Écrit pour la 60ème nuit du FoF sur le thème Lunettes.
Disclaimer : Blabla, pas à moi, blabla, pas de sous, blabla, je rends les personnages intacts (ce qui n'est pas le cas de tout le monde, et même si c'est l'auteur, voilà quoi...), blabla. Ceci est le pire disclaimer que j'ai jamais écrit.
Bonne lecture ! (et si jamais vous voyez des fautes, signalez-les moi ! La nuit du FoF est un marathon d'écriture et déjà que d'habitude j'en laisse passer mais là, je ne suis pas exactement au top de ma forme.)
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Celui qui regarde
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Quand ils étaient des jeunes recrues, idiots et pétris de rêves comme c'est toujours le cas à l'adolescence, Erwin et Nile défiaient joyeusement le couvre-feu pour parler jusqu'au petit jour du monde au-delà.
Erwin n'était pas un adolescent particulièrement sociable, contrairement à Nile, mais ils avaient en commun ce rêve de découvrir ce qu'il y avait par-delà ces murs qui protégeaient l'Humanité aussi sûrement qu'ils l'enfermaient et lui bouchaient l'horizon et le futur.
Depuis la première fois qu'ils étaient monté en haut du mur Maria, qu'ils avaient contemplé les vastes étendues vides et si pleines de promesses, qu'ils avaient vu avec un frisson les masses monstrueuses et hideuses des titans qui se pressaient contre le massif rempart dans l'espoir d'entrer (si ces créatures étaient capable d'un sentiment tel que l'espoir), ils avaient compris qu'il fallait se débarrasser de ces horreurs et récupérer ces terres qui un jour avaient été leurs.
Et eux, qui jusqu'alors n'avaient été que des camarades, eux seuls parmi les recrues qui après un vague coup d'œil, semblaient globalement insensibles, plus intéressées par leur prochain repas qu'autre chose, Erwin et Nile étaient devenus amis, parce qu'ils étaient différents, parce qu'ils voyaient l'avenir différemment.
Ce soir-là, Erwin avait raconté à Nile la terrible vérité derrière la mort de son père, et avec l'enthousiasme souvent crétin de la jeunesse, ils s'étaient promis de libérer l'Humanité.
Peu à peu, Erwin avait changé, toujours aussi implacable et intelligent, toujours premier, mais s'arrêtant parfois quelques instants pour attendre Nile.
Et Nile ne mettait jamais longtemps à le rejoindre, car si Erwin était le premier de la promotion, Nile était le second.
Puis ils avaient grandi, rêvant de rejoindre les dangereux Bataillons d'Exploration, affamés de cette liberté, de ces étendues, insatiables. Le monde dans les murs était juste trop petit pour des appétits comme ceux d'Erwin Smith et de Nile Dawk.
On les appelait fous, on riait d'eux, on les regardait avec pitié. De la chair à titan, voilà comment on les appelait, et ils s'en fichaient, puisque seuls au milieu de ce ramassis de crétins bornés qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leurs nez (que le bout de leur Mur), ils savaient la vérité.
Les quolibets et les insultes, ça n'a pas grande importance si on les partage avec un ami.
Et puis, à quelque mois de la fin de leurs entrainements, ils étaient entrés dans une taverne, petite et pas très propre mais dont le propriétaire ne s'interrogeait pas trop sur l'âge de ses clients, et il avait suffi du sourire d'une charmante serveuse, à la peau blanche comme le lait et aux cheveux aussi rouge que le sang qu'ils étaient prêts à verser au nom de leurs rêves pour que le monde change.
Marie avait deux ans de plus qu'eux, jolie comme une fleur de grenade, avec ces cheveux d'une couleur si particulière et si lourde de symbole et des yeux marrons qui semblaient constamment rire, comme si elle riait toujours en dedans à quelque plaisanterie connue d'elle seule.
Marie était belle, aimable, et il n'avait pas fallu longtemps pour qu'Erwin et Nile, d'amis deviennent rivaux pour les faveurs de ce beau brin de fille.
La rivalité n'avait pas duré bien longtemps, car elle avait tout de suite distingué Erwin et Nile ne pouvait pas lui en vouloir : grand, blond, les yeux clairs et le regard franc, le petit adolescent désagréable avait gagné en prestance et en charisme, son corps sculpté par l'entrainement acharné qu'il s'imposait afin de rester en tête de promotion.
À nouveau, Erwin changea.
L'amitié de Nile l'avait sorti de sa carapace. L'amour de Marie lui ouvrit le monde.
