« Non, s'il te plait non ! »

Anna se débattait comme un beau diable mais la poigne du jeune homme était un véritable étau. Il l'avait saisi au bras d'une seule main et elle avait eu beau hurler et lutter, elle se faisait inexorablement entraîner vers le vielle usine désaffectée toute de taules froissées.

Sa journée avait pourtant admirablement bien commencé. La meilleure journée dont elle pouvait rêver après ses derniers jours désespérément sombres.

Une semaine plus tôt Jasmine Agrabah une de ses meilleurs amis avait disparu. Aladdin, son petit ami, avait été -était- toujours le principal suspect de l'affaire. Le jeune homme avait déjà un lourd casier de délinquants ayant régulièrement flirté avec la loi : vol à la tire, cambriolage, braquage entre autres méfaits. Aladdin avait semble-t-il toujours couru après l'argent et Jasmine était l'incarnation de la richesse. Fille unique d'un magna des affaires, possédant à son actif de célèbres mines de diamants, son enlèvement coïncidait à quelques jours près à l'aveu auprès d'Aladdin de qui elle était. A Corona -la cité du Soleil- tous avaient ignoré sa véritable identité. Aladdin était donc le suspect le plus probable dans l'enlèvement de l'héritière. Si cela était bel et bien l'héritière qui avait été enlevé et non, Jasmine, étudiante de première année à l'Université de Corona spécialité commerce, âgée de 19 ans. Car en effet Jasmine n'était que la Onzième des jeunes filles de 19 ans enlevés dans les deux derniers mois.

Les esprits étaient donc tendus et inquiets. La sécurité, renforcée dans la cité du Soleil. Mais Jasmine était restée introuvable. Anna avait peur à présent de découvrir ce qui avait pu lui arriver. L'homme qui la traînait de force se prénommait Hans. C'était un jeune homme de haute taille aux cheveux presque aussi flamboyant que les siens. Ces yeux qu'elle avait cru d'un vert émeraude -merci aux lentilles- étaient en réalité d'un noir d'encre. De ce gouffre de ténèbres propres à la créature maudite qu'il était.

Le jeune homme charmant qui l'avait emmené par deux fois manger une glace le long de la jetée à la lueur des étoiles avait finalement montré son vrai visage ce soir-là. Hans était de ces êtres qui n'étaient pas censé vivre à la Cité du Soleil. A Corona, le soleil ne se couchait qu'une brève heure. Autant dire que ce n'était pas la ville la plus adapté à un vampire, à une créature de l'ombre.

« Pourquoi ?! S'écria-t-elle désespérée de pouvoir échapper à l'homme. Je pensais... je...

-Tu pensais que je pouvais t'aimer ? Ricana-t-il en continuant de l'entraîner à sa suite. Je m'assurai simplement que tu correspondes à mon type de proie.

-Ton... type ? »

Anna sentait les larmes poindre au coin de ses yeux. La détresse qu'elle avait ressentie à la disparition de Jasmine n'était rien à côté de celle qu'elle ressentait à présent. Elle voyait la mort se profiler devant elle. Elle avait la sensation de déjà sentir les canines de Hans pénétré la chair tendre de son cou et le sang s'écouler lentement de son corps.

Hans ne prit pas la peine de développer, il ouvrit le porte de l'usine désaffectée et... Anna vomit. L'odeur était insoutenable. Un mélange d'urines, de biles et de déjections. L'odeur putride d'êtres vivants confinés dans un lieu clos sans possibilité d'envisager un semblant d'hygiène.

Il y faisait noir comme dans un four, Anna trébucha plusieurs fois et elle serra les dents refusant de penser à ce sur quoi elle avait pu marcher. Puis finalement, Hans qui voyait -comme tout vampire- particulièrement bien dans le noir, ouvrit une porte ou une grille grinçante. Anna se sentit soudain jeté en avant et elle s'étala sur le sol. La peau de ses paumes et de ses genoux s'égratigna sur le béton brut du sol et son visage frappa le sol recouvert d'un mélange visqueux dont elle refusa de reconnaître l'existence. Cela ne l'empêcha pas de vomir de nouveau. Couplée à une terreur sans nom quant à sa situation, Anna commença à moitié à s'étouffer. La porte dans son dos se referma dans un claquement sec qu'elle entendit à peine.

