer. Attaque à distance : impossible. Les petites ailes transparentes dans son dos sont bien plus costaudes que leur apparence mignonne le laisse suggérer. Et bien plus rapide. La prendre de vitesse : impossible. Et ces antennes bouffonnes sur son front ! Elles captent tout, le moindre souffle, le moindre courant. À peine avons-nous réussi à nous glisser dans son dos que, déjà, elle nous fait face. Attaque surprise : impossible. En fait, tout chez elle est comique. Mais, pourtant, on a absolument pas envie d'en rire…
Que faire ? Maka est de plus en plus essoufflée, la sueur coule abondamment sur son visage tuméfié et j'observe avec angoisse les tremblements de ses bras. Elle est bientôt à bout. Je n'aurais pas dû la forcer à se relever ! J'aurais dû lui dire de partir, de fuir et j'aurais retenu la sorcière le temps qu'elle soit assez loin. Je serais mort et Maka aurait été débarrassée de moi. De moi et de ma Folie.
« Qu'est-ce que tu fous, Soul ?! »
Je sursaute autant qu'une arme peut le faire. Elle crie, elle est en colère mais elle ne me regarde pas. Son regard est vissé dans celui de l'adversaire qui commence aussi à fatiguer. C'est déjà ça. Elle reporte ses beaux yeux verts sur moi. Durs, fiers, droits, sûrs, décidés. Aucune trace de fatigue dans ces yeux là.
« Alors, qu'est-ce que tu attends ? Résonance des âmes ! »
Je souris en même temps que l'angoisse me sert doucement le cœur. La longueur d'âme de Maka m'atteint, me traverse. C'est une sensation étrange, à la fois merveilleuse et douloureuse. Toute cette énergie qui afflue dans mon corps, brûlante et indomptable et que je suis chargé de lui renvoyer. C'était vraiment dur au début, je m'en souviens mais, aujourd'hui, toute la douleur est partie ne laissant plus que la plénitude du contact entre nos deux âmes. Pendant ce bref instant, nous sommes liés comme aucuns humains ne pourraient l'être. Comme me l'a dit le diablotin il y a déjà des années, nos cœurs sont connectés. Durant ces quelques secondes, nous sommes un. Aussi indissociables l'un de l'autre que la chair et les os. Une âme en deux corps, l'arme et le meister.
Je veux juste une dernière danse
Avant l'ombre et l'indifférence
Un vertige puis le silence
Je veux juste une dernière danse
Et comme toutes les bonnes choses ont une fin, celle-ci également en a une. Je n'ai pas le temps de savourer notre contact que déjà je sens le sang noir en moi bouillonner. Toute la Folie qu'il contient se tend vers la longueur d'âme de Maka pour la polluer, la contaminer et c'est tout juste si j'arrive à la contenir. Apparemment, moi aussi je dois être fatigué, sinon ce ne serait pas aussi dur. Quel est le mot exact, déjà ? Maka le trouverait immédiatement, elle est intelligente, elle. Moi, je ne suis qu'un crétin de musicien raté. Je l'ai au bout de la langue… Usé. Je ne suis pas fatigué, je suis usé. Le Kishin est toujours en liberté et ma Folie croit avec sa puissance. Bientôt, je ne pourrais plus la contenir. C'est pour ça qu'il faut que je parte, que je quitte Shibusen ou, mieux, que je meurs. Ce serait radical et expéditif mais efficace. Mortellement efficace. Pour le moment j'arrive à tenir, mais ce ne sera pas toujours le cas.
La faucheuse de sorcière luit entre les mains de Maka. Quelle ironie ! Arriver au rang de Death Scythe et être contraint d'utiliser une technique maîtrisée depuis bien des années. C'est vraiment pas cool. Les ongles-dards de la sorcière se brisent maintenant sous nos coups et elle est contrainte à se défendre sans pouvoir attaquer. La fin est proche, espérons-le.
Maka semble ne pas avoir besoin de mon attention que je m'empresse de reporter sur moi-même. J'ai besoin de toute ma concentration pour continuer à amplifier sa longueur d'âme sans la lui rendre noircie. Presque involontairement, je reprends mon introspection : je me demande ; c'est comment, mourir ? Parce que je veux bien mourir, oui, mais mourir vite ! Dans les films, le héros tombe toujours à la renverse, au moment où il passe l'arme à gauche. Je suppose que c'est comme ça que ça se passe. Nos forces nous quittent et, soudain, on a l'impression d'être beaucoup trop haut et que la terre est beaucoup trop basse. Et on tombe. Ça, c'est cool. Et puis après, l'héroïne arrive en criant et se jette sur le cadavre pour le secouer. Ça, j'aime moins. Je voudrais que ma mort à moi, ce soit dans le silence. Ou avec un morceau de piano, c'est bien ça aussi. Mais sur un champ de bataille, ça risque d'être dur. Un sourire amer étire mes lèvres.
La sorcière nous évite tout simplement désormais et ce que je prenais pour un signe de faiblesse n'est en réalité qu'une ruse sinistre : elle nous fatigue. Tandis qu'elle volette tranquillement Maka s'escrime à donner de grands coups de faux dans le vide. C'est pas bon, pas bon du tout. Elle fait durer le combat. Elle a très bien compris que Maka était quasiment à bout physiquement et, si elle ne peut pas savoir que je le suis également psychologiquement, cela penche en sa faveur. Ma manieuse arrive finalement à lui décocher un coup de pied dans le menton, ce qui l'étourdie momentanément. Je vois aussitôt l'ouverture :
« Vite, Maka, ses ailes ! Abîme ses ailes ! »
Elle s'élance mais trop tard, l'adversaire s'est déjà relevée. Tout n'est pas perdu : de la pointe de ma lame elle réussit à atteindre une de ses fragiles ailes d'insecte et la déchire dans un bruit de papier.
« Bien, elle ne peut plus voler maintenant !
_ Effec… tivement… Mais… elle reste… trop rapide ! »
Je me tourne vers elle, effaré. Bon sang, je n'avais pas remarqué qu'elle était épuisée à ce point !
« Ça va ? Tu tiens le coup ? je lui demande, inquiet.
Elle me fait un sourire qui se transforme en grimace sous la douleur de ses multiples contusions au visage. Elle l'a pas loupée…
_ Et toi ? me répond-elle. »
Je lui donne un grognement pour toute réponse. Quel beau duo d'éclopés on fait tous les deux, tout de même. Nous repartons aussitôt à l'attaque avec une fureur renouvelée. Désespérés ? Nous ? Non, jamais…
Mais le temps passe et la reine des abeilles ne faibli pas. Ou plutôt si, elle faibli, mais nous aussi. Maka est en nage et c'est avec peine qu'elle me soulève pour chaque nouvelle attaque. Finalement, contre toute attente, c'est moi qui craque le premier.
« Maka, je vais plus tenir longte…! »
Trop tard. La Black Room s'impose à mes yeux sans que j'ai le souvenir de m'y être rendu. Maka est là également, déboussolée tout autant que moi par ce brusque changement de décor. Un rire nous parvient et nous nous retournons d'un seul mouvement vers son origine. Le diablotin est là, assis devant le piano, son regard retord posé sur nous. Un sourire tout en pointes étire ses traits et il se met à jouer. Comme toujours, c'est du jazz. La Folie me tombe dessus d'un seul coup. C'est une chose de s'en servir, comme nous le faisions jusqu'ici, mais c'en est une autre de ne pas y succomber. Je crois que je suis à genoux. Je n'en suis pas sûr. Est-ce vraiment le bas ? Et ça le haut ? Et est-ce vraiment de la musique que j'entends ? Non, ce n'est que le battement de mon cœur. Mais, depuis quand les cœurs parlent-ils ?
« Soul ! Tu m'entends ? Hé, Soul ! »
Je cligne des yeux et reviens difficilement à moi. Maka ? Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié que je l'avais entraînée avec moi. Je suis effectivement par terre, à quatre pattes, Maka accroupie à côté de moi, une main sur mon épaule.
« Tout va bien, je réponds dans un souffle, ça va passer. »
Je prends appui sur mes genoux et me relève avec moult grognements. Elle tend la main pour prendre la mienne et m'aider mais je fais un véritable bond pour l'éviter.
« Ne me touche pas ! »
Mince, je n'avais pas prévu de crier comme ça. Sa main s'arrête à mi-chemin et je la vois avec angoisse froncer les sourcils. Elle a le Maka Chop qui la démange, je le sens. Pourtant, contre toute attente, elle pousse un long soupir et le bras tenant le livre retombe mollement le long de son flanc. Je la regarde sans comprendre.
« Tu fais chier, Soul, à toujours vouloir me protéger.
_ Mais, je…
_ Un meister et son arme doivent s'entraider l'un l'autre, me coupe-t-elle, tu le sais, non ? S'il y a un fardeau à porter, ils le portent à deux.
