Coucou :)

Ah, enfin, le lancement d'un projet qui me trottait dans la tête depuis longtemps : un recueil d'histoires, trop courtes ou trop dispersées pour en faire une fiction complète. J'ignore encore combien il y en aura. Dans tous les cas, voici la première :) Bonne lecture !


Les rayons du soleil matinal effleurèrent le sommet de sa tête, réchauffant par la même occasion ses cheveux blonds d'ordinaire soignés, mais qui exposaient à présent l'architecture brouillon d'un vulgaire nid d'oiseau. Les paupières tiraillées par la douleur d'une nuit sans sommeil, Lucy Heartfilia cligna bêtement des yeux face au salut éclatant et bien trop lumineux que lui adressait l'astre du jour. Les muscles du dos et des fesses devenus totalement endoloris pour avoir gardé une position inconfortable pendant des heures, l'adolescente poussa sans le vouloir un gémissement de vieille dame en se levant de son siège, et traîna ses pantoufles roses sur le plancher de son appartement pour aller se servir à boire.

Elle attrapa dans son réfrigérateur une bouteille d'eau fraiche et plaqua d'abord le plastique froid contre sa joue avant d'en dévisser le bouchon. L'été était la saison qu'elle attendait chaque année avec impatience, mais qu'elle souhaitait ardemment voir disparaître sitôt arrivée. Les mois de juillet et d'août n'existaient plus, fusionnés en une seule période que Lucy surnommait affectueusement « l'Enfer ». L'hiver, avec ses lots d'autres cadeaux à la fois attrayants et indésirables, lui était semblable en tout point, en fin de compte. La nature humaine était décidemment bien difficile à satisfaire.

Lucy posa brusquement la bouteille d'eau sur la table, faisant gicler le liquide sur la surface du meuble dans la plus grande indifférence. Elle agissait toujours comme d'habitude. Le monde aussi, autour d'elle, n'avait pas changé. Le soleil se levait, jouait son rôle de réveil naturel, et elle, elle en venait à l'une de ces réflexions habituelles sur la météo. Tout était parfaitement normal. La lumière qui envahissait graduellement son petit appartement. Le ciel bleu était à sa place, tout comme le canal qu'elle se plaisait à contempler et longer à toute heure de la journée. Et pourtant, elle le sentait, plus rien ne serait jamais pareil.

La responsable de ce brusque changement, autre que sa curiosité maladive, était la chose qui trônait fièrement sur son bureau, et qu'elle n'osait même plus regarder, de peur de revivre toutes ces heures de cauchemar.

Toute cette histoire avait commencé la veille au soir, alors que Lucy rentrait d'un après-midi shopping qui, le croyait-elle à juste titre, sortait de l'ordinaire. Car ce n'était pas une énième tenue qui se trouvait dans son sac, mais une machine flambant neuve qu'elle convoitait depuis des semaines avant d'avoir finalement réuni la somme nécessaire à son achat. Euphorique et fébrile comme une petite fille déballant ses cadeaux, Lucy s'était dépêchée de sortir de son emballage le lourd appareil et de le poser le plus précautionneusement du monde sur le bureau qu'elle avait vidé au préalable. Puis, elle s'était reculée de plusieurs pas et avait jaugé l'ensemble du regard, comme si elle venait d'achever une œuvre d'art. Parfaitement satisfaite, et surtout brûlant d'impatience, elle avait ensuite laissé échapper un petit rire jovial avant de fondre sur sa chaise et d'appuyer sur le bouton « Marche ».

L'écran noir, d'une netteté parfaite, s'était aussitôt redressé et éclairé. Le cœur de Lucy battait à tout rompre tandis qu'elle voyait défiler toute une succession de messages sans queue ni tête qu'elle n'avait même pas le temps de lire. Sur ses genoux, Plue semblait lui aussi fasciné par la drôle de machine. Enfin, une cible bleue était apparue au milieu de l'écran, ainsi que le doigt d'une main grossièrement dessinée qui voulait apparemment inciter l'utilisateur à l'imiter.

Non sans un certain émerveillement, Lucy posa le bout de son index sur la cible, qui s'agrandit et disparut dans un son léger et plutôt mélodieux, laissant place à une interface immaculée et parsemée d'icônes en tout genre. Elle poussa un cri de joie en levant les bras en l'air, avant de se rendre compte deux secondes plus tard qu'elle n'avait en réalité rien accompli d'extraordinaire.