« A- Anna ? »

Son prénom perça la brume de panique et de détresse qui obscurcissait son esprit. La voix ne lui semblait pas inconnue. Bien au contraire.

« Jasmine ?

-Anna !

-Oh Déesse Jasmine, s'écria-t-elle en s'élançant dans le sens de la voix. »

Elle rencontra violemment le grillage rigide de sa cage.

« Est-ce que tu vas bien ? Est-ce que...

-Silence ! Tonna la voix de Hans. »

Immédiatement la vieille usine tomba dans le silence. Anna se rendit compte qu'en plus de Jasmine et de son propre babillage, il y avait eu un bruit de fond. Des murmures et des gémissements de d'autres personnes qui s'étaient aussitôt tues quand Hans l'avait ordonné.

« Jasmine ? Chuchota Anna. Où-

-Non Anna, il faut se- »

Probablement que son amie avait voulu la prévenir de se taire. Mais Jasmine n'eut pas le temps de finir de la prévenir que la grille se rouvrit. Anna sentit la poigne forte de Hans se saisir de l'avant de sa chemise. Il l'attira à lui et Anna put sentir le souffle superflu de la créature. Une odeur de sang caillé. Une odeur de mort. Une pensée parasite lui traversa l'esprit : avait-elle vraiment souhaité l'embrasser ? Comment n'avait-elle pas pu s'en rendre compte ?

« J'ai dit silence, lui susurra Hans. Ne comprends-tu pas ce mot ? Alors je vais te l'enseigner. »

Anna sentit Hans la re-projeter au sol. Elle s'étala à nouveau dans l'affreuse substance puis il y eu la brûlure odieuse de sa chair déchiré par le claquement d'un fouet et ce fut comme si elle n'était capable que d'une seule chose : crier. Des cris rauques de souffrance, entremêlés de sanglot sec. Chaque cri allait à l'encontre de l'ordre de Hans au silence, chaque cri méritait un nouveau coup de fouet. Finalement la douleur fut telle qu'elle finit par perdre connaissance et alors seulement le fouet cessa son lugubre chant. Le silence avait été établi.


.

Quand Anna reprit conscience, elle ne se rappela pas immédiatement sa situation. Ce fut en tentant de se relever qu'une douleur à couper le souffle lui rappela la correction de Hans. Par un automatisme rapidement acquis, elle ravala son gémissement et garda le silence. Elle se permit de lentement tourner la tête et d'appréhender son environnement. A présent que la seule heure de ténèbres étaient passée, le soleil filtrait par les nombreux interstices de la vieille usine, baignant l'intérieur d'une pénombre angoissante.

Anna se trouvait en effet dans une cellule d'à peine deux mètres sur trois. Cela se résumait à une cage grillagé et d'un seul en béton nu. Pas de lit, ni de sanitaire. Rien, si ce n'est des flaques de liquides à la vue aussi détestable que l'odeur. Sa cellule en jouxtait deux autres. Une vide. Et une seconde où était accroupie une jeune fille qui l'observait. Anna mit un moment à reconnaître Jasmine. Son visage était aminci à la suite de sa seule semaine de détention. Sa lèvre était coupé et la moitié de son visage égratigné. Ses vêtements étaient dans un état lamentable. Anna remarqua non sans surprise un amas de déjections et une zone humide autour dont de fines rigoles partaient jusqu'à recouvrir quelques parcelles de la propre cellule d'Anna. Jasmine remarqua son regard et, d'une voix éteinte, tint visiblement à se justifier.

« Ce n'est pas comme si il nous permettait d'atteindre un sanitaire. »

Quand la réalité s'imposa finalement à Anna, quand elle comprit qu'elle était couchée dans de la pisse et de la merde -aussi vulgaire que cela soit de le formuler ainsi- ainsi que ses propres vomissures de la veille, Anna en oublia son dos. Elle se releva en gémissement, vint se blottir contre l'angle le moins insalubre de sa prison et tenta bien inutilement d'ôter la crasse qui lui m'acculait le visage. Elle l'étala tout au plus.

« Il n'est pas là, précisa Jasmine. Il ne reste jamais bien longtemps. L'odeur et notre vue l'écœurent. Et l'endroit laisse bien trop de soleil pénétrer pour qu'il puisse sommeiller ici. »

Anna aurait voulu lui crier qu'il fallait en profiter pour fuir. Ou au moins tenter d'éventrer leur cellule, mais la peur comme un étau enserrait sa gorge, la confinant au silence.