_ Je ne vois pas ce que tu veux dire, je mens scandaleusement. »
Nouveau soupir de sa part. Suis-je vraiment si transparent pour qu'elle comprenne mes moindres gestes de la sorte ? Un sourire malicieux étire ses lèvres. Mystère, mystère.
« Je sais pas si tu as oublié ou quoi, mais nous sommes dans tes pensées, là, Soul, me dit-elle comme on parle à un gosse de trois ans pour lui expliquer qu'il ne faut pas manger ses crayons de couleur.
Dans mes pensées…? La lumière se fait soudain en moi. Mais oui ! Dans mes pensées !
_ On est sur la même longueur d'âme et je connais ta façon de penser, ajoute-t-elle comme pour m'aider.
Mais ce n'est pas la peine, j'ai compris. Maka a deviné exactement ce à quoi je pensais, elle sait pourquoi je l'ai évitée de la sorte. Je soupire et la laisse faire cette fois, quand elle prend ma main. Aussitôt elle se courbe, comme moi quelques instants plus tôt, mais fini par se redresser. Si le poids sur mes épaules s'est allégé, ce n'est pas le cas du sien.
_ Hey, tout va bien ?
Je dois faire une drôle de tête, parce qu'elle me fait un sourire rassurant.
_ C'était pas comme ça la dernière fois… non ?
_ Elle grandi avec la force du Kishin, je lui donne comme toute réponse.
_ Ah… »
Nous nous regardons sans trop savoir quoi faire, la main dans la main, suant à grosses gouttes. Je n'ai aucune idée de comment revenir au combat, là-bas, dehors, et elle non plus. D'ailleurs, est-ce qu'il continu malgré le fait que nous soyons ici ? Je ne pense pas ou, tout du moins, je l'espère. Ce serait un vrai massacre unilatéral. Le diablotin nous fixe avec insistance, ses doigts parcourant les touches sans qu'il ait besoin de regarder. Ça va, j'ai compris le message.
« On danse ? je propose.
_ … ouais.
Nous nous mettons en position, ma main sur sa hanche et la sienne sur mon épaule. Soudain, je n'ai plus du tout envie de mourir.
_ Tu mènes ? me demande-t-elle.
_ Comme toujours. »
Je l'ai connue trop tôt
Mais c'est pas d'ma faute
La flèche a traversé ma peau
Nous dansons. Que dire d'autre ? Toutes les précédentes fois où nous avons dansé ainsi, nous parlions. Cette fois non. Sûrement parce qu'il n'y a plus rien à dire, que tout a été dit. Avouons-le, nous ne sommes pas très gracieux. La lutte contre la Folie rend nos pas lourds et nos mouvements malhabiles. Maka m'écrase même le pied à deux reprises mais ça va, j'ai l'habitude. Mes yeux sont fixés dans ses cheveux blonds. Je me demande à quoi elle pense. Moi, je retourne à mes sinistres projets… non ! Il ne faut pas que j'y pense, pas ici, pas maintenant, pas avec Maka à quelques centimètres de moi. Elle serait tout à fait capable de m'entendre et de piquer une autre colère. D'ailleurs, ça fait un moment qu'elle ne s'est pas énervée sur moi. Cela fait un moment que presque aucun conflit ne vient troubler la paix de notre duo, même Blair ne vient plus dans mon lit le matin. Ça me manque. Pas Blair, hein, nos disputes coutumières. Depuis que je connais Maka, il n'est pas passé une semaine sans que l'on se tape dessus. Là, c'est carrément ennuyant. Et étrange. Comme si on pressentait que quelque chose allait se passer.
« Ça fait longtemps qu'on se connaît, hein ?
Sa question me fait sursauter et je reporte mon regard sur elle. Elle me fixe droit dans les yeux avec un sourire crispé. Soupir désabusé de ma part ; comment elle fait pour lire en moi de la sorte ?
_ Des années, je confirme.
_ Tu te souviens du jour où je t'ai demandé d'être mon partenaire ?
_ Tu penses vraiment que j'ai pu l'oublier ?
_ Eum, non, me répond-elle avec un léger rougissement. Je voulais à tout prix être comme ma mère alors je cherchais une faux comme arme, continue-t-elle.
_ Moi je t'ai juste joué un morceau de piano. « C'est comme ça que je suis ».
_ Je n'y connais rien en musique, rigole-t-elle.
_ Je sais. »
C'est pour ça que je l'ai choisie. Non, ce n'est pas seulement pour ça, c'est parce qu'elle était… différente. Oui, unique. Alors, quand elle m'a quand même accepté après que je lui eus joué mon morceau, je l'ai suivie avec mon air le plus cool. Parce que bon, sauter de joie, crier, pleurer et autres, c'est pas très cool. Sauf peut-être pour Black Star, mais lui c'est une exception. D'ailleurs, je suis content de l'avoir rencontré. Lui et tous les autres. Et puis Maka aussi, bien sûr. J'ai vécu tellement de choses avec eux, des bonnes et des mauvaises. Ce sont mes amis et plus encore. Je me demande pourquoi je pense à ça maintenant, peut-être parce que Maka aussi ? Ces derniers temps, je me dis que j'aurais mieux fait de ne jamais les rencontrer – la rencontrer. Si je ne les connaissais pas, cela ferait longtemps que je serais parti avec ma Folie. Mais bon, je suppose que c'est pas de ma faute. Les sentiments, tout ça, ça se contrôle pas. Avant même de m'en rendre compte, j'étais harponné. Harponné par leurs rires. Harponné par leur bonne humeur. Harponné par leur connerie. Harponné par ses yeux verts. Ouais, c'est pas de ma faute.
« Il faut qu'on sorte d'ici. »
On s'arrête de danser. Maka a le regard dur et déterminé, c'est comme ça que je la préfère. Je hoche la tête pour l'approuver.
« C'est la Folie qui nous maintient ici. On ne peut pas partir parce que tu m'aides à la contenir, il faut que je m'en occupe seul.
_ Ou que l'on arrête la Faucheuse de Sorcière, ajoute-t-elle.
_ Non ! je m'exclame, puis reprend un ton plus bas, on a aucune chance sans la Faucheuse. Laisse-moi faire, j'y arriverai. Toi, concentre-toi sur Maya l'Abeille. »
Ma blague la fait vaguement sourire, mais je vois bien que ça ne vient pas du cœur. Ni elle ni moi ne pouvons rire pour le moment. Elle lâche ma main et je vacille sous le soudain poids qui pèse sur mes épaules avant de me rétablir. Je peux le faire. Je pousse la Folie, l'éloigne le plus possible de mon esprit. Une lumière vive m'éblouit suivie d'une multitude de sensations. Le vent, le froid, la chaleur des mains de Maka, sa respiration haletante et celle, plus distante, de la sorcière. Ça y est, nous sommes revenus.
