Salut ! Juste pour le concours ? Mais nah ! Il reste encore cinq dodos ^^

Voici donc un towshot, je ne vous en dis pas plus, bonne lecture !


Un cœur de pierre ne laisse couler que des larmes d'encre et de mal, plus noires que la nuit, plus brillantes que les étoiles. Étincelantes… La lueur d'une promesse. Car celui qui fait pleurer une pierre mérite de souffrir à son tour, de devenir fou de douleur, d'en mourir sans reste. Et alors seulement, la pierre cesse de suinter de cette promesse glaciale. Et redevient solide, plus encore, pour ne plus jamais perdre ce nectar qui la remplit. Sombre d'amertume, de souffrance, de haine et de mort.

S'il est de pierre ce cœur, c'est qu'il a terriblement souffert. Et il continue de vivre sans plus chérir, de peur d'être d'avantage blessé. Mais se priver de bien pour ne plus avoir de mal, c'est remplir sa vie de vide, se créer soi-même sa propre douleur, s'empêchant ainside penser à la source première de ses souffrances. Une douleur artificielle, une douleur constante qui permet d'effacer tout… Peut-être que c'est ça mourir, oublier de sourire toute une vie pour fuir une douleur qui aurait pu être, certes plus forte, mais bien plus facile à guérir.

Un cœur tendre transformé en roc… Et si, plutôt que de le faire pleurer à nouveau, ce cœur reçoit un autre type de traitement ? Celui qui réchauffe, qui rend la roche liquide, une catastrophe qui chamboule tout, celle qu'on ne veut plus jamais laisser partir, terrible, car elle comble le vide… et fait disparaitre cette envie de mourir. Une catastrophe qui mène à une douleur plus vive que celle qui moisi au fond du cœur… La souffrance de vivre.

- Sanji ?

- Humm ?

- Qu'est-ce que tu fais sur le pont ? C'est mon tour de garde cette nuit…

- Je sais, Chopper… J'avais seulement envie… de prendre l'air.

Le médecin haussa les épaules et s'accouda à la rambarde près de Sanji. Il ne touchait plus terre quand il s'appuyait ainsi, mais il en avait l'habitude. Son regard passait de Sanji, à l'infini de la mer, puis revenait à Sanji de nouveau.

- Qu'est-ce que tu regardes ? demanda-t-il enfin.

- Les étoiles.

- Ah…

Chopper finit par se laisser retomber sur le pont et, désintéressé, s'éloigna vers la vigie. Sanji était bien peu loquace ce soir là. Presque froid. Mais tant pi, il irait mieux demain.

Comment s'appelait-il ? Il a tant voulu l'oublier, c'est chose faite. Ça ne fait pas si longtemps… peut-être deux ou trois ans… Quatre ? Même ça, le blond l'a oublié. Cet homme… dont il tente d'oublier le visage, a tout prit de lui, de son âme, de son cœur, et s'est enfuit. Tant mieux pour lui. Quelle idée d'aimer ? De faire confiance… ? Et après on s'étonne que le cuistot s'entoure de femmes. Avec elles au moins, il est certain de ne jamais faire cette même erreur, après tout, ce qu'il aime vraiment, ce sont les hommes. Enfin… plus maintenant, il n'aime rien, il n'aime personne. Que son beurre et sa farine, sa marmite et ses couteaux aux reflets changeants.

- Le cœur d'un enfant brisé, hein ? Tu parles, murmura Sanji pour lui-même.

Le blond est tout sauf un enfant. Il a été brisé, mais il n'est pas facile de faire cesser les battements d'un cœur. Le sien s'est reconstruit. Bâti sur la haine et la méfiance. Il est indestructible à présent. C'est bien ainsi, il veut le rester. Il a tellement souffert en laissant son cœur se gonfler d'amour, se remplir, jusqu'à exploser dans un carnage ensanglanté, enfermé dans sa poitrine, débordant de ses yeux. Ce fut la première, et la dernière fois qu'il acceptait ainsi de vivre à deux, pour deux. D'être la moitié d'un tout, constitué à demi de lui, et à demi d'un autre.

