Quelques mots pour vous expliquer un peu comment fonctionne cet OS. J'ai dû le couper en deux car très long. Ensuite, il y a deux récits dans l'histoire : celui de Lizzie, plus long et plus « important » et celui de Mika et Merle, imbriqué dans Les Fleurs de la Folie (titre très pompeux mais je m'en fiche), qui se déroule uniquement à Woodbury, et qui diffère donc du temps qui ponctue le récit de Lizzie. Le site aime bien me supprimer des signes de ponctuation et des mots alors je fais ce que je peux en recorrigeant le texte, et ça passe ou ça casse. Je m'excuse d'avance des heurts dans votre lecture (mais les fautes d'orthographe qui m'ont échappé sont bien de moi, malheureusement…). La chanson de cet OS (oui il y en a toujours chez moi) est Intro d'Alt-J de l'album This is All Yours qui est magnifique et qui me fait penser à cette pauvre Lizzie Samuels. Mon personnage préféré de la série, en fait. Voilà, si vous pouviez l'écouter en même temps que votre lecture…
TOUT APPARTIENT A ROBERT KIRKMAN ET JE NE TOUCHE PAS D'ARGENT (dommage) EN PUBLIANT CE RECIT.
Enjoy.
Les Fleurs de la Folie
(…et une histoire de sciences)
« Bonjour, vous. Bienvenue dans notre monde. Nous sommes les Autres, ceux qui vous ont quittés. Nous sommes vos Frères, morts et enterrés.
Je ne vous demanderai qu'une chose. Avant d'écouter ma chère Lizzie, posez-vous une question : et si les Rôdeurs, ceux qu'on appelle les morts-vivants, pouvaient être encore en vie de quelque sorte ?
Retenez bien ce mot : mort-vivant. Vous comprenez, à présent ? »
Jacqui.
Les fleurs. Les fleurs, trop vulgaires, trop fades, trop futiles. Trop mortelles, dangereuses, ensanglantées. Les fleurs, la dernière chose qu'elle apercevra de sa vie. Les fleurs, qui à jamais souillées du sang de sa sœur, les fleurs, qui lui enlevèrent la vie…
Le plus beau jour de sa vie a été la naissance de sa sœur. Mika est jolie, Mika est douce. Toute petite aussi, et c'est vraiment étonnant, parce que Lizzie l'aime si fort, si grand ! Et son père et sa mère encore plus, si c'est possible ! Un être de cette taille ne saurait contenir autant d'amour. L'admiration sans limites qu'elle lui voua vint ensuite, à peine deux minutes après son premier regard. Mika était forte, pour tenir tout cela.
Mais Mika était morte. Et ceci, à son plus grand déplaisir, lui coûta la vie. Parce que, le plus triste dans cette histoire, c'est que tout n'est que mensonges. Mensonges, car Mika n'est pas morte, mensonges car tous la croyaient folle, mensonges, parce que tout, en vérité.
Tout, oui : car jamais personne n'a daigné la croire, l'entendre tout ce que les gens entendaient lorsqu'elle ouvrait la bouche, c'était le mensonge.
Lizzie Samuels est une petite fille sage, appliquée. Elle travaille bien, a des amis, elle est gentille, elle comprend vite. Ses parents n'ont pas besoin de lui répéter inlassablement de ranger sa chambre, Lizzie le fait d'elle-même. Mika, elle, est têtue et tête-en-l'air, et sa chambre est à son image, pleine et en bazar. Mika se rit des règles et du danger, et Mika collectionne toutes les petites choses qu'elle trouve. Des épingles, des ficelles. Des poupées, des jouets cassés, des rêves épars et par milliers. Des rubans, aussi, des tas de rubans, et des dents (!). Maman la laisse faire, elle veut que ses filles grandissent sans entrave, qu'aucun de leur souhait ne soit oublié. Un peu trop laxiste, certes, mais l'enfance de ses filles aurait pu être parfaite.
Mais maman était morte. Comme tous les autres. Du moins, c'est ce que les survivants se forçaient à répéter, comme un mensonge évident, et complètement fou, ça oui. Surtout maintenant. Maintenant, les morts se levaient, mais tous continuaient de croire à ce mensonge totalement barge. Les morts sont morts, ils n'ont pas de conscience, ils ne pensent pas.
Sa maman, elle n'en parlera pas, jamais. D'ailleurs, elle ne l'a jamais fait, à personne, c'était toujours l'après, jamais l'avant ou le pendant, pas même à Mika. Parce que maman n'est pas morte, vous voyez ? Pas vraiment, plus maintenant. Maintenant, tout a changé, vous comprenez ? On ne meurt jamais vraiment, vous savez.
Et maman était venue lui parler.
Mais revenons au mensonge. Le mensonge est important, évident : il vous faut le comprendre, le saisir, il vous faut la comprendre elle.
Les morts…Elle n'y avait jamais cru. C'était insensé. Comment une personne pouvait être là, à vous parler, puis disparaître du jour au lendemain de la surface de la Terre ? C'est…c'est impossible, tout simplement. La mémoire est intemporelle, inébranlable : et Lizzie se souvient si bien de sa mère, de son sourire ! Elle sent encore sur son visage ses caresses par centaines ! Elle entend encore son rire, à travers celui de Mika ! Elle voit encore son fantôme, dans les yeux de son père ! Ils vivent encore dans leur jolie maison, à Jacksonville !
Mais ils ne sont pas heureux, non Mika et son père, Ryan Samuels, pleurent. Pas Lizzie. Lizzie ne peut pas, non. Elle veille sur sa famille. Elle veille sur sa mère, maman qui vient lui parler le soir, elle et sa voix divine. Lizzie ne vous dira jamais ce que lui chuchotait sa mère. Jamais.
Au départ, ce n'était qu'un chuchotis dans sa tête, une mélodie presque oubliée, qui avait ressurgit du tréfonds de son cœur pour tenter de l'apaiser. La fille s'était perdue dans le chant de sa mère, oubliant le reste, jusqu'à Ryan, son père. Mais Mika pleurait toujours, et Mika ne pouvait pas pleurer, elle méritait mieux : alors, pour la réconforter, dans leur jardin empli de fleurs, elle compte avec elle les pétales gorgés de soleil, lui apprend le nom des fleurs, des lys et des chrysanthèmes, seule chose qu'elles retiendront de l'enterrement.
Et Mika continue de pleurer, du haut de ses quatre ans. Rien ne l'arrête, pas même Ryan, qui n'est plus que l'ombre de lui-même.
Alors, d'un commun accord avec sa mère, pour sauver sa petite sœur si pleine d'amour –qu'au moins un des leurs conserve ce don-, Lizzie invente le plus grand mensonge de son existence. Un mensonge pour les autres, un mal pour un bien, une vérité secrète pour les filles. Lizzie dit : Maman n'est pas morte.
Et Lizzie devient folle.
