Salut, oui je sais que ça fait longtemps. Pour me faire pardonner, voici trois histoires dont les deux dont je vous avais parlé. Cette histoire est assez sombre donc faites attention. Et si des fics bagginshield vous plaisent, je pourrais peut-être vous les traduire si je les aime aussi. Bonne lecture :)

La journée avait commencé comme d'habitude. Bilbon se réveilla, comme toujours, un peu désorienté par l'absence de fenêtres dans ses appartements.

Aucune fenêtre ne laissait filtrer la lumière du soleil, ce qui signifiait que tant qu'il n'était pas assez réveillé pour vérifier l'heure qu'il était sur le grand sablier posé sur sa table de chevet, il était incapable de savoir combien de temps s'était écoulé depuis qu'il s'était endormi.

Evidemment, il oubliait à chaque fois de retourner le sablier avant de se coucher mais il commençait de plus en plus à s'en rappeler, sans doute parce que cet oubli l'obligeait à choisir entre ne pas savoir l'heure qu'il est ou à sortir du lit pour quitter ses appartements, traverser le long couloir qui le conduisait à trois escaliers successifs pour se rendre aux balcons extérieurs et tenter de deviner l'heure grâce à la position du soleil ou de la lune - si l'un des deux apparaissait effectivement dans le ciel - et ensuite refaire exactement le chemin inverse pour retourner dans son lit si il découvrait qu'il était en effet bien trop tôt pour se lever et tenter de se rendormir.

En d'autres termes, ce n'était pas la situation la plus pratique qui soit mais Bilbon aimait quand même ce sablier en dehors du fait qu'il n'était pas à proprement parler petit et qu'il était en réalité incapable de le retourner sans manquer de se casser le poignet.

Il ne savait pas comment les Nains faisaient pour le manier avec autant d'aisance que s'il s'agissait d'une cuillère à soupe. Ou peut-être que, comme lui, ils avaient énormément de difficulté mais qu'aucun d'entre eux n'osait le reconnaître, en tout cas devant lui. Il ne serait guère surpris si cela s'avérait être le cas.

A une certaine époque, Bilbon aurait pu se repérer à l'aide de son estomac, son degré de faim lui ayant permis de se situer dans le temps d'une façon assez précise mais même si cela faisait près de trois mois qu'ils avaient atteint Erebor, Bilbon n'avait plus faim aussi souvent et aussi régulièrement qu'autrefois.

Durant la quête, c'était une chance si on pouvait profiter de trois repas par jour. Sept repas n'étaient qu'un fantasme, l'estomac de Bilbon s'était peu à peu habitué à cela et il n'avait toujours pas réalisé qu'il était bien plus facile de manger quand il le voulait maintenant qu'il habitait à Erebor. Aussi, lorsqu'il se réveillait et qu'il était d'humeur à manger quelque chose, il ne savait pas vraiment si cela allait lui servir de premier petit-déjeuner, de second petit-déjeuner, si il avait manqué encore plus de repas ou si il voulait tout simplement profiter d'une collation de minuit. Pourtant, cela finirait par revenir avec le temps.

Mais même comme ça, si il y avait une chose que Bilbon aimerait changer à Erebor, ce serait sans aucun doute l'absence de soleil dans ses appartements.

Il n'avait aucun problème à devoir traverser des couloirs interminables et le manque de fleurs et de verdure ne le dérangeait pas en soi. Après tout, ce n'était pas comme si il avait l'habitude d'avoir des tonnes de plantes à l'intérieur. Et quand il commençait à se sentir oppressé par ces murs de pierre, il pouvait facilement faire un voyage à Dale ou tout simplement faire une petite promenade à l'extérieur des grandes portes ou bien encore se rendre sur les remparts - même si Thorin avait toujours l'air un peu plus tendu que d'habitude lorsqu'il y apercevait Bilbon.

