Avec au moins déjà trois fanfictions en cours, était-ce vraiment une bonne idée de m'engager sur une quatrième ? Non, évidemment que non. Mais je n'ai pas pu résister, en sortant complètement traumatisée de la séance éprouvante qu'a été Infinity War, de m'en retourner à un vieux projet. C'est la troisième fois que je tente d'écrire un TonyxOC, alors espérons que cette fois-ci sera la bonne.
Par contre, cette OC-ci est travaillée. Elle a une mentalité complexe, n'est pas surpuissante mais possède cependant ses points forts aux côtés des Avengers, alors, s'il vous plaît, ne venez pas immédiatement me dire que c'est une Mary Sue dès ce prologue. Attendez un peu avant d'en juger, car c'est un personnage que je chéris et qui est plutôt lent à mettre en place.
Mais sinon, n'hésitez pas à commenter - c'est ma plus grande joie que de recevoir des reviews.
Stargazing
Prologue
.
.
.
" Si Cendrillon avait eu une horloge dans le coeur, elle aurait bloqué le temps à minuit moins une et se serait éclatée au bal toute sa vie."
- Mathias Malzieu
Shutter Island x Jessie Reyez
10 AM Gare du Nord x Keaton Henson
.
.
.
2008, New York.
La gorge déchirée de sanglots insoutenables, Raven Amick tenta une fois encore, à l'aide de ses mains parcourues par des spasmes de plus en plus violents au fil des minutes qui s'écoulaient, de soulever le bloc de pierre qui écrasait sa jambe droite. En vain.
Après maints essais infructueux, l'arrière de sa nuque s'en retourna se renverser contre les débris où elle était désormais piégée depuis au moins vingt minutes. Peut-être, avec de la chance, était-ce une estimation temporelle exacte, mais, après s'être évanouie et avoir repris conscience trois fois à la chaîne, elle n'en était pas si sûre. Et l'inconscience menaçait de l'emporter à nouveau, alors que des nuées noires commençaient à tomber devant ses yeux rougis par l'atroce souffrance qui dévorait son corps, l'enserrer. Combien de temps vais-je encore tenir ? Comment de temps vais-je encore devoir pleurer et supplier pour un peu d'aide, avant qu'on ne vienne me secourir ? Vais-je mourir ici, seule ?
Raven venait de fêter ses dix-huit ans en ce mois de février, et refusait de s'éteindre si jeune. Et jamais elle ne se serait imaginée perdre la vie d'une façon si brutale, alors qu'ils visionnaient en classe un documentaire sur les exploits Captain America durant la guerre, que la plupart dormaient, tête dans les bras, et qu'elle mâchonnait son bic tout en écoutant distraitement Nina lui expliquer ce qu'était la position n°55 du Kamasutra, et que le sol s'était ébranlé, et que, moins de dix secondes plus tard, avant qu'ils n'aient eu le temps d'évacuer l'étage, de l'effroi plein le coeur, l'immeuble scolaire tout entier s'écroulait sur eux. Elle se souvenait peu clairement de sa chute, juste des doigts de Nina glissant loin des siens, d'une sensation glacée étreignant son corps, et de l'impact.
Bam.
C'était en soit un miracle qu'elle ait survécue de la sorte. Mais qu'en étaient-ils des autres, du prof d'histoire en train de râler ouvertement à propos des devoirs qu'il corrigeait à l'encre rouge, du mec assis derrière elle qui bavait dans son sommeil, des jumelles, de Nina ? Surtout de Nina. Etaient-ils réduits en dépouilles sinistres, écrasés sous des colonnes de pierre, ou bien vivants et dans l'exacte même situation qu'elle ? Au fond, elle préférait ne même pas y penser à l'heure qu'il était.
Mais le temps s'écoulait, seconde après seconde, et l'indignation se fit croissante en elle.