C'est une douleur qui se garde
Qui fait plus de bien que de mal
Une vingtaine de secondes se sont déroulées ici alors que nous avons passé plus d'une dizaine de minutes dans la Black Room. Heureusement, sinon la sorcière se serait rendue compte que quelque chose clochait et nous aurait réduit en charpie. Nous nous jetons sur elle et le combat reprend. Notre petite danse intérieure n'a rien changé : nous avons toujours le dessous. Les coups s'enchaînent à une vitesse inhumaine et le sang jaillit presque par magie de plaies qui, quelques secondes avant, n'étaient qu'à l'état de possibilité. Maka saute, vole et Maya la suit. De temps en temps un sort fuse mais il est facilement esquivé. Elles sont de forces à peu près égales ; c'est un combat d'endurance. C'est à celui qui cèdera en premier. Et, comme à chaque fois, ça tombe sur nous. Alors qu'elles s'éloignent pour reprendre leur souffle, nous basculons brusquement en arrière. Je ne sais pas si les jambes de Maka ont cédé sous elle, si le désespoir l'a envahie ou si elle a juste trébuché, mais elle est tombée. Et la sorcière ne l'a pas laissé passer. Les fesses de Maka n'avaient pas encore touché le sol que déjà le dard volait dans notre direction, sa propriétaire juste derrière. Quelle redoutable efficacité : si le dard ne faisait que la blesser elle serait là pour l'achever. Et quelle aubaine pour moi ! Je sais ce qu'il me reste à faire. Je reprends ma forme humaine et me dresse, les bras écartés, entre ma manieuse et le projectile. Je l'entends crier derrière moi. Cette scène m'en rappelle une autre, bien plus ancienne. J'ai presque envie d'en rire. La cicatrice que m'a fait Chrona il y a maintenant des années barre toujours mon torse et sûrement y restera-t-elle à jamais. Sa vue insupporte toujours autant Maka, elle n'a toujours pas accepté que j'ai failli mourir pour elle. Moi, j'en suis fier. Cette marque est la preuve que je suis près au sacrifice ultime pour mon meister, que je suis une bonne arme. Mais je l'aime également car, si elle n'était pas là, sûrement que Maka non plus. Elle serait morte ce jour-là ou emportée par le Sang noir et la Folie. Donc oui j'ai souffert le martyr, mais ça en valait la peine. Grâce à ça, aujourd'hui, je vais recevoir une deuxième marque pour que Maka reste en vie. Avec un peu de chance, celle-ci sera en plein cœur. Je ferme les yeux, prêt à ressentir l'impact. Soudain, mes jambes ne me portent plus. Mes pieds ont été décollés du sol et je comprends une seconde trop tard ce qui est en train de m'arriver : elle m'a fauché les jambes. Maka m'a fait un croche-patte ! Elle avait tout compris, elle savait tout depuis le début ! Elle s'était préparée à cette éventualité et savait comment y réagir. Alors que je tombe au ralenti son profil entre dans mon champ de vision. Je suis horrifié. Stupéfait et mort de trouille aussi. Elle, elle ne m'adresse pas un regard. Elle s'est relevée et est prête à recevoir la flèche qui vole vers elle. Alors que cette dernière me frôle dans ma chute, je hurle :
« NOOOOOON ! »
Mais je connais l'histoire
Il est déjà trop tard
Dans son regard
On peut apercevoir
Qu'elle se prépare
Au long voyage
Je me débats mais rien à faire ; je suis en suspension entre la terre et le ciel, mes mouvements sont totalement inutiles. Je tends le bras dans un fol espoir - je ne saurais trop dire lequel. La pousser pour quelle retombe ? L'attirer vers moi ? Attraper le projectile en plein vol ? Qu'il se plante dans ma main plutôt que dans sa peau ? Je suis totalement impuissant. Mes cordes vocales me brûlent tellement je cris fort. Mais à quoi ça sert ? Ce n'est pas ça qui va la sauver. Non, en fait, ce qui la sauve, ce n'est pas moi, ni sa force, ni sa vitesse, ni son intelligence. C'est quelque chose de beaucoup plus basique et primaire : sa taille. Maka est plus petite que moi, et le dard qui devait me traverser le cœur la cueille juste sous sa clavicule gauche, à moins qu'elle ne l'ait brisée. Il s'enfonce avec un bruit mat dans sa chair et, sa faiblesse étant à un point si avancé qu'elle a du mal à tenir debout, la projette en arrière. C'est ça aussi qui l'a sauvée. Les griffes de la sorcière la ratent d'un cheveu, la déséquilibrant pendant quelques secondes. L'occasion est si belle que je pourrais en pleurer.
« Soul ! Maintenant ! me cri Maka. »
Je ne me le fais pas dire deux fois. Avant que Maya ait le temps de prononcer la moindre syllabe je suis déjà dans la paume ouverte de ma manieuse. Un vaste mouvement de bras et c'est fini. Les deux moitiés de la Reine des abeilles gisent au sol, son âme bien en vue au-dessus d'elles. Maka me lâche et s'écroule en même temps que moi. Je reprends forme humaine et respire un grand coup. La résonance d'âme est terminée, je peux enfin me reposer. Je tourne la tête vers ma manieuse qui halète à mes côtés. J'observe un moment sa poitrine se soulever régulièrement malgré la forme verticale du dard qui y est planté, fou de joie de la voir encore en vie. Elle m'a fait peur. Terriblement peur. Toute une panoplie d'insultes me vient à l'esprit mais elles s'étouffent dans ma gorge, engloutie par le soulagement de la voir vivante. Elles forment une boule, se tassent et finalement s'éjectent de ma bouche sous la forme d'un rire, violent et libérateur. Elle se joint à moi mais toujours sans me regarder, le regard perdu dans les cieux. Nos rires finissent par se tarir et nous replongeons dans un silence méditatif. Ses mains tremblent. Je contiens de justesse une furieuse envie de les prendre entre les miennes. Je veux me traîner vers elle avec mes dernières forces, l'engueuler parce que j'ai cru qu'elle allait mourir, la secouer pour qu'elle me promette de ne plus jamais faire une connerie pareille, l'embrasser pour me prouver qu'elle est toujours vivante, m'allonger sur elle pour sentir son cœur battre dans sa poitrine, la prendre dans mes bras sans qu'elle puisse rien faire contre. Je ne bouge pas, me contentant de regarder son profil fier. Jamais je n'oublierai cette mission, ça c'est certain. Ses doigts se referment en deux poings rageurs et les derniers évènements me sautent à la gorge. Je ne suis pas mort. Maka savait, elle m'en a empêché. Merde. Je ne sais plus trop ce que je dois dire, ce que je dois faire. Elle est furieuse. Je peux presque sentir l'air se réchauffer à son contact. Si je n'ai pas encore eu droit à mon Maka Chop, c'est uniquement dû à son état de fatigue avancé, je le sais. Alors je fais la seule chose raisonnable dans cette situation. Je me lève en grommelant haut et fort à cause de mes propres courbatures et attrape l'âme de la sorcière.
« Itadakimasu ~ »
Je veux juste une dernière danse
Avant l'ombre et l'indifférence
Un vertige puis le silence
Je veux juste une dernière danse
J'adore ça ! Cette consistance moelleuse et fondante sous la langue. Je savoure ce mets ô combien rare qu'est l'âme de sorcière tout juste tuée. Je sens le regard de Maka fixé sur ma nuque, il me pique et me brûle par sa colère. Eh bien, quoi ? Oui, j'ai failli mourir. Oui, c'était prémédité. Mais quoi ? Que voulait-elle que je fasse ? C'était la solution la plus simple, la plus rapide. Et la moins douloureuse aussi. Maintenant, il allait falloir que je parte. Que je m'éloigne d'elle - d'eux - volontairement, que chacun de mes pas m'amène un peu plus loin de Death City et ce indéfiniment, jusqu'à ce que je meurs définitivement ou me laisse submerger par la Folie. Ne comprenait-elle donc pas que, mourir au cours d'une mission - et en lui sauvant la vie de surcroit ! - était cent fois plus facile que cette dernière solution ? Mais non, elle ne peut pas comprendre. Je ne lui ai pas dit et ne lui dirai pas avant d'être déjà loin. Car je sais que, sinon, je ne pourrais pas partir. À moins qu'elle ne me chasse ? C'est une bonne idée, ça aussi. Comme ça, je n'aurais aucun regret…
« Soul…
Je me tourne vers elle. Ça fait un moment que j'ai fini de manger, combien de temps exactement ? Trop longtemps pour que ça ait l'air naturel. Maka me regarde, la lueur inquiète dans son regard m'enlève toutes mes forces. Non, je ne pourrais pas la faire me détester. Mourir pour elle, partir loin d'elle, oui. Mais pas ça. Elle s'est assise et se tient l'épaule gauche d'une main, l'autre en écharpe contre son torse. Avec un froncement de sourcil, elle empoigne le dard et tire et…
_ Attends ! N'y touche pas ! je m'exclame en me précipitant sur elle. On va rentrer à la cabane, on a tout ce qu'il faut pour te soigner là-bas, ok ? On l'enlèvera sur place. »
Elle hoche piteusement la tête, le visage rendu blanc par la douleur et la perte de sang. Je sais bien qu'elle est toujours furax, mais sa survie passe avant ses états d'âmes dans l'ordre de mes priorités, alors je l'attrape et l'aide à se remettre debout. Elle me foudroie du regard et tente de se dégager mais je passe un bras autour de sa taille pour la maintenir contre moi et l'aider à avancer. Elle ouvre la bouche pour m'engueuler mais la referme aussitôt. Bien, elle a compris que ce n'était pas le moment apparemment. En bon mec cool, j'aurais aimé la prendre dans mes bras et la porter directement jusqu'à notre abri. Mais, honnêtement, je ne crois pas que j'aurais eu la force nécessaire, ni même que Maka aurait apprécié ma cool-attitude. Alors je me tais, et je savoure le simple contact de son corps contre le mien. Au bout de quelques mètres maladroits, elle grogne et s'appuie un peu plus contre moi. Je ne dis rien, mais je suis sûr qu'elle a vu mon sourire.
Je peux mourir demain
Mais ça n'change rien
J'ai reçu de ses mains
Le bonheur ancré dans mon âme
C'est même trop pour un seul homme
Ça y est, nous y sommes. Je pousse la porte en bois avec précaution et fais une rapide inspection des lieux. C'est bon, c'est vide. J'appelle Maka qui entre en gémissant et se laisse aussitôt tomber sur le futon contre le mur. La tâche sur son chemisier est de plus en plus importante, ça me fait peur. Je fouille dans le sac que nous avions laissé et cherche nerveusement le miroir qui devrait s'y trouver. Nous avons besoin de renfort et Maka de soins. Je finis par mettre la main dessus et compose rapidement le numéro de Shinigami-sama. Il me répond avec son ton joyeux habituel mais je le coupe sans ménagement. L'inquiétude me rend sec et grincheux. Je l'informe de notre situation en quelques mots et expédie les formalités d'usages. En moins de cinq minutes je suis de retour aux côtés de ma manieuse.
