La vie d'un paladin n'est pas un long fleuve tranquille, un arbre où l'on peut choisir sa branche, non. La vie d'un paladin est un train, suivant inlassablement les rails qu'on lui demande de suivre, qu'il le veuille ou non. Même si l'on sait qu'un paladin peut suivre la voie qu'il souhaite durant ces aventures, il faut que ce chemin respecte scrupuleusement les règles que l'on lui a établie durant son enfance. La plupart du temps, les règles sont les mêmes pour tous, un paladin ne donnant naissance qu'à un autre paladin. C'est pour cette raison que les paladins ne font aucun vœux de célibat ou tout autre promesse de chasteté ( contrairement aux sorciers, la magie rend stérile à force d'utilisation. ), il est bien trop difficile de trouver des personnes aptes à suivre un mouvement de foi et d'interdiction si l'on ne les forme pas à la naissance. Théo, notre jeune et brillant paladin, fils de paladin et petit fils de paladin, suivra sans rechigner la voie que ses ancêtres. Et comme tout bon paladin qui se respecte, il suivra l'enseignement de la foi de ses mêmes ancêtres. Mais dans un monde où le mot « foi » a autant de sens qu'une tartine pleine de confiture sur le dos d'un troll qui, par le plus grand des hasard, dévale une pente à dos de chien galeux, les dits enseignements n'ont peut-être aucun rapport avec la foi parfaite exprimée par le Dieu de la Lumière en personne. Pour cette raison, Théo Silverberg ne possède donc que la foi que l'on lui donne, une voie d'un paladin, d'un juge, d'un inquisiteur de sa propre foi. Maintenant, laissez moi vous compter l'enfance de notre cher et respecté chevalier de la lumière.
A l'âge de treize ans, Théo vivait déjà dans le monastère des Paladins de Sombresoir. Il suivait les ordres du maître du monastère, Bill Silverberg, son père. Même si ce n'était pas éthique, Théo avait le droit à un certain avantage par rapport aux autres enfants de son âge. Un meilleur logis, une famille présente, un entrainement plus approfondi, un équipement de combat réel de meilleur qualité, tout rendait la vie du jeune homme plus facile et profitable que celle des autres élèves du monastère. Ce n'était donc pas étonnant de savoir qu'il était le champion incontesté des élèves de sa classe. Un garçon bien bâti ce Théo. A son âge, il avait déjà la carrure plus importante que celle de son père. Non pas que son père était une masse de muscle mais il avait déjà une belle corpulence. Un jour banal, il se réveilla, comme chaque matin, enfila son armure et partit en quête d'un entrainement matinal auprès de son père et des autres élèves. Sur le chemin, les élèves de sa classe le saluait, d'autres lançaient des rumeurs infondées dans son dos. Les filles de sa classe l'admiraient, les servantes du monastère lui faisaient de l'oeil avec l'espoir de pouvoir être la première fois de cet homme charmant quand il serait à l'âge de prendre femme, les hommes lui donnaient une bonne tape dans le dos pour l'encourager à rester le meilleur quelque soit la situation. Evidemment, tout ça n'avait plus aucune importance pour lui, tellement d'années s'étaient écoulées sans qu'il n'arrive jamais à comprendre ce que la vraie voie du paladin signifait. Pour lui, rouler des mécaniques, draguer des jeunes filles, tuer quelques rats dans une cave, ça c'était le vrai boulot des paladins. Il arriva devant le ring d'entraînement, voyant sa classe déjà prête à prendre les armes et à se taper joyeusement dessus. Mais soudainement, Bill intervint avant le début des hostilités :
- Je vous préviens, aujourd'hui est un jour spécial. Le meilleur garçon et la meilleure fille de votre groupe aura le droit à une leçon spécial. Combattez bien.
Bien sûr, Théo allait être le meilleur des garçons mais qui était la meilleure des filles, là était la vraie question. Clarissa, la meneuse de troupe spécialiste dans l'art de la fuite ? Amandine et son talent incroyable pour faire tomber son arme à la moindre parade réalisée ? Ou bien Marianne, la nymphomane plutôt douée avec une épée dans les mains ? Elles étaient toutes si mauvaise... En tout cas, c'est ce qu'il pensait. Il en oubliait toujours une, elle savait se faire discrète, elle savait se faire oublier des autres. Théo entra dans son espace de combat. Son adversaire lui faisait face. Hernest, quel nom pourri pensait-il. Il sortit son arme avec dédain et inintéressement. Il observa son adversaire, l'épée brandit, le jambes dynamiques dans une position maladroite et les lunettes de fortune qu'il portait sur le nez lui donnait un air idiot.
- Tu es prêt Silverber ? Tu penses pouvoir gagner l'entraînement spécial mais pas cette fois ! C'est moi qu'il l'aurait, s'exclama-t-il avec son cheveu sur la langue !
- Si tu le dis Hobovist, c'est ton choix.