Sérieusement, je vais mourir ici ? Parce que si c'était le cas, qu'en serait-il de ses grands rêves de petite fille, quant à obtenir son diplôme dès le terme du lycée, fière dans l'uniforme rouge traditionnel, avec ses parents qui lui tireraient les joues et ébourifferaient sa chevelure brune, faire de grandes études et devenir la nouvelle JK. Rowling d'ici la prochaine décennie ? De son talent pour l'écriture vanté par tous, anéanti par cette mort absurde ? Elle ne pourrait plus jamais, jamais gratter les oreilles de Mika, leur chat, s'étirer sur son balcon, bras au vent de New York, dès le petit matin, mâchonner des chewing-gum à la fraise, faire de la balançoire, soulever le petit Jonathan dans ses bras et écraser des bisous collants sur ses rondeurs faciales, faire du scooter, taper des pages et des pages sur son petit PC recouvert d'auto-collants, courir après le bus, se ronger les ongles, souffler dans sa paille, regarder les bulles de son verre de coca light s'élever vers la surface, infinies, masser les épaules de Nina, revisionner encore Le Château dans le Ciel, shooter dans un ballon, pester après le perroquet du voisin, manger des amandes, rire, s'époumoner sur un air de Kanye West en prenant sa douche, assurer à ses parents qu'elle les aimait, remonter ses couvertures sur son menton en s'endormant, vivre.
Tout simplement vivre, et elle était terrorisée à l'idée de s'en aller. Elle ne voulait pas qu'après sa mort, son père s'enferme dans son bureau et s'y consume, que sa mère éclate en sanglots et ne retrouve plus jamais sa joie de vivre, que Jonathan soit traumatisé à vie par l'absence violente de sa sœur alors qu'il n'avait que sept ans…
Je suis toute petite dans ce monde trop grand, si insignifiante, mais sauvez-moi malgré tout. Faîtes-le, je vous en prie…
Et ce fut comme si Dieu en personne avait entendu ses supplications.
A moins de deux mètres au-dessus d'elle, une voix étouffée parvint sans peine à ses oreilles sifflantes. « Est-ce qu'il y a quelqu'un, là-dessous ? »
Un soulagement euphorique envahit Raven qui, avec le désespoir d'un naufragé cherchant à rejoindre les côtes, hurla de toutes ses forces, ignorant la cassure dans sa voix épuisée : « Je suis ici, aidez-moi ! s'il vous plaît, aidez-moi ! »
Alors, sa prison de pierre s'ouvrit. Deux mains en métal rouge trouèrent le dôme qui la recouvrait, à seulement une cinquantaine de centimètres au-dessus de la tête de l'adolescente, et de minuscules caillasses plurent sur elle, malgré ses bras relevés pour protéger son visage. Lorsqu'elle les abaissa, encore éblouie par la lumière du-dehors la noyant toute entière après de longs instants de solitude passés dans l'obscurité, son sauveur soulevait entre ses bras puissants ce rocher-ci, la révélant au plein jour. Et lorsque Raven eut complètement accommodée sa vision aux rayons pâles d'un soleil planant au-dessus d'eux, elle put ouvrir de grands yeux stupéfaits en constatant qu'Ironman en personne était venu la sortir de ce pétrin.
« Oh mon dieu, vous êtes Tony Stark ! » parvint-elle à s'exclamer entre deux sanglots hystériques. Parce qu'elle avait mal, vraiment trop mal, et qu'il était temps qu'on la délivre de cette souffrance des plus terribles, mais que c'était improbable, voire merveilleux, si l'on fermait les yeux sur la situation actuelle, que de rencontrer le héros de son petit frère.
Attends un peu que je lui raconte ça, ce sale môme ne me lâchera plus d'une semelle pour le restant de mes jours.
La réaction quelque peu inappropriée de la lycéenne, pourtant en larmes et une jambe charcutée sous un caillou particulièrement imposant, eut le mérite de tirer un rire surpris au millionnaire en armure.
