Auteure : Temi-chou
Titre du recueil : Hors-Sujet : les Hors-séries de la Ligue.
Titre du Hors-Série : Sur l'autel de la vengeance.
Notes : Ceci est donc le premier Hors-Série de la Ligue. Si certains de ces hors-séries seront complètement déjantés, sans rapports avec l'intrigue de la Ligue, d'autres seront en quelque sorte des préquelles à certains chapitres et des séquelles à d'autres.
Je commence sur les chapeaux de roue en installant une partie de mon intrigue dans ce Hors-Série.
Nous allons découvrir Rudy, ce qu'il a ressenti. Vous allez découvrir un personnage qu'on ne reverra pas avant un très très long moment, mais qu'on recroisera dans un Hors-Série. Et vous saurez un peu plus de choses sur Rudy, pour quand le moment sera venu de le recroiser dans la fic originelle.
Notes bis du 4 janvier 2012 : Et voici la nouvelle version, étoffée, améliorée et corrigée.
Sur l'autel de la vengeance.
Quand il reprit connaissance, deux heures après être tombé inconscient, Rudy passa une main sur sa nuque endolorie, dans l'espoir de faire passer la douleur qui engourdissait son esprit. Il posa le regard sur son salon à moitié dévasté. La table était renversée, le rideau de la baie vitrée arraché et il y avait une petite flaque de sang sur le tapis, près de la table qui avait été basculée. Rudy secoua la tête en tentant de remettre les derniers événements dans l'ordre. Tout se mélangeait dans sa tête. Mais que s'était-il passé ?
—Ondine ?
Le silence lui répondit. Il posa son regard sur la porte de la baie vitrée et vit qu'un morceau de papier y était fixé. Il l'attrapa et l'ouvrit, il s'agissait d'une lettre à son attention.
« Jeune homme,
Votre petite amie, Ondine, vient d'être kidnappée par deux membres de la Ligue Souterraine. Ne vous inquiétez pas et ne cherchez surtout pas à la retrouver. Ils sont dangereux. Nous nous occupons de tout, Psyko et moi-même.
Cordialement,
Attila. »
Rudy lâcha le bout de papier. Il savait parfaitement qui était Psyko et ne savait pas s'il devait plus se préoccuper du pseudo enlèvement d'Ondine ou s'il devait s'inquiéter qu'elle soit avec ce… ce…
Il secoua la tête, halluciné. Quand est-ce que sa vie était à ce point-là partie en vrille ? Quelques heures auparavant, il lui semblait être heureux, dans une union plus que consommée avec Ondine, il s'apprêtait même à la demander en mariage, à lui demander de délaisser l'arène d'Azuria pour partager avec lui la place de Champion de Tartoufot… Il aurait même été prêt à quitte son île pour, au contraire, aménager dans la maison de sa petite amie, sa presque fiancée, elle aurait dit oui, elle n'aimait plus Sacha, mais lui, lui, lui.
Puis il y avait eu le Mentali Palace.
Se laissant tomber sur le canapé, il passa la main sur son visage, remarquant qu'il allait devoir se raser, futile préoccupation. Il ferma les yeux.
Devait-il se leurrer plus longtemps ? Il s'était toujours douté qu'Ondine ne pourrait jamais réellement oublier Sacha. Après tout, ce mec, ce voleur de petite amie était son premier amour, l'amour de jeunesse, celui qu'on voit toujours avec de grands yeux émerveillés. C'était l'évidence même, mais il n'avait jamais pensé la recevoir de façon si brutale. Ondine avait revu Sacha. Et elle avait occulté tout le reste. Dommage pour Rudy, il faisait partie de ce « reste » absolument insultant, infâmant. Horriblement laid et blessant.
Le regard qu'elle avait posé sur Sacha était un regard nostalgique et plein de tendresse, de trop de tendresse. Comment aurait-il pu passer à côté de cette évidence ? Après trois années sans se voir, Ondine n'avait que son prénom à la bouche. Trois ans que Rudy tolérait de plus en plus difficilement les « Sacha ceci », « Sacha cela ».