Il l'a revu cet imbécile. Peu de temps après. Son cœur cessait tout juste de saigner. L'homme l'a charmé de nouveau, a consolé son cœur défait… pour ensuite le piétiner et voler ce qu'il en restait. Sanji l'a pourchassé. Il a oublié, il voulait oublier… Tout ce qu'il se souvient encore, c'est d'un regard vide, taché de mort, de ses mains tremblantes, souillées d'un restant de vie, et de son regard d'enfant, terrifié devant l'horreur. C'était la première et dernière fois que le blond se servait de ses mains de cette façon. La première fois qu'il tuait… Puis, il est devenu un homme changé, avec un rêve, une résolution, et un vide à la poitrine. Un vide lourd comme une tonne de roche. Une roche lourde comme une tonne de vide. Mais certainement plus un cœur.

Sanji hésite. Ça lui prend de temps en temps… Il remet tout en question. A-t-il fait le bon choix en enfermant ses sentiments ? Et si l'autre mec avait agit autrement ? Flancherait-il un jour ? Alors, le blond fume quelques cigarettes en remuant ses sombres pensées, puis il retrouve sa bonne humeur et continue la routine dans les rires et les engueulades générales du bateau. C'est sa vie et il a décidé de la vivre ainsi. Rien ne peut l'atteindre, il est fort, de fer et de pierre. Et s'il fait l'imbécile avec les femmes, ce n'est qu'une façade. D'abord pour qu'elles n'envisagent pas de s'intéresser sérieusement à lui, et ensuite, parce que la vie est bien plus simple quand tout le monde vous croit idiot. Personne n'attend rien d'un imbécile, après tout. Et puis, c'est dans le silence et l'oubli que le renard peut se faufiler, apprendre, devenir plus fort encore… Hypocrite et égoïste. Mais ça, personne n'a besoin de le savoir…

- Zorro ? Toi aussi t'es là ?

- Humm…

- Tu regarde quoi ?

- La mer.

- Ah…

Zorro ne pense à rien. Il a la tête vide et il se concentre. Il écoute les battements de son cœur. Voilà longtemps qu'il le l'entendait plus. Avant de rejoindre l'équipage, le chasseur de pirate était un vrai tombeur. Son côté animal, puissant, et dominateur en a séduit plusieurs et il a joué de ses reins entre les cuisses de tant d'hommes et de femmes qu'il ne peut plus les compter. Il a aimé, au début. Ses sens s'emballaient, son cœur, jeune et téméraire, prêt à conquérir le monde, le portait d'une couche à l'autre. Et il aimait, pendant une nuit, il aimait d'amour cette personne qu'il avait choisit. Au début…

Son cœur, épuisé de créer ces sentiments impulsifs, s'est calmé avec le temps, ne battant plus que pour les jolies blondes, puis pour les yeux d'azur, et enfin, plus pour personne. Son cœur s'est éteint. Il est resté endormi des années entières. Ses aventures ont cessées et il s'est longtemps demandé s'il vivrait de nouveau ces débauches amoureuses, où il aurait donné ciel et terre à son partenaire d'une nuit.

Et c'était revenu. Son cœur s'est éveillé après un long sommeil. Au début, il a prit son temps pour revenir en douceur. Zorro ne l'a même pas remarqué, puis, ça a grossit, encore, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus douter, battant si fort qu'il en avait mal aux côtes. Jamais son cœur n'a ainsi hurlé, n'a ainsi voulu contrôler son âme, son être, sa tête. Assourdissant, omniprésent, jusqu'à l'empêcher de dormir… Et quand il ne dort pas, il voit un visage, flottant dans son esprit. Il tente de l'attraper, de le frapper, de l'embrasser, mais le visage se défile toujours, disparait dans un nuage de fumée argentée.