« Oh, une fan. Eh bien, ravi de faire ta connaissance au milieu de ce pandémonium. » Le son infernal des ambulances en arrière-fond lui rappela cependant que ce n'était pas vraiment le moment de jouer aux autographes. Autour d'eux tourbillonnait une tempête de sirènes, de hurlements inhumains, de cliquetis d'appareils photos – ça y était, les journalistes avaient accouru et étaient dans le coup. « Tu peux me dire ton petit nom, miss ? »
« Raven. » parvint à articuler la gamine. « Et je ne suis pas votre fan… »
Ironman passa une jambe puis l'autre dans la crevasse où elle était piégée. « Quel dommage, je suppose que tu ne sais pas ce que tu manques. Sur une échelle de 10, à quelle note environ classerais-tu ta douleur ? »
« 8. » Il avisa longuement le visage jeune et déchiré, les mèches brunes trempées de sueur qui collaient son front, et le regard empli de confiance qu'elle lui lança. La blessure était sale, la gamine vraiment jeune, et il risquait de lui faire vivre le pire moment de toute son existence, encore bien pire que ces dernières minutes qu'elle avait vécues ensevelie. « Vous allez me sauver, n'est-ce pas Mr. Stark ? »
Sous son masque, Tony inspira profondément.
« Ça, c'est plutôt dans mes cordes. Alors voyons voir ça. »
Comme il réfléchissait à quelque moyen moins atroce de délivrer la jeune fille, celle-ci lâcha dans un souffle irréfléchi : « Mon petit frère l'est. »
« Quoi donc ? »
« Votre… votre plus grand fan. Sa chambre est rouge, littéralement – avec des posters de la Stark Expo, des figurines en plastique de vos armures, des dessins partout. »
« Ma foi, mais ce garnement me paraît être un petit tout à fait recommandable. Je tâcherais de me souvenir de lui faire envoyer un bouquet de fleurs avec une déclaration d'amour d'ici la semaine prochaine. » plaisanta Tony.
« Avec un bout de vêtement à vous. Là, il ne s'en remettra pas, c'est chose certaine, et en fera sa relique du saint des saints. Son nom, c'est Jonathan Amick. »
Quand bien même elle n'était pas tirée d'affaire, mieux fallait profiter encore quelques instants de la présence inespérée de Tony Stark. La fièvre ôtait toute timidité chez elle, et les mots s'échappaient de sa bouche sans qu'elle ne songe le moins du monde à les taire. Et puis cela paraissait amuser grandement l'homme en armure, tandis qu'il faisait tourner ses méninges. « D'autres requêtes, Raven ? »
« Oui. Il y a Nina. Ma meilleure amie. Et elle est amoureuse de vous… » Une grande inquiétude traversa alors son regard. « J'ignore si elle est en vie, mais… j'aimerais voir la tronche qu'elle tirera en vous voyant pour la première fois. »
« Même si je ne suis pas franchement certain de vouloir flirter en de telles occasions, on la retrouvera. »
« M-Merci. »
« Je vais devoir délivrer ta jambe et… navré de te l'annoncer, mais ça ne risque pas d'être plus agréable que ça. »
« C'est-à-dire, soulever ce truc ? Mais il est énorme ! » Les lèvres de Raven se mirent à trembler, et sa voix se fit plus un poil plus aiguë. « Et sans la moindre assistance médicale ? »
« Je suis la seule assistance médicale dont j'ai besoin, crois-moi. » déclara Tony avec arrogance, ses poings de métal encadrant le rocher. « Je vais faire mon possible pour que ce soit le moins douloureux possible, ok ? Prête ? »
Enfonçant ses ongles dans la chair de ses paumes, Raven clôt les paupières et lâcha dans une expiration résignée : « Prête. »
Et, presque aussitôt, les griffes de la souffrance à l'état pure vinrent lui arracher plus d'un hurlement strident, et elle ne put s'empêcher de tourner une quatrième fois de l'oeil.
Lorsqu'elle reprit connaissance, battant péniblement des paupières, une main enserrait la sienne. C'était celle de sa mère. Il fallut encore quelques longues secondes à Raven avant de comprendre qu'elle se trouvait étendue dans un lit d'hôpital, des tubes plein les bras, et que son père ronflait doucement, affalé dans un fauteuil sur sa gauche. Jonathan dormait lui aussi sur ses genoux.