« Kid et les sœurs Thompson sont dans le coin, ils seront là dans moins d'une heure.
_ Hm. »
Sa colère n'est pas partie avec le temps à ce que je vois. Je soupire et m'assoie pesamment sur le sol. Des bleus commencent à fleurir un peu partout sur mon corps, couvrant ma peau d'ecchymoses partant du rouge pâle au violet le plus profond sans oublier de passer par le vert et le jaune maladif. Mais son état est pire que le mien, son beau visage déformé par des coups de pompes et de poings. Elle me fixe malgré son œil gauche presque fermé. Si des yeux pouvaient tuer, je serais mort à l'heure qu'il est. Quelle ironie ! Dire que c'est parce que j'ai failli mourir qu'elle m'en veut !
« À quoi tu joues, Soul ?!
Et voilà, ça commence.
_ N'en parlons plus, tu veux ? je tente de la modérer. Il ne m'est rien arrivé et…
_ Comment ça n'en parlons plus ? me coupe-t-elle. Mais tu es sérieux ?! Pourquoi tu as fait ça !
_ Pour te protéger ! je commence à m'énerver.
_ Me protéger de quoi ? J'étais tombée !
_ Tu t'es relevée !
_ Je te l'ai déjà dit, je ne veux pas que tu risques ta vie pour moi !
Je me lève sous la colère et la toise de toute ma hauteur. Elle pensait vraiment que j'allais rester là sans rien faire ?!
_ C'est le propre même de l'arme ! Protéger son meister !
_ Comme la dernière fois ? Regarde où ça nous a mené !
_ Je t'ai sauvé la vie !
_ Je ne t'avais rien demandé !
_ Je n'allais pas te regarder te faire couper en deux sans rien faire !
_ TU AS FAILLI MOURIR ! me hurle-t-elle à l'apothéose de sa fureur, se dressant sur ses genoux malgré son état critique.
_ ET TOI AUSSI ! »
J'ai le doigt pointé sur le dard sous sa clavicule, un air fou sur le visage. Nous nous défions du regard quelques secondes, aussi essoufflé l'un que l'autre. Puis, dans un mouvement rageur, je fais demi-tour et pars me reposer de l'autre côté de la pièce. Ne réalise-t-elle pas à quel point je me fais du souci pour elle ? Le dos collé au mur, je me prends la tête entre les mains. Madame veut jouer les téméraires ! Madame veut tout faire toute seule, prendre tous les risques ! Si ça continu comme ça, elle va me faire mourir d'une crise cardiaque avant même que je sois parti. Je l'observe discrètement à travers les mèches qui me tombent dans les yeux - je suis censé l'ignorer après tout. Elle a une moue boudeuse et déterminée qui me fait sourire malgré notre récente dispute. Heureusement qu'elle ne peut pas le voir. Elle se redresse soudain et tente tant bien que mal d'attraper la trousse de secours posée un peu plus loin. Nan, elle va pas… et chiotte ! Je me lève à mon tour en grommelant deux trois trucs pas très catholiques et m'empare de la boite avant qu'elle ne se vide de son sang sur le parquet. Elle me lance aussitôt un regard revêche qui ne me fait pas peur une seconde ; elle n'est pas en état pour le Maka Chop.
« Allez, viens, je vais t'aider. »
Maka a toujours était une femme de raison et elle accepte, non sans grogner, mon aide comme médecin adjoint. Elle s'adosse au mur et j'entreprends de disposer comme il faut ce dont j'aurais besoin. Désinfectant, pince, compresses, aiguille, fil, bandages. Son visage est cireux et j'ai peur qu'elle s'évanouisse sous la douleur, mais je n'ai rien pour l'anesthésier avec moi et elle refuse d'attendre apparemment. Ses beaux yeux verts luisent d'appréhension mais j'y aperçois également une lueur de courage. Je cherche à tâtons quelque chose pour qu'elle puisse y planter ses dents pendant que j'extrais l'immonde flèche qui lui troue la peau, mais ne trouve rien. Alors, avec un regard lui signifiant clairement qu'elle a pas intérêt à refuser, je lui fourre ma main transformée en manche pour l'occasion dans la bouche. Elle ne dit rien et moi non plus. J'empoigne le projectile et je la sens aussitôt me mordre. Ok, je vais faire attention, j'ai compris. Tandis qu'elle se cale l'épaule contre le mur, je commence un lent décompte, la sueur me coulant dans les yeux sans que je daigne l'essuyer.
« Un, deux et TROIS ! »
J'extirpe le dard, long de 20 bons centimètres, d'un mouvement sec et elle gémit sourdement en me broyant la main. Sans attendre, j'arrache cette dernière de ses crocs et attrape aussi rapidement que possible une compresse pour endiguer le flot de sang qui jaillit de la blessure. Pourvu que l'artère ne soit pas touchée, pourvu que l'artère ne soit pas touchée, pourvu que l'artère ne soit pas touchée. Une fois l'écoulement de sang calmé, je retire la compresse et jette un regard anxieux sur le trou de son épaule. Si ça coule plus, ça veut dire que l'artère est entière, non ? Je crois que oui. C'est profond, rouge et j'ai mal rien qu'à regarder sa chair à vif. Délicatement, aussi doucement que me le permettent mes mains tremblantes, je lui retire sa chemise – elle grogne quand le tissu englué de sang accroche à sa blessure – et enlève avec la pince les fibres pris dans la plaie. J'aurais peut-être dû lui laisser ma main dans la bouche, pour qu'elle puisse évacuer la douleur en me mordant ? J'attrape le désinfectant. De l'alcool. Fort. J'en mets sur une compresse et échange un regard angoissé avec Maka. Elle a beau être en colère, ça ne l'empêche d'avoir mal et d'appréhender la suite. Cette fois, je lui remets la main entre les dents sans réfléchir. J'ose même pas imaginer son état quand j'en aurais fini avec le nettoyage et tuage de microbes. En fait, je crois que j'aurais même plus de main. J'applique la compresse et serre les dents en même temps qu'elle. Ça y est, je crois que j'ai les os cassés. Dingue la force qu'elle a dans la mâchoire. Vu mon état, elle devra attendre d'être de retour à Death City pour se faire recoudre, j'en ai peur. Alors que je la bande tant bien que mal, je l'entends marmonner dans sa barbe.
« Quoi ? Qu'est-ce que t'as dit ?
_ Tu l'as fait exprès, répète-t-elle plus fort.
_ Bien sûr, il fallait bien désinfecter, non ? Je sais que ça brûle, mais il faut…
_ Pas ça, me coupe-t-elle. Le dard, t'as fait exprès.
Je m'apprête à répliquer ; bien sûr que ça aussi je l'ai fait exprès ! Je ne me suis pas mis sur sa trajectoire par inattention. Mais le regard qu'elle me jette m'en dissuade. Oui, je vois. Je comprends. Alors je préfère me taire, je ne veux pas parler de ça. Par contre, elle, elle le veut apparemment.
_ Je n'avais pas besoin de protection, continue-t-elle, donc tu n'avais pas besoin de te relever. Soul, tu savais qu'elle te tuerait, cette flèche, j'ai raison ? C'était un suicide déguisé.
Merde, je crois qu'elle pleure. Ses yeux se sont transformés en deux grandes aquarelles. Je fais quoi, moi, maintenant ? Je ne suis absolument pas préparé pour ce genre de situation ! Qu-qu'est censé faire un mec cool à un moment pareil ? Je crois… je crois qu'un mec cool rassurerait la fille et lui mentirait avec le sourire pour ne pas qu'elle s'inquiète. Ouais, voilà, c'est ce qu'un mec cool ferait…
_ Je n'ai pas le choix, Maka.
Je lui réponds sans la regarder, comme si toute mon attention était reportée sur ce foutu bandage que je n'arrive pas à faire et non sur les larmes qu'elle tente vaillamment de retenir. Elle ne dit rien. Elle veut que je continue. Je n'ose pas lever les yeux pour voir si je suppose juste ou pas. Mes bras reposent inertes le long de mes flancs. Je n'ai plus rien pour m'esquiver…
_ Je… je suis en train de devenir fou. Tu l'as vu, tout à l'heure, la Folie croît de plus en plus et la contrôler devient impossible. Si je meurs, ce sera fini. Un jour je ne pourrais plus lutter et je deviendrais comme tous ces gens que l'on a combattus jusqu'ici et vous serez obligés de me tuer… Je ne veux pas finir comme ça. Je ne veux pas vous blesser, toi et tous les autres. Je ne veux pas être un poids, incapable ne serait-ce que d'accomplir une résonance d'âme de peur de te contaminer.