Maman n'est pas morte, non. Et, à force de persuasions et d'idées fixes, Mika finit par y croire, entend et voit sa mère dans les couleurs vives des fleurs, sent le sein de sa mère dans le parfum des alizées. Mika retrouve le sourire. Mika va mieux, Mika va bien. Et Lizzie est heureuse de sa trouvaille, elle a sauvé sa sœur, c'est tout ce qui compte. Maman n'est pas morte, elle n'est simplement pas là, mais un jour, on la retrouvera. Ce n'est pas vraiment mentir, non ? C'était la vérité, dans un certain sens : mais son père ne l'a pas compris ainsi. Il l'a croit perturbée, dérangée, folle. Il l'emmène chez une dame très gentille avec qui elle parle, et la dame lui dit que mourir, ce n'est pas ça, qu'elle ne reverra pas sa maman. Lizzie hurle, Lizzie s'indigne, Lizzie pleure. Elle ne pleure pas pour elle, mais pour cette femme si stupide, qui ne connait rien de sa vie ou de la mort, qui ne l'a verra jamais comme Lizzie la percevait. Elle pleure pour cette femme fade, qui ne connait rien de la Mort, qui ne connait rien de la Vie.
Mais Lizzie se tait, ne parle plus de maman, pas même à Mika, qui finit par oublier et grandir. Pas Lizzie.
Merle soupira une énième fois, grognant dans sa barbe. Il arrêta sa marche, passant lentement sa dernière main sur son visage, expirant profondément.
Cette putain de gamine ne le lâchera jamais ? Une demi-heure qu'elle traînait dans ses pattes, à le suivre telle une ombre bien peu silencieuse et discrète. Il avait beau la renvoyer, courir pour lui échapper, elle était toujours dans son dos, serrant son doudou comme si le monde avait voulu le lui prendre.
Il se retourna pour la énième fois, sentant sa patience disparaître aussi vite qu'un steak au milieu d'une horde.
« Bon, la gosse, fini d'jouer, maintenant ! » Gronda-t-il en espérant la faire fuir. « Rentre chez toi ! »
Mais la gamine ne broncha pas, le regard éteint, les prunelles vissées dans les siennes. Son regard dénué de sentiment le mettait mal à l'aise, parce que c'était vraiment pas normal, à son âge. Elle avait quoi, huit ans ?
« Je m'appelle Mika. »
« Ah. Voilà. Super. J'en ai rien à foutre. Rentre chez toi, gamine. »
« Mademoiselle Pams ne sera pas contente, si je rate la classe de sciences. Monsieur, vous pourriez m'emmener à l'école, s'il-vous-plait ? Ils vont croire que j'ai disparu, et mon papa va avoir des problèmes. »
Merle contempla avec effarement la gamine, de plus en plus gêné. Voilà qu'la gosse lui donnait du 'M'sieur', à présent. Et c'était quoi cette histoire de sciences, bordel ?
« Ecoute, gamine. En c'moment, ta prof doit : soit avoir servi d'steak aux Mordeurs, soit courir l'marathon pour échapper aux Mordeurs, ou tout simplement elle est un Mordeur. Alors r'tourne voir ton père, et t'fais pas d'mouron pour lui. » Dit-il en s'approchant, se grattant le crâne. Bon, on n'pouvait pas dire, il avait essayé d'la rassurer, la gamine.
Mais Mika cligna des yeux, perdue, comme si les mots de l'homme n'avaient pas de sens pour elle. Et, pour sûr, ça l'était : elle n'avait véritablement pas compris ce qu'il avait dit.
Il tiqua, vexé, et repassa sa main sur son visage, passablement énervé. La gosse ne le lâchera pas sans qu'il daigne l'écouter, et il était déjà assez en retard pour la laisser le filer plus longtemps. Il s'approcha alors, et il posa un genou face à la gamine, choqué de sa petitesse. A peine plus haut que sa jambe relevée, c'est-à-dire pas grand-chose. Minuscule, la môme. Toute petite, toute innocente.
Toute gamine, et déjà si conne.
« Mad'moiselle Pams, elle est morte. Elle se fiche de savoir où t'es, sauf si c'est pour te bouffer. Plus de cours de sciences, la môme. Tu es libre, et ton papa aussi. »
La gamine lui offrit son plus beau sourire, comme soulagée d'un énorme poids, et elle s'écrie « Merci Monsieur » avec ferveur. Merle, qui a ouvert la bouche avec incompréhension, se laisse embrasser sans réagir, hébété. La petiote était véritablement heureuse, ça se voyait dans son regard soudain bien vif, et elle sautillait sur place en continuant de le remercier. Il se gratta la barbe, pensif, et il observa la Folie s'emparer de l'enfant, passif. Parce que la gamine devait être folle, sa prof était morte, et elle était heureuse.
« Hé, gamine, tu sais c'est quoi la mort ? »
« Oui, monsieur ! C'est quand on s'endort et qu'on se réveille, mais qu'on est différent. »
« Différent ? Différent comment ? »
« Bah… Différent. On n'est plus pareil. »
« Et on n'est plus là, aussi. »
« Si, c'est juste qu'on est différent. »
Si les sourcils de Merle avaient pu se hausser encore plus haut, peut-être auraient-ils pu témoigner de son égarement. Parce qu'à son âge, et dans un monde pareil, on savait ce qu'était la mort. On avait déjà été confronté à elle. Merle l'a été, et bien plus jeune, et ne serait-ce qu'avec l'Apocalypse…
« Petite. Quand on est mort, on est mort. Rien ne reste. Ton âme s'en va au ciel. » Diantre, qu'il était fier de sa phrase ! C'est qu'il pouvait se révéler poétique, le Merle Dixon !
« Mais non. » La gamine fronça les sourcils, refroidie, et plissa son petit nez. « Quand on est mort, on est encore là. Regarde derrière les murs, tu verras. T'es déjà allé dehors ? »
« Ouais, une ou deux fois, ouais. » Grogna-t-il en levant son moignon. « Et toi ? »
« Je suis arrivée il y a une semaine, je crois. Avec papa et Lizzie. Tu connais Lizzie ? C'est ma sœur. C'est la fille la plus forte du monde ! »
« Ah ouais ? Et comment tu le sais ? »
« Avec elle, j'ai pas peur. »
Merle sourit. La gamine lui rappelait un peu Daryl au même âge. En vérité, tout lui rappelait Daryl, mais ça, il se gardait bien d'y penser. Daryl, lui aussi, n'avait jamais peur quand Merle était à ses côtés. Le Grand Merle, de son ombre rassurante, le protégeait des vices et des pêchés, enfant. Maintenant, tout a changé, et Daryl n'avait peur que lorsqu'il était avec lui, comme si c'était lui le danger.
« Bien, gamine. Et si t'allait rejoindre ta sœur, hein ? Ou ta mère, elle doit pleurer en croyant t'avoir perdue, alors- Hé mais ?! Nan, pleure pas ! Oh, pitié non, pleure surtout pas ! »
Trop tard. La morveuse était maintenant en train de geindre très fort, les larmes inondant ses joues, et il se tourna dans tous les sens à la recherche d'une aide. Mais personne ne venait dans ce coin, à Woodbury, c'était la limite de la ville, et il fallait encore nettoyer quelques pâtés de maison. Il est seul face à cette gamine bruyante, et il sait que si quelqu'un le croise avec elle, pour sûr qu'il passerait pour le sale connard qui fait pleurer les marmots pas plus haut que trois pommes.
