Hey hey heeey !

De retour sur le fandom Ososan après? 2 ans? L'épisode 24 m'a tellement pris au tripes qu'il fallait que j'extériorise ! Sérieusement, Osomatsu était trop relatable? Je l'aime.

Bonne lecture !

ps: le titre vient d'une chanson que j'écoutais en écrivant ça, Nobody de 6obby.

cover image : .com


Anxiety just aint no good for me

C'était une nuit comme les autres. À une heure passée du matin, au sortir du restaurant dans lequel il travaillait depuis plusieurs semaines maintenant. Osomatsu venait de finir son service, et avait aidé à la fermeture. La soirée avait été longue et éprouvante, il se sentait vraiment fatigué. Un de ses collègues était tombé malade, et on lui avait demandé de le remplacer. Aussi improbable que cela ait pu sembler, il avait accepté, un peu ému qu'on lui demande, parce que si on lui demandait à lui, c'était qu'il faisait du bon travail, n'est-ce pas ? Il s'était senti un peu fier.

Juste quelques mois en arrière, ce sentiment lui était encore totalement inconnu. Celui de la reconnaissance professionnelle. Et en saluant son chef avant de s'engouffrer dans la rue pour rentrer, il ressentit comme un petit pincement au coeur. Ça lui faisait tout drôle de se dire qu'il pouvait se sentir fier d'être reconnu pour son travail ; d'être reconnu pour son travail tout court, même. Juste de travailler.

Même si, en commençant à travailler, il avait fini par tomber dans une routine assez rapidement, et presque sans s'en rendre compte, cela lui arrivait de reprendre conscience un peu plus clairement de sa situation actuelle; de son statut de membre actif de la communauté. Lors de ses longues marches pour rentrer chez lui, après un service, il y pensait parfois. Il avait le temps d'y penser.

Selon son état d'esprit du moment, il y pensait différemment.

Parfois, s'il était de bonne humeur, il se disait que finalement, travailler n'était pas si mal. Parfois il songeait que c'était un peu grisant d'avoir des responsabilités, de se rendre utile. Il aimait lorsqu'on le félicitait pour son travail. Il aimait gagner de l'argent (il en avait bien plus que ce que leurs parents leur donnaient, à lui et ses frères). Et puis il y avait souvent des groupes de filles mignonnes qui venaient au restaurant, et parfois, il arrivait même à en faire rire quelques-unes avec des plaisanteries lorsqu'il les servait.

Parfois, il aimait bien travailler.

Et puis, s'il avait passé une mauvaise journée, il voyait les choses totalement différemment. Il voyait tous les aspects négatifs à travailler. Il devait respecter des horaires qui lui déplaisaient souvent, il devait se lever tôt, parfois rentrer tard, il devait suer pour une paye, au final, pas si extraordinaire que ça. Parfois, certains clients étaient très irrespectueux, certaines personnes le méprisaient, se pensaient tout permis, et si quelque chose ne leur convenait pas, ils pouvaient se mettre à crier, à l'insulter, et à renverser des choses.

Et il n'avait le droit de ne rien faire. Il avait essayé, une fois, de ne pas se laisser faire, et cela lui avait valu un avertissement.

Il détestait ça.

Et puis il avait des courbatures, et des bleus, des égratignures dont il ne savait même pas dont elles venaient. Un jour, il s'était coupé assez méchamment en ramassant les débris d'une assiette, et on avait dû lui faire des points de suture. Il ne s'était pas imaginé que travailler puisse être aussi dangereux ! Parfois, on lui demandait de faire plusieurs choses à la fois, et il ne savait plus où donner de la tête.

Mais tout ça, ce n'était pas le pire.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, il avait fini par arriver devant la maison qu'il partageait toujours avec sa famille. Une fois, il avait parlé de sa situation avec un de ses collègues, et il lui avait dit qu'il devrait déménager, maintenant qu'il avait un salaire. Que ça lui changerait la vie pour le meilleur. Osomatsu avait balayé le sujet d'un sourire, en assurant qu'il y pensait.

C'était faux.

Il le savait, pour lui qui avait toujours vécu entouré de cinq frères, un appartement vide serait bien trop intimidant.