- Mais c'est MON tour de garde, s'écria soudain Chopper de sa voix exigüe. Allez dormir tous les deux, et faites-moi confiance !

Sanji avait sursauté et regardé par-dessus son épaule. Zorro était accoudé près de la figure de proue et regardait de toute sa hauteur le petit animal. Chopper dégluti avec peine et balbutia quelque peu avant de se mettre à trembler de tous ses membres.

- Heu… je veux dire… enfin… Vous pouvez rester, mais... heu…

Le pauvre, il faisait pitié à voir… Surtout que l'épéiste le regardait de son regard le moins expressif… le plus inquiétant. Comment savoir s'il allait écouter l'ordre du médecin ou le découper ? Sanji soupira longuement un nuage aux reflets de lune et délaissa les étoiles du regard pour se diriger vers le duo un peu plus loin.

- Écoute, Chopper, fit-il d'une voix calme et rassurante. On veut seulement prendre l'air, on ira se coucher quand on en aura assez. D'ici là, on compte sur toi pour assurer notre sécurité sur le pont, d'accord ?

- D'accord !

Et, le petit Chopper, les épaules chargées d'une grande responsabilité, s'en fut vers le grand mat, où il disparu.

Le silence, c'est un bruit assourdissant. Autant que le vide. Des sentiments, leur absence… Les sentiments, quoi de plus stupide ? Un malaise s'installe, des iris brillants comme des émeraudes cherchent, espèrent, un mot, une bagarre. Mais un mur répond, son éclat aspiré par l'énorme onyx qu'est la nuit. Et déjà, le dos du blond s'éloigne.

Zorro saisit. Il a envie d'être seul et ne veux pas se battre… Ça va, il peut comprendre, il ressent la même chose… Mais différemment. Il ne veut pas vraiment être seul… Il veut être seul… avec Sanji. Il veut comprendre son cœur, savoir s'il s'est résigner à battre par ennui, ou s'il a vraiment trouvé ce qu'il cherche depuis si longtemps… Depuis toute une vie.

Sans comprendre pourquoi, Zorro tourna les talons et suivi Sanji qui retournait de l'autre côté du pont. Il marchait lentement, sans faire de bruit, attendant le moment où la raison le ramènerait de son côté du bateau, ou alors celui où son courage s'envolerait, le laissant là, au milieu d'un bateau désert, à observer de loin les volutes de fumées qui hantaient son esprit. Mais les battements sourds à ses tympans étaient plus têtus que la raison, plus assourdissants que son manque de courage… Et il avançait toujours.

Finalement, le vert termina sa course à côté du blond, accoudé au rempart. L'autre l'ignorait complètement. Il aurait pu lui parler, il aurait pu lui dire de s'en aller. Mais non, il restait silencieux… Zorro avisa le point luminescent qui flottait à quelques centimètres de ses lèvres, puis ses doigts, longs et minces, blancs comme la neige, qui s'appuyaient au parapet. Le vert se voyait glisser ses doigts, bourrus et malhabiles, entre ceux, tellement délicats du cuistot. Le regarder dans les yeux, lui lancer un sourire, le serrer contre lui pour qu'il entende son cœur, l'embrasser… Mais ce n'était que dans sa tête… Il n'était pas idiot au point de croire le blond amoureux de lui…

Sanji jeta un œil à Zorro. Pourquoi l'avait-il suivit ? Il l'empêchait de se concentrer sur ses pensées noires à être là. Il avait envie d'être seul. De se sentir seul. Parce qu'il l'était depuis tellement longtemps, qu'il avait besoin de se le rappeler… il était seul. Alors pourquoi l'imbécile d'algue lui collait-il au train ?