Il soupire, excédé par cette histoire aussi stupide qu'incongrue, et il finit par tapoter maladroitement le dos de la petite, rougissant de honte. Bordel, si Martinez le voyait… ! Pire encore, le Gouverneur ! Il le lâcherait plus avec ça, il lui ferait des blagues toute la sainte journée !
Et la gamine qui se jette sur son torse en accrochant ses menottes à son cou épais, comme si…Bordel, mais qu'elle s'en aille !
Et la gamine chiale encore un coup, mouille sa chemise, et il continue de lui frotter le dos, plus gentiment cette fois-ci. Il attend, un peu touché par cette pauvre chose endeuillée, se sent coupable. Il avait à peine écouté ses propos, il avait été méchant. Bon, pas que ce soit vraiment un problème de conscience, mais la gamine était si petite et si faible… Si elle s'accrochait bien, il pourrait la soulever juste avec la force de ses cervicales, sans effort.
La gosse sèche ses larmes, renifle un bon coup, et il lui tend un mouchoir dégueulasse, mais elle le prend sans s'en inquiéter. Ses yeux rouges et encore tout plein de larmes le regardent maintenant avec le même vide qu'au début.
« Maman n'est pas là. Mais maman n'est pas loin. »
« Ah ? Et… tu sais où elle est ? »
La gamine sourit à nouveau, pointe le ciel du doigt, et s'exclame : « Dans les nuages ! » Puis, dirigeant son petit doigt vers sa personne : « Dans mon cœur ! » et, enfin, en ouvrant ses petits bras maigrichons, la tête levée vers les Cieux : « Partout ! »
Le Grand Merle ne peut s'empêcher de sourire. Elle n'était qu'innocence et jeunesse, un truc qu'il n'avait pas vu ni connu depuis des siècles.
« O.K. gamine. Et si tu rentrais, hein ? Il faut que j'y aille, maintenant. »
« Qu'est-ce que tu vas faire ? »
Tuer des Mordeurs, tout casser, tuer des hommes, peut-être. « Des choses de grands. »
« Je pourrai les faire, moi aussi ? Quand je serai grande ? »
« Gamine, tu f'ra c'que tu dois faire bien avant d'être grande. » Et sa voix mourut dans sa gorge. Si elle grandissait un jour… ! Il baissa les yeux, un peu triste, mais l'enfant tapa sur son bras, inquiète.
« Monsieur, tu vas bien ? »
Non. Non, il ne va pas bien. Il ne va pas bien parce que sa main lui manque. Il ne va pas bien parce que Daryl n'est pas là. Il ne va pas bien, parce que Merle a l'impression de devenir encore plus fou chaque jour qui passe. Mais Merle se tait, relève, la tête et sourit. Il sourit pour la gamine, et pour Daryl.
« Ouais, gamine. J'suis fort. Et si j'te ramenais chez toi, hein ? »
Lizzie ne grandit pas, non : elle a sauté cette étape, depuis que tous croient sa mère morte. Elle est devenue une adulte directement, pour pallier à l'absence de sa mère et de son père, qui s'efface dans le chagrin de l'amour perdu. Une douleur que Lizzie ne comprend pas. Pourquoi Ryan souffrait-il d'un tel manque ? Pourquoi ne voyait-il pas maman ? Elle était pourtant là, même dans ses yeux ! Alors comment… ?
Maman chuchote : c'est parce qu'il souffre qu'il ne me voit pas. La souffrance l'aveugle, l'empêche de voir la vérité. La souffrance est le mal de l'Homme : ton père refuse de me voir, se complaît sans le savoir dans sa souffrance. Il craint que ma présence ne lui fasse encore plus mal. Il a peur. Et il ne vous verra plus, Lizzie.
Mais Lizzie n'a pas peur. Lizzie n'a pas mal. Lizzie est avec maman, maman est là, elle lui caresse le visage la nuit. Maman n'est pas morte. Maman sera toujours là.
Un jour, abandonnée dans son jardin, Lizzie trouve une pauvre rose toute fanée, et dont les pétales menacent de s'écrouler. La fleur est seule, éloignée des autres, presque piétinée, comme perdue. Elle gît sans vie, alors Lizzie s'en approche. La fleur n'est pas morte. Elle va simplement nourrir la terre et renaître sous la forme d'une nouvelle rose. C'est le cycle de la vie. En quoi serait-elle morte ? Lizzie s'approche, vient l'effleurer de la pulpe de ses doigts.
Et, sous ses yeux ébahis, la rose renaît, ses pétales rougissent en une seconde, se redressent, la tige forcit. Elle lâche la fleur, tremblante, mais celle-ci respire la vie sans la présence de son doigt. Elle tremble très fort, Lizzie, et elle pleure.
La fleur a l'odeur de sa mère.
Et il se passe quelque chose d'atroce. Dans le monde entier, les gens meurent, les gens s'attaquent, les gens fuient. Autour d'elle, tout le monde a peur. Son père fait leurs bagages en vitesse, ses deux amis Oliver et Barbara sont avec eux. Des sirènes, des coups et des cris leurs parviennent de la rue, et à la télévision, les informations diffusent des images de personnes qui se jettent sur d'autres, qui les mangent. Il parait qu'ils sont morts, tous, mais que les morts se lèvent.
Et Lizzie a bien envie d'en rire.
Tous ces gens, toutes ces personnes qui n'ont jamais compris ce qu'était la mort, eux qui se croyaient séparés des morts, eux les vivants si fades et si stupides, tous voient le Mensonge briser âmes et corps. On ne meurt jamais vraiment, souvenez-vous : et Lizzie voit, dans ces nouveaux monstres, la Vie. Le mensonge le plus élémentaire, celui de la Mort, est dévoilé au grand jour, et les Hommes sont punis de leur vie mensongère, ils en payent aujourd'hui le prix. Qui pour lui dire qu'elle était folle, maintenant ? N'avait-elle pas raison, au final ?
Mais désormais, les « morts » sont des monstres, soi-disant là pour nous dévorer. Encore une fois, l'Homme se complait dans ses mensonges, ses rêves, il refuse de voir la réalité en face.
Sa mère est toujours là, dans sa folie, dans sa tête, maman chuchote et la soutient. Lizzie, en bonne enfant-adulte, caresse les cheveux de Mika, compte avec elle les fleurs. Mais il y en a peu, dans la maison, et avec l'agitation elles perdent vite le fil. Lizzie compte alors des fleurs imaginaires, magiques, qu'on ne peut voir qu'avec son cœur. Son mensonge plein de magie plaît à Mika, qui fait comme elle. Mais Mika ne fait que répéter ce que dit sa sœur, Mika ne comprend pas vraiment ses jeux absurdes. Mais elle fait des efforts, la pauvre Lizzie, et Mika l'aime assez fort pour faire semblant.
Ce n'est pas grave. Maman est là, elle veille et maman y croit.
Oliver et Barbara « meurent » assez vite. Lizzie assiste à leur transformation, hurlant comme une damnée, alors que leur père repousse vainement les morts. Lizzie hurle : maman ! Maman ! Mais maman, pour une raison inconnue, n'est pas là. Maman est loin, à ce moment.
