Posté le : 27 Août 2013. Regulus, my love.
Note d'auteur : Cela va faire près d'un an que je m'étais dit « Il faut que j'écrive une histoire sur Regulus, que je parle de Barty et de tout le bordel. Il le faut ». Je n'ai jamais eu le courage de le faire ni eut le déclic. Pourtant ce n'est pas faute d'essayer parce que j'ai dans mon ordinateur plein de petites scénettes avortées mais ça ne ressemblait à rien de satisfaisant et j'ai laissé l'idée pourrir au fond de la pile de dossiers. Dernièrement, une lectrice m'a contacté par message privé en me disant qu'il fallait que je le fasse et j'étais déjà, de mon côté, en train de penser à Barty. Réaliser que Barty et Regulus n'avaient qu'un an d'écart à ouvert un champ de possibles infinis et tout à coup, comme si l'on ouvrait un robinet, tout devint limpide dans ma tête et j'ai eu envie de commencer, de me retrousser les manches. Honnêtement, je ne sais pas trop ce que mon histoire vaut que cela soit avec le scénario ou les réactions des personnages ou même la fidélité par rapport au canon de base. Mais j'ai essayé d'être crédible – du moins, autant que possible. Je ne sais pas à quoi ressemble une bonne fic sur Regulus Black car je n'en ai jamais lue. Ouais, je sais c'est honteux... Disons que je m'étais faite une si haute idée de ce personnage que j'avais peur que les fics m'influencent dans ma façon de l'imaginer, de le concevoir etc. Il faudrait que je relise des passages du sixième et septième tome, je pense. Mais pour l'instant je ne le peux pas puisque je suis en plein déménagement. Je garde quand même ça en tête pour vous offrir quelque chose de bien et j'espère que vous apprécierez ce tout premier chapitre écrit sous l'impulsion du moment. Merci à Cloé de m'avoir corrigé ce chapitre pendant que je m'agitais dans tous les sens pour emballer toutes mes affaires. Bonne lecture à vous.
Classée [personnages] : Regulus Black – Barty Croupton Jr. – Les Maraudeurs – Tom Jedusor.
Format : Histoire courte de 3 chapitres à 5 maximum.
Résumé : Être second avait été la définition même de son existence et, pour une fois, on donnait à Regulus la possibilité de briller par ses propres talents. Il entrait en cinquième année avec un champ des possibles élargi et prometteur. Sa passion pour la magie noire et Tom Jedusor était sur le point de le conduire sur un chemin tortueux et inattendu. De ses quinze à dix-neuf ans, nous allons le suivre à travers de grands moments de sa vie et comprendre en quoi ces derniers l'ont poussé à embrasser la voie du mal.
(1) Chanson du groupe Guns'N'Roses, album "Use You Illusions I".
Right Next Door to Hell (1)
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La chambre de Sirius avait toujours été bruyante. Il se débrouillait pour lancer des sortilèges de Tapage qui faisaient vibrer les murs de la maison. De temps à autre, on entendait des détonations, des ricanements puis tout s'arrêtait quelques secondes avant que la musique rebatte son plein. Cet été-là, pour faire bonne figure auprès des grandes familles de Grande-Bretagne, James Potter avait été invité au Square Grimmaurd. Regulus détestait profondément James.
Il empruntait un air important dans tout ce qu'il faisait et avait, dès l'instant où il avait mis les pieds dans leur demeure, donné son avis sur à peu près tout. « Par Mordred, Patmol. Ne me dis pas que tu dois te coltiner ces affreuses têtes d'elfes empaillées tous les matins ! ». Sirius avait aboyé de rire comme si c'était la plus délicieuse plaisanterie qu'il n'avait jamais entendue de toute sa vie. Souvent, Sirius et son ami s'attribuaient des surnoms dépourvus de sens, parlaient en messages codés à table et restaient cloîtrés dans la chambre du haut sans même s'inquiéter des autres habitants de la maison.
Walburga Black – leur mère – avait bien précisé que Regulus se devait de serrer la main de James à son arrivée, ''comme tout bon sorcier le ferait''. Alors il avait pris sur lui, tentant désespérément de gommer ses traits crispés par la fureur, puis avait tendu la main. Main que James avait sciemment ignoré en le poussant pour se précipiter dans les escaliers d'où était apparu Sirius. Regulus ne s'en était pas formalisé. En fait, il était même très satisfait de ne pas avoir eu de contact avec lui. Si James n'avait pas eu le sang aussi pur que le sien, jamais il ne lui aurait accordé ne serait-ce qu'un regard. Il avait des manières laissant à désirer.
Mr et Mrs Potter l'avaient déposé lundi dernier en arrivant par Poudre de Cheminette. Ils avaient pris le thé servi par Kreattur en le qualifiant de délicieux. Regulus était très fier de son elfe. Il lui avait même appris à lire. C'était très utile, parfois, quand Regulus voulait intercepter le courrier de son frère avant l'heure du petit-déjeuner. Maintenant, Sirius s'en était rendu compte et avait précisé à chacun de ses amis de lui faire parvenir les lettres directement dans sa chambre. Ce n'était pas vraiment dommage, dans un sens. La plupart des missives que lui envoyait James étaient toutes gratinées de compliments lancés à sa propre personne.
