Le ciel s'assombrissait peu à peu à l'est, le tonnerre grondait de façon croissante, mais à l'ouest s'attardait une pâle lumière, et de cette lumière sortait une voix, lointaine mais claire qui criait.
« Chercher l'épée qui fut brisée :
A Imladris elle se trouve ;
Des conseils seront pris
Plus forts que les charmes de Morgul.
Un signe sera montré
Que le Destin est proche,
Car le Fléau d'Isildur se réveillera.
Et le Semi-Homme se dressera. »
Une main secoua brusquement le flanc de Faramir le tirant de cet étrange rêve et frottant ses tempes contre la pierre froide sur laquelle il dormait. Il repoussa la main puis ouvrit soudain des yeux ronds. Cette main s'était glissée sous sa couverture. Un orc? Il saisit alors son épée, Doledruim, qui dormait comme à son habitude à ses côtés et la posa sur la gorge de son assaillant, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il faisait encore nuit mais il distingua malgré tout clairement son visage.
« Du… Du calme, frère, ce n'est que moi… »
Il soupira et se leva presque en un bond. Puis, après avoir rangé son épée dans son fourreau, il se tourna vers son frère qui commençait à sérieusement s'impatienter.
« Hum… Puis-je savoir pourquoi tu m'as réveillé? Il fait pourtant encore nuit, j'ai besoin de repos si je veux pouvoir me battre demain… »
Un éclair annonciateur de pluie vint éclairer le ciel et le visage de Boromir pendant un court instant. Faramir remarqua alors que celui-ci était tendu par la peur et couvert de sueur. Sueur bientôt remplacée par des gouttes d'eau qui explosèrent sur ses joues. Il pleuvait dru, il faisait noir et il y avait de l'orage. Un temps à ne pas mettre un chien dehors. Pourtant ils étaient là, sous la pluie, au milieu de cette cité en ruine.
« Ils… ils sont passés à l'attaque! Osgiliath va être prise ça ne fait aucun doute. »
Faramir écarquilla les yeux. Une nouvelle attaque ! Et en pleine nuit avec cela… Enfin ils allaient les battre, comme d'habitude. Pourtant, Boromir n'en semblait pas si sur. Que lui arrivait-il ? Il n'était pourtant pas un couard qui cédait si facilement à la peur. Faramir haussa alors légèrement un sourcil et commença à enfiler son armure. Que cela plaise ou non à son frère, il allait évidemment se battre pour le peuple du Gondor.
« Ne dis pas n'importe quoi, Boromir! Nous allons les repousser, comme d'habitude. »
« Non… Selon nos éclaireurs, ils sont plus nombreux que 'd'habitude', ils vont arriver du nord avec des radeaux tandis que d'autres arriveront de l'ouest, à pied. Notre temps nous est compté. Des cavaliers du Rohan sont arrivé hier, mais cela ne change rien ! Nous ne pourrons jamais leur faire face. »
« D'accord, ceux-ci ne sont pas très nombreux mais se battront vaillamment! Nous allons gagner, te dis-je… »
« Ce ne sert à rien, frère, fuyons !… »
« Tais-toi! Le guerrier se bat et les femmes pleurent. Nous, nous battrons et nous gagnerons. Je te promets qu'aucune femme n'aura l'occasion de pleurer notre mort. »
Boromir écarta quelques mèches de cheveux blonds qui collaient sur son visage avec sa main droite. Il voulut ensuite dire quelque chose mais un éclair plus fort que les précédents le coupa net. Il se résigna donc à tenter de décourager son frère se disant que cela ne pouvait être qu'un signe des dieux. Ils devaient se battre… mais ils y perdraient sans doute leur vie.
« Soit… allons-y. »
Faramir sourit et lui tapa amicalement le dos.
« Je te reconnais bien là. Bon ! Allons rejoindre nos hommes. »
« Hum… Oui. »
Faramir repensa alors à son rêve. N'était-ce vraiment qu'un rêve ? Ou était-ce une vision ?