Il était devenu joyeux, et Nile s'était rendu compte que son ami, passionné et inflexible, n'avait jamais été heureux. Ce bonheur, l'amour de Marie semblait le lui apporter, et pour la première fois, Nile avait vu les yeux bleus d'Erwin briller pour un autre être humain.
Ce n'était plus la fièvre de la destruction, celle des titans, et aussi la sienne dans son terrible besoin d'expiation, qui éclairait son regard mais la fièvre du bonheur.
Quand il parlait de Marie, son être semblait rayonner, et ce n'était pas le soleil implacable de l'été qui écrase les hommes sous la chaleur mais le soleil du printemps qui caresse doucement les bourgeons pour les faire éclore.
Erwin n'avait plus l'air de penser à son crime passé et à leur future guerre mais simplement au présent. Ce n'était plus : j'ai vécu dans la honte, je vivrais pour me racheter. C'était : je vis.
Et c'était lui, Nile, qui sans le vouloir, ou peut-être que si, peut-être qu'il était jaloux mais il ne voulait pas y penser, qui avait mis fin à tout ça.
« Alors, tu renonces aux Bataillons ? avait-il demandé un soir. Tu vas rejoindre les Brigades, je suppose ? A moins que tu ne choisisses la Garnison. Tu sais, pour quand même voir au-delà du mur. »
Le sourire d'Erwin, un peu rêveur et idiot (plus tard, Nile se rappellerait qu'Erwin Smith avait eu ce genre de sourires et qu'il avait été celui qui les lui avait arrachés, et il lui pardonnerait beaucoup de chose au nom de ces sourires volés) s'était fané : « Qu'est-ce que tu racontes ? Je rejoins toujours le Bataillon !
─ Et Marie ? »
Et devant l'air incrédule d'Erwin, Nile avait réalisé que pour une fois, il avait vu ce que son ami, toujours si clairvoyant, n'avait pas su voir.
Il lui faudrait choisir entre Marie et les Bataillons, entre ce rêve d'un amour heureux qui apaisait enfin son cœur meurtri et le rêve de son père.
Nile avait vu le changement physique, de ses propres yeux, comme lorsque l'ombre d'un nuage passe tout à coup sur la terre. Le visage d'Erwin, qui s'était détendu au cours des mois passés s'était refermé, et ses yeux s'étaient éteints mais sa voix ne tremblait pas quand, dans la demi-pénombre du dortoir où leurs camarades ronflaient, ou faisaient semblant en se branlant sous les couvertures, il avait dit : « Marie est moins importante. »
Dès le lendemain, il rompait avec elle et Marie avait pleuré et supplié, et affirmé qu'elle le suivrait partout, même dans les Bataillons et que si elle ne pouvait pas, alors, elle l'attendrait et Erwin avait répondu, et ça sonnait comme un couperet, comme la lame d'une guillotine, comme la mort elle-même : « Tu es trop belle pour être déjà veuve. »
Quelques mois plus tard, Erwin rejoignait les Bataillons d'Exploration et Nile choisissait les Brigades Spéciales parce qu'il avait choisi Marie.
Et peut-être qu'il y avait eu de l'amertume en lui, de passer après Erwin, mais il avait été derrière Erwin pendant des années et quand il passa l'anneau au doigt de Marie dans la petite église, il se rendit compte que peu importait d'être le second si cela signifiait que c'était à lui que Marie sourirait désormais.
Erwin suivit son rêve, sacrifia son âme et son cœur pour expier l'assassinat de son père et Nile fut heureux en compagnie d'une femme qu'il adorait et qui lui donna quatre magnifiques enfants.
Et lorsqu'ils se croisent, souvent ennemis par les jeux de la politique mais toujours amis au fond, ils s'étonnent en silence de ce qu'est devenu l'autre.
Nile plaint Erwin d'avoir renoncé au bonheur qui lui tendait les bras, à la douceur d'un foyer, à Marie et aux enfants qu'il aurait pu avoir avec elle.
Erwin plaint Nile d'avoir renoncé à ses rêves et de s'être avili au point de n'être qu'un pantin dans les mains d'un gouvernement corrompu.
Chacun a choisi sa voie et aucun ne le regrette. Et ils se serrent la main et ils échangent un sourire, parce que peu importe les conflits, le mal que Nile a fait, les récriminations du roquet qu'Erwin traîne partout, ils sont et seront toujours amis.
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Parce que j'aime Nile, même si parfois, c'est un crétin. Et que j'aime Erwin (tout court). Erwin, qui a d'ailleurs un forum rien que pour lui (ou presque), tout nouveau, tout beau ! Venez nous rejoindre, le lien est dans mon profil ! Et en attendant... review ?