Le fait que Bilbon ait passé des heures à expliquer à Thorin qu'il lui pardonnait de l'avoir menacé de le jeter du haut des remparts ne semblait avoir aucune importance. En fait, à chaque fois qu'il abordait le sujet, cela ne semblait qu'aider Thorin à s'éloigner et à se renfermer sur lui-même, alors finalement Bilbon avait tout simplement cessé d'en parler.

Cependant, il se rendait encore sur les remparts, parce que l'air là-haut était toujours pur et frais et la vue qui donnait sur Dale toujours en cours de reconstruction lui offrait un curieux sentiment de réconfort et le paysage environnant d'Erebor était très étonnant maintenant qu'il commençait à se remettre du passage du Dragon et de la bataille contre Azog.

Bilbon s'étira et bâilla avant de jeter un coup d'oeil vers son sablier et décida que suffisamment d'heures étaient passées pour qu'il soit enfin le matin.

Sentant que le petit déjeuner pouvait attendre un peu, Bilbon se rendit directement sur les remparts après s'être habillé. Chaudement habillé pour être précis, car une fois que l'hiver s'était abattu sur Erebor, les températures avaient dégringolé, amenant par la même occasion de lourdes chutes de neige.

Bilbon crut sérieusement pendant plusieurs jours que la neige ne cesserait pas de tomber avant d'avoir entièrement recouvert Erebor. Ou au moins jusqu'à ce qu'elles aient atteint la hauteur des remparts. Mais la neige avait fini par cesser.

Peut-être alors que Thorin arrêterait de froncer les sourcils quand il... Non, ce n'était pas quelque chose à laquelle il devrait se soucier dès le matin.

Heureusement, la neige et le froid dehors n'étaient pas du tout comme la neige et le froid des Monts Brumeux où les bises glacées étaient semblables à des griffes gelées et où la neige mordait les pieds de Bilbon quand il avait été contraint de patauger dedans. C'était la première fois que Bilbon avait vu autant de neige et on ne peut pas dire qu'il avait vraiment apprécié ce moment.

Cette deuxième expérience était bien plus agréable. Le vent ne giflait pas son visage mais semblait plutôt le caresser gentiment et la neige se contentait de le grignoter, lui provoquant de légers picotements tout à fait supportables. Et peut-être le plus important, il savait qu'il pouvait quitter ce froid duvet blanc dès qu'il le voulait et retourner à l'intérieur de la montagne qui était remplie d'une douce chaleur et qui foisonnait de couvertures et de fourrures, la rendant encore plus chaleureuse et où il pourrait prendre une boisson chaude. Ce fait aidait beaucoup Bilbon à apprécier cette blancheur gelée qui s'étendait à perte de vue.

Alors que Bilbon commençait à grimper les marches qui le mèneraient aux remparts, il espéra que les deux jeunes princes ne se joindraient pas à lui aujourd'hui. Il se souvint vaguement qu'ils avaient prévu de faire quelque chose avec Dwalin mais il l'avait complètement oublié en quoi cela consistait. Mais peut-être qu'il l'aurait, sa petite matinée tranquille.

Ce n'était pas qu'il voulait éviter Fili et Kili mais ils avaient un peu trop d'affection pour lui et lorsqu'il sortait avec eux, ils le bombardaient à chaque fois de boules de neige et lui, n'avait jamais le coeur à les gronder.

C'est qu'ils avaient toujours la même soif de rires et de plaisir que la première fois qu'il les avait rencontrés et qu'il les avait vus balancer son garde-manger dans la bouche de leurs camarades. Cette joie de vivre était une véritable bouffée d'air pur et il priait pour qu'ils ne perdent jamais cette soif de vie et de joie. Même si il ne plaignerait pas si ils cessaient de jeter toute sorte de choses au visage des passants.