En fait, Regulus n'avait jamais très bien compris comment un garçon pouvait avoir un ego aussi enflé. Il eut la réponse en écoutant les Potter parler. Ses parents étaient déjà très vieux. Leur lignée était en péril et ne tenait qu'à l'apparition miraculeuse de leur fils. Des racontars de la haute société disaient que, de toute évidence, Mrs Potter était trop âgée pour enfanter et qu'ils avaient dégoté un poupon dans l'orphelinat sorcier de Bustle-on-Shire. Pour énerver James, des garçons de Serpentard l'avaient surnommé « Le petit adopté ». En général, il rétorquait avec des maléfices et Regulus n'avait jamais eu l'imprudence de l'insulter devant lui. Il savait de quoi Sirius était capable pour protéger ses amis.
« Vous savez », avait dit Mrs Potter de sa voix chevrotante, « James est un bon garçon. Un peu turbulent, c'est vrai... Mais on essaie désespérément de le canaliser. On ne peut pas lui en vouloir d'être plein de magie ». Toute la durée de leur présence, les Potter les avaient aspergés d'anecdotes plus inutiles et embarrassantes les unes que les autres à propos de leur fils chéri. Regulus n'avait pas l'habitude que des Sangs Purs n'arborent pas ce masque en société. Il trouvait même que l'absence de rires légers de la part de ses parents était déplacée.
Quand il fut congédié, Regulus trouva Sirius et James près de sa chambre, à rôder comme une meute de loups. « Alors, Reg », avait dit son frère avec un flegme prononcé, « Satisfait de faire partie du Club de Sluggy cette année ? ». James avait éclaté de rire tandis Regulus restait figé, la main sur la poignée de porte. Il y a quelques jours, le professeur Horace Slugorn lui avait personnellement écrit pour lui dire qu'il aimerait le voir dans ses rangs à la rentrée. Slugorn était réputé pour ne prendre que les très bons élèves. Aussi, Sirius et James avaient l'air tous les deux très vexés de ne pas avoir été convié même s'ils avaient les meilleurs résultats de leur promotion. À leurs yeux, tout autre élève n'était que piètre et leur magie méprisable.
Parfois, Regulus se demandait pourquoi Potter n'avait pas atterri à Serpentard. Il se serait certainement bien entendu avec quelqu'un comme Mulciber. Mulciber tenait un album avec tous les noms des Nés-Moldus du château et dessinait de grossières caricatures d'eux avec des défauts proéminents. James pourrait faire ce genre de chose. En tout cas, il l'imaginait bien. Regulus afficha son sourire le plus éclatant, pivota et avait répondu : « Oui, je suis très fier de représenter comme il se doit la famille Black ». Ça faisait généralement enrager Sirius, même s'il refusait de l'admettre. À la place, il rit suffisamment fort et longtemps pour que cela paraisse faux. « Tiens, on a un ambassadeur, ici. Je ne le savais pas. Viens, on s'arrache Cornedrue. Y'a rien de bon à tirer de celui-là ». La présence de James n'avait fait que d'exacerber le toupet et l'insolence de Sirius.
Dernièrement, il avait collé avec un sortilège de Glue Perpétuelle un poster de fille moldue dénudée. En découvrant ça dans sa chambre, Kreattur l'avait raconté à Mrs Black, les genoux tremblants et de grosses larmes dans les yeux. Jamais Regulus n'avait autant entendu sa mère s'époumoner. Elle avait hystériquement essayé de l'arracher, avait supplié Sirius de conjurer le maléfice, s'était mise à pleurer puis passée aux menaces en un claquement de doigts.
L'impact du discours de son père n'eut aucun effet sur lui hormis une moue complaisante tandis qu'il s'étirait sur sa chaise en bâillant. Il avait gratifié son meilleur ami d'un clin d'oeil et Regulus sut, au plus profond de lui, que Sirius n'avait fait ça uniquement pour l'impressionner durant son séjour. En temps normal, Sirius tentait de faire profil bas jusqu'à la fin de l'été, quand il savait la rentrée toute proche. Après quoi, Sirius avait été congédié dans une chambre d'ami le temps qu'un Briseur de Sort spécialisé vienne décoller l'infâme poster. Encore maintenant, ses parents essayaient de réquisitionner les services d'excellents Aurors pour l'enlever. L'affiche était pourtant encore intacte.
Pour se venger de l'avoir ''vendu'', Sirius avait ensuite attrapé Kreattur par le col de sa toge puis l'avait balancé à James d'un point à l'autre du petit salon, comme s'il ne s'agissait que d'un Souafle. Regulus leur avait hurlé dessus et menacé de les transformer en rats (même s'il ne savait pas du tout comment s'y prendre puisque MacGonagall n'attaquait la métamorphose humaine qu'au niveau A.S.P.I.C.). Rien n'y avait fait. Il fallut attendre que son père revienne du Ministère pour régler cette sordide affaire de jet d'elfe de maison.
C'était en partie pour toutes ces raisons que Regulus détestait profondément James Potter : il avait une terrible influence sur son frère. En fait, Regulus n'avait jamais désespéré que Sirius retrouve le bon chemin en cours de route, même après être passé par Gryffondor. Pourtant, Sirius s'acharnait à mettre le plus d'énergie à souligner sa différence avec le restant de la famille.
Une autre explosion survint, faisant légèrement trembler son lustre à pampilles. Regulus, allongé dans son lit et les bras croisés derrière la nuque, se demanda ce que les deux autres fabriquaient dans la chambre d'au-dessus. Il était partagé entre une curiosité maladive et la sombre impression que ceci ne pouvait être que néfaste. Tout ce qui provenait de Sirius n'était que pourri, de toute manière : sa coupe de cheveux très longue et faussement désordonnée, son goût particulier pour les motos moldues, les objets qu'ils s'amusaient à ensorceler pour rendre folle leur mère, la myriade de courriers qu'ils recevaient du directeur et, surtout, sa volonté d'écraser les autres.
