Corbeau blanc

Une rapide fic sans prétention, avec peut-être quelques chapitres un peu plus tard pour développer tout cela. League of Legends appartient à Riot et je ne touche pas d'argent sur cette fic. Bonne lecture.

Jericho observait d'un air pensif les larges épaules de son seigneur devant lui. Il était dans une longue colonne de soldats, néanmoins proche du commandement grâce à un officier qui connaissait ses talents grandissants de stratège. Normalement, à seize ans, il n'aurait pas encore dû pouvoir entrer dans la garde seigneuriale. Son lieutenant avait arrangé cela.

Leur petite troupe s'était introduite en terre étrangère, sur les marches ouest de Noxus. Non pour y semer la terreur et attirer ainsi l'attention de la cité. Ils n'étaient pas de taille à les affronter. Non, il s'agissait simplement de faire comprendre aux paysans de la région qu'ils seraient bien meilleurs seigneur que la lointaine Noxus.

Chose aisée lorsque les rumeurs concernant un démon atteignaient même leur bourgade.

Ils arrivèrent sur les lieux à la tombée de la nuit, établissant le campement juste à côté du village concerné. Les paysans étaient à la fois craintifs et emplis d'espoir. Rapidement, des feux furent allumés, des tours de garde établis. Comme à l'accoutumée, cadet sans être un combattant hors du commun, il se retrouva à la plus mauvaise heure : au beau milieu de la nuit, là où on ne pouvait bien dormir ni avant, ni après.

Et comme toujours, il eut du mal à ne pas se laisser emporter par le sommeil au milieu du camp silencieux. Son épée était parfaitement aiguisée après toutes ses heures de garde, ses yeux s'étaient accoutumés à la nuit après plusieurs jours de voyage. Il finit par se lever pour faire les cent pas et un mouvement attira soudain son attention : un oiseau venait de se poser sur une selle, un peu plus loin. Intrigué, il s'approcha, mais l'oiseau ne fuit pas, au contraire, le regardant en retour.

C'était une espèce de corbeau sans en être un, tout blanc. Même lorsque Jericho ne fut qu'à un mètre, il ne fuit pas, le regardant toujours. Soudain, sans avertissement, il s'envola et vint se poser sur son épaule droite. Surpris, Jericho exécuta un mouvement pour le chasser avant de s'arrêter. C'était un comportement trop étrange pour un animal.

– Tu devrais fuir.

La voix avait retentit dans l'air, à peine audible, comme un murmure lointain. Il sursauta mais reprit aussitôt la maîtrise de lui-même, regardant l'oiseau avec méfiance.

– C'était toi ? Finit-il par demander à voix basse, tendant la main vers l'oiseau.

– Qui d'autre ? Va-t-en, fuis avant qu'il ne soit trop tard.

– Trop tard pour quoi ? Je ne suis pas un lâche !

– Tu seras sa première cible, répéta l'oiseau. Tu es le plus puissant d'eux tous, il t'attaquera en premier. Et ils te laisseront mourir, tes amis – tu n'es pas important. Tu n'es qu'un bouclier de plus à sacrifier.

Son sang se glaça. Cela sonnait terriblement juste. Pourquoi l'auraient-ils accepté dans la troupe, sinon, alors qu'il n'aurait jamais le moindre commandement lui permettant d'exercer ses talents ? Il secoua pourtant la tête. Non, entre un corbeau et son seigneur, il croyait son seigneur. Cela ressemblait trop à une quelconque sorcellerie pour qu'il ne fasse confiance à l'oiseau.

– Je ne suis aps le plus puissant ici, finit-il par dire, retrouvant sa sérénité. Mon seigneur l'est bien plus.

– Ta magie, enfant, murmura aussitôt la voix, le faisant tiquer à l'appellation.

– Je n'ai pas de magie...

– Tu en as, assura-t-elle. Elle ne s'est jamais réveillée, tu ne l'as jamais appelée.

Le corbeau battit des ailes, s'éloignant de lui.

– Tu es tellement naïf... quand ils te tueront, appelle-la. Dis-lui de venir, d'exploser à la lumière du jour. Si tu veux vivre, elle te répondra. Stupide enfant.

Avec un croassement rauque, le corbeau prit son envol, le laissant planté là. Avec un haussement d'épaules, Jericho retourna s'asseoir. Ce ne devait être qu'une hallucination. Ou peut-être s'était-il malgré ses efforts endormi et des coups de botte allaient bientôt le réveiller. Pourtant il parvint à réveiller la relève à l'heure convenue et en déduisit fort logiquement qu'il ne dormait pas. Il parvint tout juste à sommeiller jusqu'à l'aube, tourmenté malgré lui par les paroles du pseudo-oiseau.

Ils s'enfoncèrent à pied dans la forêt le lendemain, laissant leurs chevaux au camp. Ce n'était pas loin de l'orée, d'après les villageois, et en effet une odeur de charogne s'éleva bientôt. Des croassements retentissaient régulièrement. En levant les yeux, il vit une tache blanche passer rapidement entre les branches.

– Tu as peur, Jericho ? demanda une voix railleuse derrière lui.

Des petits rires se firent entendre qu'il ignora, le visage impénétrable. Il avait une fois montré ses émotions, lorsqu'il était entré dans la compagnie huit mois auparavant. Un mois après, il avait bien appris : plus aucune émotion ne se faisait voir sur son visage de marbre. Encore n'utilisaient-ils actuellement pas l'affectueux surnom qu'ils lui avaient donné.

Un éclair de plumes blanches passa soudain dans son champ de vision comme un avertissement et son instinct réagit aussitôt. Il se jeta sur son seigneur en armure, le faisant chuter au sol. Un instant après, une attaque foudroyante passait juste au-dessus d'eux, infligeant une profonde entaille à l'arbre voisin.

