Quatre ans après la mort de Shepard, le monde n'avait pas cessé de tourner. Son décès fut l'un des plus grands drames de l'histoire de l'humanité. Elle nous avait tous sauvé. On ne savait pas le déroulé, le pourquoi du comment. La seule chose que l'on savait, c'est qu'elle s'était sacrifiée pour nous. Les moissonneurs n'existaient plus. Avaient-ils disparus ? S'étaient-ils volatilisés ? Personne n'avait la réponse à cette question. L'univers ne cherchait pas à savoir. Il cherchait seulement à oublier pour mieux renaitre. Les dégâts avaient été lourds, et il fallait reconstruire une multitude d'infrastructures. Cette guerre universelle fut le déclencheur d'une alliance inter-espèce. Les différends furent mis de côté face à cette menace. Et une fois écartée, tous durent s'allier pour s'entraider. Le conflit n'avait laissé aucun peuple tranquille. L'heure était au renouveau. Mais l'œuvre du commandant, son périple, ses exploits pour l'univers restent omniprésents. Elle ne quitte pas nos esprits, même si chacun à dû prendre sur soi pour vivre. Mais l'unique lien qui nous rapprochait n'existait plus. C'est naturellement qu'on se perdit de vue. Il nous arrivait de s'envoyer des mails, mais en dehors de cette sphère ponctuelle, aucun contact ne se faisait. Aujourd'hui, il y a quatre ans jour pour jour, Shepard avait disparu. C'est le drame de ma vie. Ces mots sont forts, mais c'est ce que je ressens. Elle était mon commandant, mon amie, mais surtout la femme que j'aimais. Ces sentiments ne fut jamais réciproque, mais elle savait ô combien elle comptait pour moi, pour nous tous. On ne sait rien de sa disparition. On sait seulement qu'elle n'était plus parmi nous.

On me tapota l'épaule, ce qui me fit sursauter. Une jeune asari me fit un signe puis rajouta que l'on était arrivé. J'étais tellement absorbé par mes pensées que je n'avais pas remarqué cela. Je m'excusa timidement puis me leva. Une fois dehors, j'inspira une grande bouchée d'air frais. Cela faisait deux ans que je n'avais pas remis les pieds sur terre. Quatre ans que je n'étais pas venue sur les traces de Shepard. Ses dernières traces. La ville de Londres me paraissait encore plus morose qu'à l'accoutumé. Elle était à l'image des grands travaux de rénovation. La ville était loin d'être comme au temps de son passé glorieux, mais elle tendait à renaitre de ses cendres. Certains buildings avaient déjà été reproduits, la fameuse tour de Londres supplantait le décor, reconstruite le plus proprement possible. Je n'avais jamais mis les pieds en Angleterre avant ce fameux jour il y a quatre ans. Automatiquement, Londres était devenu le lieu que je haissais au plus profond de mon âme. Mais je devais y aller. Je marchais dans les rues plutôt bondées de la capitale anglaise, les gens ne faisait pas attention à moi. Non pas que je sortais de l'ordinaire, mais ma tenue de deuil militaire trahissait un tant soit peu mon identité. Mais je m'en fichais royalement. Je savais très bien quel était mon objectif, le but de ma venue. Après de longues minutes de marches, j'arrivais à ce lieu tant redouté. Autour, tout était identique. La municipalité, sous demande de l'alliance, avait laissé les 300 mètres tel quel. Ce lieu devait être un mémorial en l'honneur de Shepard. Je sais que c'est bête de venir aussi. Je n'y crois même pas en plus, au fait qu'elle puisse nous voir de là-haut. Et pourtant, j'avais comme le devoir de venir ici. Pour l'honorer. Pour elle. Mais aussi pour moi. Pour pouvoir faire mon deuil. Réellement. Car je n'arrivais pas à l'oublier, elle qui fut si importante pour moi. Elle resterait la femme de ma vie. Celle que j'ai aimé de tout mon soul. Celle que j'ai soutenu. Celle qui m'a sauvé. Celle qui a changé la face de l'univers. Je sentais mes larmes venir. J'aurais aimé les contenir, mais je n'y arrivais pas. Devant cette photo de Shepard sur ce mémorial, je ne pouvais pas. Je craqua. Instantanément, j'essuya ces gouttes qui ruisselaient le long de ma joue. Je ne pouvais me permettre de craquer. Pas devant son image. Pas devant elle. Même si elle ne voyait pas, j'aimais à penser qu'elle n'aimerait pas me voir ainsi, larmoyant face à son mémorial. Je déposa mon bouquet de fleurs. J'avais pensé à faire un discours, mais très vite je trouva cette idée con. Je me contenta alors de rester là, devant, muet, tête baissé. Quelques larmes coulèrent encore, mais je les laissa tomber. Une fois qu'elles auraient cessé, il fallait que je lui dise adieu. Car Shepard n'était plus. Et moi, Kaidan Alenko, je devais me faire à l'idée de continuer ma vie sans elle.


