Bonjour à tous
Et oui, c'est encore moi avec une nouvelle fic ! Dire que je suis pressée de vous présenter le résultat de mon dur labeur durant le NaNo est peu dire. J'en peux plus d'attendre !
Mais ça valait le coup de prendre le temps avant de publier. Tout relire déjà. Laisser ma super bêta commencer à travailler également, parce qu'il y avait du boulot !
Et aussi, réfléchir à comment vous présenter ce texte sans pour autant tout vous spoiler. Parce que j'aurai besoin de vous mettre une liste de warning longue comme le bras, mais d'un autre côté ce serait tout vous dévoiler et je n'aime pas ça.
Alors je vais faire simple et vous dire : tout ce qui pourrait mal tourner, va mal tourner. L'idée derrière cette fic est : que se serait-il passé si Steve avait sauté du train après Bucky et que Hydra les avait trouvé tous les deux ?
J'ai fait le choix de traiter le sujet sans taire les tortures, les expériences, les sévices aussi bien physiques que psychologiques qu'ils en soient les victimes ou les instigateurs. Je vais également ne pas mettre de warning au début de chaque chapitre, toujours dans l'optique de ne pas vous spoiler. Mais pour certains points particuliers, je vous préviendrais dans mes notes d'auteur et je mettrais le warning en fin de texte comme d'habitude.
Enfin vous l'aurez compris, les thèmes que j'aborde et la manière dont j'ai choisi de le faire sont sombres. J'insiste certainement un peu lourdement, mais je ne voudrais pas que vous vous retrouviez devant un point qui vous choque. N'hésitez pas à rebrousser chemin si vous sentez que cette histoire n'est pas pour vous.
Je vais bientôt vous laisser lire, promis, mais je ne pouvais pas ne pas remercier Julindy pour son magnifique travail de bêta. Toutes ses remarques sont justes, construites et tellement pertinentes que je me mettrais de baffes de ne pas y avoir pensé plus tôt. Vous pouvez tous la remercier pour l'incroyable qualité du travail qu'elle à fait, parce que cette histoire aurait été des milliards de fois moins bien sans elle.
Ju, je pense qu'on a fait une très bonne équipe et je suis ravie que tu ai accepté de m'aider. Je t'aime.
Et pour finir, cette fic est un cadeau d'anniversaire/Noel pour ma Kaelyan chérie. J'aurai mis le temps mais j'ai enfin fini. J'espère que ça te plaira et que tu ne seras pas trop déçue d'avoir attendu.
Merci de m'avoir lu jusque là et bon premier chapitre.
Dès son réveil, le sergent James "Bucky" Barnes avait eu cette drôle de sensation. Comme une petite voix chuchotant sans relâche à l'arrière de son crâne.
Il n'arrivait pas vraiment à entendre ce qu'elle disait, mais son ton était urgent, rapide. Ces longs mois passés sur les champs de bataille lui avaient appris à faire confiance à son instinct. Quelque chose allait se produire. Il ne savait pas quand, ni quoi, mais quelque chose allait arriver.
Il devait être prêt à réagir dès que ce serait nécessaire.
Il était hors de question de compter sur Captain "JeSuisSuicidaire" America pour se montrer prudent. C'était son boulot à lui de surveiller ses arrières, de s'assurer qu'il ne lui arriverait rien. Il était même devenu plutôt bon à ce job, depuis le temps qu'il le pratiquait. Même si protéger Steve sur les champs de bataille était plus compliqué que dans les rues de Brooklyn. Les conséquences en cas d'échec seraient infiniment plus définitives également, super-sérum ou pas.
A travers les arbres nus, il vit avec soulagement le campement que les Commandos Hurlants occupaient depuis la veille. Il revenait de sa patrouille matinale. Il n'avait heureusement détecté aucune trace récente d'activité humaine. Peut-être que le plan qu'avait mis au point leur valeureux leader allait fonctionner en fin de compte. Encore qu'il ignorait comment cet idiot en était arrivé à la conclusion que de sauter sur un train en marche soit une bonne idée.
Il entra dans le camps sans faire de bruit. Ses yeux se posèrent immédiatement sur l'homme blond qui leur servait de capitaine. Il se tenait devant le capot de la jeep qui les avait amené jusqu'ici. Il avait la tête baissée et étudiait un plan étalé sur le métal probablement glacial du véhicule.