Il ouvrit la porte d'entrée, tout doucement. Il était presque deux heures du matin, il ne voulait pas réveiller ses parents. Il posa ses chaussures, et en soupirant, il prit le chemin de la chambre. En grimpant les escaliers, il se dit qu'il espérait trouver ses frères réveillés. Il n'en avait vu aucun aujourd'hui, et pour certains, cela faisait même plusieurs jours qu'il ne leur avait pas parlé, à cause de leurs emplois du temps déphasés.

Il espérait vraiment qu'ils soient réveillés. À chaque marche qu'il montait, il en avait un peu plus envie. Il voulait leur parler un peu. Avant qu'ils ne décident de tous travailler, il arrivait qu'ils passent des nuits entières tous ensemble dans cette chambre, ou bien dans le salon, à jouer au Majong, à regarder des vieux films, ou simplement à vaquer à leurs occupations respectives, chacun de leurs côtés, mais tous ensemble malgré tout.

Maintenant, tout était très différent...

Il arriva devant la porte. Il baissa les yeux. Aucune lumière ne semblait filtrer sur le sol. Osomatsu pinça les lèvres, et il se décida à ouvrir.

Comme il s'y attendait un peu, malheureusement, la chambre était plongée dans l'obscurité. Osomatsu resta planté là un moment, à fixer les ténèbres. Le temps que ses yeux s'habituent à la nuit, il tendit l'oreille pour distinguer les respirations lentes de ses frères, les légers ronflements de Jyuushimatsu. Quand il parvint à distinguer quelque chose, il constata que seule sa place n'était pas occupée. Évidemment.

Il se surprit à se sentir un peu énervé de ne trouver personne encore éveillé. Comme s'il s'attendait à ce qu'ils veillent pour l'attendre alors qu'il rentrait si tard, et qu'ils travaillaient tous dès le matin. Il savait qu'ils ne l'attendraient pas, et pourtant...

Il serra les poings, et puis il referma la porte. Et en silence, il redescendit les escaliers pour rejoindre le salon.

À une époque, dans la même situation, il aurait probablement allumé le plafonnier de la chambre, et aurait crié pour réveiller ses frères, peut-être qu'il leur aurait même marché dessus, pour être sûr qu'ils étaient bien revenus du monde des rêves. Probablement qu'il se serait pris des coups, des insultes auraient fusé, mais au final, tout naturellement, il aurait été pardonné.

Il était toujours pardonné.

Mais ses frères étaient fatigués. Il n'était pas le seul à être épuisé, et courbaturé. Travailler leur faisait tout drôle à tous, mais c'était comme ça maintenant. Ils n'avaient pas le choix. Ils ne l'avaient plus.

Osomatsu pénétra dans le salon vide, et alluma la lumière. Il fut un peu surpris de trouver la table dressée pour une seule personne, avec quelques portions de nourriture. Matsuyo avait dû lui garder. Il laissa un sourire en coin étirer ses lèvres en pensant que ses frères avaient dû essayer de dévorer sa part, mais leur mère savait les rendre dociles.

Il s'assit en tailleur, remercia pour le repas, et attrapa ses baguettes en se rendant soudain compte qu'il mourrait de faim. Cependant, il ne se jeta pas sur la nourriture comme il le faisait souvent lorsqu'il mangeait avec ses frères. Après tout, s'il ne le faisait pas, ces hyènes ne lui en laisseraient pas une bouchée !

Mais cette fois, il était seul. Il n'y avait personne pour manger sa part, alors à quoi bon se presser.

Son coeur se serra encore.

Il avait du riz, quelques légumes marinés et du poisson. C'était froid; peut-être qu'il aurait dû les réchauffer, mais dès lors qu'il s'était assis, il avait senti tous ses muscles s'engourdir et il ne se sentait plus la force de se relever.

Il tendit distraitement le bras pour attraper la bouteille de sauce soja, mais stoppa son mouvement lorsqu'il remarqua, à côté du petit flacon, une boite blanche en carton.