- Je crois que toute l'histoire du vendeur m'est montée à la tête, gloussa-t-elle en songeant au numéro grandiloquent du commerçant qui lui avait vanté les milles et unes qualités du produit. Hein, Plue ? Plue ?

Avachi sur ses genoux, son petit compagnon stellaire s'était visiblement assoupi, l'une des énormes sucettes qu'il affectionnait encore coincée dans sa bouche. Dans un profond élan d'affection, Lucy caressa sa petite tête avant de le déposer en douceur sur son lit et de retourner à son tout nouvel Earkon*.

Les plaintes cinglantes d'Hibiki au sujet de la vente d'appareils basés essentiellement sur sa magie n'avaient fini de casser les oreilles de toute la guilde, qu'il venait régulièrement squatter à l'occasion. Des réclamations qui s'étaient, évidemment, très vite éteintes lorsque le créateur, las de ses interventions pour le moins pénibles, lui avait proposé de devenir l'égérie du produit. Lucy n'avait pas pu cacher une grimace en voyant s'étaler du jour au lendemain l'énorme visage du mage de Blue Pegasus sur toutes les boites et spots publicitaires. Elle se souvenait que le reste des Trimens et Ichiya avaient eux-aussi cherché à faire partie du projet, mais le responsable avait apparemment refusé tout net. Dans un sens, Lucy ne comprenait que trop bien cette décision.

Elle fit rapidement le tour de toutes les applications, qui lui parurent presque toutes d'une inutilité dérangeante, avant d'accéder à celle qui l'intéressait le plus, et qui justifiait son prix exorbitant, la « Recherche ». Le curseur clignotait dans une barre vide, prêt à la saisie. Songeuse, Lucy s'appuya sur le dossier de sa chaise et se mit à réfléchir. Que pouvait-elle chercher ? Elle finit par hausser les épaules et taper au hasard un nom sur le clavier : « Magnolia ».

Aussitôt, un enchaînement d'images et de textes jaillirent de nulle part pour se disposer aux quatre coins de l'écran. Des photos de paysages qu'elle connaissait bien, comme la cathédrale Kaldia et le Parc de la porte Sud ; des articles de presse datant de diverses époques, des archives jaunies aux reportages photos, sur l'histoire de la ville. Lucy tomba même sur une notice explicative de la « Configuration Guildartz » au fil de ses pérégrinations. Elle comprit alors pourquoi Hibiki s'était montré si réfractaire à l'entrée de l'Earkon sur le marché.

- Sa magie deviendra bientôt complètement inutile, à ce rythme-là, remarqua-t-elle à voix haute en repensant aux discours indignés dont le beau mage les avait constamment abreuvés. On n'a pas accès à la télépathie ni aux sorts de défense, mais c'est vrai que cela reste quand même très similaire à sa technique…

Elle ne comptait cependant pas s'apitoyer sur son sort. La mention de Guildartz lui avait donné une nouvelle idée de recherche. Pourquoi n'y avait-elle pas songé plus tôt ? Lucy tapa lentement sur les touches du clavier : « Fairy Tail ».

La recherche était cette fois beaucoup plus dense, mais étrangement moins fructueuse. Tout ce qui ressortait datait seulement des années précédentes. La ressource la plus ancienne était une photographie du Maître lorsqu'il était plus jeune, que le Maître de Blue Pegasus leur avait déjà montré à leur première rencontre. Il n'y avait strictement aucune information visible sur la création de la guilde, ni même sur les maîtres précédant Makarov. Erza et Mirajane étaient omniprésentes, mais aussi Juvia, Loki, Grey et Natsu, dans différents articles qui leur étaient consacrés, rédigés par le journaliste barré et terriblement agaçant du Sorcerer.

Lucy fronça les sourcils. Prise d'un frisson presque honteux, elle reporta ses doigts sur le clavier et fit ce que tous ceux possédant un égo minimum ont fait depuis longtemps : une recherche basée sur son propre nom.

Elle rapprocha son visage de l'écran pour observer minutieusement les résultats de la recherche « Lucy Heartfilia ». Son coude se cogna douloureusement contre le rebord du bureau.

- C'est pas vrai ! haleta-t-elle en avisant une avalanche de clichés photographiques.