C'était tout à fait son genre. Étudier encore et encore toujours les mêmes documents. Vérifier que tout était bien clair, parfaitement réfléchi. Que chaque éventualité était prise en compte. Que son équipe rentrerait saine et sauve. Sans lui s'il le fallait. Mais saine et sauve.
Son cœur se serra.
Il en était hors de question. Jamais il ne rentrerai sans lui. Plutôt mourir en essayant de le sauver. Et s'il échouait, il emporterait avec lui autant de ces connards d'Hydra que possible avant de le rejoindre. À la vie, à la mort. Ça avait toujours été ainsi entre eux.
Steve avait du sentir l'intensité du regard posé sur lui car il se redressa, les sourcils froncés. Lorsque leurs yeux se croisèrent, Bucky ne put s'empêcher de sourire. Le coin des lèvres de son petit ami se redressa légèrement avant qu'il ne se concentre à nouveau sur le plan posé devant lui.
La soldat s'approcha, son fusil à l'épaule. Jones se décala légèrement pour lui laisser la place directement à gauche de leur capitaine. La place qu'il occupait tout le temps. Sa place.
Morita était au volant de la jeep. Il le fixa avant de demander :
« Tu as rencontré des problèmes ? »
« Non, absolument rien. C'est le désert. Personne n'est passé par ici à part nous depuis la dernière chute de neige, il y a trois jours. »
Steve ramassa la carte, la replia et la plaça dans une poche à l'intérieur de sa veste en cuir. Il énonça ensuite ses ordres :
« Parfait. Nous devons être sur le promontoire rocheux qui fait face à la ligne de chemin de fer d'ici cinq heures. Il est temps de nous bouger. Démontez le campement et mettez les tentes dans la Jeep. Cachez tout ce qui peut avoir de la valeur et les armes au sommet d'un arbre, nous repasserons par ici en redescendant de la montagne. On les récupérera à ce moment là. J'ignore si nous aurons Zola avec nous, mais il faudra de toute manière partir rapidement. »
Bucky serra la mâchoire à la mention du nom du scientifique.
Cet homme apparaissait toutes les nuits dans ses cauchemars depuis que Steve l'avait libéré de son laboratoire, à Azzano. Ses souvenirs de ces quelques jours sur sa table d'opération étaient en grande partie flous. Mais ses expériences, la douleur qu'il lui avait infligée étaient restées gravées dans son esprit. Dans son corps.
Pourtant, il n'y en avait plus aucune trace.
Il se souvenait parfaitement que le savant l'avait coupé, profondément, sur ses bras, ses jambes, son ventre, à de nombreuses reprises.
Pourtant, il n'avait pas une seule cicatrice.
Et ce n'était pas la seule chose bizarre avec lui depuis son retour. Il voyait plus loin, entendait mieux, avait besoin de moins dormir et il était rarement épuisé. Ses premiers mois sur le front avaient fini ce que ses deux boulots sur les docks avaient commencé - il avait définitivement perdu toutes les rondeurs qui avaient survécus à l'adolescence - et pourtant, il ne se souvenait pas d'avoir autant d'endurance avant son passage dans le laboratoire.
Il guérissait plus vite également. Un bleu disparaissait en quelques heures, une coupure en une demie-journée, et il lui avait fallu moins de 24H pour qu'une entorse à la cheville se soigne.
Il avait réussi à le cacher aux commandos hurlants, mais Steve n'avait pas été aussi facile à duper. Le fait qu'ils passent la plupart de leurs nuits nus l'un contre l'autre n'avait pas aidé à dissimuler l'absence de traces sur sa peau. Mais Bucky avait refusé de lui répondre, refusé d'en parler. Il lui avait dit : plus tard.
Plus tard, il pourrait lui dire, lui raconter ce dont il se souvenait.
Quand ils seraient tous deux de retour chez eux, à Brooklyn, il en parlerait.
Il ne pouvait pas craquer ici, pas quand ils étaient tous les nerfs à vif, que Steve avait besoin de lui. Il avait remisé le peu de souvenirs qu'il avait au fond de son esprit et il refusait d'observer d'un peu trop près les cauchemars qui le réveillaient pratiquement chaque nuit.