« Oh Déesse Anna. Je suis tellement désolée. »

Pourquoi ? Songea-t-elle.

« Hans avait semblé si sympathique quand je l'ai rencontré. On s'est vu quelque fois et je lui ai parlé de toi. Je lui disais qu'il aurait été tout à fait ton type et... »

Jasmine se mit soudain à pleurer, emportant toutes possibilités de comprendre ce dont elle parlait.

« Pour- »

Sa gorge était douloureuse de ces cris la veille. Et sa voix rauque de sa peur. Hans leur avait ordonné de garder le silence et Anna se découvrait plus obéissante qu'elle ne l'aurait cru. Parler lui demanda un effort incommensurable.

« Pourquoi ne nous tue-t-il pas ? »

Jasmine hoquetant, hausse les épaules d'ignorance.

« Nous sommes là pour un rituel, murmura une nouvelle voix faible et nasillarde. »

Anna remarqua alors qu'il y avait encore bien d'autres cellules. Une dizaine de personnes étaient enfermée avec elle. Elle reconnut quelques-uns des visages, ceux des jeunes filles enlevées ces deux derniers mois. Toutes étaient amincies, couvertes de coupures ou de bleus et terriblement crasseuses.

Toutes les jeunes filles enlevées à Corona étaient là, comprit Anna. Toutes encore vivante. Si on pouvait appeler cela vivant. La première Snow -elle ne savait plus quoi- était dans la cellule la plus éloignée de la sienne, ce dont Anna remercia le ciel. Car même d'aussi loin, elle voyait la montagne d'immondice dans laquelle les pieds de la jeune fille pataugeaient. Elle n'était plus qu'un sac d'os. Elle ne parlait pas, ne bougeait pas. On aurait tout aussi bien pu la prendre pour morte.

« Un rituel ? Balbutia Anna.

-Oui.

-Ne l'écoute pas, intervint Jasmine. Elle ne sait pas de quoi elle parle. Personne ne le sait. Mais il nous retient là. Il vérifie chaque soir que nous sommes là, nous donne un peu d'eau et de nourritures. Mais juste de quoi subsister. »

Et parfois il ramène une nouvelle personne.

« Qu'est-ce que fait un vampire à Corona ?

-Qu'est-ce qu'on en a à faire ? Tes questions reviennent toujours aux mêmes : qu'est-ce que ce barge nous veut ? Et on te l'a dit, on en sait rien, cracha de nouveau la seconde jeune fille.

-Arrête Javotte. Anna ne t'a rien fait, la défendit Jasmine. »

Javotte. Anna savait qu'elle était aussi une étudiante de la faculté de Corona. Le genre de snob qui se pensait au-dessus de tout le monde. Elle était aussi détestable que sa sœur Anastasie. Et Anna qui connaissait personnellement leur belle-sœur Cendrillon -la fille la plus gentille et naïve de la planète- avait toujours été peiné pour son amie. Javotte avait été enlevée deux semaines plus tôt.

« Non je ne m'arrête pas, cracha-t-elle acide. La seule question qui importe est de savoir quand Pandora va finalement intervenir. Ma mère a des relations. Pandora va forcément venir pour me sauver. »

Anna grimaça. Avec les nouvelles informations dévoilées suite à l'enlèvement de Jasmine, il était bien plus probable que ce soit les relations de Mr. Agrabah qui fassent intervenir Pandora que celle de la (toute) petite noblesse en perdition.

« Pandora n'a aucun quartier à Corona. Habituellement, il n'y a pas de vampires ici. Alors tant que sa présence n'est pas prouvée, Pandora n'a aucun pouvoir pour y lancer ses chiens. »

Jasmine avait raison. Jasmine était toujours au courant de ce genre de chose. Et cela était effrayant car Hans avait pris soin de ne commettre aucun crime propre au vampire. Aucune victime exsangue n'avait été notée à Corona aux dernières informations, aucun vol de sang à l'hôpital. Cela était des vérifications d'usage même dans une ville comme Corona.

Anna laissa Jasmine et Javotte continuées de débattre. Elle n'avait pas l'énergie de faire quoique ce soit. Elle sombra lentement dans un sommeil cauchemardesque.


.

« … te dit que 13 est amplement suffisant pour la cérémonie.