Ondine parlait de ce type principalement en rapport avec les Pokémons et d'aussi loin que Rudy puisse s'en souvenir, ça avait toujours été le cas.
Lorsqu'elle donnait des cours de dressage à Marie, elle appuyait toujours ses exemples sur ce raté, et non pas sur sa propre expérience. Quand on écoutait Ondine, il était facile de croire qu'il n'y avait plus que cette étoile montante du dressage qui avait soudainement tout plaqué, connu pour avoir été Génie Extrême à la Tour de Combats avant de renoncer pour repartir parcourir le monde.
Quand elle n'en parlait pas pour illustrer ses leçons, elle le citait dans les récits de ses aventures. Bien entendu que Sacha devait être présent dans les récits de la Championne d'Azuria, puisqu'elle les avait vécues avec lui. Mais pourquoi ne parlait-elle que de lui ? Et Jackie ? Et Pierre ? Étaient-ils des variables négligeables dans la vie de la rousse, comme l'était redevenu Rudy quand ce type avait reparu sans prévenir ?
Ça avait fini par l'agacer, par l'épuiser moralement. Passer en deuxième dans ses pensées, tout le temps, toujours, quel que soit le sujet. Être le remplaçant, la pâle copie. Le « à défaut de ».
Bien entendu, il savait qu'Ondine lui avait été fidèle et qu'elle le serait tout le temps. Jamais elle ne perdrait le contrôle d'elle-même au point de se laisser toucher par quelqu'un d'autre que lui. Il était le premier. Le seul, donc.
Ondine avait longtemps attendu que l'autre réalise la chance qu'il avait. Elle avait attendu en vain, et Rudy avait longtemps pensé que cet amour ne serait jamais réciproque. Il l'avait longtemps espéré.
Puis il y avait eu le Mentali Palace.
Il avait vu le regard que Sacha avait porté à Ondine, ses cheveux courts, ses cuisses, son allure de femme, qui contrebalançait l'allure garçonne qu'elle avait longtemps eue et qu'elle avait encore en journée. Elle était plus à l'aise en pantalon, disait-elle.
Les deux semblaient se perdre dans le regard de l'autre et il avait été éclipsé totalement par ces retrouvailles qui n'auraient jamais, jamais dû avoir lieu. C'était pour ça, surtout, qu'il avait défié Sacha. Pour qu'elle le regarde de nouveau, comme avant.
Rudy savait qu'Ondine adorait la danse, sa danse. Il voulait la subjuguer, la retrouver. Elle lui avait toujours dit qu'il était le meilleur, là-dedans. Seul domaine où il surpassait Sacha.
Puis il y avait eu le Mentali Palace.
Le duel n'était pas équitable. Vraiment pas. Sacha était meilleur que lui, il avait séduit la foule comme lui-même n'avait jamais espéré le faire et il n'aurait même pas eu besoin de sa copine châtain dont Rudy avait oublié le nom pour ça.
En voulant le rendre ridicule, c'était lui-même qui était passé pour un nul. Même aux yeux d'Ondine. Il avait vu le regard admiratif qu'elle avait lancé à ce connard de brun, il avait vu la jalousie la dévorer en le voyant avec cette autre fille. Et, il avait honte de l'avouer, il avait pris du plaisir à la voir souffrir. Qu'elle ressente un peu de ce que lui ressentait chaque jour depuis trois ans.
Il mit sa main dans sa poche et la serra sur l'écrin qui contenait la bague qu'il avait choisie pour elle. Elle avait peu de chance de servir un jour. C'était fini. Il le savait.
Il se leva et fit les cent pas. Devrait-il rester là sans se battre ? Devrait-il laisser Sacha emporter Ondine avec lui après tout ce qu'il avait sacrifié ces trois dernières années ?
Non. Hors de question. Il sourit. Il avait encore une carte en main. La Ligue Souterraine. Ondine les détestait tellement qu'elle ne pourrait pas rester impassible face à l'appartenance de Sacha à ce groupuscule. Certes, ça ne la ferait pas revenir vers lui, mais au moins, ça l'éloignerait de Sacha. Il donnerait tout pour ça, ne pas les voir ensemble. À défaut d'être avec elle. Il sourit ironiquement. Sa vie était donc basée sur cette tournure, n'est-ce pas ?