Barbara s'avance vers elle, saisit sa cheville. Elle crie, son père hurle en levant sa hache, et Barbara chuchote son nom dans un gargouillement grotesque.
Lizzie le sait, Lizzie l'a entendu. Barbara avait toujours été gentille et aimante avec elle, jamais elle ne l'aurait attaqué.
Barbara voulait tout simplement de l'aide ! Peut-être l'avait-elle reconnue, dans sa maladie ! Et la hache de son père qui fend l'air pour se ficher dans le crâne de cette pauvre femme ! Tu l'as tuée, tu l'as tuée ! Crie-t-elle à Ryan. Maman est d'accord, maman est revenue, et elle la soutient une fois encore. Aucune entrave, d'aucune sorte.
Il n'y a plus de fleurs. Piétinées, les alizés, détruites, les roses ! Oublié, l'amour perdu de Ryan… Ryan ne voit plus que sa survie, celle de ses filles et sa souffrance, et maman pleure à son oreille, ne s'arrête pas…
Dehors, tout le monde tue. Sans exception. Chaque monstre qui apparaît est déchiqueté, brûlé vif, le cerveau réduit en poussière, les os broyés sans sommation. On les tue, et c'est tout. On survit, et c'est tout.
Mais Lizzie ne voit pas le monde ni la Vie de cette façon. Lizzie a encore l'espoir de chanter, d'hurler sa joie, de courir avec sa sœur dans des champs où s'étendent des fleurs par milliers. Lizzie a encore l'espoir de vivre.
Comment ? Oh, vous êtes bêtes ! Tout simplement parce que maman est là. Maman rassure, maman caresse son visage lorsque les brises d'été effleurent sa peau. Maman respire à travers son souffle, maman est sur le visage de Mika, qui lui ressemble tant. Lizzie court, se glisse entre les morts que son père et d'autres gens massacrent inlassablement, Lizzie ferme les yeux et ignore l'horreur, dévale les escaliers glissants de son imagination, sombre dans la folie. Autour d'elle, les morts grognent, hurlent, errent sans fin, en proie à une souffrance inimaginable.
Et maman dit : Voici le nouvel Homme. Ces créatures ne sont que le reflet de la peur terrible et du mensonge de notre Humanité. Ceux qui se cachaient derrière leurs faux-semblants et les mensonges sur la vie et la mort mêmes, ont été dévorés par leur propre hantise. Leurs cris…tu les entends ? Ils pleurent.
Et elle avait raison. Les morts ne grognaient pas, ils pleuraient ils pleuraient et erraient sans fin, à la recherche de la délivrance, du pardon de Dieu, peut-être. Comment ça, Lizzie délire ? N'importe quoi ! Ce sont les autres, les biens vivants, qui deviennent tous fous ! Tous, chacun changent, et des conflits surviennent ! L'un veut fuir au nord, persuadé que le froid ralentira les monstres, et l'autre a entendu parler d'un camp sûr et protégé en Californie, alors il frappe le premier parce qu'il n'est pas d'accord avec lui !
Et Ryan, qui parle tout seul la nuit en pleurant ! Croyait-il vraiment que ses filles dormaient lorsqu'il geignait ? La tête a même le sol dans cette foret glacée, entourées de morts invisibles ?
Tout le monde change, et pas qu'en bien. Leur groupe avait essuyé bien des échecs internes. Peggy, une femme d'une cinquantaine d'années, était morte car Tom l'avait tué, en proie à un coup de sang qui lui fut aussi fatal. Partout, le danger surgissait (des morts ou des vivants), les rendant nerveux et stressés, et la moindre dispute pouvait dégénérer en bain de sang.
Alors, pour ne pas sombrer comme les autres, Lizzie s'invente un autre monde, se ferme à toute l'horreur, et protège sa sœur. Les hommes ont beau se tuer, Lizzie continue de cueillir des baies et des petits fruits, de laver son linge avec rapidité et efficacité, s'occupe de sa sœur, veille du coin de l'œil son père, afin de vérifier qu'il ne sombre pas dans la même barbarie que les autres. Ryan, tout comme maman, continue de les aimer. Maman aime plus fort, plus vrai, maman l'aide : et Lizzie revit.
Elle revit car elle ne sent pas l'odeur constante et atroce des corps en décomposition. Elle ne voit pas les morts, elle ne touche pas l'atroce : Lizzie sent le parfum entêtant de la nature et de l'air pur, elle ne voit que les fleurs, ne touche que les pétales chaudes et douces qui croisent son chemin. Lizzie ne survit pas, n'a pas besoin : la Vie est partout autour d'elle, la Vie la protège des malheurs et mensonges des autres.
Et un jour, alors que Ryan découvre une ville à quelques kilomètres, dont un bon tiers était habitée par une vingtaine d'hommes et femmes, Lizzie est alors touchée par la grâce dévastatrice de Dieu.
Lizzie communique avec un monstre.
Elle s'en souvient très bien, elle était avec Mika, qui s'était aventurée en dehors de leur refuge, une vielle grange abandonnée. En rattrapant sa sœur dans la foret environnante, elles croisent deux monstres, un homme et une femme. Les filles hurlent, bondissent sur leurs petites jambes et s'enfuient, et les monstres se mettent à grogner. Mais ils ne les poursuivent pas. Lizzie se retourne, serrant la main de sa sœur, et les deux sont enlisés dans une espèce de boue. Il fait lourd et humide depuis quelques jours, et ils étaient maintenant embourbés jusqu'aux chevilles. Les filles se turent, et se regardèrent un instant, l'adrénaline pulsant encore dans leurs veines. Partons, Lizzie ! Non, attends, Mika ! Lizzie a entendu comme une plainte dans leurs grognements diaboliques, comme des pleurs, encore. Elle s'approche, malgré les alertes effrayées de Mika, et s'arrête à une distance respectable. Oui oui, ce sont bien les morts qui pleurent, et qui lui demandent de l'aide.
Mais c'est insensé, pas vrai ? Impossible, même ! Maman vient alors, jauge la situation, chuchote dans un souffle : impossible, dans un monde pareil ? Avec tous les mensonges des gens ? Non, non, tout ce qui est impossible, c'est seulement les hommes qui le disent. Et si tu avais raison, hein ? Et si tu devais les aider ? Juste… Juste pour voir.
Oui, oui, pourquoi pas ? Après tout, après toutes les tromperies qui avaient fait sombrer le monde lui-même, pourquoi devrait-elle croire que ces gens malades lui veulent du mal ?
Non, vraiment, ce n'était pas logique. Ce qui était logique, mais plus difficile à croire et vivre, c'était de reconnaître que les monstres n'étaient pas des monstres. Les monstres, c'est Ryan, c'est Kevin, c'est les autres survivants qui tuent les morts sans y réfléchir. C'était eux, les survivants, qui répandaient la mort. C'était de leur faute. Lizzie n'est pas folle, dit maman, ce sont les autres qui le sont.
Et, alors qu'elle avance d'un pas en tendant lentement la main, un des morts se libère, se brise une jambe et se jette sur elle, la terrifiant. Mika hurle et Ryan, par chance ou par miracle, apparaît alors et plante sa hache déjà souillée du sang dans le mort.