« Euh, j'ai quelque chose à de te dire… »
« Tu me le raconteras plus tard, le temps presse ! »
« Oui, tu as raison. »
Faramir partit en premier et Boromir le regarda courir aussi vite que son armure pouvait le lui permettre, en soupirant. Son frère ne pouvait s'imaginer le nombre d'orcs que les éclaireurs disaient avoir vu. Non, il ne pouvait pas se l'imaginer. Enfin, ils étaient, tous deux, les fils de l'intendant après tout et devaient se battre pour eux et pour le Gondor. Oui, ils devaient se battre. Il partit donc à la suite de Faramir, en glissant à moitié sur les pierres humides.
Ils étaient maintenant tous adossés à des piliers proches les uns des autres ou collés contre un des murs froids et humides ou encore au sommet des débris de la cité, la corde de leur arc tendue au maximum. Leurs corps tremblaient tous de la même façon et leurs cœurs battaient tous au même rythme. Ils avaient peur, cela ne faisait aucun doute. C'était ainsi au début de chaque bataille, toujours cette peur. Est-ce que les orcs avaient, eux aussi, peur ? Bonne question… Faramir commençait à sentir cette tension il avait envie de rassurer ses hommes, leur dire des paroles qui leur donneraient du courage, mais il n'avait pas envie qu'ils entendent sa voix vibrer. Et qu'ils sachent que lui aussi… avait peur.
Des pas résonnèrent sur le sol et firent trembler le pont qui reliait le royaume des orcs à celui des humains. Celui qui reliait l'est à l'ouest, celui qui mènerait les orcs à Osgiliath. Des cailloux que leurs pieds butèrent, roulèrent et tombèrent ensuite dans l'eau en faisant des petits « floc » à un rythme régulier. Les pas se rapprochaient de plus en plus vite ! Les nombreux soldats du Gondor et les quelques cavaliers du Rohan qui étaient devenus fantassin eurent l'impression de commencer à entendre la respiration de leurs adversaires.
Soudain, une lame brilla dans la nuit. C'était le premier orc, cela ne faisait aucun doute. Les peaux vertes avaient l'avantage car les ténèbres étaient leur royaumes, mais ils se battaient ceci dit sur le terrain des humains. L'épée à deux mains de Boromir fendit l'air et vint fracasser le crâne de cette vile créature qui s'écroula à terre mais cela n'arrêta pas les autres qui commencèrent affluer en masse dans la cité. Des cordes se détendirent en un bruit de harpe et des flèches allèrent se planter dans la gorge des orcs tandis que d'autres transperçaient cœurs, corps et pieds ou allaient cogner un mur innocent. La bataille fit ainsi rage dans la forteresse. D'abord les orcs furent les plus nombreux à tomber à terre, mais ils continuaient d'arriver, toujours plus nombreux. Puis, des hommes s'effondrèrent dans des flaques de leur sang mélangé à celui de leurs adversaires et à l'eau de pluie.
Faramir se rendit alors compte que son frère avait raison. Ils allaient perdre…
La bataille dura presque toute la nuit et les hommes, qu'ils venaient du Gondor ou du Rohan se battirent comme des fauves mais ils devaient se rendre à l'évidence : les orcs étaient trop nombreux. Finalement, ils furent submergés et se replièrent alors dans un coin d'Osgiliath. Mais les orcs arrivèrent puis les encerclèrent et passèrent finalement à l'attaque ! Faramir dans un dernier espoir fonça sur l'ennemi en criant à plein poumon le cris de guerre de Minas Tirith ! Mais une main le retint. C'était Boromir…
« Ça ne sert plus à rien de se battre. »
« Alors nous mourrons ! »
« Ne dis pas de bêtises. »
« Trop nombreux sont ceux qui sont tombés, vengeons les maintenant ! »
« La vengeance est un plat qui se mange froid… Allons nous en. »
Faramir voulut répliquer mais son frère le jeta alors, sans une once d'hésitation, à l'eau qu'il atteignit après une chute de plusieurs mètres. Des hommes tombèrent à leurs côtés mais presque tous n'étaient que des corps inertes qui coulaient à pic. Étaient-ils tous mort, et où pouvait maintenant bien se trouver Boromir ?