Ces deux-là avaient vu la mort de trop près durant la bataille qui les opposa à Azog et son armée. Kili avait encore une légère claudication qui, ils l'espéraient tous, finirait par disparaître avec le temps même si cela ne semblait pas le déranger tant qu'il pouvait toujours utiliser son arc et son épée aussi bien qu'avant mais Fili garderait toujours une profonde cicatrice parcourant le côté gauche de son visage, souvenir perpétuel de la lame d'un orque qui l'avait frôlé d'un peu trop près.

Trois mois après la bataille, cette cicatrice était encore très vive et très impresionnante et, à chaque fois que Bilbon la voyait, il sentait son estomac se nouer en se rappelant que si l'orque avait été plus adroit, Fili ne serait sans doute plus de ce monde. Et c'était pareil pour la jambe de Kili.

Thorin dissimulait toutes ses cicatrices sous ses vêtements mais Bilbon savait qu'entre toutes ses marques, se trouvait une longue cicatrice rouge sur le côté droit de son torse, la seule chose qui restait de la blessure qu'ils avaient tous redouté fatale. Si Fili et Kili s'étaient dangeureusement approchés de la mort, Thorin en avait été si proche qu'il avait failli l'embrasser. Non seulement à cause de sa blessure mais également à cause de la fièvre qu'il avait contracté et qui dura toute une semaine après la bataille.

Il avait été confiné au lit par Oin pendant un mois entier et ce n'était que durant ces dernières semaines qu'il semblait être revenu à son état normal. Mais si Bilbon avait l'audace d'affirmer qu'il connaissait bien Thorin, il admettrait que ce n'était pas exactement son état normal. Il était un peu plus calme, un peu plus discret mais c'était sûrement normal après... ce qui s'était passé.

Bien que Thorin et les garçons allaient bien, Bilbon pensait souvent à ce qui aurait pu se passer lors de cette horrible bataille. Il ne put réprimer un frisson qui le parcourut en sachant pertinemment que le froid n'en était pas la seule cause alors qu'il marchait sur la neige qui recouvrait les pierres grises des remparts.

-Si vous avez froid, vous devriez peut-être vous dépêcher de rentrer à l'intérieur, déclara Thorin qui surgit à la gauche de Bilbon, surprenant le hobbit qui ne s'attendait à entendre une telle proposition et à disposer d'une telle compagnie.

A cause de la répugnance qu'il éprouvait pour les gestes qu'il avait eu avant la bataille, il était rare que Thorin se promène à nouveau sur les remparts surtout lorsque Bilbon s'y trouvait et il était parfaitement au courant que le hobbit aimait s'y rendre chaque matin. Pourtant il était là, appuyé contre la balustrade, plus beau que jamais dans son manteau bleu roi et de minuscules flocons de neige parsemés dans sa crinière sombre.

Le petit tressaillement de surprise qui parcourut Bilbon sembla raidir Thorin dont le front venait de se rider et Bilbon dût faire beaucoup d'efforts pour réprimer le soupir qui menaçait de lui échapper. Il répondit en veillant à garder le sourire :

-Je vais bientôt rentrer de toute façon. Je n'ai même pas encore pris le petit déjeuner.

Son sourire ne sembla pas aider Thorin à se détendre. Celui-çi se contenta de hocher la tête d'un geste sec avant de se relever pour partir. Il passa devant Bilbon en lui jetant seulement un coup d'oeil, sa tunique et son manteau volant élégamment derrière lui alors qu'il retournait à l'intérieur d'Erebor. Il arrivait toujours à dissimuler son boîtement qui était totalement invisible pour quelqu'un qui ne le connaissait pas.

Bilbon eut envie de lui demander de rester mais il tint sa langue. Toutes les fois où il avait engagé une conversation avec Thorin s'étaient conclues par une dispute et Bilbon ne voulait pas commencer sa journée sur une si mauvaise note.

Si Thorin croyait que Bilbon avait peur qu'il le suspende une nouvelle fois du mauvais côté des remparts, il pouvait cloisonner cette idée dans un coffre et le jeter aux oubliettes.