Regulus en venait parfois à détester son propre frère. La seule qui comprenait la lourde déception qu'il endurait au quotidien était sa cousine Bellatrix. Elle lui écrivait régulièrement et le réconfortait autant que possible. Bellatrix savait mieux que quiconque ce que c'était d'être d'une grande lignée entachée par sa fratrie : sa sœur Andromeda avait refusé le mariage arrangé avec un membre éminent du Magenmagot pour s'enfuir avec un moldu dont elle était enceinte. Regulus comprenait le dégoût que cet acte pouvait lui inspirer. Il n'avait pas de vif souvenir de cette cousine. Il savait seulement une chose : Sirius risquait – tout comme elle – d'être effacé de la tapisserie s'il continuait sur cette pente glissante.
À l'instar de Bellatrix, Regulus essayait de combler ce manque en adoptant une attitude exemplaire aussi bien en classe qu'en société. À leur naissance, ses parents n'avaient pas bâti de grand espoir sur sa personne. Ils avaient tout misé sur Sirius, lui offrant la plus grande chambre, les plus beaux jouets, les plus beaux vêtements. Regulus ne leur en voulait pas. Oh, ça non. Il les tenait bien trop en respect.
De toute manière, tous les Sang Purs faisaient la triste erreur de concentrer tous leurs rêves sur le premier-né. C'était chose courante. Comment les blâmer de respecter, une fois de plus, la tradition ? Ce qui horripilait Regulus par-dessus tout, c'était que Sirius – à cause de ses agissements – mettait constamment en péril sa hiérarchie parmi les Serpentard. Il était déjà suffisamment ardu de creuser son nid parmi ces vipères, mais dès qu'on avait dans les pattes un frère exerçant à merveille l'art de l'insubordination, cela devenait un véritable parcours du combattant.
Être second avait été la définition même de son existence et, pour une fois, on donnait à Regulus la possibilité de briller par ses propres talents. Le Club de Slug lui ouvrait des portes et savoir que Sirius n'y avait pas été convié rendait la chose encore plus excitante. Il entrait en cinquième année avec un champ des possibles élargi et prometteur. Un sourire s'étira sur ses lèvres. « Qu'est-ce que ça sera drôle, tout de même », songea-t-il. Grâce à cela, ses propres parents avaient pris conscience qu'il était temps d'abandonner Sirius à son sort et de se focaliser sur les espoirs qu'incarnait leur benjamin.
Pour le féliciter, Mr et Mrs Black lui avaient offert un nouveau balai de course. Même Lucius Malfoy, le promis de sa cousine Narcissa, lui avait écrit pour lui faire part de ses sincères congratulations. Lucius mettait un point d'honneur à se faire des relations et trouvait excellent qu'il se soit fait repérer « par un aussi bon professeur que Slugorn ». Lucius faisait, de temps à autre, des visites de courtoisie au Square Grimmaurd. Il venait toujours par Poudre de Cheminette (ses parents ne voulaient pas qu'on voie la devanture de leur maison et qu'ainsi, n'importe qui puisse devenir gardien du secret en connaissant leur adresse). Lucius dédaignait profondément Sirius et avait failli renverser son café sur sa robe de sorcier en soie quand il avait appris la sordide histoire du poster moldu.
Regulus l'admirait. Il n'avait jamais vu d'homme avec une prestance et un détachement tel que le sien. Lucius était un héritier parfait et important qui avait tellement de contacts qu'il pouvait changer le cours de l'histoire tout en restant au fin fond du continent. De sa main droite, il se montrait généreux avec toutes sortes d'organismes ; de sa main gauche, il réduisait le pouvoir du Ministre en personne.
« Un homme très intelligent ce Lucius », avait fait remarquer sa mère à Narcissa qui avait passé la nuit ici le soir des épousailles d'une veille cousine allemande. « Tu as de la chance qu'il ne soit pas parti en courant dès qu'il eut appris l'histoire avec cette abominable Andromeda ». Il est vrai qu'une loi permettait aux Sang Purs de rompre leurs vœux de promesse quand une famille s'avérait ne plus être aussi pure que promise. Narcissa aurait très pu être répudiée. Toutefois, Lucius avait tenu à respecter ses engagements vis-à-vis de la famille Black et Regulus ne lui en était que plus reconnaissant. Il n'aurait supporté un affront de plus.
Soudain, le cliquètement de la cloche de sa mère retentit un étage plus bas. Mrs Black n'usait jamais de sa voix lorsqu'il fallait appeler ses enfants. Selon elle, il était indigne pour une femme de brailler après sa progéniture et elle devait conserver sa voix délicieuse pour le chant ou le discours. Regulus se redressa et bondit hors de son lit. Il se brossa rapidement les cheveux, car il était hors de question de paraître négligé devant ses parents.
Dans le salon aux tapisseries émeraude, sa mère était assise sur le divan dans une somptueuse robe victorienne noire à broderies dorées. Son père, une pipe calée entre les dents, lisait La Gazette du Sorcier, les jambes étendues sur un petit pouf que réajustait Kreattur avec une parcimonie frisant le perfectionnisme.
– Assieds-toi là, mon petit Reggie, minauda sa mère en tapotant la place libre à ses côtés. Tu as du courrier. Ton frère et son ami aussi en ont... Enfin, s'ils daignent descendre. Kreattur, allez chercher Sirius là-haut pour lui dire de venir ici (L'elfe d'inclina et disparut dans un léger pop!). Cet enfant aura un jour raison de ma santé. Alors, qu'est-ce que c'est ?