Je venais de sortir de chez moi. Il était bientôt 9h et je devais me dépêcher. Mes élèves ne m'attendraient pas. Je pris l'un des nombreux transports qui existait à Scott. Capitale de Terra Nova, elle fut l'une des planètes touchée par l'attaque des moissonneurs. Près de la moitié de la population avait été tuée ou blessée. La planète en était ressortie meurtri mais pas anéantie. Et deux ans après l'attaque, elle avait retrouvé de sa superbe. Terra Nova était considéré avant l'attaque comme un eden potentiel pour l'humanité. La population avait vite remonté et ses chiffres frisaient avec ceux de 2183. Nous étions plus de 4 millions sur la planète, quasiment tous regroupé à Scott. La capitale n'avait rien de spécifique. Elle s'était construite à l'image des villes humaines, avec de grands bâtiments ici et là. On privilégiait la quantité plutôt que l'architecture. Il fallait loger vite la population. Cela faisait un an que j'habitais ici. J'avais vu le changement se faire. Je sentais que Terra Nova était destiné à devenir plus peuplée. Mais cela, seul l'avenir nous le dirait. En attendant, j'espérais seulement arriver à l'heure, donner mon cours puis repartir. Être une spécialiste de l'histoire des conflits inter-espèces, ce n'était pas de tout repos. Surtout depuis ce fameux jour. La demande était double. Tout le monde me posait une multitude de question sur le conflit qui avait ravagé l'univers il y a de cela quatre ans. Que pouvais-je bien leur dire ? La vérité, sans doute. Mais pas entière. Car il ne fallait pas que les élèves sachent tout. Je devais garder le secret. Je n'étais pas obligée, mais je ne me voyais pas leur dire qui j'étais vraiment. Car depuis ce jour, Shepard n'existait plus. J'étais seulement Charline Van Speel, une humaine de 35 ans, historienne de guerre.

Arrivée à l'université de Scott, je me dirigea immédiatement vers le bureau de la présidente de l'UFR. Elle m'accueillit chaleureusement, me proposant du café. Je refusa poliment, et elle me fit signe de la suivre. Elle se sentait dans l'obligation de me décrire et de m'indiquer chaque lieu qu'elle considérait comme important, me racontant moults anecdotes. J'esquissais un sourire, pour ne pas trop la froisser, tandis qu'elle continuait sa tirade. Puis nous arrivâmes enfin devant l'amphithéâtre où, une fois entrée, je vis plus de 500 élèves assis, me regardant avec intention. Ces regards posés sur moi. J'avais peur que ma couverture soit grillée. A chaque fois, cette sensation me revenait. Pourtant, j'étais bien camouflée grâce aux nouvelles technologies. Ma peau était plus foncé à l'aide d'un produit neuf dont je ne retiens jamais le nom. Je portais des lentilles noires, mes yeux étant bleus à l'origine. Et mes cheveux, châtains de naissance, était devenu noir corbeau. Le premier jour, j'ai cru qu'on me reconnaitrait automatiquement. Mon portrait était placardé à chaque coin de rue, mon visage passait à chaque émission. Ce fut le cas durant la première année. Tout le monde me croyait morte. J'avais survécu. Je ne sais comment. Mais le fait est que je m'étais réveillée quelques mois plus tard, en tout cas c'est ce que j'avais compris en regardant les infos. A mon réveil, j'étais allongée sur un lit, branchée à une machine, au beau milieu du désert, dans une tente. Mais je ne vis personne autour de moi. Je ne savais pas qui s'était occupé de moi. Je savais seulement qu'une seule personne dans ce monde savait que j'étais vivante. J'en avais la certitude, car il était peu probable que cette personne ne sache pas qui j'étais. A mon insu, mon image repassa encore et encore. Ce fut surement l'un des facteurs qui m'amena à ne pas révéler au monde que j'étais encore vivante. Des matins, je me disais que c'était une belle connerie, que je devais bien ça à mes proches, aux gens qui venaient se recueillir sur le lieu de ma disparition. Je pensais chaque jour à mon équipage, cette famille pour qui je m'étais donnée corps et âme. Chaque membre me manquait. Et à plusieurs reprises je fus tenté de prendre contact avec eux. Mais je me rétractais. Le monde vivait bien mieux ainsi. Shepard était morte, l'univers essayait de se reconstruire. Il fallait mieux garder cette image de sacrifiée plutôt que de se dévoiler à la face du monde. J'avais horreur des médias. Révéler mon identité reviendrait à dire adieu à ma tranquillité.