Ces pensées le harcelèrent durant toute leur montée . Ce ne fut qu'une fois sur le promontoire, quand ses yeux se posèrent sur le chemin de fer en contrebas, après plusieurs centaines de mètres de tyrolienne, qu'il réussit à penser à autre chose.
Et cette autre chose était que son petit ami était définitivement cinglé. Mais également que tout ceci était une vengeance savamment orchestré pour cette fois où il l'avait traîné dans le cyclone à Coney Island.
Ça ne l'empêcha pas de sauter après lui, Gabe sur ses talons. Il l'aurait suivi au fond de l'enfer de toute façon.
Ils entrèrent tous deux dans le train, pendant que leur coéquipier continuait à avancer par le toit.
Le premier wagon était vide. Ils avancèrent prudemment entre les caisses entreposées au sol. Le centre du véhicule était occupé par des étagères, recouvertes des mêmes caisses, bloquant leur champ de vision.
Un ennemi pouvait se cacher n'importe où.
Bucky essaya de ne pas trop penser au moment, tout proche, où il reverrait son tortionnaire. L'adrénaline qui parcourait habituellement ses veines lorsqu'ils étaient en mission faisait travailler son cerveau a 200 à l'heure. Alors qu'elle lui permettait habituellement de se concentrer sur sa tache, elle ne faisait que le déconcentrer.
Il oscillait entre la peur que cet homme lui inspirait et la colère. Colère contre sa propre couardise. Colère contre ce qui lui avait été infligé. Colère contre ce monstre qui avait, sans le moindre remords et la moindre empathie, testé ses drogues et expérimenté sur ses prisonniers.
Aucun de ceux qui étaient entrés dans son laboratoire en étaient ressortis. Aucun sauf lui. Et c'était grâce à Steve. Il n'aurait pas tenu beaucoup plus longtemps.
Il était tellement perdu dans ses pensées qu'il suivit son capitaine trop lentement. Lorsque la porte du wagon se referma entre eux, son cœur rata un battement.
Il ne pouvait pas protéger Steve d'ici.
Peu importe qu'il doive faire face à un adversaire et à une pluie de balles.
Peu importe que son chargeur soit en train de se vider bien trop vite.
Peu importe qu'il soit lui-même en danger.
Tout ce qui importait était que Steve faisait face à un ennemi de l'autre côté de cette porte et qu'il était incapable de le rejoindre.
Il savait, aussi bien que le reste des commandos, que leur leader était parfaitement capable de s'occuper de lui-même. Il ne faisait pas assez attention à lui. Il se mettait toujours au centre du danger. Il était parfois même suicidaire, au point que Bucky se soit senti obligé, à deux reprises, de le frapper, tant son soulagement, sa colère et sa peur s'étaient entremêlés.
Mais il savait se battre, avait maintenant le physique capable de rivaliser avec l'instinct qui l'avait toujours habité.
Savoir tout ça ne l'empêcha pas pour autant d'avoir l'esprit de l'autre côté de la porte pendant qu'il tirait sur son ennemi. Il avait entendu le bruit des armes que Hydra affectionnait particulièrement. Celles qui tiraient cette lumière bleue à laquelle rien ne résistait.
Même pas Steve.
Sa mitraillette était depuis bien longtemps vide. Il s'était rabattu sur son arme de poing. Son adversaire avançait inexorablement vers lui. Bientôt, il ne lui resterait plus que les caisses entreposées pour le protéger.
Et même elles ne feraient pas long feu quand son ennemi se serait rendu compte qu'il était désarmé.
Merde.
Les bruits de combat de l'autre côté de la porte s'étaient tu. C'était soit un très bon signe, soit un très mauvais.
Il ferma les yeux brièvement.
Vu la situation, si son petit ami avait succombé, il n'aurait pas à vivre longtemps sans lui. Il ne retomberait pas dans les mains de ce savant fou, il se suiciderait avant. Ce serait facile, il n'aurait qu'à charger l'homme qu'il entendait approcher.
La porte s'ouvrit à cet instant. Pendant quelques secondes, il crut que tout était terminé. Mais c'était Steve qui se tenait de l'autre côté. Il lui envoya son arme et à eux deux, ils se débarrassèrent de leur opposant en quelques secondes.