Théo s'approcha de son adversaire d'une marche lent, le flegme encré dans ses pas. Il arriva près de son adversaire, qui se mit en garde sans hésiter. Théo regarda, amusé, l'hatitude de lâche de ce bon vieux Hernest. Il lui asséna un croche-pied, sa garde infernale le rendant aussi déséquilibré que si il se trouvait sur la pointe d'une montagne. En ouvrant les yeux après sa chute, il ne remarqua que la lame de Théo pointée sur son imposant nez. Théo rengaina son arme, sortant de son ring et alla s'asseoir sur un banc en attendant la fin des autres combats. Au bout d'un petit quart d'heure, le dernier duel se termina. Les élèves s'approchèrent de leur professeur, attendant avec impatience les résultats de l'exercice.
- Bien bien, il est temps que je donne les résultats de l'entraînement d'aujourd'hui. En premier, sans surprise, nous retrouvons Théo. Tu aurais pu donner une chance à ton adversaire mais l'appat du gain est bien trop fort n'est ce pas ?
Théo ne répondit pas à la petite pique de son père, les autres garçons se plaigant qu'il y avait du favoritisme dans l'air. C'était totalement faux, Théo était bien le meilleur, c'est incontestable. Leur professeur cria un admirable «Silence !» avant de réussir à faire taire les complotistes les plus endurcis. Il reprit son classement :
- Maintenant, dans le groupe des filles, je voudrais... Toi, Agnès.
Théo écarquilla les yeux en entendant ce nom. Agnès Sombresoir, la petite fille du créateur de l'ordre de Sombresoir. Pourquoi ne l'avait-il pas eu un déclic en cherchant la meilleure des filles ?! Peut-être, mais ce n'est qu'une simple supposition, peut-être qu'il l'a oublié tout simplement parce qu'il ne l'a jamais aimé. Et pourtant on oublie plus facilement les gens qu'on aime plutôt que ceux que l'on déteste. Mais dans le cas présent, il avait littéralement douté de l'existence même de cette personne. Agnès se détacha du groupe et rejoignit Théo sur le banc. Ils n'échangèrent aucun regard, aucune parole. Le reste des élèves s'en allèrent en pestant, profanant des insultes sur les deux grands vainqueurs de la leçon spécial. Leur professeur vint les chercher pour les mener en dehors du monastère.
La destination était une petite cabane abandonnée près du village voisin. C'est à peine si les deux gagnants se regardèrent. Théo était répugné par cette fille. Ses cheveux noirs lui faisait penser à du charbon sortant des mines de gnomes. Sa peau ressemblant à l'éclat d'une perle n'était que celle d'un vampire dans son esprit. Même les formes éminements généreuse de la jeune fille lui donnait des envies de vomir. Pourtant ce n'était pas un mauvais partie. Courtisée par la moitié de sa classe, dont même par certaines filles, elle rejète chaque proposition sans aucun état d'âme ni délicatesse. Une fille difficile à satisfaire en somme. Le père de Théo décida de briser le silence pesant qu'il s'était fait une place de choix.
- Alors les enfants vous êtes contents de votre gain ?
- Absolument ravi, répondit Théo.
- Sans aucun doute monsieur Silverberg, répondit Agnès.
- Bien bien... Je ne suis pas peu fier que tu ais gagné cette récompense mon fils... Mais j'aurais quand même aimé que tu ne la gagnes pas... Pour une fois...
- Je peux savoir pourquoi, s'intérroga Théo, soudainement insulté par la remarque désobligeant de son père ?
- Tu comprendras bien assez vite, j'en ai déjà trop dit.
Le chemin se termina dans une ambiance plutôt sinistre. Bill semblait assez tendu. Quant aux deux élèves, ils avaient des dizaines de questions à poser dont ils n'en firent rien du tout. Ils firent par arriver devant la cabane. Bill ouvrit la porte, laissant passer ses deux élèves devant. La cabane était délabrée, les rats grouillaient, tout avait presque brûlé, le toit n'existait presque plus et une seule respiration trop forte suffisait à faire tomber un à un chaque mur. Après être entré, il ferma la porte. Il s'avança en direction du fond de la pièce où une grande armoire restait encore debout. Elle n'avait pas l'air d'avoir brûlé, elle ne doit pas être d'origine. Bill se placa devant l'amoire et se prépara à l'ouvrir. Il arrêta son geste brusquement pui se retourna pour parler à ses élèves.
- Si je vous ai amené ici, c'est pour une raison particulière. Ce n'est pas une leçon que je vais vous apprendre, c'est un test que je vais vous faire passer. Il est important que vous compreniez une chose dans ce monde. La... La vie est la chose la moins importante. Vous n'êtes pas dans un récit d'aventure, si vous mourrez, le monde ne s'arrêtera pas de tourner. C'est pour cette raison qu'il est indispensable de comprendre que tuer n'est pas un acte indigne d'un paladin. Si les raisons de votre acte sont raisonnable, tout principe d'humanisme ne s'applique plus. Je veux que vous compreniez ce que je veux dire donc...