Irène Hoodstock me sortit de mes pensées. Elle me tapota l'épaule afin que je m'approche de l'estrade. Je lui fis signe de la tête, et la présidente quitta la salle, afin de me laisser avec les élèves. Honnêtement, je ne savais pas vraiment quoi raconter. Alors je me présenta brièvement puis je commença un résumé sommaire de ce qu'avait été la bataille contre les moissonneurs. Cela dura plusieurs minutes, où, sans entrer dans les détails, je livrais aux élèves les grands points du conflit. La trahison d'un spectre, la découverte de Sovereign, la première bataille contre les moissonneurs. Mais je sentais au fur et à mesure que les élèves trépignaient d'impatience. Des questions leurs brûlaient les lèvres. Alors j'abrégea mon discours et les invita à se livrer. Plusieurs mains se levèrent. J'invita une jeune fille d'origine asiatique à parler. Elle se leva aussi et d'une voix inattendu pour son physique, elle me posa la première question personnelle de la journée. Je sentais que ça ne serait pas la dernière. Il fallait que je m'y habitue. Cette petite brune aux yeux bridés venait de me demander de sa voix roque si Shepard entretenait une liaison avec un des membres de son équipage. L'auditoire rigola. J'étais gênée. Pourquoi, sur toutes les questions possibles, fallait-il qu'on me pose celle-là ? J'aurais très bien pu y répondre, étant la mieux placée pour le savoir, mais je devais jouer mon rôle, et gentiment, je lui répondis que j'étais une spécialiste des guerres pas des relations humaines. Elle se rassit, agacée. Croyait-elle vraiment que j'allais répondre à ça ? Un autre élève posa une question. Grand, châtain, sans doute plus âgé que la première, il me demanda si j'avais connu Shepard. Pourquoi une telle obsession pour ma personne ? Je lui répondis sur non. Il continua, m'indiquant que mon physique ainsi que mes connaissances de la guerre se rapprochait d'une manière militaire de voir les choses. Et merde. Automatiquement, mon visage se crispa. Je ne devais pas montrer signe que cette question m'ébranla. C'était plus que dur que je n'y pensais, je sentais un léger rictus se dessiner sur mon visage. Je me racla la gorge. Ma pensée devait s'orienter vers autre chose. Je remercia seulement le jeune homme, lui indiquant que je prenais sa remarque pour un compliment. Et avant qu'il ne surenchère, j'invita un autre élève à parler. Le reste de la séance se déroula sans à-coup. Je pus y répondre sans gêne et après une heure, les élèves quittèrent tous l'amphithéâtre. Dès que le dernier fut sorti, je lâcha un gros soupir. J'avais eu chaud, très chaud. Je pris mes affaires et quitta immédiatement les lieux. Il était dangereux pour moi d'y rester plus longtemps. Heureusement pour moi, je donnais des conférences que très rarement. Le contact public était vraiment à éviter. A tout moment, je pouvais flancher.


Une fois chez moi, j'ouvra automatiquement mon ordinateur. D'habitude, ils étaient sans importances. C'était des pubs pour la majorité avec par-ci par-là des mails de l'université ou de scientifiques m'invitant à différentes colloques. J'avais cru que ce serait la même chose. J'avais tort. Un mail me parvenu. Un nom. Liara T'soni. Ma main tremblait. Je n'osais pas ouvrir le mail. J'avais peur de son contenu. Savait-elle qui j'étais ? Je pris ma tête entre mes mains, me frotta le visage de haut en bas. Je devais me ressaisir. Au fond, j'étais toujours le commandant Shepard, cette femme à qui on avait assigné la tache de sauver le monde. Alors je pris mon courage à deux main et commença à lire son mail.