Bilbon avait bien évidemment eu peur à l'époque où ça s'était produit mais c'était surtout l'expression qui avait plané sur le visage de Thorin qui avait été la cause de sa frayeur. Aujourd'hui, Thorin n'avait plus rien du nain que Bilbon avait vu ce jour-là. Le grand et noble roi que Bilbon avait appris à connaître au fil des mois depuis qu'il avait quitté Hobbitebourg avait laissé place à un parfait étranger avide d'or qui possédait le même caractère mais qui n'avait rien de ses valeurs.

Avec le recul, Bilbon avait réalisé que cela n'avait pas été un changement soudain mais plutôt une lente et subtile transformation qui avait commencé à leur entrée dans la Forêt Noire et qui s'était entièrement révélée après que Smaug ait détruit la Grande Porte.

Bilbon avait d'abord pensé que les émotions qui avaient traversé le visage de Thorin étaient le bonheur et la satisfaction d'avoir retrouvé sa maison, mêlés à l'inquiétude que Smaug ne soit pas encore mort mais il y avait aussi de la cupidité et de la paranoïa, annonçant l'état grave dans lequel il se trouvait.

Lorsque Bilbon était allé voir Thorin après la bataille, il avait craint de devoir à nouveau faire face à ce même étranger et de revoir cette lueur de folie dans les yeux bleus du nain mais il retrouva son ami.

Le visage de Thorin était pâle et ses yeux étaient rouges et pleins de regret et de douleur. Aucune trace d'avidité et il n'en avait pas revu depuis.

Bilbon avait été si soulagé qu'ils se soient réconciliés qu'il avait pleuré pendant des heures après avoir quitté Thorin pour le laisser dormir et reprendre des forces. Il n'avait cessé de se convaincre qu'il irait mieux et jamais il n'avait été aussi soulagé d'avoir raison.

Très peu de temps après la bataille, Bard avait envoyé l'Arkenstone à Thorin comme preuve de son désir de paix entre leurs peuples. Bilbon ne l'avouerait jamais à qui que ce soit mais il s'était servi de son anneau et s'était tapi derrière la tente de Thorin où se trouvait une légère fente pour voir quelle serait la réaction de Thorin d'avoir ce qu'il voulait depuis si longtemps. Il allait enfin retrouver ce qu'il avait d'abord perdu puis ce qu'on lui avait volé, le voleur étant Bilbon lui-même.

Bilbon pensait déceler un sentiment de satisfaction et espérait ne pas voir à nouveau cette lueur étrange qui avait brillé dans les yeux de Thorin après le départ de Smaug. Toutefois, il ne s'était pas préparé à voir Thorin regarder la pierre comme si c'était le plus répugnant des gobelins et la tenir avec précaution tel un charbon ardent. Le tremblement qui secouait sa main était sans doute dûe à la fièvre... mais... Bilbon n'en était pas certain.

Bilbon n'avait pas revu l'Arkenstone depuis ce jour, et quand il avait demandé avec hésitation à Balin ce qu'il était advenu de la pierre, le vieux nain lui avait dit que Thorin la lui avait donné.

-Pour la garder, avait ajouté Balin d'un ton neutre comme si il était tout à fait normal de cacher ce qui avait été l'élément le plus précieux de tout Erebor, le Joyau du Roi, la raison pour laquelle Bilbon avait intégré la Compagnie en tant que cambrioleur.

Selon Balin, Thorin lui avait également demandé qu'il s'assure que les gens de Dale obtiennent leur juste part du trésor sous la forme que Bard jugerait la meilleure et Bilbon n'avait aucune raison de douter de la parole de Balin.

Il n'en parla pas à Thorin cependant, car même après que Thorin ait récupéré l'Arkenstone, c'était devenu un autre sujet que ni l'un ni l'autre n'évoquait.

