Auteur : Aélane
Titre : Ce que chuchotaient les fleurs
Fandom : mythologie grecque (drabble écrite pour et sur un thème de Shinrin)
Disclaimer : relève du domaine public depuis des millénaires, a toujours relevé du domaine public d'ailleurs – bénis soient les Grecs
Rating : PG
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La ville entière fêtait la première des fleurs, apparue à la fenêtre de la haute maison. « Un signe, c'était le premier des signes » avait-on murmuré : les dieux accordaient encore aux hommes leur faveur, une nouvelle fois s'enfuyait l'hiver, une nouvelle fois surgissait la vie de la terre. Ce soir, mortels et immortels, l'un et son contraire, s'uniraient dans les maisons, les temples et les champs. Les jeunes hommes comme les jeunes filles en avaient pouffé d'aise tandis que les vieux en avaient branlé du chef près de l'âtre, aujourd'hui tout basculait, tout changeait, tout revenait.
« Mais c'était ma fleur » se désolait, seul, le garçon. Les prêtres n'avaient pas eu le droit de lui prendre sa fleur quand il l'avait découverte puis soignée en cachette. C'était à lui seul qu'elle avait révélé qu'elle aussi en avait eu assez d'être enfermée à l'intérieur, que le soleil les appelait tous deux à jouer à l'air libre, qu'ils étaient frères. Parce que lui aussi détestait l'hiver et son serviteur, Borée, qui, descendu tout courant du nord, couvrait sa peau de gerçures, n'est-ce pas ?
Le plus jeune fils du roi se fit oublier alors que la procession continuait jusqu'au temple aux sons des flûtes et des tambourins, son père et sa mère en tête, salués comme des dieux. Il lui avait semblé entendre au loin sa fleur l'appeler. Il passa l'agora désertée pour se glisser au-dehors par les portes entrouvertes, courant à travers les champs nus sans jamais la retrouver. Épuisé, il finit par s'assoupir au pied du vieux figuier, laissant le soleil de midi sécher ses larmes.
La lumière était rasante lorsqu'une main sur son épaule le fit se lever d'un bond. « De toutes les fleurs, tu seras un jour la plus belle car comme elles le soleil t'élèvera, te chérira et te fera renaître » lui promit l'étranger qui l'étreignait dans ses bras.
À son réveil, il était toujours midi.
Le visage courroucé de son père qui le surplombait ne s'adoucit que lorsque le prêtre poussa de hauts cris devant la pointe de flèche qu'il serrait dans son poing. Des centaines de fleurs autour de lui avaient poussé, murmurant toutes dans le vent léger : « Hyacinthe vous le nommerez, l'Oblique l'a consacré, les fleurs lui ont parlé. »
FIN
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Notes :
– Hyacinthe : fils d'un roi spartiate devint élève puis amant d'Apollon et sera transformé en la fleur du même nom après avoir été tué accidentellement ou non par Apollon lors d'un jeu (avec l'aide ou non d'un Borée jaloux) : les variantes sont nombreuses.
– Les cérémonies auxquelles il est fait allusion ici sont basées en grande partie sur les Anthestéries (littéralement : fête des fleurs) qui avaient lieu notamment à Athènes le 8ième mois de l'année (mois d'Anthestérion, correspondant à fin février – début mars) en l'honneur de Dionysos, en tant qu'ancien dieu de la végétation.
En effet, Apollon, dieu du soleil (tout comme son double Artémis), comme Dionysos, a des origines préhelléniques. Ce seraient d'anciens dieux de la végétation assimilés ensuite par les Doriens, d'où la forte présence dans leurs mythes d'humains transformés en arbre/fleur suite à une mort de la main même du dieu (plus ou moins accidentellement), c'est-à-dire d'humains chéris par les dieux, d'élus donc choisis pour accéder à la fois à la connaissance et au temps cyclique de la végétation qui ne connaît point la mort mais toujours une renaissance.
– Dans les mythes, tragédie etc., Apollon comme Dionysos, comme tous les dieux helléniques, apparaissent souvent d'abord « incognito », en tant qu' « étrangers » (car étrangers/étrange pour les hommes, ils le sont, par excellence).
– L'arc et les flèches comptent parmi les attributs traditionnels d'Apollon.