Des mots épars transperçaient sa tête comme des flèches.
Est-ce que je me dois de réveiller immédiatement Garett et Jonathan ? C'était la voix de sa mère qui résonnait dans sa tête, et elle fronça des sourcils, expliquant ce phénomène par des maux crâniens accompagnant son réveil. Ils se sont tant inquiétés à propos d'elle. Mais je me dois d'y aller en douceur, ne pas l'affoler… comme le docteur l'a dit, les réactions de ce genre de personne peuvent être imprévisibles. Et dangereuses.
« Pourquoi est-ce que je m'affolerais ? » croassa péniblement Raven, plantant des yeux pâles dans ceux de sa génitrice, qui tressaillit.
« Ma chérie, tu ne te souviens pas de ce qui s'est passé ? Tu as dormi trois jours. »
« Si. » Des flashs douloureux abondèrent dans son esprit encore désorienté. Le film sur Captain America. Nina qui chuchote des conneries au creux de son oreille. Le bâtiment qui tremble, qui s'effondre. La chute. La douleur. L'attente de la mort. Et les bras en métal d'Ironman, sa voix mécanique, plutôt chaude et rassurante derrière le masque. « J'ai rencontré Tony Stark, Maman. Je l'ai fait rire. »
Sa mère eut un sourire attendri, malgré la profonde fatigue qui tirait ses traits. Mais ce qui jaillit ensuite d'entre les lèvres de sa fille la fit se raidir.
« Qu'est-ce qui est arrivé à Nina ? »
Elle est morte. Décédée de sa chute presque instantanément, sans avoir eu vraiment le temps de souffrir selon les diagnostics. Comment… comment vais-je m'y prendre pour lui annoncer la mort de sa meilleure amie ? Ma petite puce, infirme à vie…
« Raven, je… »
Sans se préoccuper le moins du monde d'être apparemment en capacité de percevoir les pensées de quelqu'un d'autre, l'adolescente s'étrangla de douleur. « Elle est morte ? »
« Je suis désolée, ma chérie. De tout mon coeur. »
Oh mon dieu, il ne faut pas qu'elle se regarde dans la glace. Pas tout de suite du moins, sinon quoi la suite serait rude…
Plaquant une main contre sa bouche, Raven se redressa brusquement et des pleurs lui grimpèrent à la gorge, tandis que sa mère cherchait à la convaincre de s'allonger à nouveau, mais elle ne pouvait pas, elle explosait littéralement de l'intérieur. Cela eut le mérite de réveiller en sursaut son père, puis Jonathan, lesquels accoururent à son chevet.
« Ma chérie, tu ne devrais pas… » commença son père en enveloppant une main tendre autour de son poignet.
Et, pleurant convulsivement, elle articula d'une voix hachée : « Qu'est-ce que vous voulez tant me cacher ? Qu'est-ce qui, chez moi, a tant changé et serait si difficile à digérer ? Hein ? »
« Ce n'est pas… » Sa mère prit une immense inspiration. « Nous t'aimerons toujours pour ce que tu es en ton fond intérieur, ma puce. »
« Alors laissez-moi voir. »
Est-ce que nous devrions… ? Mais de toute façon, elle le découvrira tôt ou tard, et la poigne de ses parents s'effaça.
Alors ses yeux purent librement se porter vers le miroir positionné en face de son lit, et, une boule dans la gorge, avec l'impression qu'elle ne se relèverait jamais des épreuves l'ayant amené dans ce lit d'hôpital. Au fond d'elle-même, elle savait – et les pensées maladivement précises de sa mère l'en avaient définitivement convaincue – que son corps ne serait plus jamais le même suite à cette chute qui aurait pu lui être mortelle. La raideur anormale de sa jambe, sous la couverture, laissait entendre qu'elle marcherait certainement pour le restant de ses jours en béquilles, voire clouée dans un fauteuil roulant tel le Professeur Xavier.