Il la fixa comme s'il n'en avait jamais vu auparavant, les yeux grands ouverts, et il déglutit. Oh, il en avait déjà vu, des boites comme ça. Il en avait vu beaucoup. Lorsque leur mère rentrait avec l'une de ces boites, ses frères et lui se jetaient toujours sur elle pour l'en débarrasser. C'était les boites de la pâtisserie en haut de la rue. Celle qui faisait des choux fourrés à la pâte de haricots rouges dont les sextuplés raffolaient.

Ceux qu'ils avaient l'habitude de partager ensemble.

Finalement, au lieu d'attraper le soja, Osomatsu tendit la main vers la boite, et il souleva le rabat, tout doucement. Il restait une moitié de pâtisserie dans le carton. Et pas n'importe quelle moitié ; on lui avait laissé une part de chou à la crème pâtissière. Les meilleurs.

Osomatsu sentit son souffle se bloquer dans sa gorge, et il retint un sanglot étouffé. Il ramena sa main contre sa poitrine, enserrant son autre poing contre son poignet comme s'il venait de se brûler. Et son coeur lui fit mal alors qu'un millier de souvenirs heureux lui remontaient en mémoire, pleins d'amertume.

Toutes ces fois où ils s'étaient battus pour savoir qui aurait le chou à la crème, les fois où ils s'étaient battus parce qu'Osomatsu n'avait pas fait les parts de façon équitable, les fois où ils s'étaient assis tous ensemble autour de cette table ronde pour savourer leurs sucreries, avec une tasse de thé, dans un calme plaisant et confortable.

Il sentit ses yeux devenir humides, et il battit des cils pour renvoyer les larmes d'où elles venaient.

Ils lui avaient laissé sa part, mais soudain, l'idée de manger seul ne lui semblait plus juste du tout. Il ne voulait pas avaler son repas comme ça, tout seul au milieu du silence terrifiant de la nuit, d'une nuit où personne n'était là pour lui.

L'idée de réveiller ses frères lui revint alors à l'esprit.

Il l'aurait fait, avant. Il l'aurait fait. Il n'aurait pas hésité, il ne se serait pas posé de questions. Cela aurait été naturel, et même, presque, la chose logique à faire.

Mais pourtant, à cet instant, ça lui semblait mal, la mauvaise solution.

Pourquoi ?

Il n'avait pas vu ses frères de la journée, n'avait qu'entraperçu Karamatsu et Jyuushimatsu depuis au moins trois jours, n'avait pas croisé Choromatsu depuis deux jours. Lorsqu'il pouvaient passer du temps ensemble, ce n'était jamais tous les six en même temps, ou bien parfois, une occasion se présentait, mais ils étaient trop fatigués.

C'était trop injuste. Osomatsu détestait ça.

Il avait la poitrine serrée.

Depuis combien de temps n'avait-il pas pris une bière avec Karamatsu ? Ou regardé des best of de moments drôles avec Totty sur son smartphone ? Depuis combien de temps n'avait-il pas embêté Choromatsu avec sa passion pour les idoles ? Ou traîné Ichimatsu au Pachinko avec lui ?

Depuis combien de temps il n'avait pas eu l'occasion d'avoir un moment de complicité avec ses frères ? Avec les personnes qui avaient rythmé chaque seconde de sa vie pendant plus de vingt ans ?

Il laissa ses baguettes retomber dans son bol, projetant quelques grains de riz sur la table, et il ramena ses jambes contre son torse.

Le pire, c'était le sentiment de s'éloigner d'eux, et de ne rien pouvoir faire contre ça. C'était la pire chose qu'il ait jamais eu à ressentir. Il avait l'impression que sa poitrine allait exploser, alors que la réalité le frappait fort.

La vie active était en train de lui voler sa famille. Et il ne voulait pas que ça arrive. Il avait été si proche de ses frères pendant toutes ces années, avait tout fait avec eux, tout partagé. Alors se retrouver tout à coup si seul lui faisait énormément de mal. Il ne voulait pas se retrouver seul. Il n'avait jamais été seul avant.

Il ne savait pas quoi faire avec ce sentiment de solitude oppressant qui l'empêchait de respirer.

