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La nuit était sombre, les rues aussi froides que la mort. Le jeune homme marchait en silence, camouflé sous son manteau noir, la tête enfoncée dans la capuche d'un sweat gris qu'il portait en-dessous. Ses pas étaient légers, inaudibles, et il disparaissait très vite dans les ténèbres. En quelques pas, il se retrouvait au milieu de la foule des quartiers plus animés. Personne ne le remarquait : les habitants de Séoul étaient trop concentrés sur leurs occupations nocturnes pour se soucier d'un passant lambda qui traversait la capitale. Si seulement ils savaient. Le jeune homme tenait dans sa poche une carte noire qu'il avait récupéré discrètement dans une petite auberge : c'était là qu'il recevait ses ordres. Car Jimin n'était pas un de ces jeunes hommes qui sortaient faire la fête un samedi soir : il avait autre chose à faire. Le visage fin, les yeux lumineux, âgé de vingt-deux ans, il avait pourtant perdu toute l'insouciance de sa jeunesse dans l'expression de son regard. L'air de rien, il sortit la carte noire de sa poche et y jeta un coup d'œil furtif.

« Sortie de secours du Musée des Sciences.

Dix-sept heures.

Jeune homme de vingt-trois ans. »

Rarement les ordres qu'il recevait étaient plus explicites que cela. Et cela suffisait. Ses supérieurs laissaient cette carte, et la cible était toujours à l'endroit prévu. Il rangea de nouveau la carte dans sa poche et continua son chemin sans sourciller. Le lendemain, il logerait une balle dans la tête de la cible sans demander pourquoi quelqu'un tenait à le voir mort. C'était ainsi que Jimin vivait.

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Il était là, dans son viseur, précisément à l'endroit qui lui avait été indiqué. Le visage à moitié caché derrière une large paire de lunettes noires, le jeune homme sortait du musée les mains dans les poches, comme si de rien n'était. Jimin était complètement immobile, on aurait même dit qu'il ne respirait pas. Concentré, il attendait que la tête de sa cible se retrouve toute seule au centre de son viseur. Installé dans le bâtiment en face, il guettait déjà depuis près d'une heure. Cela faisait longtemps qu'il avait arrêté de se poser des questions sur ses contrats. Pourquoi ? Qui étaient-ils ? Qu'est-ce que cela faisait de ne pas savoir qu'en une seconde sa vie pouvait s'arrêter, juste le temps d'appuyer sur une gâchette ? Qui leur en voulait ? Jimin exécutait et il passait à une nouvelle carte. Il ne les comptait même plus. Cette fois-là pourtant, quelque chose se réveilla dans l'esprit du tueur à gages. Il connaissait cet homme. Cette silhouette, cette posture… des souvenirs lointains et enfouis jaillirent soudainement. Il se souvint d'une main tendue, d'une chaleur réconfortante. C'était une autre époque, une autre vie, quand il n'avait alors que treize ans.

Pour la première fois de sa carrière d'assassin, Jimin hésita. Pour la première fois depuis des années, son cœur se mit à trembler et une voix qu'il avait cru avoir oublié résonna dans son esprit. Une voix chaude, grave, rassurante.

« Reste avec moi. Je ne les laisserai plus te faire de mal. »

La cible disparut de son viseur, et Jimin avait inconsciemment retiré son doigt de la gâchette. Le souffle tremblant, il resta là, dans cette pièce étroite, sous le choc. Il n'avait jamais hésité avant, il avait toujours exécuté les ordres à l'heure précise.

— Hyung, murmura-t-il d'une voix éraillée.

Car Namjoon n'était pas qu'une cible : il avait fait partie de sa vie pendant une année complète, avant que Jimin ne disparaisse sans laisser de trace. Cela ne servait plus à rien de s'éterniser dans ce lieu lugubre. Le tueur à gages rangea méthodiquement son matériel, le cerveau assailli de questions qu'il ne s'était jamais posées alors. Il passa une main dans ses cheveux blond d'un geste machinal. Et s'il recevait de nouveau le même contrat ? Et si la cible était transférée à un autre tueur ? Que devrait-il faire ? Inconsciemment, il n'avait pas pu tirer sur Namjoon, et même s'il avait retrouvé son sang froid, il n'était pas certain de ce qu'il devait faire. Durant sa vie d'avant, ce garçon, qui avait un an de plus que lui, l'avait sauvé de la solitude et d'une mort certaine.

Cette journée n'était assurément pas comme les autres. Le cœur de Jimin battait étrangement dans sa poitrine depuis qu'il avait vu Namjoon. Comme à son habitude à la tombée de la nuit, il parcourait le même chemin, entrait dans la même auberge, mangeait le même plat rapidement, installé à la même table. Il n'avait plus qu'à soulever l'assiette pour trouver une carte noire.

« Café L'Hirondelle.

Seize heures.

Même cible. »

Evidemment qu'ils savaient qu'il n'avait pas accompli sa mission jusqu'au bout. Dans le doute, ils avaient décidé de lui donner une chance de se rattraper. Jimin déglutit difficilement : ce n'était pas un contrat qu'il voulait. Il ne finit pas son plat et sortit du restaurant, la carte dans sa poche. Une nouvelle fois, il se perdit dans la foule, jusqu'à ce qu'il bifurque dans une allée qui le menait jusqu'à chez lui. Il essayait tant bien que mal de lutter contre son cœur en panique, et il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il se mettait dans un tel état. A peine arrivé dans son studio, il alluma son ordinateur et tapa directement dans la barre de recherche le nom de Namjoon. Un article s'ouvrit directement devant ses yeux.

Le Gouvernement se tourne vers les Cerveaux nationaux. Kim Nam Joon est la nouvelle figure du Programme d'Avenir.

Ceci était peut-être la réponse à sa question : pour quelle raison voudrait-on se débarrasser de lui ? Il l'avait perdu de vue il y avait des années de cela, et n'avait jamais cherché à le retrouver. Il était loin de se douter de ce qu'il allait trouver.

Le « Programme d'Avenir » lancé par le Gouvernement a un visage : Kim Nam Joon. L'élite des jeunes cerveaux de Corée du Sud a été réunie pour élaborer un plan tenu secret défense pour l'avenir de la nation.

