Blair regardait les couples tournoyer sur la piste de danse de la grande salle de réception du palais de Monaco.

Les larmes lui montèrent aux yeux, comme à chaque qu'elle repensait à cette nuit de mai de l'année précédente. Cette nuit où ils s'étaient tant amusés, après qu'il soit venu la secourir du danger.

Celle où elle l'avait entraîné dans un salon privé en quittant la Barmitsva. Celle où ils avaient fait l'amour pour la dernière fois. Avant qu'il ne la laisse aux mains de Louis. Son prince charmant qui était censé lui apporter le bonheur.

Au lieu de ça, elle vivait un cauchemar éveillé.

Depuis trois mois qu'elle résidait sur le rocher avec son mari. Elle était prisonnière et se mourrait de l'intérieur, bien qu'affichant un sourire éclatant pour les photographes et tout le reste de la terre.

Seul Chuck savait à quel point elle souffrait. Il endurait lui aussi cet enfer en attendant que les Grimaldi ne lui ouvrent la porte de cette cage dorée qu'était devenu sa vie.

Elle s'isola dans sa chambre à l'étage pour tenter de fuir Louis. Il voulait toujours qu'ils se donnent en spectacle. Il se délectait de cette situation, lui faisant payer au centuple la trahison qu'il avait ressenti en découvrant qu'elle ne l'épousait que par amour pour Chuck.

Elle comprenait qu'il ait été blessé de cette découverte et aussi qu'il avait été atrocement humilié par le post de Gossip Girl en plein milieu de leur cérémonie de mariage. Mais depuis, il aurait dû retrouver son bon sens et lui rendre sa liberté.

Qu'espérait-il de cette union contrainte et forcée, même pas consommée ? Imaginait-il qu'elle finirait par rendre les armes et se donnerait à nouveau à lui ? Comment pouvait-il seulement l'envisager dans les conditions qui étaient celles de leur vie commune ?

Elle sortit son smart phone US du tiroir de sa table de chevet et contempla le numéro qu'elle avait mille fois rêvé de composer depuis son départ. Juste entendre le son de sa voix, sentir la chaleur envahir son être et se propager dans ses veines, pour laisser le sang qui s'y écoulait, glacé, se réchauffer et atteindre son cœur.

Son pouce frôla la première touche, la « numéro un » et s'y attarda un instant. Une seconde de trop, qui scella son sort, comme celle qui avait provoqué cet accident qui avait brutalement mit fin à cet espoir renaissant de pouvoir enfin vivre leur amour.

Elle regarda l'écran, fixant le petit combiné vert qui indiquait que la communication était en cours de connexion.

A l'autre bout du monde, Chuck entendit résonner la mélodie qu'il avait attribué à la femme de sa vie sur son téléphone portable. Il crut d'abord que cela faisait partie de son rêve. On était au milieu de la nuit et il était courant que ses désirs l'entrainent à croire que la situation était différente de la réalité qui lui dévorait le cœur depuis des mois maintenant.

Il ne distingua pas tout de suite que la sonnerie n'avait rien à voir avec ses songes, mais quelque part, au fond de son inconscience, une petite lumière s'alluma, celle de l'espoir insensé.

Il se redressa d'un coup sur son matelas et se rendit compte que l'appareil en question chantonnait bel et bien. Il l'attrapa à la volée, sur sa table de nuit et décrocha prestement avant qu'il ne se taise.

- Blair ?! prononça-t-il dans le microphone, la voix tremblante.

Le cœur de la belle s'arrêta de battre un instant avant de reprendre à toute allure.

- Chuck, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.

Il ferma les yeux, inondé par l'effervescence qui s'emparait de ses sens, et tenta de maîtriser le galop des battements dans sa poitrine. Il attendait son appel depuis tellement longtemps.

- Tu vas bien ? s'inquièta-t-il.

Elle laissa couler ses larmes sur ses joues sans chercher à les essuyer. Il était là, à l'autre bout du fil, si proche et pourtant si loin.

- Tu me manques, souffla-t-elle.

Une boule se forma dans la gorge du jeune homme qu'il ne réussit que difficilement à briser.

- Toi aussi, répondit-il doucement.

Elle était submergée par ses émotions, elle avait tant de fois réussi à se résonner et à ne pas céder à l'envie de l'appeler. Mais cette fois elle n'avait pas été capable de résister à la tentation.

- Je t'aime, pleura-t-elle depuis l'autre côté du monde.

- Je t'aime aussi, plus que tout. Tu n'as qu'un mot à dire et je viendrai te libérer. S'il te plait, laisse-moi nous venir en aide.

Mais Blair ne répondit pas à sa supplique.

Louis venait de pénétrer dans la chambre où elle s'était retranchée.

- Mais enfin, que ce que tu fous là ? Tu crois que tu peux échapper aux festivités de la fête du printemps, peut-être ? Je te rappelle que tu dois honorer tes obligations ! Alors t'as intérêt à reprendre figure humaine et à te pointer avec le sourire dans la grande salle pour fermer le bal avec moi, tonna le prince.

- J'arrive, donne-moi dix minutes, répondit-elle d'une voix blanche, sa main dissimulée dans un pli de sa robe de soirée.

- Je t'en laisse cinq ! gronda-t-il, avant de claquer la porte derrière lui.

Elle porta à nouveau le combiné à son oreille, tremblante comme une feuille. Si jamais Louis s'apercevait qu'elle avait conservé son ancien smart phone, il serait plus que furieux. Et elle commençait sérieusement à avoir peur de lui par moment.

- Chuck ? questionna-t-elle.

- Je suis toujours là, répondit-il catastrophé par ce qu'il venait d'entendre.

Il lui était insupportable de la savoir à des milliers de kilomètres de lui, qui plus est avec cet ignoble type auquel elle avait choisi de s'enchaîner.

- Je dois y aller, le devoir m'appelle, je suis désolée, murmura-t-elle du ton le plus assuré qu'elle put avant de raccrocher.

Mais elle n'ignorait pas qu'elle ne faisait pas illusion.

- Non, attend ! mourut la voix de Chuck, alors que la tonalité résonnait au milieu du silence de sa nuit.

Blair se fustigea, elle n'aurait jamais dû s'abandonner à cette faiblesse. C'était de la folie. Tout comme le chemin qu'elle avait décidé de suivre. Cela n'aurait pour seule conséquence que de les faire souffrir encore un peu plus.

Pourtant, c'est avec le souvenir de cet instant qu'elle emprunta les immenses escaliers qui menaient jusqu'à Louis et à leur sinistre comédie.