Bilbon avait essayé encore et encore de lui présenter ses excuses pour l'avoir prise et gardée en premier lieu mais dès que Thorin comprenait où il voulait en venir, il avait tendance à se rappeler subitement qu'il devait de toute urgence se rendre dans un coin reculé de la Montagne, visiblement contrarié et Bilbon n'avait jamais le coeur de démonter son mensonge pour continuer.

Il aurait sans doute dû le faire quand Thorin était encore alité, incapable de se défiler mais... il n'avait pas voulu remuer des souvenirs encore trop douloureux. Les paroles que lui avait dit Thorin après la bataille semblaient signifier que tout était pardonné et Bilbon ne voulait rien faire qui aurait pu ruiner leur réconciliation. Au contraire, ils avaient changé de sujet. Un sujet sûr.

Pourtant, c'était avec soulagement que Bilbon avait constaté l'absence de la pierre au-dessus du trône d'Erebor le jour où Thorin était suffisamment guéri pour prendre sa place légitime en tant que roi et souverain de la Montagne Solitaire. Dain était resté en Erebor avec ses soldats et, avec l'aide de Fili, tous trois avaient entrepris les travaux nécessaires pour reconstruire Erebor et en faire une magnifique maison pour les nains et non pas pour un dragon.

Alors que Bilbon pénétrait dans le hall principal d'Erebor en enlevant la neige qui s'était nichée dans ses cheveux et sur ses épaules, la salle qui l'accueillit était presque dépourvue de traces qui témoignaient du séjour de Smaug dans la Montagne.

Certaines parties de la ville étaient restées quasiment intactes : le hall principal en faisait partie mais également les zones d'habitation, ce qui avait été une véritable bénédiction car cela réglait la question de l'endroit où tout le monde allait vivre. Cela comprenait Dain et ses troupes ainsi que les hommes de Lacville car il leur était impossible de reconstruire Dale assez vite pour en faire un habitat confortable pour passer l'hiver.

Toutefois, les soldats de Dain n'étaient pas tous restés car le premier jour où Thorin réussit à quitter le lit, son cousin l'avait chaleureusement embrassé et lui avait annoncé qu'il était temps pour lui de retourner dans les Monts de Fer.

-Je vais faire en sorte que voux receviez régulièrement tout ce dont vous avez besoin, promit solennellement Dain à son cousin. Et je reviendrai au printemps. Mais pour l'instant, mes morts doivent retourner dans leur patrie et à leurs familles. Ma femme est enceinte et même si je suis certain qu'il s'agira d'un fils, une rébellion va poindre à un moment ou un autre et je dois m'assurer que ça n'arrive pas.

La relation entre Thorin et Dain intriguait Bilbon : Dain avait refusé de se joindre à la quête de Thorin mais avait ensuite amené son armée à la demande de Thorin. Il semblait sincèrement heureux de la guérison de Thorin même si il aurait pu prétendre au trône d'Erebor si Thorin était... n'avait pas récupéré.

Fili et Kili n'auraient pas pu s'opposer au nain qui avait toute une armée derrière lui.

Et Thorin semblait apprécier Dain mais il n'avait pas l'air mécontent de le voir s'en aller. C'était étrange mais Bilbon n'aborda pas ce sujet avec Thorin parce qu'il estimait que cela ne le regardait pas et qu'il n'avait pas à demander quoi que ce soit à Thorin sur son cousin.

Toutefois, plus il y avait de questions évitées et de non-dits entre eux et plus Bilbon avait l'impression de perdre son ami.

Et c'était de sa faute. Ces deux dernières semaines, Bilbon avait, d'une certaine manière, fait en sorte d'éviter Thorin. Quelquefois. Un peu. De temps en temps.

Même si ils étaient de nouveau amis, Bilbon avait toujours peur de faire quelque chose qui déplaise suffisamment à Thorin pour qu'il lui demande pourquoi il était toujours là et quand avait-il l'intention de s'en aller, accompagné du regard impatient et froid que Thorin lui lançait au début de leur périple.