Un silence interminable règne. Impénétrable. Zorro tente de comprendre pourquoi Sanji le trouble, alors que Sanji tente de comprendre pourquoi, avec Zorro si près, il n'arrive plus à organiser ses pensées. Puis, ils regardent l'infini qui s'étend devant eux, à leurs pieds, devant leur regard, au-dessus de leurs têtes. Tout est si grand, si beau, mystérieux et inaccessible. Insondable. Quelqu'un connaitra-t-il vraiment toutes ces étoiles un jour ? Et ce qu'il y a derrière ? Ce vide qui semble pourtant remplis de milliers de merveilles… Et la mer ? Ceux qui se vantent de bien la connaître ne connaissant au fond que sa surface… C'est si peu si on compte la profondeur de ces eaux, ses humeurs changeantes, ses habitants et ses chefs-d'œuvre.

Décidément, les hommes sont bien prétentieux. Ils ne se connaissent pas eux-mêmes, peuvent à peine nommer les plus grosses étoiles et imaginent toutes les vagues identiques. Deux vagues, dans l'histoire du monde ont-elles déjà été parfaitement été les mêmes ? De la même forme, la même taille, la même couleur, habitant la même force, produisant le même son ? À quoi sert de vivre une vie où le monde est plein de mauvaises intentions, de personnes qui ne réalisent pas à quel point ils sont encore plus infimes qu'une larve… À quoi sert de vivre dans un tel monde ?

À vivre heureux ? Réaliser ses rêves et simplement regarder le temps passer, puissant, ravageant tout, et l'accepter comme un ami précieux. À grandir et mourir, à laisser des traces de son passage, des traces qui inspireront d'autres hommes qui auront comprit le sens de la vie. Ou du moins comprit qu'ils sont trop petits, bien trop insignifiants pour comprendre cette vie infinie, et qu'alors, ils se contenteront de vivre à leur tour du mieux qu'ils le peuvent… Vivre heureux. Vivre… à deux ?

Des pensées troublées et pleines d'interrogation des deux hommes, une phrase émerge soudainement, sans prélude et sans but, semble-t-il. Elle fend l'air et le temps et se dépose comme si elle n'était qu'une fleur emportée par un vent printanier, s'impose, et regrette aussitôt.

- T'as déjà aimé ? demanda Zorro. Je veux dire… aimé vraiment ?

Sanji prit une longue inspiration de son tube de tabac et expira la fumée dans un soupir. De la cendre s'envola, craintive, alors que le blond lançait un regard oblique au vert

- Et qu'est-ce que ça peut te faire, Marimo ?

Un long silence encore. Quoi répondre ? C'était déjà étrange comme question…

- Eh… ben… je voulais juste…

Penaud, Zorro décida de laisser tomber. Il n'avait pas le courage de mener cette conversation, n'avait pas les mots… Tant pi, il continuerait à rêver en silence, à étouffer les battements de son cœur. Il tourna les talons et commença à s'éloigner pour rejoindre sa cabine. À peine eut-il fait quelques pas que la voix du cuistot s'éleva, étrangement neutre et vague, comme son regard… comme les étoiles.

- Oui, j'ai déjà aimé… une fois.

La phrase lancée avec force et assurance. Les deux derniers mots, un souffle, frissonnant de souvenirs douloureux. Zorro s'en étonna. Des mots eux-mêmes, et de leur sens. Une seule fois, vraiment ?

Le premier amour… On passe son temps à se demander si c'est cela l'amour, puis on y croit, on est certain d'avoir trouvé le bon, le vrai… Mais il part comme il est venu, de façon incertaine et maladroite, on ne réalise pas toujours qu'il s'en est allé. Et puis c'est douloureux. On s'attache toujours au premier amour. Comme un enfant qui découvre sa mère pour la première fois… Mais l'amour ne dure pas éternellement, du moins, rarement. Mais quand on le perd, la solitude est le pire adversaire. Seul, qui peut nous dire qu'il reviendra cet amour ? En mieux ? Qui peut rassurer à coup de phrases déjà trop répétées ? Qui peut nous prendre dans ses bras en chuchotant que si l'amour n'est plus, il reste l'amitié, la famille, les rêves ? Sanji était seul quand son amour s'est enfuit. Un enfant ayant grandit trop vite…

- Mensonges, tromperies, manipulation…

- …

- Je l'ai tué.