– C'est une lettre de Barty, éluda Regulus en reconnaissant son écriture. Il avait promis de m'écrire.
Barty Croupton Jr. était un élève brillant à Poudlard en plus d'être son cousin (les deux familles liées par l'union de Caspar Croupton et Charis Black). Barty avait un an de moins que lui et avait été réparti, comme son père, à Serdaigle.
Les Croupton étaient réputés pour être des gens excessivement intelligents et Lucius déplorait souvent qu'ils ne mettent cette énergie à profit que pour des actions charitables et désintéressées. « J'ai vu Bartemius Croupton au Ministère aujourd'hui », avait dit Lucius, lors d'un dîner chez les Nott. « Il va bientôt être nommé au Département des Relations Internationales. Je peux déjà le sentir » Regulus avait hoché de la tête, car le flair de Lucius ne mentait pratiquement jamais. « Je trouve ça dommage qu'il s'évertue à insérer des gens de basse naissance dans son service. Tout ça pour des principes. Qu'est-ce que ce sont les principes ? Est-ce que je peux les rassembler, les économiser puis les emmener à la banque ? Que des principes... Pauvre homme. » Tout le monde avait éclaté de rire et Lucius se délectait de l'attention qu'on lui portait. À vrai dire, les dîners les plus réussis s'étaient toujours faits en sa compagnie.
Regulus aimait bien Barty pour la simple et bonne raison que lui, n'était pas dupe comme son père. Il ne construisait pas son existence autour de faux semblants et ne niait pas l'influence incontestable des familles de Sang Purs sur les autres. Barty avait lu les bons livres et savait tout des théories sur le sang. Barty était illuminé, alors, c'était sans surprise qu'il découvrit la fameuse nouvelle.
– Barty aussi a été invité à participer au Club de Slug, lut-il rapidement sur son parchemin. Apparemment, ça sera le plus jeune jusqu'ici ! Je veux dire, il n'entre qu'en quatrième année.
– Et ce Tom Jedusor dont tu nous parles sans cesse ? baragouina son père en tournant dédaigneusement la page de son journal. N'était-ce pas un jeune prodigue, lui aussi ?
– Oui. Oui, tu as raison. Le plus jeune depuis Jedusor, corrigea Regulus.
Il avait fait exprès de ne pas en parler. Il savait bien que sa voix tremblait d'émotion dès qu'il évoquait le nom de Jedusor. Regulus savait tout ce qu'il y avait à savoir de lui, essayant de grappiller des informations ci et là. En général, il ne trouvait pas grand-chose, mais Lucius – qui était, apparemment, un assez bon ami à lui – lui racontait parfois quelques petites choses pour nourrir sa passion pour ce personnage obscur.
« Qu'est-ce qui t'enchante autant là-dedans ? » avait demandé Lucius en allumant une de ses longues cigarettes de feuilles de saule à la fin du repas. « Je veux dire, c'est un très bon sorcier. Mais il n'a rien fait d'extraordinaire jusqu'ici. Alors pourquoi diable t'intéresse-t-il ? ». Regulus avait haussé des épaules. « Je ne sais pas. Il a l'air génial. Avec mon ami Barty on en parle beaucoup. Même à Poudlard les gens parlent encore de lui comme une légende vivante. J'aimerai le rencontrer, Lucius. Tu pourrais le lui dire ? Je sais que tu lui parles encore. » D'un œil suspicieux, comme s'il le jaugeait, Lucius l'étudia un long moment avant de soupirer : « Très bien. J'essaierai de lui toucher deux mots à propos de toi. Mais... Ce n'est pas sûr qu'il m'écoute. Il n'écoute pas grand monde d'ailleurs. »
Malgré la prudence de Lucius, Regulus n'avait pas pu s'empêcher d'être réjoui à l'idée de rencontrer son idole un jour ou l'autre. Mais le bonheur ne fut que de courte durée. Sirius était apparu, les mains enfoncées dans les poches de son affreux jean moldu puis avait lancé : « De qui vous parlez ? » Lucius s'était retourné, le sourcil haussé puis avait persiflé : « Ca ne te regarde pas, nabot. C'est entre Reg et moi. » « Vous passez beaucoup de temps ensemble tous les deux, depuis quelque temps. Oh, je vois. Tu vas larguer cette pauvre Cissa et annoncer tes fiançailles avec mon frère. » Regulus crispa les poings. Il avait en horreur ces moments-là, où il rabaissait ses amis. Lucius incarnait bien plus la figure du grand frère qu'il n'avait jamais eu que Sirius.
Il s'apprêtait à se lever pour lui bondir dessus quand Lucius souffla un nuage de fumée au visage de Sirius : « Laisse-le, Reg. Il finira par apprendre les bonnes manières. Tom les lui fera chanter dès qu'il aura croisé la route d'un chancre pareil. » Depuis ce soir-là, Sirius détestait entendre parler de Tom Jedusor. C'est pourquoi Regulus prenait bien soin de ne pas l'évoquer – même de manière lointaine – dans une discussion alors que son frère était dans les parages. Ce dernier finit par descendre les escaliers, James sur les talons.
Regulus leva les yeux de sa lettre et la serra instinctivement contre son buste. Son frère avait toujours tendance à lui arracher son courrier des mains pour le lire à voix haute et parodier les voix de ses correspondants. En plus, Sirius adorait imiter celle de Barty car il n'avait pas encore fini de muer. Regulus trouvait ça complètement déloyal, car Sirius, il n'y a pas si longtemps que ça, avait aussi une voix affreuse. Le regard de Sirius s'attarda sur son parchemin un instant, mais il ne risqua pas d'attaque frontale. Enfin, pour l'instant, vu que leurs parents étaient là.
