~ Prologue ~

Deux yeux la fixaient, comme transperçant son âme, deux yeux aussi fins qu'une lame, un poignard planté en elle qui la vidait de toute énergie, de toute pensée heureuse.

Deux fentes noires comme la mort, encrées dans ses propres yeux sombres et chauds, humides de larmes.

Tout autour d'elle, le chaos régnait, mais elle n'entendait plus ni les pleurs, ni les cris, ni les fracas effrayants des corps qui se brisent, des murs qui s'écroulent. A la manière d'un film passé au ralenti, de toutes les scènes d'horreur qui se déroulaient devant elle, seuls ces yeux, ces yeux noirs et verts, persistaient.

Elle sentait les douleurs de son corps meurtri, les frissons d'angoisse qui la secouaient violemment, les brûlures sur ses joues ensanglantées, lavées par ses propres larmes, lavées d'un sang qui n'était peut-être même pas le sien.

Elle allait mourir, et elle ne ferait rien pour l'empêcher. Parce qu'il y avait ces yeux. Ces yeux reptiliens dont le regard s'était verrouillé dans le sien, ces yeux qui semblaient lire en elle, sonder son âme, comme cherchant avidement quelque chose qu'elle était prête à donner, si seulement ces yeux continuaient de la fixer. Ces yeux...

Elle sentait, à la manière d'une bourrasque frappant son corps, un courant glacé remonter en elle, partant de ses membres et se dirigeant vers sa poitrine. Il balayait tout sur son passage, ses désirs, ses joies, ses rires, laissant derrière lui la noirceur et le calme, le silence apaisant de la mort.

Le reptile entrouvrit la gueule, dévoilant ses crocs acérés, prêts à porter le coup fatal. Il siffla longuement, sans qu'elle ne puisse comprendre ce que ces sons voulaient lui dire, mais sachant instinctivement qu'ils s'adressaient à elle. Ce son, strident et continu, résonna en elle comme un gong. Elle haleta, le souffle court, quand soudainement, elle entendit un lointain écho, un faible murmure semblant sortir des ténèbres. Presque inaudible à côté de l'orchestre de mort qui jouait son meilleur morceau tout autour d'elle. Des cris, des hurlements de douleur, des pleurs, des craquements, des tremblements, des râles… et ce murmure.

Cette seule et unique voix qui effaçait peu à peu toutes les autres, alors que le serpent continuait son chant macabre, annonciateur de mort.

Et tandis qu'elle ne pouvait détourner les yeux de ce regard, tandis qu'elle abaissait ses dernières défenses, vidée de ses forces, une ombre recouvrit ses yeux, floutant et engloutissant dans un noir profond les scènes d'horreur qui se déroulaient tout autour d'elle, alors que ne restait que ces yeux, ce chant, et cette voix, cette voix qui se faisait toujours plus pressante, plus tranchante, plus déterminée. Le murmure s'intensifiait en crescendo et sa tête commença à la lancer, de vives douleurs la traversant de part en part, mais ses mains semblaient ancrées dans le sol elle ne pouvait rien faire, elle ne voulait rien faire.

Puis, la seconde d'après, le sort frappa.

Il frappa si fort qu'il lui semblait qu'on lui déchirait le corps en un millier de morceaux. Il frappa si fort qu'elle s'arrêta de respirer, le souffle bloqué par la douleur. Sa peau brûlait, comme aspergée par un acide invisible qui cisaillait ses chairs jusqu'à grignoter son âme. Elle voulut hurler, mais ce ne fut qu'un cri muet qui sorti de sa bouche.

L'instant d'après, les yeux avaient disparu. La voix s'était tue. Tout autour d'elle, du noir. Du vide. Rien d'autre que les ténèbres.

Plus rien.

Alors qu'elle se sentait partir, la dernière fraction lucide de son esprit entendit un son lointain, familier, qui résonna jusqu'à ses oreilles.

"Hermione...!"