Zorro hocha la tête tout en regardant les vagues. Puis, il comprit le sens des mots du blond. Il tourna son regard vers lui. Un regard neutre où il n'y avait ni jugement, ni interrogation. Il regardait le profil du cuisinier, tourné vers la voute céleste. Un nuage de fumée s'échappa de ses lèvres, puis, le tabac consumé, Sanji libéra le filtre de ses doigts, qui s'enfui loin du bateau, flottant sur les vagues.

- Pourquoi cet intérêt soudain pour ma personne, Marimo ?

La question n'en est pas vraiment une. C'est plutôt une manière de faire remarquer à l'épéiste l'étrangeté de sa question, et de la situation. Comme s'il y avait des étoiles dans la mer et des vagues dans le ciel. Tout est différent et semble à l'envers, et pourtant, rien n'a changé, les étoiles restent des diamants scintillants, et les vagues éternelles, changeantes et similaires à la fois. Mais tout a changé…

Sanji veut être seul. Et en même temps, il ne souhaite plus que Zorro ne reparte. Il a peur d'être seul, encore. Une terreur sourde qu'il connait et vit à chaque instant. Être seul. C'est bien ce qu'il voulait en construisant cette carapace autour de lui. Mais sa solitude l'entraine toujours plus loin dans ses pensées oubliées. Alors il tente de se rappeler, puis, d'oublier encore, et il se retrouve dans le néant, à ne plus rien savoir, à ne plus rien ignorer. La solitude l'étouffe par sa présence trop dense et lourde… Le vide, son poids.

Mais si l'autre reste, alors il est terrifié. Il n'a pas envie de se battre, il veut rester tranquille dans la nuit et apprécier cette douce brume fraîche et humide sur sa peau. Aimer le silence. La voix du vert brise cette quiétude, et s'il reste ainsi, presque sympathique, une conversation pourrait bien s'engager… Au-delà de l'étrangeté, c'est alarmant. Et s'il vient à retrouver la mémoire en parlant ? S'il parle de son passé… d'amour… Son cœur de pierre laisserait couler ces amères larmes de néant, un instant de faiblesse… Que jamais personne ne doit voir.

- Et toi ? demanda finalement le blond après de longues minutes de silence.

Ce n'était que pour la forme, histoire d'être… poli ? Bon, il s'en fichait bien de Zorro, mais il avait choisit de garder une présence près de lui. Au fond, très très au fond, le blond espérait que Zorro lui ferait oublier son instant de faiblesse et l'aiderait à aller dormir en paix. Ou bien il espérait que l'autre ait souffert encore plus que lui. Ou… simplement qu'il reste là. Histoire de se sentir moins seul, d'avoir un instant isolé avec un autre homme… Un instant presque romantique pour mettre un baume sur son cœur l'espace d'une minute ou deux.

- Ouais…

Son cœur bat à tout rompre. Hurle à faire exploser sa poitrine. Se démène et se fracasse contre ses côtes pour aller rejoindre celui qui pourrait être son parfait écho, enfin. Pas un de ces imposteurs qui disparaissent au matin, pas un de ces cœur abrutit qui reste sans opinion face à lui… Tellement de fois, un battement au mauvais temps l'avait fait se taire, puis Zorro, avide de vivre, le faisait chanter de nouveau pour le prochain voleur venu. Aussi souvent qu'il a dégainé ses sabres. À répétition, comme un moteur capricieux qui rechigne de plus en plus à se mettre en marche à chaque démarrage.