Kim Nam Joon n'a que vingt-trois ans et pourtant il se retrouve à la tête du Programme. « J'ai des idées plein la tête » nous a-t-il confié lors de notre entretien exclusif, surveillé de très près par les services secrets. « Pas uniquement du point de vue économique, mais je ne peux pas vous en dire plus. »

De nombreux citoyens sont sûrement curieux d'en savoir plus sur ce « Programme d'Avenir » mais la Maison Bleue déploie une énergie considérable pour qu'aucune information ne fuite. Il ne fait aucun doute que ce cela marque un tournant dans la politique de notre pays dans cette ère troublée…

Jimin referma le capot d'un coup sec. Ce programme spécial ne devait pas plaire à tout le monde, et les détracteurs les plus violents avaient pris la décision la plus radicale. Les tueurs à gages ne se demandaient pas si leur contrat méritait vraiment de mourir. Ils ne pensaient pas à l'humain dont ils devaient ôter la vie, et encore moins à leur famille, et jusqu'ici cela n'avait jamais posé de problème à Jimin. La main sur le cœur, il ne s'était jamais senti aussi affaibli, et il n'aimait pas cela. Il avait appris à oublier son passé. Il se leva de sa chaise, soudain apaisé, enfin. Il n'hésiterait plus : demain, celui qu'il avait appelé « Hyung » serait mort.

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« L'Hirondelle » était un café littéraire branché près du quartier Gangnam. Jimin devait penser à une autre méthode que de jouer le sniper dans une rue aussi fréquentée : l'incertitude de toucher la cible et la panique que cela pourrait causer ne feraient qu'attirer les regards sur le meurtre.

Un poignard dans la poche, il était adossé au mur d'une boutique, juste à côté du café. Les écouteurs dans les oreilles, la capuche sur la tête, il passait très bien pour un étudiant qui attendait un camarade. A quinze heures cinquante-huit précisément, il vit Namjoon sortir de « L'Hirondelle » avec une boisson chaude à emporter. Il serait tellement facile pour Jimin de se faufiler parmi les passants, enfoncer sa lame dans un point vital de sa proie et partir l'air de rien en le laissant se vider de son sang. Alors il commença à le suivre, concentré, tel un fauve approchant sa proie. Il ne s'était sûrement pas attendu à ce que Namjoon se retourne soudainement vers lui. Leurs regards se croisèrent une seconde, et avant que Jimin ne puisse fuir, Namjoon le fixait avec intensité. Immobile, Jimin se contenta de répondre à son regard, les yeux ronds par la surprise.

Le reconnaîtrait-il après tout ce temps ? Il ne lui laissa pas le temps de lui adresser un mot, mais l'expression du visage de Namjoon ne laissait aucun doute. Il ne l'entendit pas mais il sut très bien lire sur ses lèvres. « Jimin ? » Il avait prononcé son nom. Le cœur du tueur à gages battit la chamade, une nouvelle fois, de façon incontrôlable. Le jeune homme prit peur et courut dans la direction opposée : il devait s'éloigner de lui impérativement.

Jimin erra dans la ville jusqu'à la tombée de la nuit. Il n'avait pas su mener à bien sa mission, encore une fois. Ce n'était pas la surprise qui l'avait empêché de le tuer, et il serait bien incapable d'expliquer pourquoi, malgré sa détermination, il n'avait pas pu aller jusqu'au bout. Namjoon avait grandi depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, mûri aussi. Il avait continué de vivre et s'était même tracé un parcours hors du commun : il était promis à un brillant avenir. Et depuis tout ce temps, il n'avait pas oublié Jimin. L'avait-il cherché ? Pendant combien de temps ? Ces questions ne devraient pas tant bouleverser Jimin, il avait appris à ne pas les entendre. Mais cette fois, il n'arrivait pas à les taire. Ce fut avec appréhension qu'il se rendit à l'auberge habituelle. Recevrait-il une autre carte le conduisant une troisième fois à Namjoon ? Il n'en avait pas envie. Cependant, la deuxième alternative lui glaçait le sang : si ce n'était pas lui qui devait à nouveau remplir le contrat, la cible serait donnée à quelqu'un d'autre, et le nouveau tueur professionnel sur le coup n'hésiterait pas une seconde, et Namjoon serait bel et bien mort. Il reçut son plat et une goutte de sueur froide coula dans son cou. Il souleva l'assiette, presque avec dégoût.

« Break »

C'était la première fois qu'il recevait ce genre de message. Cela signifiait purement et simplement qu'on avait accordé une pause au tueur à gages après de multiples échecs. Le sous-entendu était moins décontracté : la prochaine erreur mènerait à une éradication totale de la guilde, et dans le milieu des assassins de l'ombre cela signifiait devenir soi-même la cible. On n'autorisait pas un tueur professionnel de à pas honorer son contrat une troisième fois. Ce n'était pas cette idée qui effrayait le plus Jimin : la tête posée sur sa main, les doigts sur la bouche, il était à présent sûr que quelqu'un d'autre allait se charger de Namjoon. Il ignorait où, ni quand, mais le jeune prodige était condamné, et, d'instinct, Jimin refusait que cela ne se produise.

Jimin passa toute la nuit à s'affairer, à étudier les habitudes possibles de Namjoon. Il déciderait de le trouver le plus tôt dans la journée et de le suivre jusqu'à ce qu'il soit sauf. Il avait l'avantage de connaître le mode opératoire des tueurs à gages de sa guilde, il ignorait cependant qui avait eu le contrat. Namjoon devait déjà être sous protection nationale. Pas assez. Cela signifiait que ses déplacements n'étaient pas dus au hasard, et c'était de cette façon que Jimin lui-même avait pu avoir l'heure et le lieu précis où il se trouvait ces deux derniers jours.