– Qu'y-a-t-il ?
– Des lettres pour vous deux. Ça vient de Poudlard. J'imagine que ça doit être vos résultats pour les B.U.S.E.
Sirius et James lui arrachèrent pratiquement les deux enveloppes des mains et Regulus afficha un sourire narquois. Tous les deux s'étaient donné énormément de mal pour faire semblant que des choses comme les examens leur importaient peu. À l'évidence, ceci était complètement faux. En fait, ils voulaient certainement connaître leurs résultats pour se vanter auprès des autres, les comparer et assoir d'une autre manière leur suprématie dans Poudlard.
Pendant un cours instant, Regulus éprouva un sombre plaisir à l'idée qu'ils n'obtiennent pas une seule B.U.S.E. Pourtant, la probabilité était infinitésimale et ce fut concrétisé par le rugissement triomphant de James.
– Je les ai toutes eu ! J'ai même réussi à dégoter un Acceptable en Botanique. Pour le reste, je n'ai eu que des Optimal ! Je vais tout de suite écrire à mes parents.
La Botanique était la matière qui le révulsait le plus pour la simple et bonne raison que James Potter détestait se salir. Sirius, comme un bon Black le ferait, contint ses émotions au possible malgré la frénésie avec laquelle il avait décacheté la lettre quelques instants auparavant. Il tendit la lettre à son père qui maugréa :
– Un Effort Exceptionnel en Potions. Ce n'est pas assez.
– Tu ne dirais pas ça si tu devais te concentrer avec les cheveux graisseux de Servillus tout le cours.
– Ah oui, Severus, murmura son père d'un ton tout à coup un peu plus caressant. J'ai entendu parler de ce garçon. Il est un peu bizarre, n'est-ce pas Walburga ? Dumbledore nous a écrit à son sujet au mois de juin, je crois. Tu aurais baissé son caleçon devant tout le monde ?
– Ce n'était pas moi, c'était James, corrigea-t-il.
– C'est comme si c'était toi, grogna son petit frère. Tu as laissé faire. Tu es aussi pourri que lui. Comme si tu n'avais pas assez anéanti son honneur...
– Quoiqu'il en soit, coupa Mr Black, tu as bien de la chance que Slugorn accepte encore dans sa classe des personnes ayant eu un E. Ca ne se serait passé comme ça à l'époque de Donda. Il disait qu'il était hors de question d'accueillir des incompétents dans son cours. (Il tendit négligemment le relevé de notes de Sirius qui faillit tomber par terre) Tâche ne de plus nous embarrasser.
Pendant un instant, Sirius eut l'air de vouloir dire quelque chose, mais se ravisa et rejoignit James dans les étages. Regulus aurait bien aimé inviter Barty, cet été. Il s'y était refusé pour la simple et bonne raison qu'il ne voulait pas créer un conflit supplémentaire qui était facilement évitable. Il attrapa sur une console un morceau de parchemin et une plume. Regulus caressa son menton avec avant de la tremper dans de l'encre émeraude puis d'écrire :
Cher Barty,
Je suis très content que toi aussi tu te rendes au Club de Slug à la rentrée. Mes parents m'ont acheté un Comète 260. Il a fière allure. Je n'ai pas encore pu l'essayer, mais je suis certain qu'il fera fureur sur le terrain de Quidditch. J'ai hâte de reprendre mon poste d'Attrapeur. Ici, à la maison, tout aurait pu rester calme. Mais James Potter est arrivé lundi. Tu te souviens probablement de James. Au grand gala de charité organisé par tes parents, il était là. Il avait voler la baguette magique d'un serveur et fait léviter des saladiers remplis d'ambroisie au-dessus de la tête Ludo Verpey. Heureusement que Verpey a un petit côté farceur et qu'il a apprécié la plaisanterie... James est aussi aimable que je me l'étais imaginé. Il passe le plus clair de son temps dans la chambre de Sirius, à concocter des plans machiavéliques pour me rendre la vie insupportable. Tu comprends bien que je ne peux pas t'inviter pour l'instant, mais j'essaierai de me débrouiller pour que tu puisses venir l'été prochain. Pour passer le temps, j'essaie d'apprendre à Kreattur de lire. Papa n'a pas vraiment apprécié l'idée : il a dit que les elfes devaient rester à leur place. Pour une fois, Sirius était bien d'accord avec lui. Je me suis fait punir et, du coup, nous devons nous cacher. Qu'est-ce que tu en penses Barty ? Les elfes de maison ne méritent-ils pas l'instruction comme nous tous ?
J'ai parlé à Lucius, l'autre fois. Il est d'accord pour parler de nous à Tom Jedusor. Ça sera sensationnel d'enfin le rencontrer. La dernière fois, dans la Gazette du Sorcier, ils avaient recopié un discours qu'il avait eu à la radio. Il parlait de l'égalité des races. Tu savais qu'il existait autant de Cracmols que de Nés-Moldus ? Selon Tom Jedusor, il serait là incontestable qu'une spoliation de magie s'effectue d'un monde à l'autre. Il est à la recherche d'un remède et étudie de la vieille alchimie chez Barjow & Beurk. Peut-être que si on part y faire un tour lors de notre visite au Chemin de Traverse, nous pourrons l'y croiser. Je sais bien que ça fait déjà quelque temps qu'il n'y travaille plus, mais je suis à peu près certain qu'il s'y rend encore pour dénicher tout ce dont il aurait besoin. Oh, et j'ai oublié de te dire : Tom Jedusor aussi a été au Club de Slug ! Sirius est si jaloux qu'il a certifié que ce n'était qu'une réunion de gens ennuyants à mourir. Si tu veux mon avis, il aurait été très content de se pavaner au bras de Slugorn, celui-là. Dumbledore a encore écrit à mes parents pour les avertir que si Sirius ne se calmait pas, il serait exclu temporairement de Poudlard. Je crois bien que c'est la première fois de toute l'histoire de l'école. J'espère bien qu'il le boutera à coup de sortilèges hors du château.
