Bonjour!
Cette fois, un texte un peu plus sérieux, ça change...
Les personnages appartiennent à Oda, encore et toujours.
Bonne lecture!
OOOOooooOOOOooooOOOOooooOOOO ooooOOOOooooOOOOooooOOOO
L'ASSIETTE DE LA DISCORDE
Chapitre 1
Un bateau à tête de lion, un équipage poursuivant des rêves au bout de la route, Le Sunny était le navire des pirates au chapeau de paille, lieu débordant de vie et de gaieté un peu farfelues.
Et chacun y avait ses habitudes, ses occupations, puis tous se retrouvaient autour de la table, toujours bruyants, tentant de défendre leur part des bras élastiques de leur capitaine à l'estomac sans fond, et ceci avec plus ou moins de réussite.
Une routine donc, où chacun y trouvait son compte entre navigation, bagarres, batailles, et îles surprenantes sur Grand Line.
Pourtant, une chose avait changé… la vaisselle. Car alors un sabreur essuyait pendant que le cuisinier plongeait ses deux bras dans la mousse. Zoro pouvait-il faire preuve d'altruisme? En fait, pas vraiment…
Juste qu'aider en cuisine libérait du temps au maître-coq du navire, homme très occupé de par sa fonction, et que lui donner un coup de main permettait de gagner de précieuses minutes qui étaient alors employées à des baisers et jeux à quatre mains qui présageaient de ce qui se passerait sur un quelconque endroit du bateau, la nuit venue et le reste de l'équipage endormi.
La fougue de leur jeunesse, leur rivalité toujours exacerbée, ils continuaient malgré tout de se battre, sabres contre kicks, parfois plusieurs fois par jour, et chacun voulait prouver à l'autre qu'il lui était supérieur. Un mot, un regard, et les deux impétueux se jetaient l'un sur l'autre pour un combat acharné, se retrouvant avec bleus et bosses, et à égalité à la fin du match.
Et pourtant, ils ne dormaient plus l'un sans l'autre, partageant un lit dans une petite chambre, reprenant leurs joutes sous les draps, d'une toute autre manière mais toujours avec cette fierté qui débordait, qui rendaient leurs ébats tumultueux, comme si le duel continuait, seul le choix des armes ayant changé. Impatients, turbulents, de vrais pirates qui avaient appris à se détester, avant de partager le même oreiller.
Ce jour-là ressemblait à tous les autres, ils venaient d'accoster et une fois le repas terminé, chacun se préparait à aller visiter la ville portuaire.
Il faisait beau, chaud, l'île semblait bien agréable et le bateau serait bientôt vide de ses occupants.
Un sabreur, pour qui la patience n'est sans doute pas la plus grande vertu, avait décidé de profiter que les autres soient déjà partis pour rester avec le Blondinet qui avait encore à s'occuper en cuisine, dont la fameuse vaisselle. Mais ne voulant attendre une minute de plus, il s'était jeté sur Sanji, l'avait renversé sur la table pas encore débarrassée, sans ménagement ni fioriture, pressé de goûter la peau pâle sous ses lèvres.
« Putain, Marimo! , avait hurlé le maître-coq en entendant la faïence se fracasser sur le sol.
- Bah, grogne pas, c'est qu'une assiette.
À ces mots, la réaction fut proportionnelle à la colère ressentie à l'écoute de cette parole de trop, et le cuistot avait envoyé un coup de pied terrible dans la poitrine de l'épéiste, le projetant contre le mur d'en face, où il se retrouva plié en deux, tentant de reprendre son souffle.
- Mais qu'est-ce qui te prend, bon sang?, réussit-il à articuler entre deux respirations laborieuses.
Le cuisinier était debout devant lui, les deux poings dressés, bien en appui sur ses jambes écartées, prêt à balancer le prochain coup.
- Marimo, t'es un vrai con! Tu respectes rien! Comme toujours, y'a que toi qui compte, hein?
- Mais bordel, de quoi tu parles? T'es vraiment en train de me faire tout ce cirque pour une assiette?
Zoro ne comprenait pas et Sanji n'avait pas la patience d'expliquer, non, plus maintenant.
- Tu comprends vraiment rien aux autres! Non, pire, tu t'en fous! Ben faut atterrir, je suis pas juste là pour que tu puisses te vider les couilles, juste quand t'en as envie.