Lui aussi savait écouter les pensées. Est-ce que cela signifiait qu'elle… qu'elle était devenue comme lui ?
Tentant de percevoir son reflet, sa vision fut d'abord floue avant de se faire davantage précise. Alors, elle s'y vit et demeura quelques minutes bouche-bée, ignorant s'il fallait en rire ou bien en pleurer, parce que c'était putain d'inattendu dans le paysage.
Pas dramatique en soit.
Mais perturbant et assurément définitif.
« Moi, je trouve ça trop cool ! » ne put s'empêcher de pépier Jonathan, s'attirant aussitôt les regards pleins de reproche de ses parents.
Définitivement, Raven ignorait comment réagir. Hébétée, elle tenta de comprendre, même seulement envisager que sa chevelure châtain s'était complètement décolorée, des racines aux pointes, absolument toute sa chevelure, en moins de trois jours. Parce que les mèches qu'elle laissait glisser entre ses doigts étaient blanches. Putain de blanches.
« Je suis… »
Une mutante. Ça, c'était son père qui avait pensé trop fort.
Puis, soudainement, il n'y eut plus uniquement les pensées reconnaissables de ses parents et de Jonathan pour venir danser dans son esprit, mais également des dizaines, des centaines d'autres. Tel un brouhaha atroce.
Il faut faire quelque chose ou ce petit gamin va me crever dans les bras !
Sauvez-le !
J'aime les bonbons.
Sartre défend l'existentialisme dans son dernier ouvrage, et je commence tout compte fait à me sentir moi-même existentialiste dans l'âme.
S'ils laissent mourir mon petit garçon, je…
Je l'aime.
ATTENTION !
Pourquoi il me regarde comme ça, lui ?
Je vais – je vais mourir ?
Attendre la pause café, atteeendre la pause café…
Oh mon dieu, ça quoi ça aux infos ? Un lycée qui s'est effondré après un attentat des Mutants de Magneto. C'est vraiment terrible, ces types n'ont plus la moindre limite.
Mine de rien, ce jean lui va à merveille.
Et ça continuait, encore et encore. Un hôpital entier résonnant entre les murs fragiles de sa conscience, et, complètement assourdie par ce brouhaha, elle secoua la tête et plaqua ses deux mains contre ses oreilles. Mais rien à faire, les voix ne s'éteignaient pas.
Et elles demeureraient, hagardes, errantes, inconscientes d'être entendues, dans l'esprit de Raven, devenue spectatrice de la plus grande intimité de parfaits inconnus.
Je veux qu'il me fasse l'amour. Dans son uniforme.
En vrai, qu'en j'y pense, Captain America était plutôt un beau morceau pour son époque. Plutôt dommage qu'il ait fini de cette façon…
Je – et la mort.
Alors elle hurla à s'en briser les cordes vocales.
.
.
.
Quatre années plus tard.
Professionnel comme toujours, Nick Fury émergea de la Mercedes-benz l'ayant mené en plein Chelsea vers 14h, et plongea les poings au fond des poches de son long manteau en cuir. Les quelques passants jetaient des oeillades curieuses vers son look de pirate de science-fiction, bottes de combat et cache-oeil inclus, mais passaient rapidement leur chemin face à l'expression peu aimable du directeur du SHIELD. Ses pas souples le conduisirent au pied d'un immeuble rouge brique, et il lui fallut quatre secondes chrono pour trouver le nom recherché et enfoncer son doigt dans la sonnette à côté de l'étiquette.
Une voix ne tarda à grésiller dans l'interphone : « Bonjour, vous êtes – ? »
« Un visiteur. » grommela en retour Fury.