Je fais une pause. Plus je parle et plus les mots me viennent facilement. C'est libérateur, d'un certain côté, de se confier de la sorte. Maka n'a pas ouvert la bouche. J'ai peur de ce qu'elle va dire. Je reprends, avant de ne plus avoir le courage de continuer :
_ Alors, je vais partir. Je sais pas trop où je vais aller ou ce que je vais faire - si, je sais ce que je vais faire. Je vais chercher le Kishin. Mais en tout cas je vais m'éloigner de vous le plus possible. Et je ne reviendrai pas. Sauf si le Kishin meurt avant moi, mais ça m'étonnerait franchement. »
J'ai la bouche sèche. J'essaierais bien de rire mais j'en suis incapable. Je lève timidement les yeux et attends son verdict. Elle est insondable. Elle me fixe, les sourcils froncés, le regard rivé sur mes pupilles. J'espère qu'elle comprendra. Qu'elle ne me retiendra pas, qu'elle me poussera à partir. Mais, d'un autre côté, je rêve secrètement qu'elle m'en empêche… Un frémissement de lèvre m'informe qu'elle va prendre la parole. Je me recroqueville inconsciemment, prêt au choc.
« T'es vraiment un connard.
Je me redresse sous la surprise. Je m'attendais à beaucoup de choses, mais pas à ce qu'elle m'insulte. Ce n'est absolument pas son genre, les gros mots. Je croise son regard sans le vouloir. Elle me lance des éclairs, sans même s'inquiéter de l'eau qui roule sur ses joues. Elle semble si triste, si blessée… et si en colère. Toute la hargne perdue pendant que je la soignais est revenue d'un coup, accentuée même par mes révélations. Je vais m'en prendre plein la gueule.
_ Tu es le mec le plus égoïste que j'ai jamais vu. Et tu te dis cool ? Mais tu es tout sauf cool ! Tu es un pauvre loser, un perdant de la pire espèce ! me crache-t-elle dessus. Tu pars sans même essayer de te battre ! Oh ! Je te vois venir avec tes grands airs « pas essayé de me battre ? Ça fait des années que je me coltine le sang noir ! » et bien justement, ce n'est pas une raison ! Après tout ce temps, je pensais que tu t'étais endurci, t'étais fait un mental d'acier. Que tu étais prêt à lutter jusqu'au bout ! Et qu'est-ce que j'apprends ? Que tu veux te suicider ? Partir…? Tu es un lâche, tu as peur d'affronter la Folie en face !
Maka ne pense pas ce qu'elle dit. Elle ne le pense pas. C'est ce que je me répète inlassablement depuis qu'elle a commencé à parler. Elle s'étouffe entre deux sanglots et reprend difficilement sa respiration. Le pense-t-elle vraiment ? Que je suis un égoïste, un loser et un lâche ? Dites-moi que non…
_ Pourquoi, reprend-t-elle plus bas, pourquoi ne pas nous l'avoir dit ? Me l'avoir dit ? Tu n'as pas réfléchi une seule minute à ce que nous allions ressentir si tu mourrais ? À quel point nous serions tristes ? Et si tu partais. Est-ce que… tu préfères mourir, tué par la main d'un manieur inconnu sur un quelconque point du globe parce que, dévoré par la Folie, tu aurais attaqué une ville paisible, plutôt que de rester avec nous et finir, dans le pire des cas, par une main amie - aimante ?
Je tique sur sa dernière réplique mais reste obstinément muet. Qu'est-ce que je pourrais répondre à ça ? Elle me supplie silencieusement. J'ai le cœur broyé. Ses arguments se fichent dans ma peau comme autant de flèches, ses yeux agissant comme un poison qui s'écoule lentement dans mes veines, me contaminant un peu plus à chaque battement de cils humide. Avec un reniflement, elle laisse tomber sa tête contre mon torse. Veut-elle me cacher ses larmes ? J'ai le cœur qui bat à toute allure. J'espère qu'elle ne va pas le sentir.
_ Putain d'égoïste, murmure-t-elle. J'aurais fait quoi, moi, si t'étais mort, hein ? Un meister sans son arme, c'est plus un meister. C'est juste rien. C'est quelqu'un à qui on a coupé les bras, une personne à qui il manque sa moitié. Sans toi, je ne suis plus vraiment moi.
Un ange passe. Je n'ai plus de cœur. Il s'est envolé loin, loin au-dessus de nous, il flotte quelque part entre les nuages et le ciel étoilé. Maka ne tremble plus contre moi, ses sanglots se sont calmés. Je l'entoure timidement de mon bras dont la main n'est pas à l'agonie et profite simplement du fait qu'elle ne m'ait pas repoussé. Je savoure l'instant présent, sachant pertinemment que mon cœur ne va pas tarder à revenir sur terre et cet entracte hors du temps à prendre fin. Nous restons ainsi quelques longues heures, une poignée de minutes, le temps d'un battement de cœur. Dehors, un vent étrange souffle à mes oreilles, me rappelant désagréablement le bourdonnement des ailes de Maya. Je ferme les yeux et sers les paupières pour chasser de mon esprit l'image de Maka recevant le dard en pleine poitrine. Je suis bon pour un trimestre entier de cauchemars angoissants. Ma manieuse se redresse soudain, me donnant un violent coup dans le menton au passage. Je me prends la mâchoire entre les mains mais elle semble n'avoir rien sentie. Elle a la tête dure, c'est vrai.
_ Et puis d'abord, s'exclama-t-elle, toute son énergie retrouvée, tu ne vas pas mourir ! Ni même devenir fou ! C'est quoi ce pessimisme à la noix ? On va tuer le Kishin, le Dr. Stein va trouver un antidote au sang noir, tu ne vas plus souffrir et cette drôle de chambre toute noire arrêtera de nous aspirer en plein combat ! »
Elle termina sa tirade avec un hochement de tête déterminé, ses sourcils froncés prévenant ouvertement quiconque oserait la contredire qu'il allait passer un sale quart d'heure. Etant seul dans la pièce, je baisse les yeux sans rechigner devant les siens si lumineux. Autant pour me soumettre, autant pour lui cacher mon sourire tordu et la lueur d'espoir que je sens renaitre en moi. Je l'avais abandonné sur le bord du chemin menant à l'exil et maintenant que Maka me ramène de force en arrière je le retrouve au même endroit. J'ai peur d'être déçu, mais le sourire courageux qu'elle m'adresse et l'idée de passer le reste de mes jours à ses côtés en valent la peine.
Elle se dégage doucement de ma maladroite étreinte et s'adosse contre le mur avec un soupir de soulagement. Merde, Maka est blessée, vidée de son sang et moi qu'est-ce que je fais ? Je me confie ? Elle a raison sur ce coup-là, j'ai vraiment pas été cool. Nous plongeons dans un silence royal. Pas le genre pesant, le genre qui soulage parce que, maintenant, tout a été dit. Je me sens léger et libre. Je suis heureux. Je me sens dilaté par tant de bonheur, comme s'il y en avait trop pour une seule personne. Cela fait tellement longtemps que cette émotion ne m'avait pas rendue visite, je crois que j'avais un peu oublié comment cela faisait. Être heureux. C'est marrant. C'est un peu comme voler, mais sans quitter le sol.
Maka se redresse au bout de quelques minutes. Je l'observe avec étonnement, puis avec angoisse, se lever laborieusement. Je veux me précipiter pour la retenir mais elle me fait un geste rassurant de la main. Une fois debout, elle se tient droite et prend une longue inspiration, les mains sur les hanches. Elle a encore les yeux rougis par ses larmes mais ils ont retrouvé toute leur brillance et luisent à nouveau de cet éclat fier qu'est le leur. Dehors, je n'entends plus le vent. Elle se retourne vers moi et m'apostrophe une dernière fois :
« C'est réglé. Nous arrêterons le Kishin ou mourons en essayant.
Elle fait une pause, son regard pesant sur moi avec gravité et ajoute :
_ Ensemble. »
Je pousse un soupir désabusé puis, devant son air sérieux, fais un sourire bravache et lance un « Chef ! Oui, Chef ! » qui la fait acquiescer d'un air satisfait. Elle se détourne et fait quelques pas, d'abord vacillants, puis plus assurés vers la porte.
« Eh, où tu vas comme ça ?
_ À ton avis ? Dehors !
_ Tu n'es pas en état, Maka, je la sermonne.
_ J'ai besoin de prendre l'air, de respirer un peu.
_ Attends, alors, je grogne en me redressant à mon tour.