Le jeune homme se sentit ensuite, à son tour, tirer vers le bas. Son armure ! Il n'avait pas eu le temps de l'enlever. Il commença alors à paniquer… Il ne tiendrait pas longtemps ainsi, il n'avait même pas eu le temps de prendre une grande inspiration. Non, il fallait qu'il garde son calme. Au-dessus de lui il put voir la lune briller et cela, que vous le croyez ou non, lui donna du courage. Il saisit son épée toujours aussi acéré qu'un rasoir et coupa les lanière en cuire qui l'attachait à sa protection. L'eau ralentissait ses mouvements mais ce ne serait pas suffisant pour l'avoir ! Puis, il retira son heaume tandis que ses bottes remplient d'eau glissèrent de ses pieds. Malgré qu'elle pesait lourd, qu'elle le gênait, il ne voulut pas lâcher Doledruim. Il remonta à la surface de l'eau. Il mourrait de froid et claquait des dents, il sentait ses forces le quitter. C'en était trop, d'abord ils se battaient et maintenant il devenait nager dans une eau glaciale, tout habillé, en plus ! Une main le saisit à nouveau. Encore son frère ? Non, un orc… Celui-ci était tombé avec les humains et se sentait glisser vers le fond. Il tentait de se retenir à Faramir, mais celui-ci lui asséna un violent coup de coude dans les tempes. La peau verte le relâcha et disparut dans les profondeurs de la rivière.
Faramir avait froid… Il nagea alors vers la berge ouest et après de nombreux efforts, il l'atteignit. Là, se tenait son frère qui sourit en le voyant. Il était trempé, n'avait ni arme ni armure et semblait aussi épuisé que lui, si pas plus. À ses côtés se tenaient trois hommes qui semblaient épuiser. Dans Osgiliath, les derniers humains étaient tués et les orcs commençaient à allumer de grands feus pour manger les corps des leurs ennemis et fêter leur victoire ! Bien qu'ils aient froid, les cinq rescapés ne devaient surtout pas se faire remarquer. Ils parlèrent peu et se contentèrent de se serrer les uns contre les autres pour avoir bien chaud. Ils s'endormirent ainsi.
Ils dormirent peu et d'un sommeil sans rêve puis, lorsqu'ils se réveillèrent, il faisait encore nuit et il pleuvait toujours autant. Ils se levèrent tous pour partir mais l'un d'entre eux ne semblait pas vouloir se lever. Faramir le secoua et sentit sa peau sur laquelle avait coagulé le sang et la terre. Elle était presque gelé. Boromir s'approcha pour prendre le poul de l'homme… Aucun doute, il était mort. Les hommes insistèrent auprès de leur chef pour enterrer cette nouvelle victime des orcs mais leurs chefs refusèrent. Ils n'avaient pas le temps sinon ils mourraient de froid à leur tour. Faramir prit à contre cœur les bottes du décédé, puis ils glissèrent tous à l'unisson son corps dans l'eau.
« Voilà… Puisse son âme repose en paix. » Dit Faramir d'une voix monotone… Tants étaient morts, à quoi bon.
« Bon, partons pour Minas Tirith, si nous nous pressons, nous l'aurons atteint avant l'aube. »
Ainsi, ils partirent vers l'ouest et après de nombreuses heures, ils rejoignirent la tour blanche. Ils étaient tous épuisés mais malgré tout, ils passèrent quand même chez l'Intendant dès, leur arrivée à Minas Tirith. Il ne fut pas heureux d'apprendre qu'Osgiliath était tombée. Faramir parla alors à son père du rêve qu'il avait eu la veille de la bataille. Cela intrigua beaucoup ce dernier qui déclara que ce ne pouvait être qu'un signe divin et d'ailleurs qu'Imladris existait bien. C'était une petite vallée où se trouvait Fondcombe, la maison du seigneur elfe, Elrond. Denethor savait que la route était longue et semée d'embûche. Il chargea donc Faramir d'aller là-bas et lui conseilla de partir le jour même… Puis, finalement, les deux frères se retirèrent.