Mais maintenant, il a choisit. Et sans l'influence de cet abrutit ! Le cœur de Zorro a fait lui-même son choix. Pour la première fois. Et à cet instant, sur le pont, Zorro réalise que toutes ces nuits d'amour n'étaient que des nuits de sexe. Que tous ces matins cajoleurs n'étaient que pour fuir la solitude. Que ces petites relations qui s'étaient étirées sur quelques semaines n'étaient que des pauses, épuisé de devoir trouver un cœur différent à séduire à chaque soir… Un cœur… En a-t-il seulement déjà séduit un seul ? L'épéiste réalise à quel point il a été trompé par sa peur d'être isolé. Trompé… Car ce qu'il a cru être l'amour n'en était pas vraiment. Ou du moins, pas ce genre d'attirance qu'il ressent à présent. Il resterait debout toute la nuit, là, sur le pont… Simplement pour entendre Sanji respirer, regarder les fils d'or qui entourent son visage virevolter au gré du vent, sentir l'odeur du tabac de ces cigarettes qu'il fume à répétition…

- En fait, j'en sais rien…

- Si tu ne sais pas, c'est que tu n'as jamais aimé.

La voix amère et brutale de Sanji surprit Zorro. Il avait sans doute raison, mais quelle manière blessante de lui dire… Et le silence qui suivi fut encore pire.

Même s'il veut rester, Zorro sait qu'il doit partir. Sanji semble profondément blessé et il ne sait pas quoi faire pour l'apaiser. Au fond de lui, l'épéiste sait qu'il n'a aucune chance d'un jour pouvoir séduire Sanji, il est son rival, et la femme qu'il a aimé a dû être des plus jolies et des plus féminines qui soient. Avec une poitrine généreuse, des lèvres pulpeuses et de longs cheveux bouclés qui lui descendent jusqu'à la taille. Ou descendaient… Puisque Sanji l'a tué. Tué… Avec une personnalité un peu plus curieuse, le vert aurait sans doute demandé comment le blond a fait pour blesser, et même tuer une femme. S'il était plus curieux, il aurait demandé pourquoi le blond semble aimer toutes celles qu'il rencontre d'un amour passionnel, alors qu'il dit n'avoir aimé qu'une seule fois. S'il était plus curieux…

Mais ce n'est pas la curiosité qui habite l'homme entrainé, non, c'est une amère déception, une tristesse, un déchirement… Ses sensations qu'il n'a jamais ressenti pour l'amour. Et par-dessus tout, un violent désir, non, un besoin, de prendre Sanji contre lui, de l'embrasser, de lui faire connaitre un plaisir qu'il n'a jamais ressenti dans sa vie… Et puis pourquoi pas ? Le courage, ce n'est pas ce qui lui manque… Il s'en fiche bien de ce que pense Sanji ou de la façon qu'il le regarde, ça ne changera jamais rien de toute façon.

Zorro se tourne vers le blond après un long moment de silence. Assez long pour que Chopper se soit endormi dans la vigie. Assez long pour que la lune eut entamé sa lente descente vers l'horizon. Un moment assez long pour que Sanji eut fumé une autre cigarette.

L'épéiste prit la main de Sanji dans la sienne, la délogeant de la rambarde où elle risquait de s'incruster tant il la tenait fermement. Avec délicatesse, mais fermeté, Zorro tira à lui cette main réticente, obligeant son propriétaire à se tourner pour lui faire face. Son regard céruléen, marine dans la nuit, était un mélange d'incompréhension et de froid, un froid terrible, noir et envahissant, comme son âme. Celui de Zorro lui répondit doucement, brillant, pleins de douceur et de chagrin. Sanji ne comprenait pas. Il avait froid soudainement, il était paralysé.

Zorro s'approcha doucement du blond incertain, imaginant son visage dans ses meilleurs jours, en plein combat, le regard rieur et obstiné, d'où la lumière semblait émaner d'elle-même, d'où la mer prenait ses reflets. Et son cœur battait. Battait si fort que Sanji risquait de l'entendre, que le bateau pourrait bien se mettre à vibrer au même rythme, que la mer se déchainerait pour que sa voix reprenne le dessus de la musique nocturne…

N'y tenant plus, Zorro fit le dernier pas. Rapidement, pour que Sanji ne puisse pas esquiver, mais tout en douceur. L'épéiste se pencha sur ses lèvres et y déposa les siennes.