Après la bataille, Gandalf lui avait offert de revenir dans un délai d'un mois quand les choses... se seraient réglées d'une façon ou d'une autre mais Bilbon l'avait prié de revenir au printemps lorsque le temps sera plus propice à effectuer un voyage aussi long.

Si il partait.

Bilbon... avait réalisé que cela ne le dérangeait pas de rester à Erebor.

Pour ne citer que quelques raisons : la bibliothèque était une autre partie d'Erebor qui était restée relativement en bon état et il y avait un grand nombre de livres en langue commune que Bilbon voulait lire. Et c'était étonnant de voir les réparations qui se faisaient au sein de la Montagne. Chaque jour, il lui semblait remarquer que quelque chose s'était réparé tout seul, comme par magie mais c'était un peu injuste pour les nains qui travaillaient très dur pour rendre à Erebor sa gloire passée. Mais il était stupéfié par leur travail et regardait leur labeur comme si un magicien venait de réparer le sol, les murs, les statues et ainsi de suite.

Lorsqu'on disait les nains, il s'agissait non seulement des membres de la Compagnie de Thorin mais aussi des soldats de Dain qui étaient restés même si leur chef était reparti dans les Monts de Fer. Et peu de temps après son départ, de nouveaux nains des Monts de Fer s'étaient présentés, des ouvriers cette fois à la place de soldats.

Certains avaient déjà vécu en Erebor, ou alors leurs familles, et certains avaient simplement voulu demander la permission de s'installer et de créer une nouvelle maison pour eux-mêmes, requête que Thorin avait accepté.

Un tout petit nombre de nobles nains avait atteint la Montagne et Bilbon était encore en train d'essayer de comprendre ce que signifiait être un noble nain. La seule chose qu'il avait compris, c'était qu'en tant que nobles, ils avaient un poste sûr, qu'ils pouvaient se mêler de choses qui ne les regardaient pas et que Dwalin et Balin en faisaient partie ainsi que Thorin, Dain, Fili et Kili.

Quoi qu'il en soit, une des raisons qui poussaient ces gens à rester étaient de voir le peuple de Thorin, les nains des Ered Luin, retrouver leur maison légitime. Ils ne devaient pas arriver avant un mois ou deux même si les corbeaux d'Erebor s'étaient envolés dès la fin de la bataille. A leur tête, Dis, la soeur de Thorin, le voyage serait beaucoup plus long pour eux que pour les nains qui arrivaient des Monts de Fer.

Cela pourrait même prendre plus de temps parce que seuls des fous tenteraient de traverser les Monts Brumeux en plein hiver.

Bilbon voulait vraiment les voir revenir dans leur royaume, il tenait à rencontrer la soeur de Thorin, la mère de Fili et Kili et il voulait rester assez longtemps pour pouvoir admirer Erebor lorsqu'elle aura entièrement retrouvé sa splendeur d'avant Smaug. Il voulait voir l'ancienne Erebor depuis que Balin lui avait raconté l'histoire de l'arrivée du Dragon.

Il voulait aussi voir Dale et quel genre de roi Bard serait à moins qu'il ne finisse par décider de prendre ses enfants avec lui et de fuir dans un endroit où personne ne voudrait poser de couronne sur sa tête.

Mais mise à part sa curiosité, Bilbon avait d'autres raisons qui le poussaient à envisager de rester en Erebor. Treize pour être précis, ses amis et Thorin était sans doute la raison la plus importante d'entre elles.

Il était... possible que Bilbon éprouve à l'égard de Thorin des sentiments un peu plus qu'amicaux. Ce qui était tout à fait stupide de sa part, il en était bien conscient que c'était complètement crétin mais que pouvait faire un hobbit ?

Thorin était... Thorin. Et apparemment Thorin était exactement ce que Bilbon avait recherché tout au long de sa vie même si il l'ignorait au moment où il avait repoussé toutes les demandes en mariage des Bolger et des Fierpied et qu'il s'était résigné à passer le reste de sa vie seul.