-Et si ça ne l'est pas.

-Cela le sera, Mère Gothel. Nous n'avons plus le temps d'en chercher d'autres. »

Anna se réveilla lentement. Le soleil se couchait, mais on voyait encore suffisamment l'intérieur de l'usine. Pour se protéger des derniers rayons du soleil, Hans portait une longue toge masquant la moindre partie de son corps. Son compagnon -la supposée Mère Gothel- n'en avait semble-t-il pas besoin. C'était une vieille dame aux cheveux gris bouclés et à la peau fripée. A la grande horreur d'Anna, elle portait l'habit des ordres. Mère Gothel, se souvint-elle finalement, était le nom de la plus haute autorité religieuse de Corona. Elle était censée être -en l'absence de Pandora- la plus grande ennemie des Vampires.

« Souvenez-vous ma chère. Si tout marche comme prévu, reprit Hans, vous retrouverez votre jeunesse et la garderez pour l'éternité. »

Alors c'était cela, même les hommes de Dieu étaient prêts à sacrifier leur foi et la vie de leur fidèle pour une damnation éternelle. Anna pouvait le comprendre. Enfant, elle avait été une fervente lectrice d'une série à succès dans lesquelles les vampires pouvaient être des créatures exceptionnelles. Et elle avait souhaité être l'une des leurs. Elle aurait été forte, rapide et immortel. Mais peut être aurait-elle du comprendre que cela n'était qu'une fiction car Hans ne buvait probablement pas de sang animal et il ne scintillait pas au soleil comme le plus pure des diamants. Il était réel, il était la bête tapis dans la nuit, se nourrissant du sang des hommes et il était le monstre que le soleil lui-même tentait de chasser de ses terres.

Elle aurait aimé posséder une lame d'argent pour pourfendre Hans et la traîtresse Mère Gothel.

« Bien alors dépêchons nous, je ne veux pas rester ici plus longtemps que nécessaire. Leurs odeurs sont infectes. C'est écœurant.

-Le désespoir est une grande source d'énergie pour un rituel de magie noire, se justifia Hans.

-Le désespoir peut être mais je doute que quiconque puisse apprécier un sang mêlé à de la merde, dit crûment Mère Gothel. Mais après tout, c'est vous le vampire, Sir Westergaard. »

Hans grommela, mais sembla en convenir. Il s'approcha de la première cellule, celle de Snow et l'ouvrit. La jeune femme devait être incroyablement abattue par sa détention car elle ne broncha pas même lorsque Hans lui passa des fers au poignet. A vrai dire, aucune ne se débattit vraiment. Toutes étaient bien trop faibles.

Anna elle-même ne put faire grand-chose. Son dos la faisait terriblement souffrir et si ce n'était pour Jasmine liée devant elle qui la soutenait, Anna n'aurait pas eu la force de marcher. Seule Javotte pérora et se débattit en vain. Anna dut reconnaître que toute garce qu'elle fut, Javotte était courageuse. Ou stupide. Hans ne perdit cependant pas de temps à la corriger. Cela en soit n'annonçait rien de bon.

Elles étaient 13 enchaînées les unes à la suite des autres. Treize, cela signifiait que l'une d'elle n'avait même pas été déclarée disparue. Treize jeunes filles faibles, sales et affamées.

Hans alla chercher l'équivalent d'une lance à incendie et dut s'y reprendre à plusieurs fois pour que la pression envoie finalement de l'eau. Anna s'était attendue à ce que l'eau soit froide, que cette douche forcée soit agréable. Mais elle n'eut pas plus de chance que pour le reste. Le tuyau avait traînés en majorité à l'extérieur, sous le soleil de plomb de Corona et cela pendant 23h. L'eau n'était ni froide ni tiède mais brûlante. Les treize d'entre elles tentèrent tant bien que mal d'échapper au jet tout en gémissant et suppliant. Mais Hans ne cessa pas. La brûlure couplée à la puissance du jet rendait l'expérience douloureuse, sapait leur dernière force et mettait à vif leur peau malmené et leurs blessures déjà bien mal en point. Quand Hans cessa de les 'nettoyer', elles avaient toutes la peau rouge et des blessures se remettant à saigner. Si point positif il devait y avoir, elles étaient au moins propres. Débarrasser du plus gros de la saleté.