Maman avait tort. Maman ne l'a pas protégé. Maman est folle, comme le reste du monde. Maintenant, Lizzie et Mika pleurent dans les bras de leur père, Lizzie pleure de honte et ne cesse de s'excuser, tremblant encore d'avoir mis sa petite sœur en danger.
Et Lizzie cesse d'écouter maman.
« Lizzie, c'est la meilleure. Elle n'a jamais peur. Une fois, elle a même tué un lapin toute seule parce que j'avais faim. Elle ne m'a jamais laissé tomber. Mais moi, j'ai peur. J'ai toujours peur, tout le temps. Et j'ai peur pour Lizzie, parce que…elle change. Et tout le monde change ! Mais j'ai aussi peur d'elle. Maman n'arrête pas de lui parler, maman se rend pas compte qu'elle fait perdre à Lizzie…Heu, je ne sais pas comment on dit… »
« La raison ? »
« Oui, Monsieur Merle ! C'est ça ! Lizzie perd la raison ! Mais c'est pas grave, non ? Lizzie c' est ma sœur, elle ne mourra jamais. Monsieur Merle, ça fait quoi de perdre sa raison ? »
« Ça fait mal, petite. »
« Alors…Alors Lizzie souffre ? »
« P'tet bien, gamine. »
« Non, je ne crois pas. Lizzie est forte, tu sais. Elle l'a toujours été. Ça ira, je le sais. On ira bien. Un jour, toi et moi, on ira se balader ? Papa veut pas, il dit que c'est dangereux. Mais il faudra bien que j'aille en classe de sciences. J'aime bien les sciences, c'est amusant ! Et Mademoiselle Pams… Qu'est-ce qu'il y a, Monsieur ? Tu pleures ? »
Mika contemple très étonnée le Grand Merle qui, tête baissée, la main voilant ses yeux, tremble. Elle a vu une goutte tomber de sa paume, et ses épaules voûtées répriment des sanglots hystériques.
« Continue d'parler, Mika. T'arrête pas une seconde. » Siffle-t-il d'une voix rauque en essuyant rageusement les perles d'eau qui lui brûlent les yeux.
Mika, dans sa bonté et son innocence candide, reprend le fil de son histoire. Des morceaux de vie sans queue ni tête, elle passe du coq à l'âne avec douceur, et sa voix claire chante dans les oreilles de Merle.
La gamine était venue le trouver sur son banc, bien caché et loin des autres, où il aimait venir fumer ses clopes. Mais aujourd'hui il n'a pas envie de fumer, il revient de loin, la mission avait bien failli lui coûter la vie. En se ravitaillant avec l'équipe de Martinez (quatre hommes dont lui), ils étaient tombés nez à nez avec une horde énorme. Seuls lui et Martinez étaient revenus. Viktor et Luke étaient deux gars biens, le dernier avait une fille de treize ans. Il entend encore ses cris dans sa tête, lorsqu'elle l'avait vu revenir sans son père.
Et Merle s'était senti misérable, impuissant. Il avait pensé à Daryl, son pauvre petit frère abandonné dans la nature, qu'il ne savait pas en vie ou…
Et le pire, c'est que malgré son entourage qui meurt petit à petit, malgré Daryl et sa perte qui le ronge chaque jour, la gamine continue de rire et de vivre comme si rien n'était. Il lui en voulait, pour ça. Il lui en voulait d'être si innocente dans un monde si merdique, parce qu'il se disait alors qu'il n'avait aucune raison d'être un sale type. Et pourtant, il l'est, pas vrai ? C'est ce que tout le monde pense, c'est pourquoi on l'a abandonné sur ce toit. Et Mika…
Mika, aussi douce et innocente soit-elle, n'a aucun avenir. C'est pas les petites filles innocentes qui s'en sortent, c'est les sales types méchants et ignorants qui vivent le plus longtemps.
Alors, Merle pleure pour elle, pour son âme. C'est presque comme une prière, v'voyez. Il pleure pendant qu'il le peut encore, avant de devenir un énorme connard. Parce qu'il voit tellement d'horreurs, il en commet tellement pour sauver sa peau, et chaque mission qui se transforme en Enfer lui font perdre la tête, et il se sent chuter. Et que la gamine, elle, n'arrête pas d'encenser sa sœur, une vraie folle selon lui, de lui parler de fleurs et de pissenlits, de sciences, aussi, des trucs inutiles et stupides. La science, c'était des mecs qui s'étaient entredéchirés pour savoir pourquoi l'eau mouille et le feu brûle. Aujourd'hui, tout ce qu'on voulait, c'était avoir de l'eau et un feu pour se réchauffer le soir. On était prêt à s'crever pour la moitié d'une bouteille d'eau. Mais la gamine, elle y pensait tout le temps, à ses leçons de sciences. 'Parait qu'elle était la meilleure de sa classe. Elle rit, quand il tente de la rabrouer sèchement, pour la faire fuir. La gamine l'adore, et elle ne le connait que depuis trois semaines.
Woodbury s'est étendue et désormais, c'est la ville entière qui est sécurisée. Les gens retrouvent l'espoir, mais pas Merle. Merle, sans son frère, dépérit. Pourtant, il est devenu très vite un élément fort de la ville. Si les gens ne l'approchent pas vraiment, ils le respectent et reconnaissent son importance dans leur survie. Quelques fois, Merle trouvait devant sa porte un panier de fruits, de pains, ou bien un pot de confiture, une ou deux piles, des dessins d'enfants (!)… Des petits riens, des espèces de cadeaux des habitants, à qui il ne parlait pas vraiment. Certains l'avaient déjà croisé avec la gamine aux basques, et s'ils n'en riaient pas, ils ne pouvaient s'empêcher de couler quelque regard attendri. Son père la laissait traîner avec lui car il connaissait la réputation du Grand Merle, qui sort chaque jour pour les protéger et les nourrir eux. Ryan ne l'aime pas, Merle lui vole un peu sa fille, mais il ne dit rien, de peur de voir les rires de Mika s'éteindre sous ses yeux.
« Monsieur…t'as mal quelque part ? »
Elle pose ses mains fraîches sur ses joues brûlantes, palpe doucement la peau, alors Merle retira sa main de son visage, soufflant. La gamine ne méritait pas de le voir ainsi. Il devrait être honteux d'être aussi faible, mais Mika continue de parler, de l'apaiser. De le soigner, dans un sens. Mika a peut-être peur, mais elle est vraiment forte pour voir le bon dans l'Apocalypse. Le problème c'est qu'elle ne voit que le bon, et sa sœur lui voile la face, ne la prépare pas aux évènements dramatiques qu'elles vont vivre. Parce que Merle voit bien que ça va empirer un jour, forcément, rien ne va ici-bas.
« Ouais, j'ai mal. »
« Où ça, Monsieur ? A ton bras ? »
Merle fixa son moignon avec hébétement et lassitude. Son bras, oui – ou plutôt ce qu'il en reste, depuis qu'il s'est mutilé pour survivre. Mais comment pourrait-il lui expliquer ?