Revenir à la Comté signifiait qu'il serait aussi seul qu'il l'avait été avant l'arrivée de la Compagnie à Cul de Sac mais aussi que certaines personnes lui manqueraient cruellement. Cela signifiait également qu'il ne pourrait plus voir Thorin parce que maintenant, Thorin était roi et les rois ne pouvaient pas effectuer un périple de plusieurs mois pour aller prendre le thé dans une contrée lointaine si l'envie les prenait. Si jamais l'envie les prenait.

Et une vie entière sans Thorin... n'était pas quelque chose que Bilbon était prêt à vivre pour le moment. Si jamais... non il préférait être un crétin à Erebor qu'un pauvre hère dans la Comté.

Et si on oubliait le manque de fenêtres, il commeçait à se sentir plutôt à l'aise à Erebor. En particulier dans la bibliothèque, un lieu où Bilbon pouvait passer des heures et des heures sans jamais s'ennuyer une seule seconde. Même si le charme était en quelque sorte rompu lorsque des nains qui lui étaient inconnus commençaient à fureter entre les immenses étagères pleines de livres du sol au plafond. Non pas que Bilbon n'appréciait pas leur compagnie mais surtout parce que la plupart des nains qui l'apercevaient, le toisaient comme si il allait voler des livres.

-Je ne sais pas ce qu'on dit de mon habileté à être un cambrioleur mais sortir de cette bibliothèque avec un livre dans la poche serait un véritable exploit, s'était un jour exclamé Bilbon à Bofur.

-Ne dites pas ça devant Nori, il risquerait de vous entendre, avait répondu le marchand de jouets avec un sourire malicieux. Il pourrait relever le défi.

-Mais pourquoi me surveillent-ils tous comme ça ?

-Parce qu'il y a beaucoup de livres en khuzdul dans la bibliothèque.

-Et alors ?

-Eh bien, en dehors de Bifur qui a un peu de mal avec la langue commune, nous ne sommes pas censés parler le khuzdul devant une autre race, expliqua Bofur avant de se reprendre, craignant d'avoir froissé le Hobbit. Non pas que vous nous soyez inférieur en quoi que ce soit mais c'est la tradition, vous comprenez ?

Et Bilbon comprenait. Bofur était la personne la plus gaie et la plus ouverte que Bilbon ait jamais connu mais même lui faisait la différence entre Bilbon et ceux qui résidaient dans la Montagne. Le fait qu'il les ait aidés à récupérer Erebor n'avait aucune importance : il n'était pas un nain et il serait donc toujours différent.

Et il était impossible qu'un Roi nain ressente autre chose que de l'amitié pour un "étranger". Un semi homme. Ca ne pourrait jamais marcher. Bilbon était déjà heureux d'être de nouveau ami avec Thorin. Mais une partie de lui voulait plus ou au moins retrouver la même amitié qui les avait unis lorsqu'ils étaient chez Beorn. Une amitié qui leur permettrait de s'échanger plus que quelques mots superficiels sans qu'ils aient besoin de choisir soigneusement chaque mot qu'ils prononçaient de peur de dire quelque chose qui vexerait l'autre.

Bilbon soupira. Une amitié où ils parleraient tant qu'ils ne verraient pas les heures défiler. Lorsqu'ils étaient chez Beorn, ils avaient parlé des heures ensemble malgré le fait qu'ils soient obligés de se lever à l'aube le lendemain. Lorsqu'ils avaient fini par aller se coucher, Thorin avait insisté pour que Bilbon prenne son manteau de fourrure pour s'en servir de couverture. Bilbon n'avait accepté qu'à la condition qu'ils le partagent tous les deux et même si le lit sur lequel ils s'étaient allongés était fait de foin, ce fut l'une des plus belles nuits qu'ait jamais vécu Bilbon.