Je vais vers elle et tire sur les pans de sa chemise pour la refermer. Usant chacun d'une main à cause de nos blessures respectives, nous arrivons tant bien que mal à en mettre les boutons. Je lui fais un sourire tout en pointes et marmonne quelque chose sur notre travail d'équipe, mais ça n'a pas vraiment d'importance. Je retourne m'asseoir sur le futon, contre le mur en face de la porte.
_ Je reviens vite ! me lance-t-elle.
_ Je t'attendrai, je lui réponds. »
Le battant claque en se refermant.
Je l'ai vue partir, sans rien dire
Fallait seulement qu'elle respire
Je ferme les yeux et tends l'oreille. Rien. Juste le crissement des pas de Maka sur les cailloux du sol. Le vent, si violent jusqu'alors, était tombé. Ce drôle de vent au bruit de battement d'ailes… J'entends ma manieuse chantonner, terriblement détendue dans cette clairière pourtant si découverte où nous nous trouvons. Mais, après une telle bataille, n'est-il pas normal de baisser sa garde ? Si, bien sûr, d'autant plus lorsque le combat a été si violent. Comme l'on dit, une si grosse bête fait forcément fuir les plus petits qu'elle-même, c'est la loi de la nature. Je repense à notre adversaire, cette « grosse bête » que nous avons affronté. Une abeille. La reine, certes, mais une abeille quand même. Je grimace tellement c'est ridicule. Comment Maya pouvait-elle être si forte ? La reine n'est pas plus puissante que ses ouvrières, elle est juste plus grosse et fertile. Non, sa véritable puissance est autre : ce sont le nombre de ses ouvrières si faibles et celui plus réduits de ses guerriers qui en font une reine. Son armée.
Je comprends soudainement. Tout me semble limpide, d'une clarté trop lumineuse. Je me lève d'un bond et cours vers la porte. Trop tard, le vent s'est levé. Le vent ? Mais quel vent, putain ?! Ce n'était pas un vent ressemblant à des battements d'ailes, c'étaient des battements d'ailes ! Maka crie.
Je me précipite dehors en hurlant son nom mais elle ne peut pas m'entendre, pas au milieu de ce boucan. La poussière vole dans tous les sens, soulevée par un nombre inconnu de paires d'ailes. Je les compte tant bien que mal : 1, 2, 3, 4... 12, 13. Treize paires, treize adversaires et tous sur Maka. Homme ou femme je n'en sais rien, je distingue juste leur combinaison rayée dans cette tornade grise. Mon unique main devant les yeux pour les protéger, je me jette à corps perdu dans la mêlée, hurlant en espérant qu'elle m'entende.
« Maka ! Maka ! »
Il faut que je rejoigne ma manieuse. C'est tout ce à quoi je pense. Elle est blessée et désarmée, elle est morte si je ne la retrouve pas. Ma présence fini par être remarquée par une des abeilles et mon propre combat commence alors. Je pare, me fends mais ma lame ne les atteint pas. Je suis mauvais, je le sais, incapable de gagner un combat sans elle. Pourtant, là, c'est sa vie qui est en jeu. Ils se marrent, comme leur reine avant eux. Furieux, je redouble d'intensité dans mes attaques et en mets un hors-jeu. Bien, douze. Un craquement d'os me vrille l'oreille et j'en vois un autre qui s'effondre, là-bas, dans la cohue qui entoure Maka. Onze. Cela me redonne de l'espoir et je repars à l'assaut. Rira bien qui rira le dernier, bande d'insectes.
Je redresse la tête. J'ai les yeux qui piquent et la bouche en sang, mes côtes me font mal et mes poumons me brûlent. C'est donc ça, un combat ? Je ne savais pas… Comment Maka fait-elle ? Je jette un coup d'œil dans sa direction et la peur m'étreint le cœur. Trois nouveaux corps gisent au sol, mais les sons ont grandement changés. Là où auparavant résonnaient les cris et les coups, seuls les gémissements de ma partenaire se font entendre, entrecoupés parfois d'un bruit sourd de poing dans le ventre. Abandonnant toute prudence, je fonce sans réfléchir vers elle. C'est pas vrai, c'est pas vrai, elle est tombée ! Vite, je dois la rejoindre avant que…
« Makaaaaa- ! »
Le choc me coupe la voix. Je sens lentement le sang couler le long de ma nuque et un voile opaque m'obscurcir les yeux. Je crois que ça y est, j'y suis. Mes forces me quittent et, soudain, j'ai l'impression d'être beaucoup trop haut et que la terre est beaucoup trop basse. Je tombe. C'est vachement moins cool que ce que j'imaginais.
Un couinement de roues et un bruit de pas précipités viennent perturber mon silence. Je me sens comme secoué de toutes parts, trimbalé sur un immense charriot à roulettes. J'ouvre les yeux brusquement et un visage couvert de bandages se baisse sur moi. Naigus-sensei m'observe un moment, les murs défilent dans son dos, puis elle disparait de mon champ de vision.
« Soul s'est réveillé Stein ! Il a l'air d'aller bien ! »
Stein ? Les évènements de la journée me reviennent en mémoire lentement, au compte-goutte. Ah oui, c'est vrai, Maya… est-ce à cause d'elle que je suis ici, allongé sur un lit d'hôpital ? Non, ce n'est pas ça. On l'a battue, elle, et j'ai mangé son âme. Est-ce à cause de ma blessure à la main, s'est-elle infectée ? Un joli bandage blanc l'enveloppe, retenant bien chaque os à sa place, mais cela ne me semble pas assez grave pour que je me sois évanoui, alors… Et Maka ? Son épaule, elle va mieux ? Alors que j'ouvre la bouche pour demander de ses nouvelles à Naigus-sensei, le reste de mes souvenirs finissent par arriver. Je saute du lit sans prendre garde aux cris de l'infirmier qui le poussait et jette un regard à la cantonade. Là, devant. Je cours et pousse sans ménagements Stein-sensei qui était penché sur le lit. J'étouffe un couinement horrifié.
« Oh, mon Dieu…
_ Shinigami-sama ne changera rien à tout ça, Soul, intervient Stein tout en continuant à courir. Elle est en piteux état, Kid m'a dit qu'elle était en train de se faire rouer de coups quand ils vous ont trouvé.
Je sais, j'y étais. Mes côtes me font mal tandis que je coure à ses côtés et le moindre pas résonne comme une onde de choc en moi. Je ne risque pas de l'oublier.
_ Et ça, c'est …? je dis en désignant un trou rond et sombre sur son flanc dont le sang ne cesse de couler.
_ Oui, un dard. Elle en avait deux autres de l'autre côté mais je les ai retirés et bandés, c'est tout ce que je peux faire dans cette situation.
_ Où l'emmenez-vous ? demande-je soudain. Ce n'est pas l'infirmerie de l'école, c'e-
_ Elle va directement au bloc, il faut recoudre tout ça. D'ailleurs, c'est ici que nos chemins se séparent Soul, retourne te reposer maintenant. »
Il me pousse violement, comme je l'ai poussé un peu plus tôt et je tombe directement dans les bras de Naigus-sensei. Je me débats sauvagement mais c'est une arme d'élite et elle ne me lâche pas ni même ne faibli.
« Non ! Sensei ! Sensei ! Laissez-moi venir avec vous ! je hurle au docteur. Je dois l'accompagner sensei ! Je dois venir avec elle ! Je dois…! »
Je plante sauvagement mon coude dans les côtes de l'infirmière qui, le souffle coupé, desserre son emprise un bref instant. C'est suffisant, et je m'envole à toutes jambes vers son lit qui va disparaître entre les deux battants du bloc-opératoire. Je m'agrippe aux barreaux de fer en même temps que deux mains enserrent mes épaules. On me tire mais je tiens bon. La force du désespoir, vous en avez déjà entendu parler ?
« Elle va peut-être mourir ! je crie.
_ Justement, lâche ce lit, Soul !
_ Je ne vais peut-être plus jamais la revoir, dis-je piteusement, laissez… laissez-moi au moins lui dire au revoir. »
Le regard couturé de Stein pèse sur moi, lourd de conséquences mais tellement léger comparé à l'idée de la voir partir sans pouvoir lui dire adieu. Il m'accorde ma faveur d'un hochement sec et les bras noueux de Naigus-sensei se relâchent autour de moi.
« Fais vite. »
T'inquiète, j'avais pas l'intention de m'attarder. Je remonte à la tête du lit, impatient et effrayé à la fois. Ses paupières papillonnent faiblement. Elle semble souffrir. Crétin, bien sûr qu'elle souffre ! Elle est entre la vie et la mort ! Je me frappe mentalement et me penche pour murmurer à son oreille, de façon à ce qu'uniquement elle entende ce que j'ai à lui dire.
« Merci d'avoir enchanté ma vie »
« Soul, assis toi.