Il y eut un bref silence, suivi d'un ricanement agacé. « Mais encore ? »
« Mettez-vous à votre balcon, petite, et je suis certain que vous en saurez plus sur moi, ma taille de chaussures, les noms et dates de naissance de mes parents, ou bien les raisons pour lesquelles j'ai quitté ma première copine, que je ne serais vous en dire dans le même laps de temps. Ça m'évitera d'avoir à gaspiller ma salive pour de telles futilités. »
« Attendez, comment vous êtes au cou… ?! » A l'autre bout de l'interphone, il l'imagina fermer les yeux, se pincer à deux doigts le nez et prendre une profonde inspiration. « Ok. Très bien. »
Fury eut un micro-sourire, conscient d'avoir remporté la première joute. Moins d'une minute plus tard, l'une des fenêtres longeant au plus près la rue fut grande ouverte, et une femme – non, plutôt une fille – aux cheveux décolorés se pencha par-dessus, un petit sourire intrigué aux lèvres. Alors qu'il avançait vers elle, de sa démarche lente et assurée, il fut presque mal à l'aise de sentir le poids de ses yeux bleus sur son visage, alors qu'elle plongeait dans les gouffres de son esprit. La situation qu'on fouillait son cerveau n'était pas dérangeante en soi, car il ne s'agissait que d'un mince courant d'air filant à travers ses pensées, ses souvenirs, ses fantasmes, son inconscient, et auquel rien n'échappait.
S'arrêtant à sa hauteur, il en profita pour examiner Raven Amick. Elle était jeune, vraiment jeune pour qu'ils aient eu l'idée peu morale de l'aborder, mais le regard qu'elle portait sur lui en donnait davantage, comme si elle avait davantage vu et vécu qu'il en était de la plupart des new-yorkaises ayant vingt-deux ans. Mais, après tout, la vie des mutants n'était jamais aisée nulle part. Discriminés, parfois traqués, injuriés, maltraités par une population que la peur de vivre aux côtés d'êtres si imprévisibles et puissants rendait intolérante, voire sanglante. Pour le reste, elle portait des vêtements des plus banals, un vieux sweat à l'effigie de Picsou, et un jean à trous, et s'appuyait sur une canne, conséquence du bloc ayant écrasé sa jambe le jour de l'effondrement de son lycée quatre années auparavant.
« Votre nom complet est Nicholas Fury, mais vous préférez qu'on vous appelle Nick. » commença-t-elle, prête à frimer un peu.
« Facile. » asséna-t-il. « Ma tête est emplie de secrets plus… intéressants. »
« J'y viens. Commençons par les petites choses : votre taille de chaussures est 42. Vous avez cinquante-neuf ans. Vos parents s'appelaient Jack et Katherine Fury, l'un décédé d'une tumeur au cerveau, et l'autre dans un accident de voiture. Vous aviez un frère, Jacob, et une sœur Dawn, morts également. Votre couleur favorite est le noir, mais ça n'est pas si difficile à deviner. Vous avez perdu votre œil en combattant une mutante nommée Psylocke. Vous êtes directeur du SHIELD, et une femme dénommée Maria Hill, trente ans, vous seconde. Elle a rejoint le SHIELD à cause des attentes de son père, qui voulait la voir occuper un grade élevé dans l'armée. Oh, tiens, et elle a même eu une histoire avec un agent – Brock Rumlow –, qui a eu des problèmes de comportement auprès de Phil Coulson. »
Elle tira une chaise vers elle et s'y affala tout en laissant sa canne s'écrouler à ses pieds.
« Et ce Phil Coulson – il collectionne des cartes de Captain America et ferait tout, n'importe quoi, au nom de l'Amérique. Vous l'avez en affection mais vous essayez de faire croire à votre entourage que vous n'appréciez personne. Vous avez peur parce que – parce que votre base a été attaqué par…Par un Asgardien ? Loki, c'est ça ? Et il s'apprête à envahir la Terre, super programme, vraiment. »
« Il a déjà assassiné un nombre conséquent d'êtres humains la veille. »
« Et, comme je le lis dans votre esprit, vous aviez abandonné un projet. Le Projet Iniative des Avengers, je ne me trompe pas ? »
Fury porta un regard davantage respectueux sur la gamine lui faisant face. Le taux d'informations qu'elle était parvenue à soutirer au cerveau du directeur en une dizaine de secondes était très impressionnant. Combien de dégâts pouvait causer un pouvoir pareil, qui mémorisait les failles et les erreurs des uns pour manipuler les autres à son avantage ?