Ce n'était pas passé loin.
Il n'eut pas le temps de profiter de son soulagement.
Il vit leur adversaire bien trop tard. A la différence de Steve, qui réagit en bloquant de son bouclier le tir qui lui était destiné. Le projectile d'énergie fut dévié et il laissa une ouverture béante sur la carlingue du wagon.
Mais la puissance de l'impact projeta son petit ami contre la paroi opposée.
Bucky ramassa son bouclier d'une main. Il se retourna pour faire face à leur ennemi. Il tira sur lui à de nombreuses reprises mais l'armure qu'il portait ne laissait aucune ouverture.
Le sifflement de l'arme fut la dernière chose qu'il entendit avant d'être éjecté à l'extérieur. Il réussit de justesse à se retenir à une barre qui était accrochée à la paroi du wagon. Le bruit du vent, qui avait pratiquement recouvert tous les sons à l'intérieur du train, était devenu assourdissant.
Il n'entendait rien.
Il ne voyait rien.
Est-ce que Steve s'en était sorti ? Était-il mort à quelques mètres pendant que Bucky se tenait au dessus du vide, comme un idiot ?
Il savait qu'il n'était là que depuis quelques secondes mais ces secondes lui firent l'effet d'une éternité. Il ne réussit à inspirer correctement que lorsque, enfin, son petit ami apparut dans son champ de vision.
Il se dirigea immédiatement vers lui, la main tendue. Bucky tenta de la saisir à plusieurs reprises, mais le vent qui grondait à cette hauteur, couplé à la vitesse du train, les empêchèrent d'y parvenir.
Et puis ce fut trop tard.
La barre à laquelle il se tenait céda.
Il tomba.
Tomba.
Tomba.
Les yeux rivés sur le visage horrifié de Steve.
Jusqu'à ce qu'il ne puisse plus déchiffrer ses traits.
Il allait mourir. D'ici quelques secondes. Ce serait lui qui ne rentrerait pas en fin de compte. Et c'était mieux ainsi. Le monde avait besoin de Captain America, pas d'un pauvre gamin de Brooklyn, bien trop idiot pour ne pas tomber amoureux de son meilleur ami.
Steve allait survivre. C'était tout ce qui importait.
Il n'était déjà plus qu'une silhouette au loin, accroché au flan du train qui s'éloignait rapidement. Il allait bientôt quitter le champs de vision de Bucky, emporté au loin par sa mission. Il la finirait. Il arrêterait Zola. Il l'empêcherait de capturer et torturer d'autres pauvres êtres. Il sauverait le monde. Parce que c'était le genre d'homme qu'il était.
Bucky aurait tout abandonné pour lui, mais Steve était meilleur. Steve faisait toujours passer les autres avant lui-même. Ce n'était pas qu'il l'aimait moins, mais il avait beaucoup plus de courage que lui. Il supporterait la douleur et le deuil.
Il survivrait.
Toutes ses pensées traversèrent son esprit rapidement. Comme s'il voulait avoir le temps de terminer avant l'impact. Elles allaient plus vite que le vent qui sifflait dans ses oreilles, qui pénétrait son épaisse veste, qui brûlait chaque centimètre de peau découverte.
Le sol ne devait plus être loin, mais Bucky refusait de quitter des yeux son capitaine, son meilleur ami, son amant. Sa silhouette devenait de plus en plus floue, la distance la transformant peu à peu en une masse non identifiable, puis en un point.
Et alors que le train allait disparaître au détour du flan de la montagne, le point s'élança dans les airs.
Steve avait quitté le train. Ces connards l'avaient éjecté. Qu'il ai été vivant à ce moment là n'avait aucune importance. Personne ne pouvait survivre à une telle chute.
Ils avaient tué Steve.
Ils l'avaient tué, et ils allaient payer, ils allaient tous payer pour ce qu'ils avaient fait. Il reviendrait d'entre les morts et le vengerait. Il les hanterait eux et leurs enfants, et leurs petits-enfants avec.
Il poussa un hurlement de rage.
Son dos frappa le sol et tout devint noir.
ooOoo
Il faisait froid.
Très froid.
Trop froid.