L'escrimeur s'était à présent redressé, le regard dur, fixé sur celui du cuisinier. Sa mâchoire se contractait et une veine vint battre sur sa tempe. Comme toujours, il avait agi sous l'impulsivité du moment, impatient de profiter d'un moment seul avec le cuistot. S'était-il comporté différemment de d'habitude? Non, et les autres fois, le Blondinet l'accueillait avec la même ardeur dont il faisait preuve lui-même. Mais là, ce qu'il venait de lui jeter à la figure l'avait dérangé, blessé, le faisant passer pour un être insensible, incapable de compassion. Il l'était le plus souvent, mais pas avec ceux qui appartenaient à ce petit cercle, les Mugiwaras. Et surtout pas avec lui. Il partageait avec cet homme plus qu'il ne l'avait jamais fait avec quiconque. Maladroit? Sûrement. Méprisant? Certainement pas.
Non, il n'avait pas le droit de le traiter ainsi pour un morceau de vaisselle. Il avait engagé les hostilités et le sabreur n'avait plus le choix de reculer, c'était contre sa nature. Il se retenait à grand peine de sortir son sabre afin de faire taire l'insolent. Et il fallait qu'il réagisse avant de laisser sa fureur exploser car il savait qu'une fois lancé, il ne retiendrait pas ses coups. Or, il était un combattant alors en duelliste, il se servit des armes que Sanji avait choisies.
- Te donne pas tant d'importance. C'était la seule chose pour laquelle t'étais à peu près bon mais franchement, je peux faire sans. »
Et il sortit de la cuisine, claquant la porte derrière lui.
Sanji soupira en se passant la main sur le visage. Ils étaient allés loin cette fois, les mots étaient sortis tous seuls et ils avaient fait plus de mal que les coups échangés d'habitude.
« Et merde! »
Il se baissa pour ramasser la vaisselle brisée, la petite chose futile qui avait tout déclenché. Il regardait les deux morceaux qu'un peu de colle pourrait peut-être réparer. Il regardait et se souvenait.
Le Baratié.
Une journée froide où le vieux schnock l'avait envoyé à coups de pieds nettoyer le pont.
Il avait juré, pesté mais lavé les planches de bois, ceci pendant longtemps, ses mains et la face rougies par les embruns glacés.
Transi, il était rentré, une fois sa tâche achevée.
Et en face de lui, tous les cuisiniers en demi-cercle regroupés dans le restaurant.
Les sourires, les rires et le joyeux anniversaire, crié comme un seul homme.
Il avait rougi, râlé, insulté pour la forme.
Puis le vieux lui avait donné son cadeau. Un service de porcelaine et une mallette de couteaux. Tous avaient mis la main à la poche pour cette merveille peinte à la main et les lames d'une qualité inégalée.
Le jour de ses dix-huit ans. Le jour où il devenait un homme. Le jour où tous ces imbéciles avaient fait de lui l'un des leurs, un cuisinier.
C'étaient les seules choses que Sanji avait emmené avec lui, le jour où il avait pris la mer avec Luffy, à part une vieille photo de lui enfant avec Zeff et quelques vêtements.
Ce n'était pas le fait que l'assiette se casse qui avait mis le cuistot hors de lui, ça pouvait arriver, mais il avait répété à tous des dizaines de fois combien il tenait à cette vaisselle. Même Luffy y faisait attention, c'était tout dire!
Zoro aussi le savait mais encore une fois, il avait réagi avec cette froideur qui le hérissait, fait comme si ce qui lui tenait à cœur n'était rien, que lui-même n'avait pas d'importance. Ou alors il ne s'en souvenait même pas, ce qui était encore pire. Froid et fier.
Et dans l'intimité, rien que tous les deux à l'abri des regards indiscrets, c'était pareil. Le sexe? Incomparable avec ce qu'il avait connu avant, phénoménal! Mais aussi animal, sans tendresse ou si peu.Dès qu'ils se retrouvaient seuls, le désir emportait tout, comme s'ils cherchaient encore quelque chose qu'ils n'auraient pas encore trouvé, les corps se découvraient, les caresses s'aventuraient vers de nouveaux lieux de plaisir à découvrir, les baisers avaient un goût insaisissable, jamais rassasiés l'un de l'autre.
Mais quand s'étaient-ils parlé, raconté leurs vies? Jamais.
Et même pour le peu qu'ils partageaient, le sabreur avait réussi à le blesser, l'humilier, bafouer sa fierté.
Sanji manipulait la porcelaine entre ses doigts.
Juste un peu de colle…
Et il balança avec rage les deux morceaux contre le mur qui se pulvérisèrent en dizaines de fragments.