D'ici quelques semaines aura lieu la cérémonie de promesse de Narcissa et Lucius (elle avait été retardée à cause du départ précipité d'Andromeda pour le monde moldu, quelle sale affaire !). Mère passe un temps fou avec tante Druella et Lucrétia à lui faire essayer des étoffes commandées chez Tissards & Brodette. Je crois que Cissa est très excitée. Je l'ai entendu dire qu'elle trouvait Lucius très beau. C'est vrai que si on compare avec les trolls endormis des descendants de la branche Goyle, elle aurait pu plus mal tomber. Je crois que la dote de Narcissa s'élève à une bonne centaine de milliers de gallions ! J'ai hâte de voir la cérémonie de l'or et je demanderai à ce que Lucius invite personnellement tes parents. Je pense qu'il le fera sans même que je lui en parle, mais je préfère être sûr. Toute la bonne société y sera et j'ai hâte de découvrir le Manoir Malfoy. Le père de Lucius n'ouvre pas souvent les portes de sa demeure depuis la mort de sa femme. Avant, quand Père était encore tout jeune, ils y donnaient de prestigieuses soirées. Je crois que Lucius meurt d'envie de recommencer. Peut-être qu'il arrivera à convaincre son père, qui sait ?
J'ai écrit à Severus il y a de ça trois semaines. Et il ne m'a toujours pas répondu. C'est très bizarre, tu ne trouves pas ? Severus ne doit pas être de ceux recevant le plus de courrier pendant les vacances... Je lui avais écrit pour m'excuser personnellement de l'attitude de Sirius à son égard. Tu vois, personne n'a songé à le faire et je ne veux pas que l'année scolaire débute sur un très mauvais souvenir. Je me demande si Slugorn l'a demandé dans son club, lui aussi. Dans le train de retour, Mulciber m'a confié que James n'était qu'un idiot qui courrait après les faveurs d'une Née-Moldue, une certaine Lily. Je t'avouerai que je ne l'ai pas cru. Si c'est le cas, James finira comme Andromeda et il en sera fini pour sa lignée ! Avec l'approche du diplôme de fin d'études, Père et Mère s'inquiètent de plus en plus pour l'avenir de Sirius, déjà lourdement compromis. Tu savais qu'ils lui ont présenté Malicia Rosier, au mois de Juillet ? Ils voulaient organiser un nouveau mariage croisé avec cette branche. Sirius s'est débrouillé pour s'absenter avec sa moto moldue. Père était dans une fureur monstrueuse ! Les Rosier non plus n'ont pas grandement apprécié. Ils sont partis à grand fracas pendant que Mère se répandait en excuses. C'était la quatrième prétendante de Sirius. Ce soir-là, Mère a beaucoup pleuré en disant que Sirius ne ferait jamais de mariage convenable.
Lucius pense que si Sirius ne s'intéresse pas aux filles, c'est tout simplement parce qu'il est amoureux transi de Potter. Je n'y ai pas cru un mot, bien sûr, mais l'idée a eu un tout autre impact chez Père. Alors il a appelé un Désenvoûteur spécialisé dans les Charmes de Séduction. Sirius n'avait jamais autant ri. La situation n'était pourtant pas drôle du tout : s'il ne s'engage pas d'ici les trois années à suivre, le droit d'aînesse de la lignée Black sera caduc et j'éprouverai toutes les difficultés du monde à avoir, ne serait-ce qu'une petite-amie. Tes parents t'ont déjà parlé de ta liste de promises ? La mienne est scellée par un puissant enchantement et elle ne se déliera que quand Sirius aura prononcé ses vœux. Je crois que je suis condamné au monastère de Merlin, à ce rythme-ci... Il ne fait pas très beau à Londres, cet été. J'espère que pour toi, c'est différent en Transylvanie. Prends-moi un souvenir du royaume des vampires, surtout ! Si tu rencontres la reine au cours d'une délégation, parle-lui de Tom Jedusor et de ses très grands projets. Il te sera à jamais reconnaissant.
Dans l'attente de ton prochain courrier,
Ton ami dévoué,
R.A.B.
Regulus se relut rapidement, enroula son morceau de parchemin et se rendit dans les combles de la demeure trouver le hibou Grand Duc. Il caressa son plumage moucheté puis ouvrit une lucarne pour le laisser s'envoler.
Ooo
Il apparut que Tom Jedusor n'avait plus aucun contact avec Barjow & Beurk. Désespérément, Barty et Regulus avaient tenté d'échapper à la surveillance de leurs parents pour jeter un œil au Chaudron Baveur mais il n'y était pas non plus. Résignés, ils durent quitter le Chemin de Traverse, profondément déçus.
– J'ai fait ce que tu as dit, marmonna Barty, les dents serrées tandis que les Croupton et les Black, accompagnés de James, marchaient loin devant. J'ai parlé à la reine des vampires. C'était plutôt compliqué, mais elle a dit que mon sang ne l'intéressait pas. J'ai été très vexé, je dois dire.