Le lendemain, à la première heure, Jimin chercha les points stratégiques où Namjoon avait ses habitudes. Malgré toutes ses recherches nocturnes avec le matériel et les connaissances dont il disposait, le tueur à gages avait eu du mal à tracer un parcours possible emprunté par le prodige du Programme d'Avenir. Il espérait pouvoir le trouver avant l'heure définie par le contrat, et il ignorait totalement où et quand cela aurait lieu. Il ne fut rassuré qu'aux alentours de onze heures du matin, quand il vit Namjoon sortir d'un bâtiment non loin du quartier où se situait « L'Hirondelle ». Il le prit alors en filature, guettant chaque recoin de rue susceptible de cacher la personne engagée pour le tuer. La tête dissimulée sous un bonnet et une large paire de lunettes noires, Jimin était fondu dans la masse. A ce qu'il pouvait juger des activités de Namjoon, le jeune homme se demandait à quel moment de la journée il travaillait. En effet, il le suivit un peu partout en ville et il s'arrêtait rarement plus d'une heure à un endroit. Plus il le suivait, plus les souvenirs remontaient en lui. Jimin vivait dans la rue à treize ans, fuyant les foyers après avoir été abandonné par ses parents. Battu de nombreuses fois par les surveillants et certains de ses camarades du foyer, il avait préféré vivre dehors, jusqu'à ce que Namjoon lui tende la main. Il avait fait de sa maison la sienne pendant près d'un an. Pour la première fois de sa vie, il avait connu la chaleur et la protection d'une famille, jusqu'à ce que, un jour, il ne revint plus dans cette maison sans laisser un mot.

Il était quatorze heures quand une sensation étrange eut l'effet d'une vague glacée s'abattant sur Jimin. Il jeta un coup d'œil aux alentours et aperçut un reflet étrange sur une vitre située au troisième étage d'un immeuble. La visibilité était claire et dégagée, Namjoon était en plein dans un viseur, sans en être conscient. Jimin devait agir vite : il courut jusqu'à Namjoon, lui attrapa brusquement le bras et le força à le suivre sur plusieurs dizaines de mètres jusqu'à une ruelle à l'abri des regards. Namjoon avait les yeux écarquillés sous la surprise, ne comprenant pas du tout ce qui lui arrivait.

— Mais qui… ?

Jimin regardait autour d'eux avec concentration et inquiétude, espérant avoir réussi à semer le tueur à gages en embuscade.

— Park Jimin ? fit Namjoon en détaillant le visage de son ravisseur.

Sans répondre Jimin osa enfin lever les yeux vers lui. Ils échangèrent un long regard silencieux, troublés par les souvenirs que cette rencontre faisait remonter. Le cœur de Jimin battait si fort qu'il lui semblait être incapable d'entendre les bruits extérieurs.

— C'était bien toi que j'ai vu hier ? reprit Namjoon. J'étais sûr de t'avoir reconnu… après tout ce temps.

Jimin se contenta de le regarder sans rien dire. Son vis-à-vis prit délicatement son visage entre ses mains, chaudes et électrisantes.

— Tu es devenu un adulte maintenant. Où étais-tu passé ?

— Ne restons pas là, dit enfin Jimin, tu es en danger ici.

— En danger ? s'étonna Namjoon. Comment…

— Partons.

Il prit l'initiative de quitter la ruelle pour retrouver une zone plus fréquentée quelques mètres plus loin. Namjoon le suivait docilement, intrigué et curieux de comportement de la personne qu'il avait perdu de vue depuis presque dix ans. Il le conduisit jusqu'au premier café qui était sur leur chemin. Les deux hommes s'installèrent à une table près de la baie vitrée du magasin et passèrent commande comme si de rien n'était, comme deux amis qui s'étaient retrouvés en ville le plus calmement du monde. Jimin regardait l'extérieur avec attention pendant que Namjoon l'observait avec émotion et curiosité.

— Comment sais-tu que je suis en danger ? demanda-t-il, calmement.

— Tu ne travailles pas sur un projet de grande ampleur ?

— Peut-être mais…

— Est-il possible qu'il y ait des gens qui s'y opposent ? interrogea Jimin en plongeant son regard dans le sien.

Namjoon sembla réfléchir un instant et il fronça les sourcils.

— Comment sais-tu ça ?

— Tu n'as pas besoin de savoir.

— Que s'est-il passé ce jour où tu as disparu ? Que t'est-il arrivé ?

— Je ne veux pas en parler.

— Ne parlons pas alors, soupira Namjoon tandis que Jimin regardait de nouveau par la fenêtre l'air pensif.

Namjoon ne cessait de fixer Jimin, une expression de tristesse naissant sur son visage.

— Pas besoin d'être né de la dernière pluie pour comprendre que quelque chose t'es arrivé. Je ne suis pas naïf.

Jimin resta muet, et comme il n'avait pas l'intention d'en parler, Namjoon abandonna sa quête de réponses.

— Tu as changé Jimin. Tu n'es pas uniquement devenu un adulte, tu souriais beaucoup plus avant.

Le jeune homme baissa les yeux, sans répondre. Namjoon fit tourner sa tasse de café sur elle-même, d'un geste machinal, comme pour combler au malaise qui s'était installé entre eux deux.

— Il n'y a donc pas grand-chose sur lesquelles nous pouvons discuter alors. Ni le passé, ni le présent, tu réapparais dans ma vie comme par magie, et tout ce que je veux c'est rattraper le temps perdu.

— Je voudrais rattraper le temps perdu moi aussi, murmura Jimin, sur son habituel ton grave et lent. Juste que… il y a des choses que je ne peux pas dire. Pas encore.

S'il paraissait froid au premier abord, l'intérieur de Jimin était bouillonnant, comme s'il était un volcan en éveil après des milliers d'années de sommeil. Son entraînement forcé pour être un tueur professionnel avait été long, difficile, et avait voulu noyer toute émotion de sa part, et cela avait très bien fonctionné jusqu'à ce que Namjoon réapparaisse dans sa vie. Il pourrait lui expliquer tout simplement ce qu'il s'était passé ce jour-là, mais ce serait faire remonter des années de conditionnement dans son esprit, ce serait parler pendant des heures de choses qu'on lui avait forcé à oublier, et il ne le voulait pas. Du moins, il n'était pas prêt. Sa priorité était de protéger Namjoon contre ceux qui voulaient sa mort. A sa plus grande surprise, ce-dernier avança sa main pour prendre la sienne.

— Maintenant que nous nous sommes retrouvés, nous avons du temps pour tout ça, d'accord ? Très bien, ne me raconte pas ce qu'il t'est arrivé tout de suite. Je veux juste être sûr que tu ne vas pas t'évaporer sitôt que j'ai le dos tourné.