« Chère Charline Van Speel,

J'ai eu vent de vos qualités auprès d'Hakim Benerebia. Lors de notre rencontre, il m'a indiqué que vous étiez d'une grande sagesse. Votre intelligence vous honore et votre connaissance des conflits inter-espèce est d'une grande clarté. Entre scientifiques, j'aurais aimé vous connaitre davantage. En tant que personne tout de moins. Auriez-vous du temps à m'accorder pour une rencontre ?

Cordialement.

Le docteur Liara T'Soni. »

J'étais dans la merde. Je relisais le message, comme pour bien capter ce qui venait d'être lu. Liara voulait qu'on se voie. Si mon tour de passe-passe marchait avec les gens que j'avais pu rencontrer, c'est parce qu'ils ne m'avaient jamais vu ou entendu réellement. Mais là, je ne pouvais pas. Liara me reconnaitrait d'emblée. Malgré mes subterfuges. Malgré mon teint allé, mes lentilles de contact sombre et mes cheveux noircis, jamais elle ne tomberait dans ce piège minable. Et si jamais je ne lui répondais pas ? Je savais qui elle était, elle ne tarderait pas à retrouver ma trace et à comprendre qui je suis une fois qu'elle aura débarqué chez moi. Non, je ne pouvais pas prendre ce risque. Devais-je alors lui répondre positivement ? Je pourrais payer quelqu'un pour se faire passer pour moi. Mais non, ça ne marcherait pas, ou alors il faudrait trouver quelqu'un de compétent dans mon domaine. Et les mercenaires n'étaient pas connus pour être des flèches. La seule solution était de répondre négativement à sa demande, tout en laissant planer le doute sur une rencontre possible un jour. Oui, cela serait le plus prudent. Elle comprendrait et ne chercherait pas davantage d'information sur ma personne. Cependant, cela m'avait fait comprendre qu'à tout moment, mon identité pouvait être percée. Tout à l'heure déjà, avec cet élève. J'avais failli me faire griller. En y repensant, son regard était différent des autres. Ce n'était pas le même que ceux de ces camarades, qui était en proie à l'apprentissage. Non, on aurait dit qu'il savait. Mes yeux s'ouvrirent en grand. Comment avais-je fais pour ne pas comprendre plus tôt ? Il savait qui j'étais. C'était clair comme de l'eau de roche. J'en avais la certitude. Son regard trahissait trop de chose pour être crédule. Je me tapa la tête, fis les cent pas dans mon appartement. J'étais dans une merde apocalyptique. Je ne savais pas son nom, comment le retrouver. Mon seul indice était la fac. Mais y retourner maintenant serait inutile. Il fallait que je sache son nom. Tout de suite. Je me rassis, essayant de trouver une solution. Puis je me rappela que j'avais le numéro d'une des élèves. Je l'avais pris lors du premier cours. J'avais chargé cette fille du premier rang, Iris quelque chose, de fournir des informations que je lui donnerais aux autres élèves. Si jamais j'étais absente, je la contactais pour qu'elle en informe le groupe. Oui, voilà, c'était la solution. Tout du moins, j'espérais qu'elle connaissait tous les élèves de sa promo. Il en allait de ma survie. Je devais à tout prix le retrouver.


Posé devant ma télé, je zappais les chaines à la vitesse de l'éclair. Si je pouvais paraître être vieux jeu, j'aimais m'adonner à ce plaisir. Etre assis sur son fauteuil, paquet de chips à la main. Cette caricature du jeune obèse me plaisait bien, même si pour mon cas, j'étais loin d'être large. J'étendis mes jambes après une journée complète de cours. Cela m'épuise et épuise mes longues guibolles, rétractés sur ces inconfortables sièges d'amphi. C'était dur de revenir à la fac, mais depuis que je savais qu'elle y donnait des cours, il fallait que j'y aille. C'était plus fort que moi. Aujourd'hui fut une journée intéressante, trop intéressante. Je ne l'avais pas vu depuis mon arrivé. Mais j'étais déçu, triste même. Elle ne m'avait pas reconnu. Certes, je n'étais même pas sûr qu'elle soit consciente durant la période où l'on fut en contact. On va plutôt dire que je l'espérais, qu'une partie de son esprit soit restée active. La fameuse Shepard ne pouvait pas mourir. Elle ne devait pas mourir. Elle était restée de nombreux jours inerte, et j'avais réellement peur qu'elle soit morte. Mais mes compétences en médecine m'avait permis de la maintenir en vie. Je me demande vraiment comment elle a fait tout de même pour survivre à ça. C'était bien le commandant Shepard après tout, le premier spectre. En parlant d'elle, on diffusait un documentaire en son honneur. C'était filmé sur terre, et on interrogea des personnes au hasard qui ne cessait de louer le commandant. Elle avait sauvé la terre, l'univers tout entier. Personne ne sait ce qu'il s'était passé. Pas même moi.