Elles avaient été presque toutes prises à son insu, dans des poses suggestives ou alors grotesques qui la firent rougir de honte, et qu'elle ne se souvenait même pas avoir adoptées. Lucy parcourut fébrilement la série, se promettant intérieurement de casser les dents du journaliste du Sorcerer dès qu'elle lui mettrait la main dessus, et tomba finalement sur un résultat où aucune partie de son corps n'apparaissait.

Eberluée, Lucy resta immobile quelques secondes. Elle ferma ensuite les yeux et se massa longuement les paupières avant de reporter son attention sur l'écran, bardé d'un énorme titre : « L'écho de l'amour ». Une moiteur inhabituelle recouvrit ses aisselles en moins d'un dixième de secondes. Comment diable une recherche portant sur son nom et une histoire à l'eau de rose pouvaient-elles être associées ? Sentant presque le contrôle de sa main lui échapper, elle appuya en tremblant sur le titre en gras, se préparant mentalement au pire.

Lucy ne se souvenait plus à partir de quel moment elle avait commencé à raffoler des livres. Le personnel de la maison familiale, ses seuls amis de l'époque, l'y avait encouragé avec ardeur, s'assurant qu'il y en ait toujours de nouveaux à portée de mains, quels qu'ils soient. C'était cet amour des histoires en tout genre qui l'avait conforté dans son désir de devenir écrivain. Une carrière qui se retrouvait inexplicablement au point mort depuis quelques temps. Lucy soupira. Elle s'approcha de la fenêtre pour l'ouvrir, s'y accouder et observer distraitement la ville se réveiller, l'esprit encore embrumé par tout ce qu'elle avait lu.

Plue, parfaitement rasséréné grâce à plusieurs heures de sommeil, s'accrocha au bas de son pantalon pour lui dire bonjour : « Pon, pon ! »

- Bonjour Plue, répondit Lucy en bâillant et sans grand enthousiasme.

Elle avait passé la nuit à ratisser toutes les histoires inventées dont elle était l'héroïne, et n'avait même pas encore exploré la partie immergée de l'iceberg. Des heures passées à suivre ses propres aventures en tant que princesse d'une dynastie disparue, clone créé à l'image de sa mère, ou encore esclave d'une magie illimitée… Sans compter les passages plus ou moins osés sur elle et plusieurs autres garçons de la guilde. En les lisant, elle avait eu envie de se cacher définitivement sous les couvertures ! Comment pourrait-elle de nouveau regarder ces mêmes personnes dans les yeux, à présent ? Elle paierait cher pour savoir qui étaient les allumés qui écrivaient tant d'inepties sur ses amis et elle.

- Rah ! hurla-t-elle brusquement en levant les poings. Qui peut-donc bien s'amuser à écrire ce genre de choses sur des gens qu'ils ne connaissent même pas ?

- Pon, pon, intervint Plue en diplomate.

- J'ai eu droit à absolument tout, continua Lucy en poussant un soupir dépité. Des romances et des drames complètement absurdes, en passant par des histoires de traque, de vampires et d'uniformes scolaires…

« Personne ne me voit comme je suis vraiment. On dirait qu'ils préféraient tous que je sois… différente. »

- Poon, dit doucement Plue en posant sa patte sur sa jambe.

- Et puis, je n'ai pas forcément besoin d'un petit-ami ! fulmina Lucy en tapant le cadre de la fenêtre du plat de la main. Ils essaient tous de me caser avec n'importe qui, mais ce n'est pas interdit de rester seule, non ? Plue… Tu m'écoutes, là ?

L'esprit du chiot arrêta de poursuivre sa queue et de tourner sur lui-même. Il sauta sur ses jambes minuscules en lui adressant un salut militaire : « Poon ! »

- C'est vrai, ça ! reprit Lucy, satisfaite, les mains sur les hanches. J'ai le droit de rester une jeune femme seule et indépendante ! Et même une héroïne pantouflarde, si ça me chante !

- Poooon ! approuva Plue en sautant en l'air.

- Et cette indépendance, je vais commencer par l'assumer en dénichant l'adresse de ce petit furoncle de Jason, grogna-t-elle en se rasseyant bruyamment sur la chaise et en tapant férocement le nom du rédacteur du Weekly Sorcerer.


*Earkon : "Ear-" de "Earkype" (magie des archives, Hibiki, Nirvana, sauver le monde, m'voyez ?) et "-kon" de "pasokon", autrement dit de "personal computer" en japonais.