Jimin hocha la tête, il n'avait pas l'intention de partir. La chaleur de la main de Namjoon sur la sienne irradiait tout son bras. Ils se regardèrent en silence, cette fois il n'y avait plus de tristesse dans le regard de Namjoon, ni de curiosité, juste la joie. Puis il se leva, s'excusant pour aller aux toilettes. Il avait laissé son portefeuille sur la table, et ce fut à ce moment-là que Jimin remarqua ce détail. Sa curiosité prit le dessus, comme si quelque chose lui ordonnait d'y jeter un coup d'œil.

Du bout des doigts, il ouvrit l'étui de cuir. En-dehors des papiers habituels que chaque citoyen doit avoir sur lui, Namjoon y avait soigneusement rangé quelques photos. Une de ses parents, évidemment, mais deux autres attirèrent l'attention de Jimin. Sur la première, il avait treize ans, et avait encore une bouille très juvénile, ronde, avec un sourire timide. La deuxième le représentait lui et Namjoon, quelques mois plus tard : complices et souriants, cette photo représentait la meilleure année de sa jeune vie. Sa lèvre trembla légèrement et il referma le portefeuille avec émotion. Il resta pensif durant de longues minutes, jusqu'à ce que Namjoon revienne. Ce-dernier sembla soulagé de voir que Jimin était encore là.

— Tu as un endroit où tu peux être en sécurité ? demanda le jeune homme.

— Chez moi, répondit Namjoon du tac-au-tac.

Jimin parut dubitatif.

— On y va, dit-il simplement. Je viens avec toi.

Namjoon avait rarement paru aussi heureux. Un large sourire se dessina sur son visage, accentuant ses fossettes aux creux des joues. Jimin sentit à nouveau son cœur frémir. Cela l'arrangeait de pouvoir être au plus près de lui pour le protéger, mais c'était tout aussi troublant. Namjoon avait été son grand-frère, son seul ami, son pont de repère. Il avait cru l'avoir perdu, et le voilà si lumineux devant lui. Alors Namjoon l'emmena jusqu'à son appartement, s'arrêtant au passage devant diverses vitrines presque avec insouciance.

Namjoon vivait dans un appartement moderne et lumineux, l'exact opposé du studio de Jimin à peine équipé pour vivre. Sans doute était-ce un privilège dû à son statut de prodige de la nation, embarqué dans un programme déterminant pour l'avenir. Dans tous les cas, le jeune homme parut presque embarrassé de présenter son lieu de vie à Jimin.

— Je sais que tu ne veux pas m'en dire plus mais si je suis en danger, ne vaudrait-il mieux pas prévenir ceux pour qui je travaille ?

— N'es-tu pas déjà sous protection ?

— Visiblement ce n'est pas assez, je ne le suis pas quand je sors du travail.

Jimin croisa les bras en poussant un long soupir désapprobateur devant un tel manque de discernement de la part du gouvernement lui-même.

— Je sais ce qui te menace, donc je serai ta protection, décida Jimin.

Peut-être était-ce une requête égoïste, mais déballer ce qu'il savait au service de sécurité national était encore plus dangereux que se charger tout seul des tueurs à gages désignés pour ce contrat. Namjoon resta dubitatif : Jimin savait qu'il avait des tas de questions en tête et qu'il aurait un jour à y répondre.

— Tu veux manger quelque chose ? demanda maladroitement Namjoon.

Jimin n'avait pas très faim, mais la partie tendre de son cœur qui s'était ranimée à son contact n'avait pas le courage de lui refuser quoi que ce soit. Préparer quelque chose spécialement pour lui semblait remplir Namjoon de joie. Il alla fouiller dans sa cuisine, et cela se voyait qu'il n'en avait pas l'habitude malgré la splendeur de ses équipements ménagers. Toute la scène paraissait incongrue : Jimin qui restait planté au milieu du salon, regardant Namjoon mettre sa cuisine en désordre.

— On aurait pu commander une pizza, dit simplement Jimin.

— Peut-être bien, soupira son ami avec désespoir en regardant ses ustensiles.

Jimin ne put retenir un sourire. Il suffisait d'un appel pour régler le problème. Namjoon l'invita alors à s'installer sur le canapé en attendant que les pizzas n'arrivent. Namjoon avait du mal à cacher son malaise : il était tellement heureux d'avoir Jimin auprès de lui qu'il ignorait comment agir.

— Et si on regardait un film ? reprit-il. Tu le trouves comment le canapé ? S'il n'est pas assez confortable, je te laisse mon lit. Tu es plutôt bière ? Soju ?

Son vis-à-vis le regardait intensément et ne semblait pas avoir envie de répondre à cette avalanche de questions.

— Quoi ? demanda Namjoon, rougissant.

— Qu'est-ce qui te rend si nerveux ? demanda Jimin dans un murmure.

— Tu te doutes bien.

— Te ferais-tu des idées ?

Ils étaient si proches, assis côte à côte sur le canapé, seuls dans un appartement impeccable. Sans s'en rendre compte, ils avaient rapproché leur visage l'un de l'autre.

— Elles ne sont pas déplaisantes, souffla Namjoon de sa voix grave, les yeux étrangement étincelants.

Jimin n'avait plus de doute : ils étaient autant troublés l'un que l'autre et peut-être pour les mêmes raisons. Leur échange silencieux fut interrompu par la sonnerie de la porte indiquant l'arrivée de leur livraison. La nuit était tombée rapidement. Namjoon avait mis un film et ils s'étaient assis à même le sol, au plus près de la petite table sur laquelle ils avaient étalé les pizzas et les bouteilles de bière.

— Je ne sais pas pourquoi je suis si nerveux à ton contact, ajouta Namjoon.

— Les années de séparation ?

— Tu n'as pas idée à quel point tu m'as manqué. A quel point je t'ai cherché, attendu. Je me suis senti vide pendant des années.

Jimin baissa les yeux : il sentait encore son cœur battre fébrilement.

— J'ai envie de te serrer tellement fort contre moi que tu serais incapable de t'enfuir à nouveau.

A nouveau, un grand sourire se dessina sur le visage de Jimin, illuminant son expression habituellement sombre. Namjoon l'observait avec tendresse.