Il tremblait de tous ses membres. Mais à part ça, il sentait à peine son corps. Ses jambes et son bras droit semblaient complètement endormis. Il ne percevait rien de son bras gauche une fois passé son épaule.
Sa vision était trouble, mais il voyait un ciel bleu sans le moindre nuage au dessus de lui. Et des montagnes qui semblaient se refermer sur lui.
À travers le bourdonnement dans ses oreilles, il entendit plusieurs voix. Une langue qu'il ne comprenait pas mais qu'il savait être mauvais signe.
Le froid l'empêchait de réfléchir. Pourquoi est-ce que cette langue représentait le danger ? Ses souvenirs étaient fragmentaires et plus il essayait de se rappeler, plus son crâne paraissait sur le point d'exploser.
Il n'arrivait pas à sentir sur quoi il était allongé. La neige semblait recouvrir les montagnes autour de lui. Était-il couché dessus ? Ça pourrait expliquer pourquoi il avait si froid. Mais comment était-il arrivé là ?
Les voix se rapprochèrent. Sa vision semblait s'être éclaircie ainsi que la paralysie de ses membres. Une douleur, comme il n'en avait jamais connu, profonde, envahissante, ne laissant de la place à rien d'autre l'envahit.
Tout son corps lui faisait mal. Tout son corps, sauf son bras gauche.
Il voulu lever la tête et regarder autour de lui, regarder pourquoi il avait si mal. Mais à la première tentative de mouvement, la douleur devint si forte qu'il vit des points noirs apparaître dans son champs de vision. De la bile remonta le long de sa gorge.
Les voix n'étaient plus qu'à quelques mètres de lui, il entendait le lourd bruit de bottes sur la neige. Le craquement de la fine couche de glace qui la recouvrait.
Brusquement un homme armé surgit au dessus de lui. Il l'observa quelques secondes, étonné, avant de parler à quelqu'un qu'il ne voyait pas. Puis il sentit que ses jambes étaient soulevées et qu'on le tirait.
Il vit avec horreur l'énorme trace de sang qu'il laissa dans son sillage. La dernière chose qu'il aperçut avant que la douleur ne le fasse sombrer, fut son épaule gauche, et le trou béant où son bras était censé se trouver.
Son second réveil fut encore pire.
Il avait quitté le sol et était allongé sur une civière. Le froid ne l'engourdissait plus totalement. Les soubresauts et tremblements qu'il n'arrivait pas à maîtriser ne faisaient qu'empirer son agonie. Il serra les dents dans une tentative futile d'étouffer ses cris de douleurs.
Sa vision vacillait. Il espérait de toutes ses forces qu'il allait sombrer à nouveau rapidement. Il voyait toujours le ciel, devenu gris. La neige s'était remise à tomber doucement. Il entendait de nombreuses voix autour de lui, cette langue qu'il ne comprenait pas. De l'allemand. Il se souvenait maintenant.
Il vit du coin de l'œil un bâtiment gris lui aussi. Comme le ciel.
Il était dans les mains de l'ennemi. Il ne souvenait pas de ce qu'il s'était passé, se rappeler de son propre nom et rang -Sergent James Buchanan Barnes - et de son numéro de matricule - 32557038 - était déjà assez difficile.
Brusquement un visage envahit son champ de vision. Un visage qu'il connaissait.
« Hoo, mais c'est le sergent Barnes. »
Cette voix. Non, pas cette voix.
Il s'était promis. Plus jamais. Il essaya de se lever. Son corps refusa de lui obéir.
Dans un dernier effort pour tenter de s'éloigner de cet homme, ce tortionnaire, il réussit à basculer de la civière.
La douleur du choc lui fit perdre connaissance.
ooOoo
Il se réveilla à nouveau.
Il ignorait combien de temps il était resté inconscient cette fois. Il se rappelait la sensation du métal froid contre son dos, le cliquetis des instruments autour de lui, l'odeur du désinfectant. Il savait ce qui l'attendait. Il l'avait déjà vécu.
Il ne voulait pas.
Il ne voulait pas.
Pas encore.
Plus jamais.
Il tenta de se relever mais une main sur sa poitrine le retint facilement. Des sangles en cuir furent accrochées autour de son unique poignet, de ses chevilles et de sa taille.