Il se retourna et ouvrit l'armoire. Deux personnes attachées tombèrent. Leur bouche était muselée. Ils s'essayèrent de bouger mais n'arrivèrent qu'à rester à genoux devant Théo et Agnès. Ils regardèrent tout deux ce spectacle horrifiant, paniquèrent à la vue du mal que l'on faisait à ces personnes.
- Calmez vous... Il faut que vous restiez calme.
Les paroles de Bill ne servit qu'à ne les apaisez que très peu. Ils restèrent tout de même dans un état de choc certain. Il soupira un instant avant de donner ses premières instructions.
- Agnès, je veux que tu te places devant l'homme à droite, Théo tu te placera devant la jeune fille.
Ils s'éxecutèrent sans vraiment se tarder, de peur de subir le même sort qu'eux. Agnès regarda l'homme, ces yeux pleins de pitié la rendit soudainement très fragile.
- Bien bien... Agnès, cet homme est un criminel recherché dans tout le comté. Il est accusé d'avoir tué plus d'une dizaine de personnes, d'avoir pillé des villages entier et il est suspecté d'avoir mit en œuvre l'assassinat du seigneur local. Cet homme doit mourir.
- Mais monsieur... Il...
- Songe au mal qu'il a fait, tu dois le juger, le tuer, le purifier.
Agnès regarda encore une fois l'homme. Il lui fit signe de ne pas le tuer, il ne voulait pas mourir comme ça. Elle attrapa le manche de son épée et la dégaina. Elle regarda encore une fois l'homme, une lueur d'espoir persistait à exister dans la peur de ses yeux. Un instant plus tard, une tête roula sur le sol jusqu'à un coin de la pièce. Agnès fondit en larme, tombant à genoux devant le cadavre de sa victime. Théo fut horrifié par ce qu'elle venait de faire mais... Il sait que le sort de la jeune fille est le même que celui du criminel.
- Tu as bien réussi Agnès, je suis fier de toi. Ne t'en fais pas, la mort s'oublie très vite. Théo, c'est à présent à toi de faire tes preuves. La jeune fille que tu as devant toi n'est pas une criminel, bien au contraire. Elle est plus que pure, serviable et aimante. Le seul problème est réside dans son bras. Un chien enragé l'a mordu avant de se faire abattre. La maladie devrait bientôt se réveiller, causant une folie à la jeune fille ainsi que des douleurs inimaginables. Je veut que tu la sauves, et tu n'as qu'une seule possibilité pour ça. Le travail d'un paladin n'est pas seulement d'être taillé pour purifier les monstres et autres bandits. Il est aussi question d'abréger les souffrances de quelqu'un sur le point de subir un sort pire que la mort. Seul une lame divine peut apaiser l'âme d'un malade tourmenté.
Théo regarda la jeune fille. Un filet de mousse commença par sortir de sa bouche attachée. Elle commença à avoir des spasmes de douleur dans tout le corps. Elle regarda le paladin d'un regard plein de pitié. Mais ce n'est pas la même pitié que celle d'un meurtrier qui ne souhaite pas mourir. Cette fois, elle souhaite mourir mais Théo est bien trop lent. Il comprit trop tard le message, la jeune fille se pliant de douleur, les yeux révulsés et les des cris arrivèrent à outre passer le torchon qui la faisait se taire. Il prit alors son épée et planta la lame dans le ventre de la jeune fille. Le sang coulait sur la main du paladin, il sentit peu à peu la vie sortir du corps de la jeune fille. Il lâcha son arme sur le sol, tombant lui aussi au sol, le regard pointé vers le parquet. Tuer. C'était la première fois qu'il le faisait, tuer. Des rats ou de simples lutins enragés, ce n'était rien mais un véritable humain, un humain innocent, c'était trop. Des larmes coulèrent de son visage, il voulait les retenir mais il avait bien trop souffert en si peu de temps que quelques larmes coulèrent. Il se sentait seul, seul au milieu d'un monde froid. Mais d'un seul coup, il sentit une chaleur l'envahir. Il leva les yeux un instant et aperçut Agnès, les bras autour de sa taille, la tête posée sur son épaule. Elle lui chuchota à l'oreille «Lâche toi...». Il laissa sortir sa rage, hurlant de toute sa force. Les larmes laissèrent place à un cri de peur et de rage. Lorsque la colère nous quitte, le désespoir prend sa place. Il pleura toute les larmes accumulées depuis tout ce temps, ne laissant plus aucune goutte dans ses yeux. Bill s'approcha d'eux.
- Vous avez réussi là où la plupart échoue. Vous comprendrez bientôt le sens de ma leçon. Dès demain, vous serez enrôlé dans l'Inquisition. J'espère que vous deviendrez de vrais serviteurs de la Justice de notre Dieu de Lumière.