— Tu vois, quand tu souris, c'est vraiment toi, dit-il d'une voix plus grave en lui caressant la joue.

Jimin posa sa main sur celle de son vis-à-vis, lui demandant silencieusement de continuer à le toucher. La chaleur de sa peau était hypnotisante, irradiante.

— J'ai envie de t'embrasser, continua Namjoon.

— Alors embrasse-moi, fit le jeune homme d'une voix à peine audible.

Le pouce du prodige effleura la lèvre inférieure du tueur à gages tout en se rapprochant un peu plus de lui. Il l'embrassa tout doucement, presque avec chasteté. Jimin l'attrapa par le col pour approfondir le baiser, happant les lèvres moelleuses de son compagnon, les mordillant un peu, avec passion. Namjoon émit un gémissement de surprise, étouffé par la langue de son vis-à-vis qui venait caresser la sienne. Jimin s'était mis sur ses genoux et il se rapprocha de Namjoon plus près encore, à califourchon sur ses cuisses. Immobilisé par la surprise et emporté par le baiser, ce-dernier se laissait faire volontiers. Il tenait Jimin par la taille et le serra contre lui avant de faire balader ses mains sur son dos, les faisant lentement descendre jusqu'à l'élastique de son caleçon. Jimin menait le baiser comme il l'entendait, jouant avec lui comme s'il s'était libéré de toute entrave. Depuis quand il le désirait à ce point ? Il n'en avait aucune idée.

Enfin, Jimin délia ses lèvres à celles de Namjoon pour reprendre son souffle. Front contre front, il attendit que les battements de son cœur ne se calment enfin, sous le regard captivé de Namjoon.

— Si je m'attendais à ça…

— Tu t'attendais à quoi ?

— Disons que ce n'était même pas dans mon programme à la base de t'avoir auprès de moi ce soir.

Un nouveau sourire se dessina sur le visage de Jimin tandis qu'il faisait parcourir ses pouces sur les joues de son vis-à-vis avec tendresse. Namjoon l'embrassa dans le cou avec la ferme intention de reprendre où ils s'en étaient arrêtés. Son compagnon le laissa faire quelques instants, le temps de savourer un peu, passant ses doigts dans ses cheveux, avant de le repousser gentiment.

— Finissons le film d'abord. On verra ce qu'on fera ensuite.

Il se releva et s'installa confortablement sur le canapé. Namjoon mit de longues secondes avant de se remettre de ses émotions et se redressa pour le rejoindre tout en laissant échapper un long soupir. Jimin semblait s'amuser de la situation, en réalité il était encore plus troublé que Namjoon. Il laissait son corps et son instinct réagir seuls, oubliant tout ce qu'il avait appris jusqu'alors, toutes ces séances visant à annihiler ses émotions avaient volé en éclats.

Assis en tailleur dans le coin du canapé, le coude posé sur sa cuisse et l'ongle de son pouce entre ses dents, Jimin s'était comme refermé sur lui-même, les yeux fixés sur l'écran de télévision sans s'en détacher une seconde. Il était passé du froid au chaud, puis du chaud au froid en moins de temps qu'il n'en fallut à Namjoon pour comprendre ce qu'il se passait. Ce dernier s'était assis tout près de lui, presque collé contre son corps. Ils regardaient la deuxième partie du film, sans avoir vraiment suivi le début.

Le générique de fin sortit Namjoon de sa rêverie. Jimin était allongé en position fœtale, la tête posée sur ses cuisses, profondément endormi. S'il s'écoutait, Namjoon resterait dans cette position toute la nuit, mais ce n'était pas raisonnable. Il réussit à s'extirper lentement du canapé en veillant à ne pas réveiller Jimin, lui maintenant le visage dans le creux de sa main. Le jeune homme ne broncha pas. Délicatement, Namjoon le prit dans ses bras : il n'allait pas le laisser prendre froid sur ce grand canapé dépourvu de couverture. La tête de Jimin se colla contre sa poitrine pendant qu'il traversait le salon en direction de sa chambre.

Jimin se réveilla lorsque les rayons du soleil furent suffisamment forts pour passer à travers ses paupières. Il avait bien dormi, longtemps, sans qu'il ne s'en rende compte. Il s'étira de tout son long, et il mit quelques minutes avant de se rendre compte qu'il était dans un lit. Enroulé dans le drap, il se sentait bien, le matelas était parfaitement moelleux, tel un nuage. Il tourna la tête de l'autre côté du lit et vit Namjoon qui s'éveillait tout juste. Il lui souriait, faisant ressortir ses fossettes, et il passa sa main dans ses cheveux avec tendresse.

— Tu t'endors toujours comme un chat, commenta-t-il.

Jimin répondit à son sourire et roula sur le matelas pour se blottir contre lui, sentir la chaleur de son corps contre le sien. Les doigts de Namjoon étaient encore enfouis dans ses cheveux, le caressant tout doucement dans un simple geste apaisant. Le front contre ses lèvres, Jimin se laissa bercer encore quelques minutes par sa respiration. Il referma ses bras autour de sa taille avant de se redresser pour pouvoir l'embrasser. Le cadre était idyllique, ils profitaient de cet instant flottant entre le réveil et le moment où ils devraient se lever pour les occupations de la journée.

— À quelle heure tu dois y aller ?

— J'ai encore une heure devant moi.

Jimin fit une moue de déception. Namjoon se mit au-dessus de lui, le couvrant de baisers pour le détendre. Il découvrit avec malin plaisir que le point faible de Jimin était le cou. Il y vint piocher de nombreux baiser dans le creux de son épaule, sous la mâchoire et il le sentit frémir sous lui instantanément. Jimin se laissait dévorer volontiers, soupirant d'aise à chaque caresse.

— On ne pourrait pas rester là ? murmura-t-il.

— C'est tentant mais je ne peux pas. J'ai des obligations.

— Tu parles comme si tu allais sauver le monde.

— Toute proportion gardée, c'est un peu ça, sourit Namjoon en se levant.