_ …
_ Je suis aussi inquiet que toi, mais tourner de la sorte ne changera rien. Ou si tu veux absolument tourner laisse-moi dessiner un rond parfait au sol et tu n'auras qu'à suivre la ligne, parce que là tant d'asymétrie me ça donne vraiment-
_ Tu sais quoi, Kid ? Ta gueule.
Il ne bronche pas et se tait et je me remets à marcher tranquille. En temps normal, je l'aime bien Kid, mais ce n'est vraiment pas le moment de ramener sa foutue symétrie dans la conversation.
_ Ce n'est pas la peine d'être vulgaire ! intervient Liz avec un froncement de sourcil.
_ Oui oui ! surenchérit sa sœur avec un double hochement de tête. »
Je grogne mais ne dis rien. Je risquerais à nouveau d'être vulgaire. Je fais le tour de la pièce, encore et toujours. Le sol commence à m'être familier, tout comme les meubles que j'évite à chaque pas. Je tourne, à l'image de mes pensées. Elles tourbillonnent, fusent, s'envolent et finissent toujours par revenir au point de départ : Maka va-t-elle mourir ? Si oui, c'est de ma faute. C'est à cause de moi. C'est parce que je n'ai pas réussi à la rejoindre avant et même ! j'aurais dû me douter que ce n'était pas du vent que j'entendais dehors, aussi étrange soit-il. Je l'aurais alors empêchée de sortir, ou j'y serais allé avec elle. Oui, voilà, nous nous serions fait ruer de coups ensemble et pas séparément comme cela a été le cas. Les adversaires s'en prennent toujours plus au manieur, c'est connu. Car c'est lui que l'on voit, lui qui combat à visage découvert. Ce sont ses yeux à lui que l'on fixe au moment de mourir, pas le reflet de sa lame. Ensemble, j'aurais pu m'allonger sur elle pour la protéger, j'aurais pu me battre après qu'elle se soit évanouie. Ils n'auraient pas pu la cribler de flèches comme ils l'ont fait, ils n'auraient pas pu lui briser les côtes et les membres, ils n'auraient pas pu… Qu'est-ce que je vais faire si elle meurt ? Mourir également me semble une bonne idée, mais Maka me tuerait dès que j'arriverai au paradis pour la rejoindre. Quoique, je suis une arme démoniaque, j'irai donc forcément en enfer… Je ne sais pas. Elle ne voudrait pas. Mais, comme elle l'a dit, je suis quoi sans elle ? Tout son baratin s'accorde aussi à moi : une arme sans manieur, c'est rien. Certes, il existe des gens comme Justin qui peuvent se battre seuls. Malheureusement, je ne suis pas ce type d'arme, je l'ai découvert à mes dépends et à ceux de ma manieuse. Si j'avais été comme Justin, elle ne serait pas allongée dans un bloc opératoire. Je pourrais reprendre mon plan initial et partir à la recherche du Kishin. J'y pense. J'en ai envie. Vraiment ? Non, pas vraiment non. Maka a tout balayé, je n'ai plus envie de rien maintenant. Je veux juste la voir guérir, grandir, mûrir, vivre. Je veux rire avec elle et mes autres amis. Ronfler avec Black Star puis le regarder se battre avec Kid, tricher aux examens et me faire attraper tandis que Patty fait des origamis avec sa feuille, parler de musique avec Liz avec Blair qui ronronne sur mes genoux, embêter Maka et Tsubaki quand elles sont tranquillement assises autour d'un bol de thé… J'ai tellement de choses à faire ici, à Shibunen, mais elles n'ont plus de valeur si Maka n'est plus là pour les partager. D'ailleurs, notre groupe d'amis survivrait-il à sa disparition ? J'ai peur que non. Donc non, je n'ai envie de rien. Si elle meurt, je pense que je m'assiérai juste, là, parterre et j'attendrai. Quoi ? Je ne sais pas. La mort, le vide, le silence ? Tout ce que je veux, c'est que si elle meurt, personne ne me parle. Je veux qu'on me laisse tranquille. Je me ferai doucement et lentement engloutir par la Folie, sans bouger et sans protester, jusqu'à ne plus exister. Être en paix. Voilà, ça c'est une bonne idée.
« Soul, va t'asseoir, m'ordonne Naigus-sensei. Tu ne le sens peut être pas mais toi aussi tu as été amoché, il faut te ménager. »
Je ne réponds pas et me laisse tomber sur le siège le plus isolé de la salle. Elle me regarde d'un air soucieux puis retourne prendre des nouvelles du bloc. Attendre, je n'ai plus qu'à attendre. Qu'elle vive ou qu'elle meure, la délivrance va finir par arriver. Maintenant que j'y pense, j'aurais dû plus profiter de notre dernière danse. La der des ders.
Avant l'ombre et l'indifférence
Un vertige puis le silence
Je veux juste une dernière danse
5 mois plus tard
J'ouvre la porte de l'appartement et entre sans pousser le « Tadaima ! » habituel. Cela fait 5 mois aujourd'hui que je ne l'ai plus prononcé. 5 mois que je suis l'unique âme à hanter les lieux. Je me déchausse et fourre mes baskets dans le casier prévu à cet effet. Il semble terriblement grand pour une misérable paire de chaussures. Je me dirige dans la cuisine et y dépose mes sacs de course en baillant. Je n'ai pas dormi de la nuit et me sens terriblement fatigué. Un coup d'œil à l'horloge m'annonce qu'il est à peine midi moins vingt minutes. Ça va, j'ai encore le temps. Je sens l'excitation monter en moi à chaque seconde qui passe, rythmée par le tic-tac incessant de l'aiguille. Je range mes achats d'une main fébrile, me trompant plusieurs fois de placards et laissant même choir par inadvertance une bouteille de lait qui se déverse sur le sol. Si Blair avait été là, elle n'en aurait fait qu'une lampée. Mais la petite chatte est partie en voyage depuis plus de 6 mois maintenant, pour rendre visite à ses cousines dans je ne sais plus quelle contrée éloignée. Je me jette donc sur la serpillière et éponge le liquide que j'aurais tout aussi bien fait de ne pas acheter vu ce qu'il est devenu. Une fois le nettoyage sommairement expédié je m'attaque à cette chose dangereuse et totalement hasardeuse : la Cuisine. Aujourd'hui, je sors le grand jeu, donc la majuscule est de rigueur. Je mets la poêle à chauffer et entreprends de découper les légumes pendant ce temps. Je suis lent et méticuleux, mais c'est ce qu'il faut pour ne pas se retrouver bêtement avec un doigt en moins. Satisfait de moi-même, je les verse enfin dans le récipient brûlant et me tourne vers le livre de recette. Alors, maintenant je… Dring dring ! Je sursaute presque et comprends que le téléphone sonne que lorsque la sonnerie retenti une seconde, puis troisième fois. Je m'essuie les mains en grommelant un « J'arrive ! » fort inutile vu que mon correspondant ne m'entend pas et décroche.
« Mushi mushi ?
_ Ah, ben enfin ! C'est pas trop tôt ! Ça fait trois heures que ça sonne, tu as pris ton temps pour répondre !
_ Death Scythe-sama ? Qu'est-ce que vous me voulez ? j'ajoute avec un froncement de sourcils.
_ M'assurer que tu n'aies pas oublié, tiens ! C'est aujourd'hui qu'elle sort et elle a refusé que je vienne la chercher ! Moi ! Son papa !
Un sanglot étouffé se fait entendre au bout du fil et j'éloigne le combiné de mon oreille avec un frisson de dégoût. Vraiment pas cool.