Les suivre ? Bien sûr, mais par où commencer ? Il ne savait même pas où ils étaient partis. Il ne connaissait rien de cette foutue Ligue qui menaçait Ondine.
C'est vrai. Il y avait ça, aussi. Ondine était vraiment menacée. C'était l'évidence même, sinon, jamais elle ne serait partie sans s'expliquer clairement. Elle n'était pas du genre de ces femmes à tromper et partir sans donner de raison rationnelle. Même un « tout est de ta faute ». Et cette tache de sang sur le tapis…
Il se prit à souhaiter qu'elle appartienne à Sacha, il se prit à souhaiter qu'il crève ! Ou à défaut, qu'il ait très mal, corrigea-t-il en réalisant ce qu'il pensait. Non, il n'était pas au point de souhaiter sa mort. Pas encore, murmurait une petite voix en lui, pas encore…
Il lui fallut encore quelques heures pour faire taire cette petite voix qui lui chuchotait qu'il ne voulait pas la mort de Sacha.
—QU'IL CRÈVE !
—Rudy ?
—Ondine ?
Il se tourna violemment et rencontra le regard de Marie. Déçu, il baissa les yeux, se retenant de fondre en sanglots. Qu'il crève.
—Oh… C'est toi…
—Que se passe-t-il ? Tu t'es disputé avec Ondine ?
Finalement Marie, une jeune adulte de dix-sept ans, regarda le désordre du salon d'un air horrifié. Il y avait eu une lutte. Ses yeux se posèrent sur la tache de sang et elle se précipita sur son frère pour l'examiner sous toutes les coutures. Agacé, il la repoussa.
—Je vais bien, ce sang ne m'appartient pas.
—Alors à qui ?
S'il le savait… Il espérait de toute son âme que Sacha souffrait le martyr, qu'il avait mal, très mal. Qu'il souffre avant de crever, qu'il souffre !
Il haussa les épaules.
—Je ne sais pas. J'étais… inconscient.
Marie le regarda sans comprendre. Il finit par se rasseoir pour lui raconter les événements de la soirée, enjolivant la chose et son comportement. Pour Marie, ce ne sera pas lui qui aura défié Sacha, mais l'inverse. Toujours l'inverse.
Marie lui jeta un regard sceptique mais ne dit rien. Elle était plus inquiète pour Ondine que pour Rudy. Ce moment devait arriver un jour ou l'autre, elle le savait parfaitement. La petite amie de son frère avait toujours placé Sacha sur un piédestal et son regard brillait tellement quand elle parlait de lui qu'il était impossible de ne pas se rendre compte qu'elle l'aimait. Ou plutôt qu'elle aimait l'image qu'elle avait de lui.
Leurs retrouvailles allaient forcément, forcément, se finir sur une période de doute de la part d'Ondine. C'était évident. Sacha était connu, comme dresseur, mine de rien. Le seul champion d'arène extrême à avoir abandonné son poste parce qu'il s'y ennuyait. Ça marque une génération de dresseurs comme elle, il était le modèle de beaucoup de jeunes gens.
Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait entendu un jeune garçon dire : « Je serai le prochain Sacha Ketchum. ». Rudy, tout aussi brillant qu'il soit, n'avait pas une immense notoriété en-dehors de l'île de Tartoufot. Bien entendu, Marie savait pertinemment qu'Ondine ne s'intéressait pas du tout à ça, mais la célébrité de Sacha laissait voir l'homme qu'il était devenu. Et la jeune femme comprenait très bien son aînée. Elle aussi serait tombée amoureuse, si elle avait été de ce bord-là.
Rudy avait toujours été excessif à propos d'Ondine ou de ses amis. Nombre de fois où il avait défié d'honnêtes hommes qui avaient juste demandé leur chemin à Ondine, nombre de fois où Ondine, arrivant à saturation, faisait son sac et rentrait chez elle, sans même achever ses vacances parmi eux. Leur histoire d'amour était bien loin d'être une sinécure, hélas.