Barty s'était toujours imaginé désirable en tout point. Ses cheveux d'un blond sale encadraient son visage échevelé parsemé de discrètes taches de rousseur. Sur son épaule, sa chouette hulotte attendait impatiemment qu'on lui confère une nouvelle mission. Barty – malgré son très jeune âge – entretenait une correspondance avec tout un tas de jeunes sorciers brillants tout comme lui et mettait un point d'honneur à être joignable en tout instant.
– Dans ta lettre, tu disais que Lucius allait nous inviter à la cérémonie de l'or. Il ne l'a pas fait.
Regulus ne put s'empêcher de se sentir coupable : il aurait bien dû se douter que le père Croupton n'était pas dans ses bonnes grâces. Pour se faire pardonner, Regulus fit un résumé détaillé des festivités.
– Quand on est parti, je suis allé serrer la main de Abraxas Malfoy. Il avait un drôle de teint... Un peu comme s'il était malade. C'est bizarre parce que, le mois dernier, nous l'avons vu à une course d'hippogriffes. Il avait l'air très solide et en pleine forme.
Barty sembla songeur un moment et ils rattrapèrent leurs parents qui se séparaient déjà.
– Bon, je dois te laisser. On se revoit à la rentrée ! lança-t-il avant de disparaître par transplanage d'escorte avec sa famille et James qui semblait déjà s'impatienter.
Heureusement, la rentrée arriva très vite. Un hibou était arrivé tout essoufflé le matin même du départ, une lettre dans son bec. Walburga Black la décacheta et poussa un glapissement ravi qui contrastait avec son ordinaire attitude froide et distante. Sirius leva le nez de son bol de porridge, son visage encadré par sa terrible et longue chevelure.
– Reggy ! Tu as été choisi pour être préfet !
Tel un chien de chasse, Sirius se tendit, à l'affût. Lentement, Regulus attrapa son insigne tandis que son père applaudissait avec distinction depuis l'autre bout de la table. James, lui, fit semblant de vomir.
– Quelle fierté ! félicita Mr Black en entortillant autour de son doigt sa moustache brune. Je n'ai pas été préfet moi-même, c'est vrai. Mais à mon époque, il y avait bien plus de candidats plausibles que ça (Il lança un regard dédaigneux à Sirius). Slugorn a certainement eu du flair en t'invitant dans son petit comité. Si ça se trouve, tu seras consacré d'ici quelque temps de l'Ordre de Merlin comme ton grand-père !
Regulus l'aimait beaucoup cette médaille. Quand il était petit, lui arrivait de demander spécialement à Kreattur qu'il la sorte de la vitrine en cachette pour la voir de plus près. Elle était faite d'un or massif, fait coulé par des gobelins dans les entrailles du Mont Cendré et forgé par le souffle d'un Magyar à Pointes. Si l'on faisait refondre cet or pur, une seule goutte suffirait pour concocter la plus redoutable potion d'alchimie. Aussi, Regulus espérait en hériter plus tard. De toute façon, Sirius attachait une importance très relative en ce genre de ''babiole''.
– Préfet ? s'étrangla Sirius en lâchant sa cuillère. Toi, tu vas être préfet ?
– Je ne vois pas pourquoi cela devrait-il t'étonner, fit remarquer sa mère en le gratifiant d'une œillade glaciale. Regulus est un élève respectable et respecté. Il est Attrapeur dans l'équipe de Quidditch. Il participe activement au Club de Duel et, maintenant, à celui de Slug. Il a gagné le prix de Métamorphose en troisième année et a toujours été reçu avec les honneurs.
– Moi aussi j'ai été reçu avec les honneurs aux B.U.S.E. !
– Oui, on va dire que tu y es arrivé un peu par hasard, nargua son père en déposant sa main sur l'épaule de Regulus. Je me demande bien comment tu as pu déjà trouver la salle d'examen. Peut-être que si tu arrêtais de faire le toutou derrière tes amis, tu pourrais prétendre à ce genre de titulature.
James semblait aussi vexé que son meilleur ami. Il déposa son toast sur la table et foudroya du regard le restant de la famille Black, y compris Kreattur qui n'avait pourtant rien fait.
– Dépêchez-vous d'aller prendre vos malles. Nous allons finir par être en retard.
Dans le Poudlard Express, Mulciber lui avait gardé une place. Il montrait à qui voulait le voir son nouvel iguane cracheur de feu.
– Il n'est pas encore très grand, dit-il pour se justifier de sa petitesse et de ses crachats ridicules. Mais le vendeur m'a dit qu'il pouvait atteindre un mètre !
En face de Regulus se tenait Severus Rogue, le regard perdu vers la fenêtre du wagon. Il n'accorda pas un seul regard à son camarade, comme s'il le tenait responsable des agissements de son frère.
– Apparemment, prononça Mulciber en caressant les écailles de son iguane, Dumbledore a eu beaucoup de mal à trouver un remplaçant pour le poste de Défense Contre les Forces du Mal depuis le départ à la retraite du professeur Têtenjoie. Quelques candidats continuent d'aller et venir dans le château. En tout cas, je me demande qui aura sa candidature retenue. Tu veux un nougat ?
Regulus refusa. Il n'aimait pas trop les sucreries de toute manière. En tant que préfet, il était inquiet de ne pas encore avoir de professeur, surtout l'année de ses B.U.S.E. Il aurait aimé écrire à Lucius et lui dire de se présenter. Lucius aurait été un très bon professeur. Il lui avait appris à jouter comme personne, d'ailleurs. Néanmoins, jamais il n'accepterait une telle chose et Regulus continua alors de ruminer.