La chemise de Jimin avait glissé de son épaule gauche, comme s'il l'avait fait exprès. Une expression lascive sur le visage, il ne lâchait pas son ami des yeux. En appui sur ses bras tendus dans son dos, il attendait, comme s'il l'appelait en silence. Namjoon bloqua longuement sur cette vision enchanteresse, la peau de Jimin était illuminée par les rayons matinaux du soleil, ses vêtements presque défaits et ses cheveux blonds qui lui donnait une allure angélique. Il aimerait pouvoir rester, c'en était certain. Il aimerait aussi pouvoir le toucher un peu plus, mais il devait se montrer raisonnable.

Plus tard dans la journée, posé dans un coin au premier étage café, Jimin avait une vue d'ensemble sur la rue qui bordait le bâtiment gouvernemental où travaillait Namjoon. Il y passerait la journée s'il le fallait : il ignorait quand allait frapper le prochain tueur à gages à qui le contrat avait été confié. Il attendit des heures, avec patience, jusqu'à ce qu'il reçoive un message de Namjoon.

Je sors. Suis-moi discrètement en faisant attention.

RAS pour l'instant. Je serai derrière toi.

Il le vit sortir du bâtiment comme si de rien n'était. Jimin sortit du café, les mains dans les poches, et laissa une dizaine de mètres entre lui et Namjoon, observant les piétons autour d'eux. Il repéra très rapidement un individu suspect juste entre lui et Namjoon : il avait la même aura que lui, celle d'un prédateur qui chassait. La différence avec un passant lambda était très fine, et Jimin savait la reconnaître. Il pressa le pas, slalomant entre les quelques personnes qui se trouvaient sur son chemin sans se rendre compte de rien. On remarquait à peine sa présence, il avançait vite, presque en courant, mais ne touchait personne. Il arriva à la hauteur du suspect tout en regardant la nuque de Namjoon qui marchait à la même allure. S'était-il rendu compte de la présence d'un assassin derrière lui ? Jimin n'avait pas le temps de réfléchir à cette question, ils en parleraient plus tard sûrement. A cet instant, sa mission était d'arrêter l'homme qui le suivait avec un couteau dans la main, légèrement dissimulé sous la manche. Encore quelques pas.

Avec la rapidité et la fluidité d'un félin, Jimin passa devant l'assaillant et attrapa la lame du couteau avant même que l'homme ne se rende compte de sa présence. Ils s'immobilisèrent tous les deux au milieu du trottoir alors que Namjoon continuait de marcher, s'éloignant d'eux petit à petit.

— Si tu le touches, je te tue, murmura-t-il tout doucement en le regardant droit dans les yeux.

Son vis-à-vis ne parut pas bouleversé, ni par sa présence ni par ses mots. Jimin ne le connaissait pas, mais il était indubitablement un tueur à gages, et il avait à peu près le même âge que lui.

— Tu n'étais pas au rendez-vous habituel hier soir, dit-il d'une voix morne. Tu sais ce que ça veut dire.

— Je n'en ai rien à faire.

— Tu vas devenir un contrat, finit-il.

Jimin le savait, il n'avait pas besoin de l'entendre dire. Il ne lâchait pas sa prise et ne faisait pas attention au sang qui tombait en gouttes sur le sol. Namjoon était déjà loin, l'heure du contrat avait dû être manquée grâce à son intervention, mais la situation restait dangereuse quand même : ce n'était pas cela qui allait arrêter un assassin. Son adversaire ne dit pas un mot mais il semblait s'être résolu. Il recula d'un pas avec un petit sourire en coin.

— Tu ne parviendras pas à le protéger pour toujours, tu sais comment ça marche.

Il disparut entre les passants, laissant Jimin immobile dans la rue, la main ensanglantée. Il était prêt à endurer tout cela : il se servirait de ses aptitudes pour protéger Namjoon de ses anciens pairs. Il reprit son chemin, presque en courant, marchant sur les pas de son ami qui avait disparu de son champ de vision. Ils s'étaient mis d'accord pour se retrouver à L'Hirondelle, et il espérait vraiment le trouver là. Il s'approchait à grands pas du lieu de rendez-vous avec une inquiétude grandissante. Il fut happé soudainement dans l'entrée d'un magasin par le bras que quelqu'un venait d'agripper. Dans son élan, il se heurta à un torse et la personne dut l'attraper par les épaules pour qu'il retrouve son équilibre. Namjoon lui faisait face et tout à coup le moment de panique disparut.

— Tout va bien ? demanda-t-il. Tu es bien pâle.

Jimin se contenta de le fixer, les yeux arrondis, retrouvant peu à peu son sang-froid. Le regard de Namjoon se baissa et il lui prit subitement le poignet droit pour le relever à la lumière du jour. Il constata avec effroi que la main de Jimin était en sang.

— Qu'est-ce que…

— Ce n'est rien, rassura Jimin, tout doucement.

— Il t'a blessé…

— C'est superficiel.

— Tu sais, murmura Namjoon gravement, une ombre voilant ses yeux, je veux bien ne poser aucune question mais tu as des réponses à me fournir. Qui sont ces tueurs à gages et pourquoi tout cela te concerne ?

— Hyung, s'il te plait.

Namjoon tenait la main de Jimin comme si elle était la chose la plus précieuse au monde.

— Nous allons soigner ça chez moi, reprit Namjoon, la mâchoire crispée.

Le jeune homme était un peu blessé de voir que Jimin n'était pas encore décidé à lui parler. Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, son ami d'enfance avait rarement prononcé deux phrases à la suite. De son côté, Jimin avait toujours cette façon de regarder Namjoon comme s'il le voyait pour la première fois. Il venait de faire face à un tueur entraîné sans trembler et pourtant il demeurait silencieux devant son ami comme s'il était impressionné et incapable de formuler une phrase correcte. Lui-même avait du mal à comprendre son attitude : son histoire qu'il tenait tant à cacher à Namjoon pesait lourdement sur ses épaules. Combien de personnes avait-il tué sans sourciller ? Combien de pères, de mères, de frères, de sœurs, de fils, de filles avaient fait partie de ses contrats ? Plus il retrouvait son humanité plus le poids de ces vies pesaient lourd, et il avait de plus en plus peur de parler à Namjoon de tout cela.

— Jimin, fit la voix lointaine de Namjoon. On va chez moi.