« Il lui est arrivé quoi ? »
« Hé bah… Ma main, elle…Elle était malade, tu vois ? Et j'pouvais pas la garder. »
« Malade ? Comme les gens dehors ? »
« Gamine… J'te l'ai déjà dit, ils sont pas malades. Ils sont morts. »
« C'est pareil. »
« Non, c'est pas… » Il soupire. « Ils peuvent pas guérir, O.K. ? C'est impossible. »
« Alors vous les tuez. »
« On…on met fin à leurs souffrances, si tu préfères. »
« Donc ils sont vivants ? »
Merle rejeta sa tête en arrière, poussant un cri désespéré. Elle comprendra jamais ou quoi ? C'est qu'elle en devenait conne, à être aussi naïve et butée !
Et puis, aussi brusquement que ses pleurs étouffés, le Grand Merle se met à rire. La gamine voyait du bon partout, même en lui. C'était ridicule, risible, mais soudainement, ça faisait du bien à Merle. La gamine n'avait rien de sinistre, comme tous les autres survivants. C'était juste une gamine heureuse qui le faisait rire.
Woodbury est une jolie ville, sans pour autant être grande ou prétentieuse. Le Gouverneur est un homme gentil, courageux, mais Lizzie ne l'aime pas trop, il y a quelque chose qui la dérange, chez lui. En fait, il ressemble à un menteur, mais ils le sont tous, alors elle ne sait plus vraiment. Mika passe beaucoup de temps avec un homme qui lui fait peur, mais à chaque fois qu'il l'a ramène chez elle, Mika a toujours un tas d'histoires drôles sur ses heures perdues avec l'homme. Ryan ne disait rien, au grand dam de Lizzie, qui avait l'impression de perdre son dernier espoir. Pourtant, Mika ne passait qu'une heure ou deux par intermittence avec l'homme à une main, mais c'était des heures durant lesquelles l'âme de Lizzie errait sans but. Elle ne supportait pas la ville, ni les gens, ni même son père. Ils feignaient tous de vivre le parfait bonheur, une utopie amère qui lui brûlait les yeux, mensongère et fade. Mensongère car au-delà des murs, le monde continuait ses atrocités, et fade car les conversations stériles et la vie ennuyante de Woodbury font de sa vie un Enfer.
Maman reste avec elle, néanmoins. Lizzie a fini par l'écouter à nouveau, se sentant seule, si seule…Sa mère lui chante de jolies histoires, évoque des hypothèses absurdes sur la mort et la vie, danse dans sa folie. Lizzie joue avec quelque enfant, récite le nom des fleurs de la ville, et puis un jour…
Un jour, elle trouve un oiseau mort. Elle le manipule d'abord, puis écarte ses ailes. Elle est soudain prise d'un intérêt qu'elle ne comprend pas, alors, de peur d'être vue et punie, elle emporte sa trouvaille dans un coin isolé.
Avec un couteau suisse, elle ouvre le ventre de l'oiseau sur toute sa longueur, sur les conseils avisés de sa mère. Lesquels ? Lizzie ne sait plus. Maman chuchote juste : fais-le. Et Lizzie fait.
Elle regarde l'intérieur, aventure un doigt dans les entrailles. Elle retire les boyaux, les poumons, caresse le cœur.
Et il se met à battre. L'oiseau ouvre soudainement les yeux, choqué.
Lizzie hurle et jette le cadavre, effrayée. L'animal tombe dans l'herbe deux mètres plus loin, bel et bien mort.
Il a bougé. Il a bougé, elle l'a vu. Son cœur s'est mis à battre juste sous son doigt, elle en était sûre.
Il fait froid, ce matin. L'automne s'en vient. Maintenant, ils sont plus nombreux dans la ville, et personne n'est mort depuis deux mois. Les gens sont heureux. Toi aussi Lizzie, tu dois être heureuse. Sois heureuse, ma fille. C'est tout ce qui importe, maintenant.
Mais Lizzie n'est pas heureuse, elle n'y arrive pas. Sa maison et ses amis lui manquent. Alors elle fait semblant, bien sûr, mais un jour Lizzie va exploser et cela risque de mal tourner, comme pour les survivants qui deviennent fous et se décident à tuer les autres. J'ai peur, Lizzie. Maman a peur.
Maman, toujours présente, trop présente, qui finit par l'embrouiller et lui faire perdre le fil du temps, les heures défilent si vite…
Les heures, les fleurs, ces jolies fleurs dont elle s'éprend peu à peu, qui lui volent son existence dans ses regards éperdus. Les fleurs sont si belles, si parfaites, il faut qu'elle les voie. Les fleurs, c'est la seule chose d'innocente qui lui reste sur Terre. Vous comprenez ? Les fleurs… Les fleurs lui rappellent ce qu'est la vraie vie. Lizzie les compte chaque jour, pour ne pas oublier et s'occuper, et s'extasie des nouvelles arrivantes, s'attriste pour les mourantes. Elle se sent utile. Pas pour Woodbury, c'est sûr : mais elle se sent utile dans le monde et dans la Vie elle-même. A défaut de pouvoir veiller sur sa sœur –qui a choisi son veilleur-, Lizzie veille sur les pauvres fleurs que personne ne regarde jamais. Les femmes s'occupent bien de quelques-unes, mais seulement les leurs. Lizzie, elle, n'oublie jamais les autres.
Et aujourd'hui, Lizzie va sortir de la ville. Seule, comme une grande, parce qu'elle n'a pas peur. Maman est avec elle, tout ira bien. Lizzie va juste cueillir d'autres fleurs, celles sauvages qui ne poussent qu'au-delà des murs.
Alors elle grimpe sur le toit d'une voiture, agrippe le mur, et avec beaucoup de difficulté, tombe de l'autre côté. L'enfant-adulte se relève, regarde autour d'elle, mais pas un 'Mordeur' ne se fait voir. Lizzie est libre.
Alors, tout en riant, elle s'élance sur la route, traverse le petit-bois et s'enfonce dans la forêt, insouciante.
Philip Blake, qui dirige la ville d'une main de fer et qui revenait tout juste d'une sortie solitaire, vit la jeune fille s'enfuir de Woodbury, riant aux éclats. Il fronça ses sourcils, s'arrêtant une seconde. Puis, resserrant la main autour de sa machette pleine de sang, il s'élance à sa poursuite, sans un mot. Il connaissait la gamine de vue, cela faisait plus d'un mois qu'elle vivait aussi. La petite Samuels, s'il se souvenait bien. Une des leurs. Une enfant, une gentille fille.
Y'avait-il d'autres raisons qui pouvaient pousser le Gouverneur à sa poursuite ? Peut-être, mais il n'est pas de ceux qui s'expriment. Et ceci n'est pas son histoire.
Lizzie court, rit, s'amuse comme une folle. Elle saute à travers les branches, se prend des troncs en plein visage par négligence, s'abime les genoux, mais ne t'arrêtes pas de rire, surtout pas Lizzie ! Maman aime, maman rit et joue avec toi, pas vrai ? Pas vrai, Lizzie ?
Lizzie ne pense pas, Lizzie rit pour tenter de faire taire la voix dans sa tête. Est-ce encore maman, ou bien est-ce un mensonge ? Mais Lizzie a fait tant d'effort pour ne pas se mentir à elle-même, pour ne pas être comme les autres ! Et si c'était bel et bien un mensonge, alors…Alors elle serait morte !
