Je ne sais depuis combien de temps je suis dans cette position.

Allongé sur le dos, les yeux grands ouverts. Je fixe le plafond blanc qui me paraît trop clair mais dont je n'arrive pas à détacher le regard.

J'ai l'impression d'être mort.

Le suis-je ?

Je ne le crois pas.

Je ne le veux pas.

Qu'ai-je fait mon dieu ?

Qu'ai-je fait ?

Si seulement je n'étais pas si orgueilleux. Si égoïste. Si ambitieux.

Pourquoi avais-je voulu tout ça ?

Je suis une horrible personne, pas vrai ? Tellement horrible.

Je voulais la victoire. Le pouvoir. Je voulais qu'il paye pour tout ce temps où j'avais été enfermé. Et même en pensant ça, je ne sais si je parle des longs mois dans cet asile horrible ou… dans sa tête, privé de corps et condamné à lui obéir malgré tout.

J'aurais pût être heureux.

J'aurais pût profiter de posséder enfin mon corps… .

Mais la vérité…, c'est que j'en voulais toujours plus.

Il y a un temps où je me satisfaisais de mon existence simple, avec le Geek, le Hippie, le Patron et même… Mathieu.

Je me rappelle quelle joie j'ai ressenti quand mon créateur a donné vie à mon esprit. Je me rappelle les voix des autres personnalités.

« Alors…, tu es un Panda, gros ? »

« On va bien s'entendre toi et moi la Peluche ! »

« Tu fais partie de l'équipe maintenant. Alors nous sommes frères ! »

Mathieu avait souri, heureux de leur accueil.

« Je t'avais dit qu'ils t'adoreraient ! »

Ses yeux si bleus avaient brillés d'un éclat qui m'avait étonné. Je ne pensais pas qu'il serait heureux de m'accueillir dans son esprit, déjà bondé de personnalités. Et je ne parle même pas des personnages secondaires.

N'aurais-je pût me contenter de ce bonheur si simple d'être accueilli dans une famille chaleureuse ?

Seulement, une vingtaine d'épisode après mon apparition, j'étais enfermé.

Tellement longtemps qu'à la fin, j'étais devenu fou.

Ils m'ont guéris de ma folie.

Du moins c'était ce qu'ils croyaient. Ce que je croyais.

Mais les pires folies peuvent disparaître momentanément puis revenir un jour

Ma folie,… en réalité elle n'avait pas de nom.

Mais j'aurais dit que la peur la motivait.

Car, oui, j'avais peur. Constamment peur.

Je ne voulais pas retourner dans cette horrible prison, abruti par les médicaments, dans cette chambre trop lumineuse, cette lumière qui me faisaient si mal.

Ayant peur de la lumière, j'ai cédé aux ténèbres.

Je veux hurler. Je veux hurler. Je veux hurler.

Sachez d'abord que je n'ai jamais cessé d'aimer les autres, d'aimer Mathieu.

J'aimais énormément mon créateur autant que je l'admirais.

Mais j'avais voulu le voler.

Puis le tuer.

Comme l'amour peut sembler proche de la haine, n'est-ce pas ?

J'ai bien peur que la mort ne soit un cadeau pour personne.

Mais il aurait fallu que je puisse vivre. Pour me faire pardonner, il m'aurait fallu une existence entière.

Me pardonner… .

Oui Mathieu l'aurait pût. Comme tous les autres, d'ailleurs.

Mais moi, ai-je assez de courage pour me pardonner, moi ?

J'ai bien peur que non.

J'ai peur.

-Je croyais qu'à la mort, on cessait d'avoir peur. Murmurai-je, d'une voix rauque.

Ma voix semblait tellement irréelle à mes oreilles.

-Il a parlé ?! S'exclama une voix.

-On dirait bien.

-Il était temps.

Il était temps.

Qui étaient-ce ?

Je reconnaissais les voix, de ça j'étais sûr.

Mais ma tête était vide…, si vide… .

-Seulement maintenant… . Et ça va faire trois jours qu'il est là. Et trois heures qu'il est réveillé.

Un visage se glissa à mes côtés, entrant dans mon champ de vision.

-Oh non.

Mathieu.

Je n'étais pas mort.

Mais j'allais devoir me faire pardonner.