Il se sentait soudain tellement seul.

Une douleur fulgurante lui transperça soudain la poitrine et lui coupa presque le souffle. Ça faisait mal, vraiment mal. Il eut l'impression que tout son corps s'engourdissait davantage; il se mit à trembler. Tout à coup, il avait du mal à respirer. Il sentait chaque souffle d'air dans sa trachée. Il sentait ses poumons se gonfler douloureusement, et puis se vider difficilement.

Il avait l'impression qu'il allait mourir. La douleur dans sa poitrine était lancinante. Il baissa les yeux pour regarder ses mains. Il les ferma. Il les rouvrit. Il avait l'impression de ne plus sentir ses doigts.

Il eut soudain froid. Mais en même temps, sa tête bouillonnait. Il sentait ses pensées devenir floues, et ne plus se fixer que sur une question.

Qu'est-ce qui se passe ?

Il avait peur.

Qu'est-ce qui était en train de lui arriver ? Il ne s'était jamais senti comme ça avant. Il ne s'était jamais senti aussi mal. Et plus il s'inquiétait, plus la douleur dans sa poitrine s'intensifiait. Il avait l'impression qu'on lui enfonçait des couteaux dans le torse. Pourquoi ?

Il tenta de se calmer. Il essaya de respirer. Inspirer. Expirer. Il ferma les yeux. Il voulait que ça s'arrête. Il voulait appeler à l'aide, mais aucun son ne sortait de sa gorge nouée.

Il avait envie de vomir.

Je vais mourir, pensa-t-il en se recroquevillant sur lui-même, enfouissant sa tête entre ses bras, le front contre des genoux.

Et il voulait presque mourir, pour que la douleur disparaisse.

Il sentait son coeur battre à tout rompre entre ses côtes, il l'entendait battre comme un enragé dans ses tempes.

Il porta une main à sa bouche, et il mordit. Fort. Les yeux fermement clos. La douleur des dents dans la chair était presque réconfortante, mais ne parvenait pas à calmer celle dans sa poitrine.

Ses yeux se remplirent de larmes qui se répandirent rapidement sur ses joues.

Derrière ses paupières closes, les visages souriants de ses frères lui apparurent. Il se dit qu'il allait mourir sans jamais les revoir. Qu'il allait disparaître de leurs vies définitivement. Et est-ce qu'ils le pleureraient ? Ou bien seraient-ils trop pris par leur travail ?

Ils allaient l'oublier, parce qu'ils n'avaient pas le temps de penser à lui, comme ils n'avaient pas de temps à passer avec lui.

Tout devenait de plus en plus sombre, Osomatsu avait l'impression qu'il devenait de plus en plus petit. Minuscule. Que le monde allait s'écrouler sur lui et le briser.

Il serra les dents encore plus fort sur sa main. Ses pensées se bousculaient. Il respirait vite. Le souffle haché. Il avait tellement mal dans la poitrine. Il ne sentait toujours pas ses doigts. Ni le côté gauche de son visage. C'était beaucoup trop étrange.

Il avait vraiment peur.

Osomatsu ?

Il sentit tout à coup une main se poser doucement sur son épaule, et il releva la tête pour découvrir le visage inquiet, mais rassurant de sa mère. Elle avait les cheveux en pagaille, et de petits yeux. Elle s'était accroupie près de lui et le regardait avec toute l'attention d'une mère bienveillante.

— Maman, sanglota Oso, la voix pleine de terreur. Je sais pas ce qui m'arrive...

— Chut, ce n'est rien.

Elle enroula ses bras autour des épaules de son fils, et l'attira contre elle. Osomatsu se laissa faire, trop déboussolé pour réagir. Rapidement, une main délicate vint se perdre dans ses cheveux, en les caressant doucement.

— Respire, Osomatsu. Calmement.

Il obéit. Il tenta encore de calmer son souffle erratique, mais il n'arrivait toujours pas à respirer. Il avait l'impression de s'étouffer. C'était comme si sa trachée était pleine de coton. Plus de larmes tombèrent de ses yeux pour être absorbées par le tissu du pyjama de sa mère.