D'ailleurs, en parlant de mort, les Mordeurs sont derrière elle, qui grognent et la poursuivent. Oubliées, les fleurs à cueillir ! Lizzie court parce qu'elle a peur, mais elle continue de rire, pour oublier la peur, et puis si en fait, ils jouaient avec toi ? Peut-être qu'ils te poursuivent simplement pour jouer à chat ! Alors tu dois rire, ma Lizzie, parce qu'ils ont bien besoin de ça, les pauvres… !
Oui, ils ont besoin de son rire, mais seulement pour l'entendre et la trouver, toute viande fraîche qu'elle est ! Lizzie rit, pour camoufler ses cris, et elle joue, au lieu de courir pour sa vie. C'est plus facile, ainsi elle n'a pas peur, elle se dit juste qu'ils ne doivent pas l'attraper.
Il y en a un plus vif que les autres, qui lui coupe brusquement la route. Plus question de rire, maintenant. Le mort pue trop fort pour qu'elle ne sente encore l'odeur des fleurs, sa face décomposée et noire est trop horrible pour qu'elle l'ignore. Un long hurlement strident lui brise les tympans, et lorsqu'elle reconnait sa voix, cela lui brise le cœur. Elle vire soudainement à droite, court maintenant de manière hystérique, pauvre petit oisillon pris au piège. Des yeux, encore une fois, elle cherche une marguerite ou un bleuet, n'importe quoi de fleuri, mais elle ne voit que les Mordeurs, partout. Lizzie pleure, maintenant. Et Lizzie est seule.
Tchac !
Elle ouvre les yeux, sursautant, retire ses mains protégeant sa petite tête. Le chef de la ville est là, il est là pour elle.
Il lève son arme, une machette ruisselante de sang et chair, qu'il plante dans chaque mort qui se présente. Il les tue, tous, un par un. Il le fait si bien que l'expression de son visage ne change jamais, dure et déterminée. Il est barbouillé de sang, de chair et d'os, mais il continue inlassablement, pour sa vie.
Et Lizzie voit alors le monstre plus effrayant que les Mordeurs eux-mêmes. Elle voit un vivant…Non, un survivant, qui se bat pour sa vie, qui plonge dans l'horreur en espérant gagner du temps et retourner chez lui. Lizzie voit le monstre au sein du Gouverneur, qui continue son massacre en poussant parfois un râle dans l'effort.
Maman, maman, maman, maman.
Où était-elle quand Lizzie avait véritablement besoin d'elle ? Qui allait la protéger de ce malade, maintenant ? Pourquoi n'était-elle pas venue à son secours ?
…Quoi ? Maman n'est pas là ? Non, impossible, elle est forcément là. Souvenez-vous de la rose revenue à la vie. De cet oiseau au cœur indécis, du fantôme dans les yeux de Ryan, et le visage de Mika…
« Tout va bien, petite. Je suis là, maintenant. »
Lizzie lève les yeux, mais elle ne voit que le regard fou de Philip. Il tend la main vers elle, mais elle est si rouge que Lizzie s'écarte, révulsée. Maman, maman.
Philip, qui l'entend murmurer comme si elle priait hystériquement, essuie sa main dans l'herbe et chuchote : ta maman doit être à Woodbury. Tu ne veux pas qu'on rentre ?
Oui, il a raison, maman est à Woodbury, elle l'attend. Maman est morte, et maman est différente maintenant. Elle ne peut pas être là partout et tout le temps. Simplement, elle l'attend.
Son père se confond en remerciements pieux, en voyant le Gouverneur revenir sain et sauf avec sa fille. Lizzie n'a pas lâché sa main tout le long du retour, et ne cesse de parler à sa mère. Elle chuchote, se ronge les ongles. Elle a le regard fou, et Philip comprend que sa mère est morte. Comme Penny, d'ailleurs. Mais il continue de lui parler en espérant qu'elle revienne un jour. Les deux partagent la même folie, alors Philip se tait et garde au fond de lui la crise de la gamine, tel un secret.
« Je te dis que si. »
« Et moi, j'te dis qu'non, morveuse. »
« Mon nom à moi c'est Mika. »
« Ouais, c'pareil. Bref, on n'a pas b'soin d'ta science pour vivre. Plus maintenant c'est inutile, tu comprends ? »
« Ah oui ? Et quand tu veux trouver de l'eau en pleine nature, ou quand tu veux te soigner alors ? Les médicaments, c'est la science. Avec la science, on peut tout faire : prévoir la météo, soigner, nourrir… »
« Ouais p'tet mais en attendant, j'y connais rien en science et j'ai très bien survécu jusque-là. La science, tu l'apprendras plus à travers tes bouquins scolaires et tes leçons. »
« Mais la science, c'est la vie, Monsieur Merle. »
Le Grand Merle se gratte le menton, pensif. C'est qu'elle avait pas tort, la gamine. Mais Merle est un peu trop fatigué et vieux pour toutes ses conneries, et il en avait marre d'entendre parler de sciences dans la bouche d'une si petite fille.
Pourtant, Merle l'écoute, jusqu'au bout. Il aime bien l'enfant. Il en a besoin. Avec elle, il se rappelle ce qu'est être humain. Avec elle, Merle va mieux.
Mais Mika ne va pas bien, il le sait. C'est la faute de sa sœur. Quand elle parle d'elle, Mika a comme la voix qui vibre de peur, elle chuchote le nom de Lizzie de peur que celle-ci l'entende. Lizzie parle avec maman, selon Mika. Mais pour Merle, Lizzie converse avec Satan. La folie guette sa gamine, morte de peur, pour sa sœur qui disparaît des journées entières pour compter les fleurs. Une fois, le Gouverneur l'a même ramené du dehors, comme un saint veillant sur le petit peuple, ce que Merle détestait. C'était un mensonge, et Merle le savait bien. Philip Blake était fou lui aussi, mais Merle fait semblant, parce qu'il a son propre appart' et de la bouffe dans son assiette. Merle ment.
« Monsieur Merle… »
« Ouais gamine ? »
« Est-ce qu'on arrêtera de faire semblant, un jour ? »
« De quoi tu parles ? »
« De nous. D'ici. Tout le monde est heureux, mais tout le monde fait semblant. On crève tous de peur, mais on continue de faire comme si de rien n'était, comme si on est et sera toujours en sécurité. Mais on le sera vraiment quand ? »
Merle baisse les yeux, comme blessé, et la gamine bat dans l'air ses petites jambes. Assise sur ce banc, elle ne touche pas le sol, alors que le Grand Merle peut étendre ses jambes. Si petite, mais déjà si intelligente. Assez pour sentir l'odeur moite et constante de la peur qui hante les lieux, partout où un survivant s'est installé. La peur est dans leur âme, au fin fond de leur pauvre cœur, plus terrible que jamais. Mais personne n'en parlait.
Il n'ose répondre, de peur de la faire à nouveau pleurer, et il se tord les mains avec inquiétude. Merle connait la réponse, malheureusement.