Un sifflement aigu se fit entendre derrière lui. Il connaissait ce bruit. Il savait à quoi cet appareil servait. A couper. Peau. Muscle. Tendons. Os.
Malheureusement pour lui, il resta conscient pendant que la scie circulaire trancha dans ce qu'il subsistait de son bras gauche. Il serra les dents mais rien ne put empêcher son hurlement d'agonie de résonner dans la pièce. Il n'avait nulle part où aller, alors il s'accrocha à la seule chose importante : Steve allait venir le sauver.
Il l'avait déjà fait.
Steve allait venir le sauver.
Les voix autour de lui parlaient avec urgence. Il ne comprenait pas l'allemand, mais il n'en avait pas besoin pour savoir qu'il y avait un problème.
Peut-être que Steve ne serait pas là à temps. Peut-être qu'il allait mourir maintenant, ou dans les secondes à venir.
Il se fichait un peu de ce qui arriverait en premier. Il voulait juste que la douleur s'arrête.
Zola approcha avec une seringue. Il sentit à peine quand l'aiguille pénétra sa peau et, en quelques secondes, le sommeil l'emporta.
ooOoo
Après cet épisode, il perdit le compte de ses réveils. Il garda des moments de lucidité, des sons, des odeurs, des sensations. Mais rien de précis. Son corps était lourd. Il n'arrivait pas à bouger.
Il était resté sur la table d'opération. Il ignorait depuis combien de temps il y était allongé. Il se souvenait avoir vu des étoiles à travers l'unique et minuscule fenêtre.
Mais quelque soit le moment de la journée ou de la nuit, il n'était jamais seul. A travers le brouillard de son esprit et de ses sens, il sentait constamment une présence auprès de lui.
Chaque réveil le désorientait un peu plus. Il avait perdu toute notion du temps et son esprit ne semblait jamais réussir à complètement s'éclaircir.
Il devrait pourtant pouvoir rester éveillé. A part son côté gauche, il n'avait plus mal .
Il ne devrait pas autant dormir.
À moins que.
À moins qu'ils ne l'aient drogué.
Ils n'avaient jamais pris la peine d'alléger sa douleur auparavant. Pourquoi commenceraient-ils maintenant ? Ou alors, ils avaient un autre projet pour lui.
Ça ne pouvait pas être bon.
Rien de ce qu'ils avaient prévu pouvait être bon.
Il devait découvrir leurs objectifs.
Tenir jusqu'à ce que Steve arrive. Ensemble, ils pourraient contrecarrer leurs plans.
Il devait se concentrer. Retenir le plus de choses possibles. Chaque détail pouvait avoir son importance.
Il ne laisserait pas tomber Steve. Tout comme ce dernier ne l'abandonnerait jamais. Il était venu le chercher à Azzano. Il viendrait le chercher ici.
Il devait attendre.
Et tenir le coup.
Sa dernière pensée avant que les drogues agissent à nouveau fut, qu'à son prochain réveil, il serait certainement aux côté de son petit ami.
ooOoo
Un homme se tenait à sa gauche quand il émergea. Un inconnu. Avec un stylo et un dossier à la main.
Sans réfléchir, il leva son bras et le saisit à la gorge. Sa peau avait une drôle de couleur métallique et ses sensations étaient bizarres. Mais le son que fit le cou de l'homme quand il le brisa fut satisfaisant.
Les autres personnes présentes dans la pièce se jetèrent sur lui mais c'était trop tard. L'inconnu était mort.
Une piqûre vive à l'épaule droite fut la dernière chose qu'il ressentit avant de se rendormir.
ooOoo
Zola était à ses côtés quand il se réveilla. Son premier réflexe fut de l'attraper lui aussi par la gorge et de serrer jusqu'à le tuer.
Mais malgré tous ses efforts, sa main refusa de bouger.
« Je ne suis pas un idiot, Sergent Barnes. Nous ne faisons pas deux fois la même erreur. Nous avons désactivé votre bras. »
Désactivé ? Comment était-ce possible ?
Il leva la tête. À l'endroit où il s'attendait à trouver du vide, trônait un membre de métal. Il cligna plusieurs fois des yeux. Puis secoua la tête.
« Vous ne rêvez pas. Et nous avons arrêté de vous donner des sédatifs. Ils interféraient avec votre prothèse. Vous allez bientôt devenir le bras armé d'HYDRA. »
Il serra les dents. Plutôt mourir.