Il n'avait même pas touché Thorin à part leurs bras qui s'effleuraient mais ça restait dans son souvenir une nuit absolument magnifique.

Tout à coup, Bilbon n'eut plus vraiment faim et la bibliothèque se trouvait non loin du hall principal alors il préféra s'y rendre en premier au lieu d'aller prendre son petit-déjeuner. Il irait manger plus tard. Rien ne pressait.

Ce n'était certes pas la première fois qu'il se disait cela et que finalement, il renonçait à son projet mais il n'en tint pas compte. Bilbon ouvrit l'une des grandes portes de la bibliothèque et pénétra dans une salle complètement silencieuse. Même Ori semblait absent et le bruit de la porte qui se referma sembla anormalement puissant à l'oreille de Bilbon.

Il était encore assez tôt et Ori viendrait sans doute plus tard après qu'il ait fini son petit-déjeuner. Mais pour l'instant...

Bilbon se tortilla pour se débarrasser de son lourd manteau et le suspendre proprement sur le dos d'une chaise. Pour l'instant, il pouvait profiter de la paix et du calme qui restaient inhabituels puis il irait se trouver quelque chose à manger et après...

-Chut, siffla une voix douce alors qu'une main se plaquait sur sa bouche et qu'un bras puissant s'enroulait autour de son torse. T'as pas de raison de t'affoler.

-Mmmpf ! gémit Bilbon qui n'était pas du tout d'accord.

-Fais-le taire ! ordonna une autre voix. Sinon on va avoir des problèmes.

Les mains de Bilbon qui se débattait furent emprisonnées et il sentit quelque chose fermement appuyé sur la paume de sa main droite.

-C'est un couteau, prévint la même voix dans un grognement ce qui pétrifia Bilbon.

-Range ça, s'exclama une troisième voix.

Par les Valar, pour une bibliothèque vide, il y avait quand même pas mal de monde. Nori et Dwalin seraient atterrés par ses misérables capacités de...

-Tu veux donc qu'il se mette à crier ?

-Contente-toi de poser le couteau sur la table. On l'aura toujours à portée de main au cas où. Les murs sont épais et il n'y a personne ici. Va faire le guet pour t'assurer que ça ne change pas.

Si il y avait bien un problème d'être un hobbit entouré de nains, c'était que ces derniers étaient toujours plus grands et plus forts que lui alors quand ceux-là le portèrent comme si il était aussi léger qu'une plume, Bilbon comprit qu'il ne pouvait pas faire grand-chose pour les arrêter.

-On s'en fout de la table, faut le mettre K-O. Elle est où la bouteille ?

-Ici.

-Ok, couvre-lui les yeux alors.

La paume qui recouvrait sa bouche passa sur ses yeux. Pourquoi ne voulaient-ils pas qu'il voit ? Qu'est-ce qu'ils voulaient...

-Qu'est-ce que vous... ? tenta de demander Bilbon lorsqu'il réalisa qu'il pouvait de nouveau parler mais sa tête fut basculée en arrière, de gros doigts pincèrent son nez et alors que Bilbon était sur le point de crier, quelque chose glissa dans sa gorge et avant qu'il puisse le recracher, une autre grosse main lui ferma la mâchoire.

-Avale ! commanda la voix la plus rageuse des trois alors que Bilbon se tortillait contre les mains qui le maintenaient immobile. J'te lâcherai pas jusqu'à ce que t'aies avalé et j'crois pas que tu pourras respirer par les oreilles, semi homme.

Peu importe ce qu'ils avaient versé dans sa bouche, Bilbon savait qu'avaler était une très mauvaise idée mais le choix ne lui revint pas lorsque finalement son corps le trahit et l'obligea à déglutir.

-C'est bon, je l'ai senti avaler. Relâche-le maintenant.

Bilbon n'avait pas pris deux bouffées d'air que tout s'assombrit autour de lui et la main qui se trouvait toujours sur ses yeux était loin d'arranger les choses.