Elle avançait péniblement dans le dédale de couloirs. Haletante, le souffle court et heurté, on aurait pu penser qu'elle venait de courir un marathon.
En réalité elle était tout simplement abattue, désemparée et effrayée .
Elle ne pourrait pas s'adapter.
Elle ne pourrait pas rester entre quatre murs toute l'année. Elle qui avait passé son enfance dans une douce éducation sauvage, dehors toute la journée a sentir la tendre chaleur du soleil, se sentait désormais prisonnière.
Elle regardait tous ces élèves autour d'elle avec une incompréhension tenace.
Elle voyait toutes ces filles qui pouffaient en parlant de garçons, jamais, oh non au grand jamais, elle n'avait parlé de garçons ainsi.
Elle voyait tout ce remue ménage, les élèves changeant de classes bruyamment , les professeurs hurlant sur deux jeunes hommes regardant sous des jupes, des bouts de papiers en forme d'animaux papillonnant dans ce large couloir décrépi .
Elle n'avait jamais connu d'école et de la sueur gluante et froide coulait le long de son dos, comme pour lui rappeler qu' elle n 'avait nullement sa place ici.
Elle n'avait pas besoin de rester dans ce brouhaha une minute de plus pour en être sure; toute cette agitation, tout ce bordel, tout ça, ce n'était pas pour elle. C'était trop bruyant, trop étouffant, trop rapide, trop diffèrent.
« Kipaji , dieu soleil, mon bienfaiteur, je t'en supplie envoie moi un signe, quelque chose, dis moi qu'il faut que je parte, ne me laisse pas seule ».
Sa supplique resta sans réponse et elle courba l'échine, défaitiste. Ses yeux la piquaient et elle songea avec amertume comment elle avait été forcée de tout abandonner pour venir ici, parmi des sorciers ingrats ayant tout vole a son peuple.
Des étudiants la bousculèrent et un d'eux s'arrêta pour contempler la petite chose fragile qu'elle était en ce moment : son pitoyable état, ses yeux bouffis, son chignon mal fait et, enfin, ses pieds nus.
hew Elle avait enlevé ses chaussures comme à son habitude. Elle adorait être pieds nus, mais ici, elle ne ressentait que les dalles de pierres froides qui recouvraient la terre perfide de cet endroit.
« Eh la clocharde, tu t'es perdue en route, tu veux qu'on t'emmène à l'asile ? » Cria le gros balourd qui venait de lui rentrer dedans.
Apparemment, sa réplique plu, ses acolytes rirent bruyamment, un rire gras et détestable pensa t'elle immédiatement.
En temps normal elle se serait défendue, au lieu de ça, elle resta impassible et se contenta de le fixer de ses yeux morts jusqu'à ce qu'il tourne le dos et parte.