— Là, souffla-t-elle gentiment en continuant de caresser la tête d'Osomatsu. Ça va aller.

Il sanglotait à grosses larmes. Il serra les poings sur le cardigan de sa mère. Il serra fort. En priant pour que tout s'arrête.

Il avait l'impression que cela durait depuis déjà des heures.

C'est seulement au bout de longues minutes comme ça qu'Osomatsu finit par sentir sa respiration commencer à se calmer. Et la douleur dans sa poitrine commencer à s'estomper. Et les sensations commencer à revenir dans le bout de ses doigts.

Il prit quelques longues inspirations. Les odeurs légères de lessive et de crème de nuit à la lavande imprégnées dans les vêtements de sa mère avaient quelque chose de réconfortant, et les caresses dans ses cheveux, aussi.

Son esprit se calma, les battements de son coeur ralentirent pour redevenir normaux.

— C'est fini, murmura encore sa mère, bienveillante.

Il n'osa pas bouger pendant encore un moment. Il était toujours tremblant, fébrile.

Il se sentait un peu sonné. Il ne comprenait toujours pas ce qui venait de lui arriver, ni pourquoi sa mère avait réussi à faire disparaître la douleur, juste en le serrant dans ses bras.

Quand elle sentit que son fils était suffisamment calme, Matsuyo desserra son étreinte, et Osomatsu leva piteusement la tête pour la regarder. Ses yeux étaient encore pleins de larmes. Il passa ses mains sur ses joues, et y laissa un peu de sang, parce qu'il avait mordu dans sa main droite tellement fort qu'il avait un peu ouvert la peau.

— Ça va mieux ? demanda Matsuyo en venant effacer la trace de sang avec son pouce.

Osomatsu hocha vaguement la tête. Il se sentait encore trop étourdi pour parler.

— Reste assis, je vais te faire un peu de thé.

Sans attendre de réponse, elle se leva et trottina jusqu'à la cuisine. Osomatsu l'entendit vaguement faire tinter de la vaisselle, ouvrir le robinet, allumer le gaz, mais il n'y prêtait pas vraiment attention. Il se contentait de regarder dans le vide, en reniflant de temps en temps.

Les perles de sang sur la morsure qu'il s'était infligées ne le frappaient même pas.

À vrai dire, il se sentait un peu déconnecté. Totalement vidé de toute son énergie. Il ne savait pas ce qui venait de lui arriver, mais en tout cas, ça l'avait épuisé. L'intensité émotionnelle avait été trop forte.

Tout ça parce qu'il pensait à combien il se sentait seul ? Est-ce que ça avait un lien ?

Resonger à sa solitude raviva une pointe dans son coeur, et par peur de revivre le calvaire dont il venait de sortir, il tenta de chasser la pensée de sa tête, de repenser à la chaleur rassurante de la main de sa mère dans ses cheveux.

Il lui était vraiment reconnaissant d'être venue pour lui. Il ne savait pas ce qu'il aurait fait si elle ne l'avait pas aidé à se calmer.

Matsuyo revint avec deux tasses fumantes. Immédiatement, une odeur de fruits rouges emplit la pièce. Elle tendit une tasse à Osomatsu. Il la prit sans réfléchir, et la garda dans les mains, laissant la surface en céramique réchauffer ses paumes. Il continuait de fixer le sol en silence. Et le silence s'étira quelques minutes, avant que Matsuyo ne le rompe enfin.

— Tu as fait une crise d'angoisse, expliqua-t-elle. C'était ta première, n'est-ce pas ? C'est impressionnant, pas vrai ?

Elle tenta d'avoir l'air amusée, peut-être pour détendre l'atmosphère, mais comme son fils ne réagissait pas, elle perdit son sourire pour redevenir sérieuse. Elle resta elle aussi silencieuse quelques secondes. Elle prit une gorgée de thé. Osomatsu ne toucha toujours pas à sa tasse.

— Quand vous étiez plus jeunes, j'avais l'habitude de calmer celles d'Ichimatsu. Il en avait souvent quand vous étiez au collège. Je me demande s'il en fait encore... Il ne me dit plus rien, alors je ne sais pas vraiment...