Les armes furent aussitôt tirées, mais leur agresseur avait à nouveau disparu. Jericho se releva rapidement, observant les alentours. Il finit par vouloir tirer son épée, ne serait-ce que pour se rassurer lui-même, mais le second assaut le prit complètement au dépourvu.

Une serre s'était refermée sur sa jambe droite, la déchiquetant, et il chuta au sol avec un hurlement de douleur. Les soldats s'étaient vivement écartés de lui, effrayés par la chose sortie du sol qui le recouvrait presque entièrement. Il protégea son visage du bec meurtrier d'un bras, frappant violemment de son autre poing dans les plumes. Les hurlements se faisaient entendre autour de lui et soudain une voix recouvrit toutes les autres, lui parvenant terriblement clairement.

– Retraite ! Retraite ! Laissez-le là, par l'enfer !

La stupeur l'envahit, puis une rage sans nom la remplaça. Retraite ? Alors qu'ils étaient trente contre un et qu'il venait juste de sauver leur précieux seigneur ? Pourtant, les bruits de bottes s'éloignaient, de même que les cris, et son poing rageur rencontra le bec, se déchirant dessus sans qu'il ne s'en soucie. Il ne mourrait pas là, stupidement, abandonné par ceux supposés être ses compagnons d'armes.

Une immense puissance jaillit soudain dans ses veines, déferlant comme un torrent de lave alors qu'il continuait de lutter avec acharnement, refusant de se laisser mourir. Puis la magie jaillit hors de lui en même temps que son cri inhumain et la bête qui le recouvrait fut expulsée au loin. Il se releva aussitôt, ignorant la douleur envoyée par sa jambe dot l'os était dorénavant visible. Les soldats arrêtèrent de courir alors qu'il haletait, ivre de rage.

Le corbeau blanc jaillit entre les branches et il ne le chassa pas alors qu'il se posait sur son épaule, l'accueillant comme on accueillerait un familier. Il fit un geste de la main et son sortilège atteignit en un instant les plumes noires, commençant à ronger la créature, à la harceler de douleur et de tourment. Elle commença soudain à s'agiter, des masses de plumes volant au loin avant de revenir vers elle, et Jericho comprit rapidement qu'elle se soignait. A nouveau sa magie s'éleva et le feu jaillit, dévorant les plumes. Après un instant qui lui parut bien trop long, son ennemi s'effondra au sol, vaincu.

Jericho se redressa, s'appuyant sur sa jambe gauche. Il se sentait nauséeux mais ne se laissa pas distraire par la douleur et la fatigue. Au vu des regards que posaient les hommes sur lui, le combat n'était pas terminé.

– Tu apprends vite, enfant, murmura la voix du corbeau.

– Ai-je le choix ? Interrogea-t-il ironiquement en réponse.

– Pas vraiment... Ce sortilège devrait t'être utile dans les minutes qui viennent. Accepte-le comme... récompense.

Il ouvrit la bouche, voulant demander quel intérêt y avait-il à le récompenser, mais les nouvelles connaissances se frayèrent un chemin dans son cerveau. Il resta muet d'étonnement avant de commencer lentement à comprendre les implications de ce qui était en train de se produire. Mille nouvelles questions apparurent alors mais un coup d'épée le ramena à la réalité.

Il baissa les yeux, observant la plaie apparue sur son torse. Son contrôle l'avait empêché de hurler de douleur et il observa autour de lui. Il était encerclé. Eh bien, cela ne ferait que le rendre plus puissant. Alors qu'ils chargeaient, hurlant des mises à mort envers le démon, il se transforma soudain, se coulant aisément dans cette nouvelle forme.

D'autres corbeaux jaillirent aussitôt, agressant violemment ces hommes qui voulaient le tuer. Il agita ses ailes blanches pour en détacher un homme qui s'y était accroché. Ses blessures se soignaient aussi vite qu'ils les lui infligeaient alors qu'il leur volait leur énergie vitale, satisfait de les voir s'affaiblir alors que lui-même guérissait toujours, continuant de les frapper à coups de serres.

Les derniers d'entre eux voulurent s'enfuir et il reprit sa forme humain dans un claquement sec. Sa jambe blessée frappa le sol, y faisant tomber un peu plus de sang, et des serres jaillirent sous les pieds des fuyards, les stoppant net. D'un mouvement d'épaules, il envoya le corbeau les finir et celui-ci s'exécuta avec joie. Rapidement, le silence retomba sur la clairière et il observa les corps alentours sans émotion.

Il se sentait épuisé, vidé. Sa jambe n'avait pas guéri pendant qu'il employait sa magie et il pouvait à peine marcher. Pourtant, il ne pouvait pas rester là. Il n'y avait aucun survivant à part lui et, s'il disparaissait, on ne se souviendrait probablement même plus de son existence. Il fallait simplement qu'il soigne sa jambe en priorité puisque sa magie n'y parvenait pas.

Lentement, boitant fortement, il se mit en route vers l'Est. Noxus n'était qu'à quelques jours de marche et il fallait qu'il s'éloigne de son village natal. Il passa à côté de son ancien seigneur, le visage lacéré par les serres tranchantes, et renifla de mépris.

– Je n'aimais pas le surnom de Swain que vous m'aviez donné, commenta-t-il dans le silence. Mais finalement je vais le garder.

Il ne jeta pas un regard en arrière en quittant les lieux. De cet épisode, il retint deux leçons qui le guideraient pendant des années.

L'honneur n'était que source d'idiotie et un vulgaire prétexte pour imposer des règles stupides.

La loyauté ne servait qu'à celui qui savait l'inspirer et la manipuler.