OOOOooooOOOOooooOOOO
L'après-midi avait passé puis vint la soirée. Les autres n'étaient pas rentrés, sans doute profitant d'une bonne taverne autours d'un repas. Le cuisinier, terré dans son antre, n'avait pas donné signe de vie.
Zoro, adossé au mât, gambergeait tant et plus. Comment en étaient-ils arrivés là? Il se maudissait pour les mots qui étaient sortis de sa bouche, maudissait le cuistot pour s'être énervé ainsi puis ramenait les reproches sur lui, encore et toujours, comme un cercle sans fin. Et il ne pouvait plus revenir en arrière. Trop tard, trop de mal, trop de haine.
Réparer? Alors il faudrait s'excuser. Mais lequel des deux s'abaisserait à faire le premier pas? Qui passerait outre cette fierté qui dirigeait tout? Aucun, sans doute. Et puis le pardon n'effacerait pas ce qu'ils s'étaient balancé à la figure.
Et s'excuser de quoi? D'avoir cassé une assiette? Non, mais d'être insensible et égoïste, c'était ce qu'il lui avait dit. Alors si le Blondinet avait raison, pourquoi se sentait-il aussi mal?
OOOOooooOOOOooooOOOO
La soirée était déjà bien avancée quand Zoro entendit enfin la porte de la cuisine s'ouvrir. Il observa de loin le cuistot qui se dirigeait vers la passerelle et il remarqua que sa démarche était un peu trop chaloupée par rapport au tangage du bateau, à peine perceptible mais assez pour que son regard de guerrier détecte la faille.
Le Cook avait bu et il partait en ville.
Zoro décida de le suivre de loin. Pourquoi? Il ne le savait pas lui-même.
OOOOooooOOOOooooOOOO
Il y avait déjà un bon moment que le cuistot était entré dans la taverne, une gargotte pourrie où il aurait refusé d'entrer d'habitude, un repère d'ivrognes et de pirates, parfois les deux à la fois.
Zoro attendait dehors, appuyé au mur d'une échoppe voisine et il ne savait toujours pas pourquoi. Était-il inquiet pour le Blondinet? Un peu. Et puis il espérait que l'alcool aidant, il serait plus aisé de l'aborder, de lui parler, calmer le jeu. Et s'il le fallait, il s'excuserait,… peut-être. L'autre était tellement énervant, à croire qu'il avait un don pour le provoquer!
Un bruit de bagarre venant de l'auberge le tira soudainement de ses pensées. Du verre brisé, des chaises qu'on traîne sur le sol, des coups derrière le vacarme des hommes ivres qui braillent, alors il se précipita à l'intérieur.
Quelques gars, debout et éméchés, entouraient deux assaillants, beuglant injures et encouragements. Zoro se fraya un passage en jouant des épaules.
Au centre de la mêlée, un type allongé sur le sol, amorphe, le visage sanguinolent et, assis sur lui, un jeune homme blond qu'il aurait reconnu n'importe où, qui le frappait sans cesse, faisant gicler le sang, craquer les os.
Il le frappait avec son poing.
Un mouvement attira le regard de l'épéiste et avant qu'un type armé d'un couteau ne fonde sur le cuistot, la lame glacée d'un sabre s'appuyait sur la gorge du trouble-fête, laissant apparaître quelques gouttes rouges.
« Tu le touches, t'es mort. »
L'autre lâcha aussitôt le poignard, encouragé par le regard noir qui semblait lui dire -vas-y, j'attends que ça-. Et il avait sans doute raison. De plus, un type aux cheveux verts, trois sabres à la ceinture, tous savaient qui il était, les avis de recherche et sa réputation le précédant et personne n'aurait osé s'en prendre à Roronoa Zoro sachant pertinemment qu'il le paierait de sa vie.
Le cuisinier, surpris de reconnaître la voix dans son dos, s'était arrêté de frapper, le bras en arrière, les doigts toujours serrés, comme sorti d'une transe d'hypnose par un mot-clé.
Puis il sentit qu'on lui touchait l'épaule.
« Amène-toi Cook, on y va. »
Alors il se releva, se rendant compte de ce qu'il avait fait. Le type, étendu sur le sol, était couvert de sang, le visage méconnaissable. Il ne bougeait plus.
Sanji eut un instant de panique. L'avait-il tué? Non, sa poitrine se soulevait, à peine, mais il respirait. Il déglutit, chassant la bile qui remontait dans sa gorge. Il avait failli devenir un meurtrier de taverne, failli tuer un homme déjà à terre. Une abomination!
Puis il sentit qu'on le tirait en arrière et il suivit Zoro.
OOOOooooOOOOooooOOOO