Toujours aucune réaction. Pourtant, même s'il ne le montrait pas, Osomatsu réfléchissait.

Une crise d'angoisse ? C'est vrai que maintenant qu'il y repensait, il avait déjà vu Ichimatsu en faire, et il avait toujours trouvé ça impressionnant, mais il ne se doutait absolument pas de combien cela pouvait être douloureux à vivre. C'était terrifiant. Il ne voulait plus jamais que cela lui arrive. Comment son frère pouvait-il vivre en ayant ces horribles crises si souvent ? Il se sentait un peu admiratif.

— Osomatsu, reprit Matsuyo. Je sais que ça fait peur, mais c'est fini maintenant, ne t'inquiète pas.

Il hocha la tête. Il ne voulait pas parler. Il se sentait un peu pathétique, et il avait l'impression que s'il tentait de sortir le moindre mot, il fondrait en larmes. Il avait une boule dans la gorge, et l'estomac noué. Il n'osait pas regarder sa mère en face.

— Je sais que votre nouvelle vie vous inquiète tous, insista Matsuyo, dans une tentative de consoler son fils. C'est un gros changement pour vous, mais vous pouvez toujours compter sur nous, et les uns sur les autres aussi.

Finalement, Osomatsu laissa échapper un semblant de rire amer, et il fronça les sourcils. Ils pouvaient compter les uns sur les autres ? Comment ça pouvait être possible alors qu'ils ne se voyaient pratiquement plus ? C'était ridicule. Et c'était douloureux.

— Je sais que tes frères te manquent, Osomatsu. Et je sais que tu leur manques aussi. Vous avez toujours tout fait ensemble, et maintenant, vous devez faire des choses importantes chacun de votre côté. Je sais que c'est effrayant, et qu'on se sent seul, mais c'est temporaire.

Osomatsu finit par relever les yeux. Matsuyo avait l'air de croire fermement à ce qu'elle disait, mais lui n'était pas vraiment convaincu. Il baissa les yeux à nouveau.

— J'ai peur de me retrouver tout seul... avoua-t-il d'une petite voix rauque.

— Tu ne vas pas te retrouver seul, assura sa mère. C'est vrai, entrer dans la vie active va inévitablement t'empêcher de voir tes frères aussi souvent que tu le voudrais, mais ils resteront toujours tes frères malgré tout. Et vous trouverez toujours un moyen de passer du temps ensemble. Et puis, tu verras, attendre pour ces moments les rendra encore plus agréables, et vous serez d'autant plus heureux !

Il n'était pas sûr. L'idée de devoir attendre pour passer du temps avec ses frères lui serrait un peu le coeur. Et dire qu'encore quelques mois auparavant, il ne se doutait même pas qu'ils puissent autant lui manquer. Ils lui manquaient vraiment, et c'était d'autant plus difficile qu'ils étaient si proches de lui, juste à l'étage, mais en même temps, tellement loin. Ils avaient chacun leur vie maintenant, et lui ne pouvait plus avoir une aussi grosse part dans ces vies qu'avant.

— Grandir est injuste, reprit Matsuyo. Devenir adulte nous force à renoncer à beaucoup de choses. Il y a beaucoup de sacrifices qu'on est obligés de faire. Mais il n'y a pas que du négatif, tu sais. Vous allez pouvoir découvrir de nouvelles choses, et être heureux différemment.

Osomatsu haussa vaguement les épaules.

— Oui, peut-être...

— Tu sais, ce n'est pas moi qui t'ai laissé un repas. C'est Todomatsu et Ichimatsu qui ont cuisiné et qui t'ont gardé une part.

Les yeux d'Osomatsu s'élargirent de surprise, et il sentit quelque chose remuer dans son ventre. Un sentiment un peu aigre-doux.

— Tu crois que tu t'éloignes de tes frères, mais ils tiennent toujours autant à toi, assura Matsuyo avec un sourire.

Osomatsu sentit sa vision devenir floue de larmes à nouveau. Il cacha son visage dans son bras, sous le regard attendri de sa mère, et il se releva. Il sentait tout son corps incroyablement lourd, mais il ne voulait pas encore pleurer.