« Allons, s'impatienta Hans. Nous n'avons pas de temps à perdre. »

D'un geste sec, il tira sur les maillons de leur chaîne commune, et, de force, elles furent toutes traînées à la suite les unes des autres dans les quartiers abandonnés ou endormis de la ville. Hans n'eut pas besoin de les menacer pour qu'elles gardent le silence. Elles n'en avaient plus la force de toutes les manières.

La courte nuit était finalement tombée et elle était effroyablement sombre. Pour une seule heure de ténèbres, Corona n'avait jamais véritablement investi dans un éclairage appropriée. Permettant à Hans de ne se faire que peu de soucis. Leur destination était bien près de toutes les façons.

Le Sanctuaire de Corona.

Le Lieu de Culte par définition. Censé être sanctifié et protégeant des créatures de la nuit tout humain qui viendrait si réfugier. Hans n'hésita pourtant pas à en franchir le seuil. Était-ce à cause de Mère Gothel ? Le Sanctuaire avait-il perdu sa protection parce qu'elle avait trahi le lieu où elle était censée représenter le divin ?

Anna ne s'attendait pas vraiment à avoir une réponse. Dans la nuit, l'église était lugubre. Le vitrail laissait filtrer la pâle lueur de la Lune, travestissant les représentations divines en leur tenant démoniaque.

« Tu n'as pas intérêt à m'avoir trompé ! Gronda Hans.

-Je ne me le serais jamais permis, chuchota Mère Gothel. »

Sa voix était restée respectueuse malgré sa trahison. Ce n'était pas aux Dieux qu'elle tournait le dos, comprit Anna, c'était à la mort.

La vieille femme entra finalement dans la cours du sanctuaire. Elle s'approcha d'une paroi recouverte de lierres et les arracha à grandes brassées. Une partie des pierres désolidarisées par le lierre une fois enlevé roulèrent soudain dévoilant un étroit escalier en spiral qui s'enfonçait sous terre.

« Après vous, indiqua Hans. »

Mère Gothel voulut se plaindre mais obtempéra tout de même. Sans lumière, elle dut poser sa main contre la paroi irrégulière et la suivre lentement. Hans descendit à son tour, le pas sûr, parfaitement à l'aise. Il tira à nouveau sèchement sur la chaîne et les treize jeunes filles suivirent. Anna planta ses talons dans la terre, tentant de résister mais cela ne servit à rien. Jasmine dut d'ailleurs la soutenir quand son dos se rappela à elle suite à l'effort. Anna trébucha plusieurs fois dans l'escalier. Les marches étaient irrégulières et glissantes. L'ambiance sombre et lourde était écœurante. Presque autant que celle de l'usine alors qu'il n'y n'avait aucune odeur particulière, aucune vue horrifique.

La descente dans le gouffre de ténèbres sembla durer une éternité puis finalement le sol redevint plat. Un court instant, il ne se passa rien puis une torche fut allumée par Hans. Mère Gothel alluma toutes les suivantes.

C'était une salle large mais basse de plafond. Une salle entièrement nue qui ne possédait qu'une seule chose : un énorme bloque de marbre noir. Les torches ne laissaient voir aucune inscription particulière si ce n'est un symbole simple mais parfaitement gravé. Un flocon de neige.

« Enfin! Des siècles de recherches et je la trouve enfin, s'exclama Hans avec un véritable enthousiasme. »

Il délaissa ses victimes pour atteindre le cercueil à grandes enjambés. Il s'arc-bouta sur le socle et pendant de longues minutes il ne se passa rien. Puis avec un grondement sourd, le socle commença à glisser, jusqu'à basculer et retomber dans un effroyable bruit sur le sol.

« C'est elle ! C'est bien elle! »

Hans revint vers elles. Il attacha la chaîne à un anneau de métal avant de briser à main nu les seules menottes de Snow. Il la tira facilement à sa suite sous le regard atterré de ses compagnes de misères.

Puis appuyant fermement au milieu de ses omoplates la força à se pencher au-dessus de la tombe ouverte. Elles virent son visage se peindre en un masque d'horreur. Snow ouvrit sa bouche pour crier et... Hans lui trancha la gorge. Le sang éclaboussa l'intérieur de la tombe ainsi que Hans. Pendant que le sang de Snow s'écoulait à grand flot et que la jeune fille s'étouffait dans son propre sang, les yeux de Hans brûlaient d'un éclat primal. Il lécha le sang qui avait éclaboussé au bord de ses lèvres.