_ Vous pensiez vraiment que j'allais oublier ? Enfin bref, quoiqu'il en soit, j'y serais à l'heure, pas la peine de s'inquiéter. Maintenant, si vous voulez bien m'exc-…
_ Tu oserais me raccrocher au nez ? me coupe-t-il. Je n'en ai pas fini avec toi, sale voyou ! Et d'abord, qu'est-ce que tu fais de si urgent pour…
_ La bouffe ! je m'exclame en le coupant à mon tour avant de reposer brusquement l'appareil sur son socle. »
Je cours jusqu'à la cuisine et retire vivement la poêle du feu. Une faible odeur de brûlé flotte dans la salle mais les légumes ne me semblent pas trop amochés. Je pousse un soupir de soulagement et les mets de côté pour attaquer la suite des festivités. Mettre le four à chauffer 25 minutes, ça, je devrais savoir le faire ! Je m'exécute aussitôt puis me retrouve planté comme un poteau, les bras ballants, à réfléchir comment m'occuper en attendant. C'est ainsi que je me retrouve accroupi, devant le four, à observer d'un œil torve la lumière se faire de plus en plus puissante avec la chaleur. Passionnant. Supportant mal cette inanition alors que l'appréhension et l'excitation se mêlent dans mes veines, je me redresse et pars vadrouiller dans l'appartement. Le canapé et la table basse sont propres, le parquet lavé, ma chambre est rangée et mon lit fait, la salle de bain brille et nul cheveux ne traîne dans la douche, même les toilettes sentent la rose. Arrivé au bout de mon inspection, je me plante devant la seule pièce que je n'ai pas encore visitée. La seule à ne pas avoir bougé depuis plus de 5 mois, sa porte restant obstinément close sous ma main. Peut-être parce que je n'avais jamais eu le courage d'en tourner la poignée. Je pose doucement mes doigts sur le bouton de métal. Il est glacial. Un cliquetis se fait entendre, puis le battant coulisse lentement vers l'intérieur. Je rentre, pour la première fois depuis tant de temps, dans la chambre de Maka. Elle est restée dans l'état exact où elle l'avait laissée, une épaisse couche de poussière en plus sur tous les meubles. J'effleure du regard son bureau, où sont posées ses innombrables affaires de classe, et un sourire tordu m'étire les lèvres lorsqu'il tombe sur les fiches de révisions étalées en son centre. Toujours aussi sérieuse, hein ? Je n'ose pas bouger. J'ai l'étrange impression d'être un intrus dans ce lieu, un être abject dans un royaume de pureté, un vivant au pays des morts. Je me laisse tomber sur un coin du lit, soulevant un fin nuage grisâtre au passage. Une monstrueuse montagne de livre s'entasse sur sa table de nuit, je me demande même comment le meuble fait pour rester debout sous tant de poids. La tête penchée, je déchiffre quelques titres dans l'obscurité ambiante « L'Histoire de Shibusen, 5 tomes en 1 », « L'arme et le meister, l'origine de leur collaboration », « Guide des Sorcières 2010 », « La Folie ou la vie du Kishin » ou encore « Efficacité maximum : les techniques que l'on ne vous apprendra jamais ! ». La plupart parlent d'histoire, certains ont été piqué à la faible bibliothèque de Blair et d'autres encore semblent être des ouvrages interdit aux meister deux étoiles, sûrement la carte de son père l'a-t-elle aidée à se les procurer. Son livre actuel - j'avale ma salive de travers - le livre qu'elle lisait à l'époque repose sur son oreiller. Je l'attrape, révélant un rectangle plus sombre sur le tissu du coussin. « Amour au paradis ». Je ricane tout seul dans cette chambre figée dans le temps, ébloui par cette évidence : ce que Maka aime par-dessus tout, ce sont les romans, je l'avais presque oublié. Je range l'ouvrage à sa place et jette un coup d'œil au réveil matin que la passion de Maka pour la littérature a repoussé jusqu'au sol. Midi et quart. Encore trois quarts d'heure à tuer.
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Je pousse la porte de verre et respire un grand bol d'air frais. Du vent, enfin ! Ma montre m'annonce qu'il est une heure de l'après-midi en même temps que la cloche de l'église. Debout, me tenant aussi droite que me le permettent mon plâtre et mes points de suture, je guette le bruit de la moto qui ne devrait pas tarder. Il peut arriver à tout instant ! Au même moment, la porte claque derrière moi et une infirmière me rattrape en criant :
« Mademoiselle Albarn ! Ah, vous êtes là ! Tenez, vous aviez laissé ça sur votre table de chevet, il ne faudrait pas les oublier ! »
Je pose un regard écœuré sur la boite de chocolats, spécialement apportée par mon père, qu'elle me tend en espérant me rendre service. Malgré mon peu d'entrain je l'attrape et la remercie d'un sourire. Elle me sourit à son tour puis se détourne pour retourner à son poste, à l'intérieur, auprès des malades requérants son l'attention. Aussitôt qu'elle a disparu dans le bâtiment, je me précipite vers la poubelle la plus proche et y fourre les sucreries avec satisfaction. Voilà une bonne chose de faite. Je retourne à mon sac et constate avec irritation que Soul est en retard. Mais où a bien pu passer ce baka ? Quand je suis souffrante il me fait tout un speech pour venir me chercher, mais dès que je suis à nouveau sur pieds et prête à partir, 'y a plus personne ! Je m'assoie sur les marches devant l'entrée en ruminant, prenant tant bien que mal mon mal en patience. Le plâtre de mon bras me gratte affreusement et les points de suture sur mes côtes me tiraillent. Je commence à taper du pied, fixant avec colère l'aiguille de ma montre faire son chemin sur le cadran. Je sors un livre de mon bagage : pas très intéressant mais suffisant pour faire passer le temps. Je dévore les pages une à une, m'échappant un bref instant de la réalité de ce monde. Le coup de cloche de la demie me fait sursauter brusquement. Il n'est toujours pas là ? Non… ne me dites pas que… il n'aurait pas oublié de venir me chercher tout de même ?!
Je bouillonne. Mon livre est serré dans ma main, prêt à servir à la moindre vision d'une chevelure blanche. Le sang va couler. Je jette mon sac dans un coin, essoufflée d'avoir monté les marches de l'immeuble en équilibre précaire et avec un seul bras valide : il faut vraiment que je reprenne l'entrainement, j'ai l'impression que tous mes muscles ont fondu pendant ces mois d'immobilité ! Je crie son prénom, une menace sourde dans la voix, mais personne ne me répond. Blair doit encore être partie, sinon elle serait venue à ma rencontre… mais où est Soul ? Je fais rapidement le tour des pièces communes : salon, cuisine - où je coupe in-extrémiste le four avant qu'il ne prenne feu ; mais qu'est-ce qu'il a foutu ?! - salle de bain. Aucune trace de mon arme. Je me dirige alors vers sa chambre, le seul endroit où il pourrait éventuellement se trouver, mais je la découvre aussi vide que le reste de l'appartement. Étrange. Aurait-il disparu ? Se serait-il enfui pour je ne sais quelle raison ? L'angoisse me prend soudain à la gorge : et s'il était vraiment parti, comme il en avait l'intention lors de notre combat ?! Mais non… il m'a promis… Je me précipite dans ma propre chambre, traînant mon sac derrière moi : je prends quelques affaires de rechange et je pars à sa poursuite ! Je m'immobilise dans l'obscurité qui règne dans mon antre, de peur de trébucher sur quelque chose, et éternue à cause de la poussière présente dans l'atmosphère. Il aurait pu faire le ménage… Je me tourne vers mon armoire et, soudain, le vois. Il est là, allongé sur mon lit, profondément endormi. Qu'est-ce qu'il fait là ? Sa présence dans ma chambre me perturbe un peu, mais le soulagement de le savoir encore présent l'emporte sur ma gêne. Même ma colère face à son oubli s'envole devant son visage si paisible. Je me laisse tomber à côté de lui, prenant garde de ne pas trop faire bouger le matelas, mais il dort si bien qu'un troupeau d'éléphants ne le réveillerait pas. Je l'observe silencieusement, laissant courir mes yeux sur sa forme alanguie. Je n'y vois rien de nouveau. Seulement des courbes et contours connus, des cheveux blancs toujours aussi ébouriffés, des dents pointus et une chemise froissée. La main que je lui avais broyée semble aller mieux. Je glisse doucement et me retrouve allongée face à lui. Là, cette ride sur son front, elle n'était pas là avant. J'en suis sûre, je le connais par cœur. S'est-il fait tant de soucis que ça ces derniers temps ? Maintenant que je regarde mieux, il semble éreinté. Ce sommeil doit être le premier vrai sommeil qu'il savoure depuis un long moment. Timidement, j'esquisse un doux sourire en écoutant Soul respirer paisiblement. Bon dieu, qu'est-ce que ça m'a manqué.
J'ai longtemps parcouru son corps
Effleuré cent fois son visage
J'ai trouvé de l'or
Et même quelques étoiles
En essuyant ses larmes
J'ai appris par cœur
La pureté de ses formes
Parfois, je les dessine encore
Comme je le dis toujours, une journée cool commence par un matin cool ! Si le matin l'est, la journée suivra. Et ce matin est particulièrement prometteur. Notamment à cause du souffle sur mon visage. Un souffle chaud et régulier, qui ne peut appartenir qu'à une seule personne. Doucement, sans ouvrir les yeux, j'attrape la main que je sais toute proche. Elle sursaute brusquement puis reprend une respiration normale. Sa main se referme sur la mienne ; je peux presque l'entendre sourire.
« Tadaima, murmure Maka.
_ Okaeri, je lui réponds. »
Ça y est, je suis à nouveau complet.
Elle fait partie de moi
Bonjour/bonsoir !
Alors voilà, en espérant que cette song-fic (certes très longue) vous à plu ! Morale de l'histoire, la vie est courte et il faut en profiter, carpe diem friends.
Sur ce, je vous dis à la prochaine !
Crédits : Maka, Soul et tous leurs amis appartiennent à Atsushi Ohkubo. Maya et ses abeilles sortent droit de mon imagination par contre.