J'entendis la sonnette de ma porte. Surpris, je m'approchais prudemment de la porte. Je n'attendais pourtant personne. Malheureusement, je ne pouvais pas voir qui était derrière et il fallait que j'ouvre. Cela pouvait faire de moi une proie très facile. En ouvrant la porte, je sentis ma bouche rester ouverte. Elle était là, juste devant moi. Que faisait-elle ici ?

- Puis-je entrer ?

- Euh, bien sur.

- Merci.

Savait-elle qui j'étais ? Se souvenait-elle enfin de moi ? J'avais des doutes. Mais son regard était différent de tout à l'heure. C'était comme si elle attendait des réponses de moi. Alors elle avait enfin découvert.

- Voulez-vous quelque chose à boire ? Lui demandais-je, essayant de détendre l'atmosphère qui s'était alourdi.

- Non merci Brian, abrégeons. Je sais que vous me connaissez.

- Que je vous connais ? Bien sur, vous êtes Charline Va…

- Ne jouez pas avec moi ! S'emporta t-elle d'un coup, les poings serrés. Je sais que vous savez qui je suis. Je veux dire, la vraie moi. Avouez-le.

- Comment l'avez-vous découvert ?

Elle ne me répondait pas. Je compris vite alors qu'il valait mieux que je lance le débat. Elle était tout de même une militaire, elle restait intimidante.

- Est-ce que des souvenirs de ce jour-là vous sont revenus ? De quoi vous souvenez-vous ? Continuais-je.

Le commandant arqua le sourcil gauche. Les bras croisés, elle me regardait, circonspect. Ah, je crois qu'elle ne le savait pas. Au vu de sa réaction, elle ne devait pas se souvenir de grand chose.

- Mais de quoi parlez-vous ? Me demanda t-elle, sentant dans sa voix qu'elle était encore plus interrogative qu'à son arrivée.

- Vous ne vous souvenez de rien ? Alors comment avez-vous su que je savais qui vous étiez, Commandant Shepard ?

Ses yeux s'ouvrirent en grand. Elle était au courant dû fait que je connaisse son identité, mais entendre son propre nom l'étonnait tout de même. Elle n'était pas habituée, cachant qui elle était au quotidien. Là était ma question, celle que j'aimerais lui poser. Je voudrais savoir pourquoi elle s'était créée une nouvelle identité.

- Votre regard. M'interrompit-elle dans mes pensées.

- Pardon ?

- J'ai vu à travers vos yeux que vous saviez tout. Je ne sais pas comment, mais vous me regardiez avec cet air supérieur du « je sais qui vous êtes, faite gaffe ».

Je ne pus m'en empêcher mais j'éclata de rire. Elle me regardait étonnée, ne comprenant pas. Malgré ces années passées, elle était toujours un peu parano. Son passé de militaire ne la trahisait pas, voyant en autrui un ennemi potentiel.

- Shepard, je ne suis pas votre ennemi. Oui, je sais qui vous êtes. Et avant que vous me demandiez comment, asseyez-vous. Je vais tout vous raconter.

Alors je lui raconta ces nombreux jours passés à m'occuper d'elle après avoir retrouvé son corps inerte en plein milieu du désert. Je lui contais l'événement, rigolant à certains passages, la taquinant en lui rappelant que sans moi, elle serait morte. Je vis un léger sourire se dessiner sur son visage, j'étais content de voir qu'elle le prenait comme ça. Sans rentrer dans les détails, je lui expliqua les nombreux soins que je lui avais promulgué, mes inquiétudes face à ce « coma ». Puis après des mois sans réels signes de vie hormis le compteur qui m'indiquait qu'elle respirait. Cinq secondes, puis plus rien. Ces yeux ne s'ouvrirent que quelques secondes, me rassurant pour me replonger dans une anxiété profonde. Je paniquais, lui expliquant que j'avais eu peur voyant le spasme qui s'ensuivit. Shepard était sérieuse lorsque je lui racontais tout ça, essayant de se remémorer un tant soit peu quelque chose. La voir ainsi pouvait paraître étonnant, et pourtant je l'imaginais bien être pareil lors des réunions avec ses coéquipiers. Je sentis son impatience lorsqu'elle se retourna vers moi, m'invitant à continuer. Abrégeant mes propos, je lui raconta que suite à ces événements, son état resta stable encore quelques jours, se réveillant légèrement chaque jour. Puis je finis mon récit, lui indiquant que j'étais parti. Je ne savais pas comment elle s'était réveillée. J'avais dû quitter la terre pour raison personnel.