« Le sang des vierges est toujours si exceptionnel. Espérons que 13 vierges d'une vingtaine d'années seront suffisantes. »

Alors que le pouls de Snow ralentissait ne laissant plus que de petits jets de sang pulser de sa gorge ouverte, les douze autres jeunes filles à présent consciente de ce qui allaient leur arriver, tentèrent d'arracher la chaîne à l'anneau auquel on les avait attachées. Elles se cisaillèrent les poignets en vain. Une par une, Hans vint les chercher, les pencha au-dessus du cercueil et leur trancha la gorge. Le visage de Hans était constellé de sang, sa langue pointait régulièrement hors de ses lèvres pour goûter le sang de celles qu'il sacrifiait.

Javotte était hystérique. Elle avait crié à s'en arracher les cordes vocales. Mais cela ne l'avait pas empêché de devenir muette quand Hans l'égorgea.

« Non, non, non, non, gémit Jasmine. Je ne veux pas mourir. J'ai beaucoup d'argent. Il suffit de me dire ce que vous voulez et vous l'aurez. »

Ses arguments n'atteignirent pas Hans.

« Ce que je veux c'est ton sang uniquement. »

Anna, prostrée contre le mur, ne pouvait que pleurer. Elle venait de voir 11 jeunes filles se faire trancher la gorge sous les rires d'un monstre à l'apparence humaine. Et avant que sa propre mort n'arrive, elle allait devoir assister à celle de sa meilleure amie. Jasmine fut amenée auprès du cercueil, prête à être sacrifiée quand Mère Gothel arrêta Hans.

« Je crois qu'elle se réveille. »

Hans lâcha immédiatement Jasmine pour voir par lui-même. Mère Gothel dut se tromper car il se releva excessivement énervé pour découvrir que Jasmine n'était plus à ses côtés. Elle avait déjà commencé à remonter l'escalier menant à la sortie.

Un grondement guttural fut émis de la poitrine de Hans avant qu'il ne bondisse à sa suite. Il était plus rapide que tout humain en ce monde. Jasmine n'avait aucune chance. L'attrapant par les cheveux, il la tira en arrière. Jasmine perdit l'équilibre et bascula, dévalant les escaliers. Ses cris résonnèrent dans la salle. Quand elle atteignit le palier, elle commença à se traîner loin de Hans à la seule force de ses bras. Ces jambes ne répondaient plus. Hans la rattrapa et la jeta à travers la salle telle une poupée de chiffon. Elle frappa le marbre du cercueil avec suffisamment de force pour le fissurer. Peut-être était-elle morte ou simplement évanoui mais cela n'avait plus vraiment d'importance. L'attrapant à nouveau par les cheveux, Hans souleva Jasmine et frappa sa tête contre le rebord du cercueil. Puis frappa à nouveau. Encore. Et encore. Et encore. Son crâne avait éclaté. Ce n'était plus qu'une bouillie sanglante.

Anna avait calé sa tête entre ses genoux, essayant de s'empêcher d'hyper-ventiler, de chasser de son esprit le crâne enfoncé, les orbites vides et la masses visqueuses qui s'était répandu le long du marbre brillant.

« Et il n'en resta plus qu'une, ricana Hans. J'espère pour toi que ton sacrifice la réveillera. »

Sa voix détenait une menace si elle échouait, mais Anna ne voyait pas bien ce qu'elle risquait si son sacrifice s'avérait insuffisant.

Hans brisa sa chaîne et l'attrapant par la nuque l'emmena jusqu'au cercueil avant de la pencher au-dessus de la même manière que les autres. Anna garda les yeux hors du cercueil et de ce qui y résidait. Elle regarda au-delà, regarda l'amas de corps ayant servi de sacrifice et s'imagina au-dessus de cette pile.

Elle imaginait déjà la lame en train de... Non elle n'aurait pas dû avoir le temps de l'imaginer. Elle aurait déjà dû avoir sa gorge tranchée. Elle remarqua alors que Hans ne la maintenait plus au-dessus du cercueil. Il s'était redressé et scandait qu'il l'avait fait. Qu'il l'avait réveillé.