Il enroula la main blessée de son ami dans son écharpe avant de quitter l'entrée dans laquelle ils s'étaient abrités. Il le tenait par le poignet et marcha rapidement des centaines de mètres durant jusqu'au quartier où il vivait. Les deux hommes ne disaient rien, conscients de la gravité de la situation, du malaise engendré par le silence, et des sentiments qu'ils ressentaient l'un pour l'autre sans les comprendre. Ils n'évoquèrent même pas le baiser de la veille, ni le réveil tendre dans les bras l'un de l'autre.

Arrivés à l'appartement, Namjoon ordonna à Jimin de s'asseoir sur le canapé, et son jeune ami aux cheveux blonds obéit sans discuter. La quiétude du garçon contrastait avec les gestes précipités de Namjoon qui cherchait son kit de premiers soins dans la salle de bain. Une fois la boite métallique entre ses mains, il rejoignit Jimin sur le canapé. Le genou replié sous lui pour prendre une posture où il lui faisait face, il lui prit délicatement sa main blessée et commença à nettoyer la paume rouge de sang. Au fond de lui, Jimin trouvait tout cela ridicule presque, surdimensionné par rapport à la coupure, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'apprécier la douceur de Namjoon. Pour la première fois depuis longtemps, quelqu'un s'inquiétait pour lui quand il était blessé.

— Je ne suis pas en sucre, hyung.

— Il faut éviter que cela s'infecte, répondit simplement Namjoon, concentré sur ce qu'il faisait.

Le sang était complètement nettoyé et il put voir en effet que l'entaille n'était pas très profonde : elle était déjà en train de cicatriser. Il commença alors à enrouler un bandage autour de la paume et Jimin le laissait faire, presque avec amusement. Un sourire s'était dessiné depuis déjà quelques minutes sur le visage habituellement impassible du blond.

— Quoi ? rougit Namjoon.

— Je suis vraiment heureux de t'avoir retrouvé.

Son vis-à-vis répondit à son sourire, oubliant instantanément toutes ses interrogations. Il posa la main sur la joue de Jimin, son pouce effleurant ses lèvres. Le souvenir furtif de leur baiser revint enfin en sa mémoire et il avait une forte envie de recommencer. Jimin ne semblait pas s'y opposer. En fait, ce fut lui qui s'avança un peu plus près de lui et engagea le baiser. La boite à pharmacie glissa sur le sol dans un fracas métallique dans l'indifférence la plus totale. Jimin avait passé ses bras autour du coup de Namjoon, et ce-dernier lui enserrait la taille, leurs deux corps uniquement séparés par leurs vêtements.

Jimin se hissa sur Namjoon, à califourchon sur ses cuisses. Sans qu'il ne s'y attende, ce-dernier se retrouva plaqué contre le dossier du canapé. Jimin jouait avec ses lèvres, il jouait avec sa langue, tout en lui déboutonnant la chemise. Namjoon semblait totalement à sa merci, il était comme une proie en train de se faire dévorer. Leurs lèvres se délièrent et Jimin déposa de petits baisers papillonnants le long de son cou jusqu'à la naissance de son torse. Il fit descendre doucement ses mains jusqu'à la ceinture de Namjoon. Avec des gestes lents et précis, il défit la boucle, puis le bouton, et fit descendre la fermeture éclair avant de faire glisser sa main à l'intérieur, caressant le renflement du caleçon. Namjoon ne put retenir un gémissement de surprise, alors qu'il était en train de se laisser emporter par les baisers de Jimin sur sa peau. Il était évident qu'il ne pouvait pas passer à côté de son excitation qui avait commencé dès que Jimin s'était installé sur ses cuisses. Non seulement le jeune homme sentait cela, mais en plus c'était ce qu'il était venu chercher. Ses doigts se refermèrent sur le membre à peine réveillé de Namjoon et il le libéra de ses entraves. Il descendit du canapé avec souplesse et se cala entre les jambes de son compagnon qui le regarda avec interrogation. Il semblait ne pas croire à cette tournure des événements, pourtant Jimin était bien agenouillé devant lui, son érection entre les mains, la bouche entrouverte comme s'il allait dire quelque chose. Son souffle chaud se rapprochait de plus en plus de son organe sensible, et après des secondes qui parurent aussi longues que des minutes, ses lèvres se déposèrent mollement sur le bout. Sa langue humide s'enroulait paresseusement autour de son gland, faisant de petits mouvements circulaires autour de l'orifice qui coulait déjà sous l'excitation. Instinctivement, Namjoon passa la main dans les cheveux de Jimin, emmêlant ses doigts dans ses mèches décolorées, avec un soupire d'extase.

Le jeune homme semblait prendre du plaisir à jouer avec lui, il savait ce qu'il faisait, il savait ce qu'il voulait. Les soins qu'il portait à le sucer faisait perdre la tête à son compagnon. Ce-dernier avait du mal à réaliser la situation dans laquelle il était. Jimin fit glisser sa langue le long de la hampe, laissant échapper un gémissement volontaire. Namjoon était si raide entre ses doigts, son corps réagissait d'instinct à cette douce torture. Enfin, il le prit entièrement en bouche, faisant fi du rejet naturel lorsqu'il atteignit l'entrée de sa gorge. Namjoon n'entendait plus que son cœur tambouriner dans sa poitrine. La douceur des cheveux de Jimin entre ses doigts était sa seule attache au monde réel, et il s'y accrochait pour ne pas se perdre. Il allait et venait sur lui, encore et encore, d'abord doucement, puis de plus en plus vite, amenant Namjoon au bord de l'orgasme. Et Jimin ralentit le mouvement, comme s'il voulait rester maître de la situation. Il observait les réactions de son amant avec attention, anticipait ses désirs. Il passa la pointe de sa langue sur l'orifice frémissant, jouant à titiller Namjoon qui peinait à étouffer ses râles. La force revint soudain dans les bras du prodige de la nation et il parvint à faire reculer la tête de Jimin alors qu'il était sur le point de se libérer dans sa bouche. Mais son compagnon repoussa sa main, acceptant de recevoir sa semence. Il était trop tard pour s'arrêter et Namjoon se raidit, et poussa un gémissement rauque. Jimin sentit le membre plus dur que jamais se contracter légèrement dans sa bouche pendant qu'il se déversait sans retenue.