Mika pose sa menotte sur le bras musclé de l'homme, comme pour le rassurer. Elle sourit innocemment, encore, et son visage reflète une force morale qu'il n'avait jamais vue chez elle auparavant.
« C'est pas grave si tu sais pas ! Moi je peux continuer longtemps, ça me dérange pas ! »
« Ah bon ? »
« Oui. Je suis forte, tu sais. Lizzie l'est aussi. Un jour elle comprendra. Elle verra ce que moi je vois. Elle dit que les monstres c'est nous, pas les gens qui sont dehors. Mais moi je ne vois que des humains, comme toi et moi. Des…Des hommes, en fait. »
Un homme est venu, ce matin. Le Gouverneur avait disparu depuis quelques jours, emportant avec lui tous ses hommes et quelques civils. La rumeur disait qu'ils étaient tous morts lors de la guerre entre la prison et Philip, mais les gens n'y croient pas, ne réalisent pas. Encore un mensonge, celui de l'ignorance et du déni, ce qu'exècre Lizzie.
Mais l'homme vient sans mentir. Il parle de la prison, un lieu où ils seront bien en sécurité. Il dit des mots simples, il n'essaye pas de mentir ou de les tromper. Avec lui, ses amis, qui le soutiennent en silence. Il ne force personne à le suivre. Alors, tout le monde vient. A côté de lui, il y a un homme aux cheveux longs et à l'arbalète dans le dos, qui les regardent sans émotion, pourtant aux aguets, prêt à tuer au moindre danger. Et Lizzie voit un animal blessé.
Le chef de l'autre groupe est avenant, mais sérieux. Il dit que la moindre personne qui causera des problèmes sera chassée ou tuée. Qu'on ne discute pas ses règles, claires et précises. Lizzie le trouve honnête, et accepte le choix de son père, celui de suivre l'homme.
Son nom est Rick Grimes.
Merle court, le plus vite possible, vers la gamine qui pleure en plein milieu de la route. Des tirs commencent à être échangés, les gens fuient de tous les côtés. Merle, lui, ne voit que Mika, qui cherche un repère de ses yeux affolés. Il se précipite sur elle et l'attrape au vol, l'entraînant dans un coin plus calme.
Pour sûr, c'était Rick qui était venu. Certainement pour récupérer Glenn et la fille, et Daryl devait être avec lui. Il n'avait pas le temps de s'occuper de la gamine et pourtant, il était prêt à crever pour elle.
« M'sieur Merle ! » Crie-t-elle en pleurant, serrant quelques fleurs contre sa poitrine. « J'ai perdu papa et Lizzie ! Je veux pas qu'ils meurent, je sais pas où ils sont ! Aide-moi, M'sieur Merle, si je les retrouve pas je…»
« Mika, calme-toi ! » Grogne-t-il en la voyant si apeurée, hystérique presque. Elle a du mal à respirer, elle a des hoquets puissants qui la font sursauter, et elle n'arrive pas à concentrer son regard sur lui. Ses pupilles sont dilatées sous l'effet de la peur et de l'excitation, ses joues sont rouges de sang. L'adrénaline qui bat ses veines fait soulever sa petite poitrine sous son souffle saccadé.
Alors, pressé par le temps, Merle s'agenouille, prend par les épaules la petite fille, et colle presque son visage au sien.
« Mika, Mika, regarde-moi. » Sa voix grave et posée la fait obéir, mais elle n'arrive toujours pas à respirer calmement. « Mika, compte avec moi : un…deux…souffle, souffle, prend ton temps, je suis là, j'te laisse pas tomber, voilà. Lentement…C'est ça. Tu vois ? C'est facile. Regarde…tiens, regarde tes fleurs. Y'en a combien ? Huit, douze ? »
La petite fille secoue la tête, essaye de prononcer un son, mais n'émet qu'un gargouillis. « C'est pas grave, prend ton temps. Et si…et si on les comptait ensemble, hein ? Allez, avec moi : une, deux, trois…Quatre…tu vois, ça va mieux ! …Six, sept… Sept, alors. » La gamine hoche la tête, plus sereine, et malgré les coups de feu qui explosent les tympans de Merle, elle reprend son souffle et ses esprits.
Il a la désagréable sensation de la voir pour la dernière fois de sa vie. Il sent que cette rencontre est un adieu. Mais Merle chasse ses pensées noires, se sentant stupide. Il allait peut-être retrouver Daryl, son petit frère. Et peut-être que tout ira mieux –non, c'était même sûr. Tout va mieux quand Daryl est là.
Il prend dans sa main celle de Mika, accroche ses yeux bleus dans ceux marron de la blondinette. Bordel, c'est que cette gamine comptait pour lui, à présent. Il eut soudainement envie de la kidnapper et de fuir loin, de Philip et de Lizzie qui dévorent tout sur leur passage, et aller trouver Daryl. Ils élèveraient la petite, ils la garderaient en vie.
Mais Merle ne peut se permettre de rêver comme les filles Samuels. Rêver pouvait vous coûter la vie.
« Mika. Je dois partir. Ici, tu es en sécurité. Reste cachée ici, je reviens te chercher très vite, d'accord ? »
Elle hoche la tête, atterrée, et il embrasse furtivement le haut de son crâne avant de se lever et lui tourner le dos, la main sur son holster. Plus de temps à perdre, maintenant.
Mais à peine fait-il trois pas que la gamine se jette contre ses jambes, criant son nom. « J'ai peur ! » Par réflexe, elle a saisi son moignon, le serrant de toutes ses forces, les larmes aux yeux. « J'ai peur sans toi, Merle ! »
Alors Merle se baisse, la prend dans ses bras et la serre contre son cœur. Des yeux, il cherche une connaissance pouvant ramener l'enfant à sa famille, et trottine vers les habitations.
Si, il le savait maintenant : c'est un adieu. Jamais il ne reverra la douce Mika.
« Mika, tu vas bien m'écouter. » Chuchote-t-il à son oreille. « Tu es une petite fille très courageuse, tu le sais ça ? C'est pas grave si t'as peur, c'est bien ! Il faut que t'aies peur. Rien de tout cela n'est normal, tu comprends ? Si t'as peur, c'est qu't'as encore du cœur. T'es en vie Mika, et tu vas vaincre ta peur. Tu vas y arriver, j'veillerai de loin sur toi. T'es prête ? »
« Prête…Prête pour quoi ? »
« Mika ! »
Mika se retourne et voit son père, alors Merle la pose au sol et la regarde courir se réfugier dans les jambes de son paternel. Merle contemple cette scène avec un brin de jalousie, n'étant plus l'homme que la petite Mika poursuivait. Il chuchote alors « Prête à vivre… » Mais c'est tellement stupide qu'il se mord la lèvre, et s'éloigne avec honte. Et, lorsqu'elle se retournera pour le remercier, le Grand Merle sera déjà parti protéger la ville.
Elle ne le saura jamais, mais Merle Dixon mourra quelques semaines plus tard, des mains du Gouverneur. Alors, dans son cœur d'enfant aux rêves brisés, Mika Samuels garde le Grand Merle, comme un secret, un espoir. Elle tait son nom et l'oublie peu à peu, mais dans ses rires, son âme chante les exploits de l'homme à la main coupée.
Et cette histoire prend fin.