Les jours passèrent à Poudlard avec une morosité foudroyante. Cela faisait déjà deux semaines qu'ils ne trouvaient pas de professeur en DFCM et leurs heures d'études étaient consacrées à la lecture d'un manuel barbant au possible. Souvent, Barty essayait de le déconcentrer en lui lançant des notes volantes depuis la table des Serdaigle. Celle-ci lui entra dans l'oeil et Regulus lui envoya un regard courroucé.
« Bâcle ton devoir. Rejoins-moi dans cinq minutes au deuxième étage en prétextant quelque chose. N'importe quoi. »
Regulus leva le nez vers son ami. Barty semblait très pressé de sortir par tous les moyens possibles de la permanence. À peine eut-il tourné la tête, que Barty n'était plus visible : il s'était encore jeté un Sortilège de Désillusion. Barty était exceptionnellement doué et était parvenu à le réaliser cet été devant le regard médusé et très fier de son père. Regulus, quant à lui, prétexta une envie pressante et sortit à son tour.
Le couloir du deuxième étage était uniquement éclairé par la lueur des torches accrochées le long du mur. Regulus regarda un peu partout autour de lui, espérant déceler un faux raccord qui trahirait la présence de son ami. Dès lors, Barty redevint visible et lui bondit presque dessus.
– Il est ici !
– De qui tu parles ?
– Tom Jedusor ! Il est dans le château.
Regulus n'en croyait à peine ses yeux. Il afficha un air clairement médusé tandis que Barty le conduisait derrière une énorme statue. Il semblait improbable que l'homme qu'il admirait le plus, pour qui il vivait pratiquement depuis des mois, était là, à seulement quelques mètres d'eux. Regulus conservait précieusement toutes les coupures de presse concernant les exploits de Tom Jedusor dans un carnet et espérait devenir un jour comme lui.
– Je l'ai su par un Septième Année. Il jure qu'il la vue entrer dans le bureau de Dumbledore.
Ils attendirent là, la respiration haletante. Pour Barty aussi c'était un très grand moment. Sans doute même le plus important de toute leur vie. Barty adulait Jedusor autant – si ce n'est plus – que Regulus. C'est ce qui avait forgé leur amitié. Ils échangeaient des anecdotes sur les prouesses de ce prodige comme leurs amis le faisaient autrefois avec des cartes de Chocogrenouilles. Ils parlaient de lui avec autant d'émotion dans la voix qu'un fan de Quidditch. Tom Jedusor était une passion et un hobbie que jamais ils n'auraient soupçonné à cet instant qu'il deviendrait dévastateur. Pas une seule seconde, Regulus songea que Barty ne lui faisait une blague idiote. Il resta là, les poings serrés d'appréhension et d'excitation.
Tout à coup, la gargouille pivota et un jeune homme à la silhouette élancée en descendit les marches. Ses cheveux châtains étaient légèrement en désordre, un peu comme James Potter qui se donnait l'effet de descendre de son balai. Tom Jedusor n'avait pas le même air que celui sur les rares photos de lui dans les journaux : son visage était bien plus émacié et blanchâtre. Mais ce qui frappa le plus Regulus et le fit déglutir bruyamment, c'était ses pupilles rouges comme d'énormes gouttes de sang.
Sans préavis, Barty et lui se retrouvèrent propulser hors de leur cachette et glissèrent sur le sol dallé. Ils remirent de l'ordre dans leur robe de sorcier en se redressant, à quelques mètres seulement de Jedusor.
– Que faites-vous ici ? demanda leur idole d'une voix calme mais glacée en rangeant sa baguette magique qu'il avait sortie en un éclair. Pourquoi vous n'êtes pas avec les autres ?
Barty et Regulus échangèrent un regard.
– Ah, je vois, dit de suite Jedusor. Vous êtes venu là pour rencontrer la légende vivante. C'est vraiment adorable de votre part... Tu t'appelles Regulus, n'est-ce pas ?
– C-Comment vous savez... ? demanda-t-il en risquant un regard vers ses pupilles rouges qui le sondaient de part en part. …, monsieur, ajouta-t-il pour se rendre poli.
La réaction de Jedusor ne se fit pas attendre : il éclata d'un rire froid.
– Tu es tel que Lucius me l'avait dit. Et toi tu es... ?
– Bartémius Croupton Junior. Est-ce vrai que vous appelez vos compagnons les Mangemorts et que vous avez réussi à créer de la vraie magie originelle ? Quand je suis allé voir Ollivander pour une révision de ma baguette, il a dit que vous aviez fait avec la vôtre des choses qu'il n'avait encore jamais vu. J'aimerai que vous me montriez.
Regulus donna un coup de coude à son ami. Il allait trop loin et trop vite...
– Je vous montrerai ce que je sais faire, si vous me faites un tour de magie un peu distrayant. Allez, faites-moi voir vos dons si exceptionnels.
Loin de se mettre à défaillir, Barty sortit sa baguette de sa poche et se rendit invisible. Ceci n'impressionna guère Jedusor qui eut une moue désolée. Tant Regulus était tremblant de stress, il ne réussit qu'à produire des étincelles vertes.
– J'ai vu plus intéressant au cours de mon existence. Grandissez un peu et on verra plus tard ce que vous valez.
Il s'éloigna à l'autre bout du couloir et Regulus lança :
– Est-ce que vous allez devenir notre professeur ?
Jedusor le toisa puis, pour la première fois sourit sauvagement :
– D'une certaine manière, oui.