Anna osa enfin baisser les yeux. Elle distingua tout d'abord le tissu étrangement conservé d'une robe bleu à présent humide et tâché de sang puis, suivant les courbes harmonieuses, remonta jusqu'au visage. Peau blanche, cheveux blonds et yeux bleus. Ces caractéristiques étaient encore plus frappantes de par le contraste des éclaboussures de sang qui la maculaient.

Anna remarqua que cette jeune fille la regardait. Anna lui rendit son regard et un sourire sardonique étira alors ses lèvres dévoilant une rangée de dents étonnamment blanches et deux canines effilées.

Vampire.

La compréhension de ce que Hans avait ramené à la vie lui fit s'écarter d'instinct du cercueil. Avec toute la grâce et l'adresse qui la caractérisait, Anna retomba sur les fesses. Elle constata que Hans et Mère Gothel étaient tous deux accaparés par le réveil de leur compagnon. Anna tenta alors de reculer le plus discrètement possible.

Soudainement un bras pâle émergea du cercueil pour s'emparer de Mère Gothel. La femme cria alors que le nouveau vampire plongeait ses canines dans son cou, visiblement affamé. Anna ne trouva pas le moindre regret ou pitié pour le sort de cette femme. Elle se félicita juste d'avoir pensé à se reculer à temps. Mère Gothel l'avait peut-être oublié mais elle était -avait été- humaine. Une proie en somme qu'aucun accord n'aurait empêché la jeune vampire d'attaquer.

La jeune femme n'avait pas encore fini de boire le sang de Mère Gothel que Hans l'en sépara. Anna crut bien qu'il allait être attaqué pour l'avoir interrompu. Mais Hans semblait inquiet. Ils dialoguèrent dans la langue commune mais leur débit fut si rapide qu'Anna ignora tout de leur échange. Les seuls mots qu'elles comprirent furent Pandora et Lycan.

L'ouïe d'un vampire est meilleure que celle d'un être humain. Hans avait visiblement perçu avant elle l'arrivée de leurs ennemis. Et Anna l'entendait à présent. Le bruit de griffes aussi puissantes qu'imposantes raclant la pierre dans une course effrénée. Une meute de Pandora descendait la salle et cette fois les vampires seraient les proies.

Avec un grondement de réprobation, la vampire tout juste éveillée brisa la nuque de l'humaine et commença à se dirigea vers Anna.

Cette dernière avait envie de pleurer à l'ironie de sa situation. Elle allait mourir à quelques secondes près. Cela n'arriva toutefois pas. Hans interrompit à nouveau la femme pour l'entraîner vers un passage étroit et obscure qu'Anna n'avait pas remarqué de prime abord. Au même moment arrivait le premier lycan.

Anna n'en avait jamais vu. Pas plus qu'elle n'avait vu de vampire par le passé. Mais si l'un pouvait se faire passer pour un homme, le second ne pouvait guère se faire passer pour un loup. Il en avait pourtant l'apparence mais la taille était loin d'être équivalent. Il faisait facilement la taille d'un cheval, tout en étant bien plus large. Il était d'un blanc pure ce qui surlignait d'autant plus le bleu intense de ses yeux. Derrière lui des loups de tailles nettement plus petit bien que, là encore bien loin de celle d'un loup commun, suivaient. De toutes les nuances du roux au noir, ils grondaient, les griffes grattant contre la pierre. Une bonne partie d'entre eux s'élancèrent vers les cadavres pour lesquels ils se battirent. Anna sentit la bile lui monter à la gorge aux bruits écœurants des os broyés par les imposantes mâchoires. Le peu qu'elle vit avant de fermer les yeux fut au moins 4 loups qui avalaient des membres entiers, arrachant os et chairs des cadavres. Puis le loup blanc gronda et, bon gré, mal gré, les Lycans s'élancèrent après les vampires. Seul le loup blanc resta quelques instants, le regard porté vers le cercueil, avant de se précipiter à la suite de la meute sans aucun regard en arrière. Pataud ou sans grand soucis pour son environnement, il frappa le cercueil de marbre dans sa course, finissant de le briser, et disparut dans l'étroit passage.

Pour la première fois en plus de 24h, Anna se retrouva seule et en relative sécurité.

Le silence assourdissant, le cumul d'événements trop affreux pour être appréhendé, la douleur déchirante de son dos et la chute de l'adrénaline faisant, Anna perdit finalement connaissance avec pour dernière image d'intenses yeux bleus.