Évidemment, elle lui cherchait des excuses, elle aimait son frère. Elle mettait ça sur le compte d'une trop immense fierté, d'un amour trop passionnel, d'un cruel manque de confiance en lui. Mais elle savait, au fond d'elle qu'il était en tort. Ondine avait toujours tout fait pour que ça marche entre eux, préférant subir les critiques de son frère qui s'était mis en tête de régir la vie de la rousse.
Cependant, il n'avait jamais pu contrôler ses pensées, ni même le monde dans lequel elle s'envolait très souvent et Marie aurait voulu être à sa place, pour vivre cette quête dans laquelle elle avait suivi Sacha et Pierre. C'était grâce à ces deux garçons qu'elle-même avait commencé son voyage initiatique pour suivre les traces de ce dresseur un peu fou. Elle les suivait toujours.
Rudy n'avait plus aucune chance. Oui, elle aimait son frère, mais il fallait se rendre à l'évidence. Il n'était pas de taille. Vraiment pas. Autant face à Sacha, Rudy aurait peut-être pu faire face. Mais face à Psyko, c'était sans espoir. Alors les deux réunis…
Marie aimait beaucoup Psyko. Elle l'avait rencontré à son entrée dans la Ligue, il était présent à la cérémonie d'intronisation et elle l'avait tout de suite reconnu. L'inverse n'avait pas été vrai, mais elle avait beaucoup changé depuis leur première rencontre.
S'approchant de son frère, elle le serra dans ses bras pour calmer ses sanglots.
—Pleure pas, frangin, on va la retrouver, notre Ondine, on va la retrouver…
Il ne restait plus qu'à espérer que la Ligue et Aura ne l'aient pas trop abimée, ni trop entaché la pureté de la rousse. Marie aimait Ondine, quand elle était pure et innocente, quand elle ne réalisait pas l'horreur du monde souterrain. C'était cette femme-là, son Ondine.
Rudy aurait bien le temps de pleurer plus tard. Parce que, contrairement à son frère aîné, Marie n'avait pas la bêtise de penser qu'Ondine ne se laisserait pas charmer, même en luttant ardemment, par Psyko. Il avait fait tourner plus d'une tête, la plupart du temps sans même s'en rendre compte, cet imbécile.
—Heureusement que t'es là, Marie. Tu as raison, on va la retrouver. Et je le tuerai de mes mains, s'il le faut.
—Dis pas des choses comme ça. Je suis sûre qu'Ondine n'a aucun sentiment pour Sacha. Tu te fais du mal pour rien.
—T'es gentille, Marie. Mais je sais que c'est faux. De toute façon, quand elle saura pour la Ligue…
—Elle le tuera, chuchota-t-elle, prenant enfin conscience de ce détail et oubliant momentanément qu'elle n'était pas censée connaître la Ligue Souterraine, ni même son lien avec Psyko.
Elle se leva d'un bond.
—Désolée, je dois y aller.
—Déjà ?
—Oui, je passais juste récupérer un ou deux trucs, il faut que je reparte au plus vite.
—Pourquoi ?
—Le chemin est long, jusqu'à la Ligue… Il faut bien que je m'entraîne. Je suis bien loin de ton niveau…
Sur cette phrase emplie de doubles sens que son frère ne pouvait même pas imaginer, elle prit son sac, passa dans sa chambre et Rudy n'entendit qu'une porte claquer. Sa sœur l'agaçait. Elle était monomaniaque. Et ça lui rappelait Sacha. Connard. Un jour, il le tuerait, il en était certain. Qu'importe le moyen qu'il devrait utiliser pour ça. Il le détruirait.
Ses sanglots se muèrent en un rire étrangement incontrôlable.
Oui, un jour, il le briserait de ses mains. Peu importe le temps qui s'écoulerait d'ici à ce qu'il savoure cette victoire et peu importe ce qu'il devrait sacrifier sur sa route, sur l'autel de la vengeance. Ce salopard de dresseur souterrain paierait le prix fort pour tout ce qu'il avait eu à endurer, pour avoir pillé sa vie sans considération pour lui, qui restait à pleurer parmi les gravats fumants.
Et voici ! C'est quand même bien mieux quand je fais un effort !