Namjoon restait immobile, à moitié allongé sur le canapé, attendant qu'il retrouve un rythme cardiaque normal. Jimin s'était relevé, la langue entre les lèvres, d'un air satisfait. Il se pencha sur son compagnon et entreprit de passer sa langue sur son ventre encore frémissant de son orgasme. Namjoon mit encore de longues secondes avant de se remettre de ses émotions.

— Comment…

— Ne pose pas de question.

Il l'embrassa tendrement, sans rien ajouter, avant de se lever. Il retira son pull, ses yeux brillants de malice plantés dans ceux de Namjoon, et le laissa choir sur le sol. Il commença à déboutonner son pantalon, mais au lieu de rester face à l'homme qu'il voulait séduire, il partit dans la chambre, ordonnant silencieusement à ce-dernier de le suivre. Namjoon soupira longuement. Sa chemise était entièrement défaite, son pantalon avait glissé avec son caleçon jusqu'à mi-cuisse... Ces vêtements ne lui étaient plus d'aucune utilité, alors il s'en débarrassa rapidement. Quelque chose de plus intéressant l'attendait dans sa chambre, il ne voulait pas manquer le spectacle. Les jambes en coton, il parvint tout de même à se relever, secouant frénétiquement le pied pour se défaire de son jean trop collant. Il se précipita pour retrouver Jimin, et il le vit, devant le lit, le pantalon pas tout à fait baissé, mais suffisamment pour qu'on puisse apercevoir la naissance de ses fesses. Namjoon déglutit devant sa cambrure. Y avait-il déjà porté attention auparavant ? Le jeune homme avait un corps athlétique, des cuisses musclées, suffisamment épaisses pour tendre son pantalon en jean. Sa taille fine faisait ressortir ses fesses voluptueuses. Il n'était pas bien grand de taille, mais son corps était harmonieux, bien proportionné.

— J'ai failli attendre, murmura Jimin, presque avec innocence.

Namjoon réagit d'instinct. Le fait qu'il soit nu ne le perturbait pas plus que cela, au contraire, et il fallait que Jimin se retrouve dans le même état. Il se colla contre son dos et commença à lui mordiller la peau tendre du creux de son cou. Il voulait le toucher, le découvrir, lui procurer autant de plaisir que lui quelques instants plus tôt. Ses mains caressèrent longuement le torse de Jimin, il titilla furtivement ses tétons. A ce toucher, il le sentit frémir contre lui. Puis il continua de parcourir son corps tout en accentuant ses baisers dans son cou. Le blond soupirait de bien-être, adossé contre lui, et il avait passé une main par-dessus son épaule pour pouvoir le toucher, s'agripper à sa nuque. Les mains de Namjoon lui frôlèrent la taille et ses pouces vinrent se coincer dans la ceinture de son pantalon. Délicatement, il le baissa jusqu'à ce qu'il glisse tout seul le long des jambes de Jimin. Il ne portait pas de caleçon, il était déjà dans le plus simple appareil à son tour. Il tourna alors la tête vers Namjoon et leurs lèvres se croisèrent, s'emmêlèrent avec passion tandis que le plus âgé continuait de parcourir son corps, comme s'il était en pèlerinage. Il passa une main sous le muscle bombé de la fesse de Jimin, et remonta lentement, un doigt passant dans la fente, ne laissant aucun doute sur ses intentions. Jimin gémissait d'anticipation. Il lui donna un dernier baiser avant de s'installer sur le matelas, allongé sur le ventre, les hanches légèrement remontées, comme une invitation sans équivoque.

— Je veux que tu me prennes, dit-il simplement.

Namjoon ne réfléchit pas plus longtemps. Il le rejoignit sur le lit et lui embrassa le bas du dos tout en commençant à caresser son érection naissante. La tête enfouie dans l'oreiller, Jimin se laissa aller aux sensations qui enflammaient son corps. Les lèvres de Namjoon descendaient peu à peu jusqu'à ses fesses. Il lui mordillait la chair avec envie, la faisant rougir, avant de l'embrasser tendrement et de répéter encore et encore le même rituel un peu plus bas, ou bien sur l'autre fesse. Puis il passa à un autre jeu et fit glisser sa langue le long de la fente. Des deux mains, il écarta un peu plus les deux muscles fermes et pulpeux, et il caressa du pouce l'entrée frémissante qui l'attendait. Sans plus attendre, il fouilla rapidement dans le tiroir de sa table de chevet, et en sortit un gel à l'eau ainsi qu'une boite de préservatifs. Jimin ne fit aucun commentaire sur le fait qu'il était déjà équipé du matériel nécessaire à leur confort intime. Il se laissa basculer sur le côté, le bras posé lascivement sur sa hanche, regardant avec patience son compagnon dérouler la protection sur son membre.

Sans prévenir, Jimin se redressa avec vivacité, attrapant Namjoon par la nuque. Il l'amena à lui et le fit allonger sur le lit, le dos callé sur l'oreiller. Il ne le lâcha pas du regard tandis qu'il se mit à califourchon sur son ventre. D'abord surpris par l'attitude volcanique de son amant, Namjoon comprit qu'il fallait le laisser diriger à sa guise, et ce n'était pas déplaisant. Jimin avait un bras tendu dans son dos, guidant de sa main l'érection pressée contre sa peau vers son intimité. Il la fit entrer en lui avec précaution, laissa son corps s'habituer à cette intrusion, les yeux fermés, pendant que Namjoon soupirait d'aise sous lui et lui caressait les hanches. Un pli se forma entre les sourcils de Jimin au fur et à mesure qu'il descendait. Les sensations se mélangeaient, le plaisir charnel pur et vif, l'affection douce et sincère, la douleur et la gêne aussi. Une main fermement posée sur la taille de son amant, l'autre remontant sur son corps, caressante, jusqu'à son visage qu'il effleura du bout des doigts avec émotion, presque en tremblant, Namjoon s'attarda sur ses lèvres, incapable de détacher son regard de lui. Il se laissait volontiers aller au rythme qu'il lui imposait. Jimin ondulait du bassin sur lui, avec des mouvements de plus en plus amples, emporté par le désir.

— Jiminie, murmurait Namjoon d'une voix lointaine.