« Jamais. Jamais je ne travaillerai pour vous. »
« Vous n'aurez pas le choix. Nous ne vous laisserons pas le choix. Bientôt vous nous obéirez sans même questionner vos ordres. »
« Je vous l'ai dit, jamais je ne travaillerai pour vous. Il viendra me sauver avant. »
Le sourire de Zola prit un côté malsain.
« Il ? Vous parlez de Captain America ? Je ne compterais pas sur son aide à votre place. »
Bucky le fixa droit dans les yeux, il ne connaissait pas Steve comme lui. Rien ne pourrait le retenir.
« Il viendra. »
« Ho, je n'en doute pas. D'ailleurs, il est déjà ici. À quelques étages en-dessous. Dans une cellule. Il ne pourra pas vous sauver. Il faudrait qu'il puisse se sauver lui même avant. »
Son hurlement de rage accompagna le scientifique d'Hydra jusqu'à la porte. Il continua à crier, à l'invectiver, a proférer menaces et jurons bien après qu'il ait quitté la pièce.
Bien après que le soleil se soit couché.
Il n'arrêta que lorsque sa voix se brisa.
ooOoo
Rapport du Docteur Hemrich.
Date : 7 février 1945.
Sujet : rapport des six premiers jours du sujet N°1.
Jour 1 :
Le patient est arrivé avec de multiples fractures. Il présentait également plusieurs traumatismes crâniens. Sa colonne était brisée entre les vertèbres cervicales C3 et C4 et au niveau des dorsales D7, D8 Et D9. La vertèbre L2 était écrasée.
Son bras gauche était arraché.
Il avait subi une perte de sang intensive et présentait tous les signes d'une hypothermie importante.
Ma première action a été d'arrêter le saignement de son moignon, de le transfuser et de le réchauffer.
Un drain a ensuite été posé afin d'éliminer la pression sur son cerveau due à la commotion cérébrale.
Le docteur Zola a insisté pour que des prélèvements de moelle épinière et de sang soient effectués dans l'hypothèse qu'il ne survive pas (Cf : fioles F01 à F13).
Ses principales fractures ont ensuite été réduites.
Il est incroyable qu'il ai pu survivre à un tel traumatisme. D'après le rapport du conducteur du train (cf ESC1345) il se trouvait à bord du convois et en a certainement été éjecté lors des échanges de tir.
Les cocktails que lui avaient injectés le docteur Zola à Azzano, ainsi que les températures bien en dessous de zéro sont certainement responsables de cet état de fait.
Note : le second sujet présente les mêmes types de blessures. Les caméras du train semblent montrer qu'il a sauté de lui-même.
Jour 2 :
Les fractures se sont déjà résorbées en partie.
La pression sur son cortex cérébral a également diminué.
Pas de signe d'amélioration des fractures de sa colonne.
Malheureusement nous avons du sectionner deux de ses orteils qui présentaient déjà des signes de nécrose. Le professeur Zola nous a ordonné de faire tout notre possible afin de sauver les doigts de sa main droite. Son index présente des gelures importantes. Nous allons surveiller l'évolution durant 24H , avant de décider de la suite à donner.
Contre toute attente, le sujet s'est réveillé brièvement. Assez étonnement et malgré tous les dégâts à sa colonne, il a tenté de quitter la table d'opération. Nous avons dû l'immobiliser avant de nous occuper de son épaule. Nous avons coupé juste en dessous de l'articulation. Nous ignorons encore quels aménagements devront être fait avant d'accrocher la prothèse.
Cf dossier BMC pour les spécificités de la prothèse.
Malgré une tolérance à la douleur impressionnante, il a de nouveau sombré peu de temps après que nous ayons atteint l'os.
Note : le second sujet semble guérir plus vite. Est-ce que sa chute était moins importante ? Ou est-ce le fait que nous l'ayons atteint en premier ? Ou est-ce que sa version du sérum est différente de la notre et plus efficace ? Nous ignorons encore les raisons, mais ses fractures les moins graves sont déjà totalement résorbées. Il ne présente pas non plus de signes de confusion lors de ses réveils.