C'étaient l'une des raisons pour lesquelles il s'était, en premier lieu, opposé à ce qu'on ajoute celle qu'on surnommait Bleach au reste de l'équipe Avengers. Située dans l'un des recueils d'informations les plus importants de la planète, elle aurait accès à des données, des secrets d'état, des manipulations au plus haut degré qui la rendraient d'autant plus dangereuse. Mais, avec les jours, sa présence parmi ce mélange explosif de super-héros s'était avérée plus que nécessaire.
« Vous n'étiez pas prévue à la base dans ce projet, à cause de votre infirmité et des risques qu'un combat face à un adversaire de cette taille pourrait figurer pour votre santé, mais on a choisi de vous intégrer quand bien même parmi les Avengers au vu de vos autres capacités. »
« Oh. Je vois. »
Formant ces mots, elle perçut à 100% de qu'on attendait en réalité d'elle. Si ce n'était que sa capacité à lire les pensées, et donc percevoir les plus grandes faiblesses de l'ennemi en un instant, ils n'auraient en rien eu besoin de ses services. Des superhéros surpuissants tels Ironman et Captain America la surclassaient en matière de combat, et elle ne servirait qu'à leur être un poids, une personne de plus à protéger, secourir, et ce rôle-là elle n'en voulait point.
Ce qui intéressait davantage le SHIELD était la capacité que Raven s'était découverte quant à contrôler un autre cerveau. En dominer les expressions de visage, les paroles, les mouvements, tel un marionnettiste qui agite ses fils. Elle possédait les gens. Bien qu'elle n'appréciait pas vraiment jouer avec l'esprit des êtres humains d'une façon aussi perverse, c'était là sa plus grande force. Et, dans l'esprit de Fury, c'était simple, clair, mathématique. Elle, Raven Amick, devait apprendre à soumettre la masse cérébrale imprévisible qu'était Hulk, l'alter-ego de Bruce Banner, l'un des Avengers concernés, et en faire une arme de guerre parfaitement contrôlée.
En cela, on ne pouvait se passer d'elle.
« Nous avons besoin de vous, Bleach. » déclara Fury, plongeant son œil dans les yeux pâles de la morveuse. « Et vous savez au nom de quelles motivations, à présent. »
Elle se racla la gorge, avant d'émettre d'une voix prudente :
« Ce… Bruce Banner. Il sera d'accord pour que je joue de la sorte avec son cerveau ? »
« Au nom de la survie d'innocents et de notre victoire, il se montrera certainement compréhensif. Sans vous à bord, je pense qu'il ne mettrait pas un seul pied sur mon Héliporteur. »
Des étoiles envahirent les yeux de Raven, qui poussa une exclamation ravie :
« On sera sur un Héliporteur ? J'y crois pas ! Du coup, je vais aller faire ma valise rapidement… »
« Ce ne sera pas nécessaire. » la coupa le directeur.
« Mais – »
« Tout est déjà prévu à bord. Vous aurez une chambre personnelle, des vêtements de rechange et même des cannes davantage… appropriées, que la vôtre. »
« Très bien. » soupira la jeune fille, vaincue. « Mais je vais quand même embarquer ma dissertation au cas où j'aurais un peu de temps… parce que, croyez-moi, mieux vaut ne pas tenter l'excuse j'ai sauvé le monde ce wee-kend. »
« On se dépêche. » grogna Fury, sentant les prémices d'une migraine alors qu'elle ne cessait de babiller tout en enfilant un manteau, nouait ses cheveux pâles en un chignon bordélique.
Bientôt, ils se retrouvèrent côte à côte dans sa voiture, et il ne put s'empêcher de se tourner vers Raven, un rictus aux lèvres, pour lui déclarer d'un ton des plus solennels :
« Bienvenue parmi les Avengers, Bleach. »