— Merci. Je vais me coucher, lâcha-t-il en quittant rapidement le salon.

Il remonta rapidement jusqu'à la chambre, enjamba Ichimatsu pour récupérer son pyjama dans le placard, il se glissa dans le futon, à sa place entre Todomatsu et Choromatsu en reniflant.

La chaleur des corps autour de lui l'accueillit avec douceur, et il sentit tous ses muscles se relâcher. Allongé sur le dos, il se mit à fixer le plafond dans le noir, quelques rares larmes silencieuses roulant encore de ses yeux. Il repensa à ce que sa mère lui avait dit. Il n'arrivait presque pas à croire que ses frères lui avaient fait à manger. Ça ne serait jamais arrivé, avant ! Il songea qu'il aurait bien aimé voir Ichimatsu faire la cuisine.

Au final, il avait à peine touché à son repas. C'était du gâchis, n'est-ce pas ? Todomatsu le sermonnerait probablement pour ça. Il sourit en y pensant. Son petit frère était tellement fier, il prendrait sûrement mal que le repas qu'il avait pris le temps de préparer ne soit pas englouti jusqu'au dernier grain de riz.

Peut-être que pour se faire pardonner, il pourrait l'emmener faire un peu de shopping la prochaine fois qu'ils auront un jour de congé en commun. Ils pourraient emmener Karamatsu aussi. Et Totoko-chan. Ils pourraient passer du temps ensemble. Comme avant.

Il sentit remuer à sa droite. Il tourna la tête. Dans l'obscurité, il distingua le visage de Todomatsu tourné vers lui.

— Hhhm... Osomatsu-niisan... ? marmonna son frère, la voix pleine de sommeil.

— Oui ? chuchota-t-il pour ne pas réveiller les autres.

— Tu rentres tard...

Osomatsu gloussa.

— J'ai un peu discuté avec maman avant de monter me coucher.

— Hm... bon travail aujourd'hui...

La fin de sa phrase se perdit un peu, et Osomatsu comprit qu'il s'était rendormi. Il sourit.

— Merci Totty.

Il ferma les yeux à son tour. Peut-être que leur mère avait raison. Peut-être qu'il fallait qu'ils s'adaptent, mais qu'ils finiraient par trouver un rythme qui leur conviendrait. Bien sûr, ils ne pourraient jamais retrouver ce qu'ils avaient avant, cette complicité d'être ensemble 24h/24. Mais ils restaient frères malgré tout. Ils restaient liés, et lorsqu'ils se seraient habitués à ces nouvelles vies, ils trouveraient leur équilibre.

Même s'ils travaillaient, qu'ils avaient des vies en dehors des uns des autres, ils tiendraient toujours les uns aux autres.

Parce que c'est comme ça qu'ils étaient. Ils étaient frères pour la vie. Et ils avaient vécu beaucoup trop de choses ensemble pour un jour se séparer.


Hhhhhm ok j'avoue, j'ai projeté vaaaachement de vécu là-dedans. Mais comme je l'ai dis au début, cet épisode (et Osomatsu en particulier) m'ont rappelé beaucoup trop de choses... Entrer dans la vie active, c'est vraiment terrifiant.

Et ma première crise d'angoisse, je l'oublierai jamais. C'était HO-RIBLE. Je sais pas si j'ai réussi à bien le retranscrire... Enfin moi, j'avais pas une maman attentionnée pour le rassurer. Ma mère s'en... battait littéralement les couilles mais bref.

J'ai une vraie faiblesse pour les matsu qui ont des moments de douceur avec leurs parents uuuuugh. Et Oso c'est mon mama's boy à 100% personne pourra me retirer ce headcanon. Also Oso et Todo... uuugh je les aime ensemble... j'aime leur dynamique!

En vrai, j'ai envie d'écrire une suite... mais je sais pas... ça dépendra si des gens sont intéressés... et si je perds pas ma motivation...

Bref sur ce, hésitez pas à donner votre avis et à pleurer avec moi sur l'ep 24 et la saison qui finit (je pRIE pour une saison 3!)

A bientôt!