Le cuisinier avait fermé les yeux sous la surprise, figé et interdit. L'une de ses mains reposait toujours dans celle de Zorro, l'autre s'accrochait encore plus fort au parapet. L'autre main, celle de l'épéiste, s'était posée dans le bas de son dos. Il avait eu peur qu'il s'éloigne, mais voyant qu'il ne bougeait pas, le vert remonta lentement sa paume le long du dos mince du blond. Il sentait sous la délicate chemise des muscles contractés, et peut-être aussi des frissons. Les doigts aériens, capable d'une tendresse que personne n'aurait pu soupçonner, glissèrent enfin vers la nuque du chef, où ils s'appuyèrent avec détresse.

Enfin, Zorro entrouvrit les lèvres et pointa le bout de sa langue pour gouter le plus merveilleux fruit qu'il n'ait jamais même vu. Timide, craignant de brusquer son cuisinier plus qu'il ne l'avait probablement déjà fait, le vert glissa lentement sa langue sur sa lèvre inférieure. Puis, il embrassa cet ourlet délicat avant d'offrir le même traitement à celui qui le surplombait. Sanji n'avait pas bougé d'un cil.

C'est comme un rêve. Le meilleur baiser de sa vie, même s'il est le seul à y prendre part. Il comprend alors toute la force de l'amour, d'aimer, d'être aimer… Il donnerait tout à cet instant précis pour Sanji, tout pour le rendre heureux, pour un sourire, tout… Même si c'est pour ne rien obtenir en retour, il lui donnerait la lune, All Blue et… Tout. La vague qui l'emporte loin du bateau l'élève haut dans les airs, et il emporte Sanji avec lui, loin… haut. Mais il lui faut redescendre, car si c'est lui qui l'emporte, c'est que le blond ne le suit pas de lui même. Et il ne peut le forcer à venir, il le sait. On n'entraîne pas quelqu'un dans l'amour de force comme on peut l'enlever et le cacher quelque part. L'amour doit être libre, un choix, et provenir de soi.

Alors, Zorro laisse redescendre les vents qui l'ont soufflés dans un autre monde, il laisse son cœur gorgé d'amour se dégonfler doucement, jusqu'à reprendre une taille normale, laisse les milles couleurs et odeurs qui l'ont submergées s'estomper dans la nuit, et enfin, il ressent comme un léger choc sous ses pieds. C'est la gravité, il a réintégré le pont. Il doit maintenant libérer cet homme, et partir.

Immobile toujours, Sanji senti la bouche du vert, douce et habile, se retirer de la sienne. Dommage, juste comme il allait ouvrir à son tour le passage vers sa langue, comme hypnotisé. Zorro se recula d'un pas, rompant tout contact avec lui, et ils ouvrirent les yeux ensemble, étourdis. Abasourdis.

- Cette femme, dit Zorro sans attendre, même si elle est morte, a eu beaucoup de chance d'être aimé par toi.

Et sans un mot de plus, Zorro tourna les talons et rejoignit sa cabine, partagé entre la joie, la légèreté, l'allégresse d'un côté, et la honte, le regret, la tristesse de l'autre. Il s'étend sur son lit, sachant que toutes les nuits, il repassera ce baiser en boucle, ce rêve… Et que jamais plus il ne pourrait dormir, ne pourrait rêver.

Le tonnerre gronde dans sa poitrine.

Sanji était toujours sur le pont, immobile. Car le temps s'était arrêté. Il ne pensait plus, ne voyait plus, ne ressentait plus rien. Ses genoux cédèrent sous lui et il s'effondra sur le pont. Détruit.

Le vide est brisé.

Voilà voilà ! La suite dans quelques jours, promis ^^ Je sais que c'est sombre, la lumière se fera, je sais que le rythme est lent et c'est parfait comme ça ! J'ai faim ! :D