- Comment avais-je atterri en plein désert ? Je veux dire, je devais être à Londres normalement, alors comment est-ce possible ?

- Ça, je ne saurais vous le dire, commandant. Peut-être avez-vous été éjectée d'un vaisseau ou de quelque chose ? Tout le monde savait le conflit qui nous ravageait. J'étais loin, mais la guerre était partout.

- Alors vous m'avez retrouvée en plein désert ? Et qu'y faisiez-vous au juste ?

- Oui, en plein milieu du désert, je vous l'ai déjà dis. Ce que j'y faisais ? Cela est plutôt personnel commandant, mais si vous vouliez savoir, je marchais.

- Marcher ? C'était la guerre et vous, vous pensiez à marcher en plein désert ?

- Ecoutez commandant, je ne suis pas un guerrier. Je suis médecin apprenti oui, mais pas soldat. Le conflit, ce n'était pas pour moi. Je sais à peine tenir une arme, qu'aurais-je pu faire sur le terrain, à part gênée la fameuse Shepard ? Alors je me suis dis que quitte à mourir, autant que je passe mes derniers instants dans le désert. Je voulais être seul, repensant à ma vie qui avait été trop courte à mon goût. Mais c'était notre destin, c'était ce que je pensais. Puis, vous les aviez vaincus. Beaucoup croyaient en vous, moi non. Je suis désolé. Je ne savais seulement pas quel serait l'issu de ce combat.

- Merci pour votre franchise en tout cas Brian. Honnêtement, votre histoire est difficile à gober mais après tout ce que j'ai vécu, elle me parait tout à fait normale et cohérente. Je ne sais pas si je dois vous remercier pour m'avoir sauvé, ou si je dois vous haïr de ne pas m'avoir laissé mourir. C'est la deuxième fois que j'échappe à la mort et j'ai l'impression qu'elle ne veut pas de moi. Cela serait trop simple sans doute.

- Pourquoi ?! Commandant Shepard, vous êtes la sauveuse de tout l'univers. On vous doit tous la vie sauve, alors pourquoi vous cachez vous ? Pourquoi tenez-vous de tels propos ? Heureusement que vous êtes encore en vie. Mais pourquoi diable faire croire que vous êtes mort ?

- C'est compliqué Brian. Me répondit-elle, l'air sombre.

- Éclairez ma lanterne, car justement je ne comprends pas.

- C'est mieux ainsi. L'univers tourne. A quoi servirait-il de me montrer ? Tout le monde avance, fait des efforts pour se reconstruire. La vie est mieux sans le commandant Shepard, croyez moi.

- Je ne suis pas de cet avis... Avez-vous envie de vivre chaque jour dans le déni ? Voler au bord du Normandy à travers la galaxie ne vous manque pas ? Pensez-vous pouvoir rester ainsi, sans avoir à vos côtés vos plus fidèles et loyaux compagnons ?

- Assez. M'ordonna t-elle, le ton glacial ayant remplacé le ton amical. Vous m'avez soignée, cela ne vous donne pas le droit de me faire une leçon de morale. Ma décision est prise depuis longtemps. Cela fait plus de trois ans que j'essaye de tenir bon, alors ne venez pas avec vos belles paroles remettre en doute mes convictions.

- Shepard… Je ne voulais pas paraître incongru. Je suis seulement inquiet. Je vous ai sauvé parce que je voulais que vous viviez. Vous étiez un modèle pour tous. Vous êtes encore une figure de bravoure et de courage, et vous le serez pour toujours. Je ne veux pas vous changer, je veux seulement vous dire que je ne vous comprends pas. La solitude n'est pas le résultat de votre quête.

- C'est mon choix, Brian. Et maintenant, je vais prendre congé.

Son visage accompagnait sa voix grave, mais qui trahissait certaines émotions. Malgré moi, je l'avais ébranlée. Elle ouvrit la porte puis quitta mon appartement, lâchant dans ce qui serait sans doute les derniers mots qu'elle m'adressait :

- Merci de ne rien dire à personne, Brian. Adieu.