Jour 3 :
Nous devons garder le sujet sous sédation. Il est extrêmement agité lors de chacun de ses réveils et empêche la bonne guérison de ses blessures.
Nous l'avons jugé assez en forme pour supporter les opérations nécessaires au projet BMC. Les grands chefs de l'organisation veulent voir des résultats rapidement.
La sédation s'est également montrée nécessaire suite à l'augmentation de son rythme cardiaque lors de la découpe de son bras. Nous avons craint qu'il ne lâche.
L'utilisation d'une solution diluée à 10mg d'opium injectée toutes les heures permet de le garder endormi sans effets secondaires sur son organisme.
Mais même ainsi, ses capacités de guérison hors norme nous ont permis de placer les plaques de métal nécessaires pour supporter le poids de la prothèses sur sa colonne et de renforcer ses cotes supérieures.
Cf : schéma SUJ1-01 à 010 pour l'emplacement des incisions et des plaques.
La prochaine étape sera de préparer le socket qui accueillera à terme le reste du bras.
Note : le sujet 2 est entièrement guéri. Nous avons rencontré le même problème. Mais nous n'avons pas encore trouvé de dose ou d'agent capable de l'endormir plus de trente minutes. Les premiers tests nous ont prouvé qu'il métabolise chaque molécule bien trop rapidement pour qu'on puisse le garder sous sédation sans de graves effets secondaires . Il va falloir trouver un autre moyen de le maîtriser. Il a été transporté dans une des cellules.
Jour 4 :
Le sujet a encore bien supporté la série d'opération du jour.
Ses fractures sont toutes résorbées et les incisions que nous avons pratiqués lors de l'installation des supports métalliques sont déjà refermées.
La pressions sanguine intracrânienne est redevenue normale. Ses quelques réveils ne nous permettent pas de juger de ses capacités cognitives.
Sa colonne vertébrale est également réparée. Mais nous ignorons si sa moelle épinière sera capable de se régénérer.
La mise en place du socket s'est bien déroulée. Les nerfs ont tous été attachés aux emplacements prévus.
Cf SUJ1-12 13 et 14 pour retrouver les schéma de connexion.
Le premier essai de la prothèse est planifié pour demain. Nous allons également devoir arrêter la sédation afin de constater des dégâts de la chute sur son cerveau, ainsi que son niveau de contrôle sur le bras.
Jour 5 :
La manière dont le colonne du sujet N°1 s'est réparée complètement en quatre-vingt-seize heures nous donne bon espoir que les nerfs que nous avons rattachés à la prothèse guérissent également et puissent faire passer les signaux au membre.
Ses premiers mouvements semblent aller dans ce sens. Notre collègue, le regretté docteur Müller, en a fait les frais lors d'une de nos tentatives de réveil.
Nous avons jugé plus prudent de désactiver la prothèse tant que nous n'avons pas la totale maîtrise du sujet.
Cf rapport du professeur Becker PHY01 et 02 (pistes pour atteindre ce résultat).
Nos premiers enregistrements sur la prothèse semblent indiquer que le courant passe dans les deux sens et non pas un seul comme nous l'avions supposé. C'est un effet non désiré avec des conséquences potentiellement négatives Le retour nerveux pourrait provoquer des douleurs.
Niveau de douleur parasite : inconnue. Nécessitera des tests plus poussés. Elle pourrait amoindrir l'efficacité du sujet.
Jour 6 :
Le professeur Zola a eu une conversation avec le sujet. Toutes ses capacités cognitives semblent intactes même si ses souvenirs proches sont encore confus.
Toutes ses fractures sont complètement guéries et il ne reste plus que les cicatrices de nos opérations.
Le sujet a très mal réagi a l'annonce de la présence du sujet N°2 dans le complexe. Comme l'avait pensé le docteur Becker dans ses rapports PHY01-02 et 03, les deux sujets se connaissent et semblent avoir un lien fort.
Conclusion : le sujet N°1 ne présente plus de blessures qui pourraient mettre sa vie en danger.
Je préconise le début des séances de conditionnement dès demain.
Un suivi intensif de ses capacités physiques et des tests devront être menés dans le futur afin de déterminer la manière dont le sérum a agi sur son métabolisme.
Je préconise également de laisser le bras désactivé tant que nous n'aurons pas son entière coopération.
