A/N : Une idée qui me trottait dans la tête. Cette histoire prend place à peu près quatre ans après la fin de Deathly Hallows. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je précise que je lis principalement les bouquins en anglais (j'ai pas du tout lu le dernière en français) donc il y aura certains noms comme Draco Malfoy, etc. qui apparaitront dans leur version originale.

L'Autre

L'impensable, qu'elle s'était refusé à imaginer durant trois longues années, était enfin arrivé.

L'Autre avait un nom.

Hermione enfouit son visage dans ses mains. Elles sentaient encore vaguement le souffre et l'Ambroisie, les relents d'une potion qu'elle avait préparé plusieurs jours auparavant. L'odeur infecte était longue à partir et malgré ses tourments, la jeune femme retroussa le nez par habitude. C'était clair qu'au niveau parfum, elle n'était pas une dame. Pas comme l'Autre, justement, qui devait arborer un mélange floral et sirupeux, comme les effluves dégagées par un philtre d'amour. Un philtre ? Serait-ce donc là l'explication ?

« Idiote. Tu te raccroches à des chimères, des excuses.»

Dans le silence de la pièce, sa voix lui semblait soudainement fatiguée, rauque et sans élégance. La couverture de Charme et Sortilèges, le magazine pour sorcières qu'elle avait devant les yeux, était agitée d'images criardes. Elle ne savait même pas pourquoi ce torchon se trouvait sur sa table de cuisine. Ginny l'avait sans doute oublié lors de sa dernière visite, pas vraiment par hasard, dans l'espoir qu'Hermione le ramasserait et se rendrait compte de ce qu'elle était. Ou plutôt devrait être, pensa Hermione amèrement.

Une fille.

L'Autre, elle en était certaine, serait plus-fille-tu-meures.

Cela lui donna envie de serrer les dents et pousser un cri de rage, de balayer son petit-déjeuner d'un geste grandiose, telle une diva qui n'aurait pas reçu assez de roses, un soir de première. Hermione prit une profonde respiration et referma calmement sa main autour de son verre de jus d'orange. Ce n'était pas la solution logique. Elle gâcherait non seulement le jus et le verre, mais elle devinait déjà la honte profonde qui suivrait cette petite rébellion. Et Hermione se considérait comme une personne profondément logique, même si parfois le désir de recevoir des roses menaçait de tout faire chambouler. Elle n'en parlait pas à Ron. Il aimait trop son côté logique, réponse-à-tout, et le perturber ne mènerait qu'aux ennuis.

Depuis cette dernière rose, enroulée dans un parchemin et posée sur l'oreiller trop lavé d'une énième chambre d'hôtel, Hermione évitait soigneusement les ennuis…

…jusqu'à ce qu'ils réapparaissent avec un sourire à la fois charmeur et cruel en dernière page de Charme et Sortilèges. Hermione se maudit d'avoir même songé un instant à ouvrir le tabloïde. Issue d'une famille de Moldus perdue parmi tant d'autres, elle avait encore parfois du mal à accepter la petite taille de la communauté des Sorciers. Si elle ne prenait pas soin de se tenir à distance quelque peu, elle savait qu'elle serait vite submergée par les ragots et les nouvelles dont raffolaient sans doute les lectrices écervelées de ce magazine. Elle eut une pensée honteuse à l'égard de Ginny et rectifia son jugement. Son amie n'était de loin pas stupide. Elles avaient juste des goûts littéraires différents.

« A qui le dis-tu ? » soupira-t-elle en cherchant à nouveau la page, même si son contenu était déjà clairement tatoué à la surface de ses pensées. Les images que son cerveau persistait à raviver brûlaient d'une lueur vive et douloureuse. Elle eut la sensation, familière du temps de leurs batailles contre le Seigneur des Ténèbres, d'avoir un œil à l'intérieur de la tête qui refusait de se fermer. Et là, sur la page légèrement brillante, la torture se confirmait avec chaque battement de cil et chaque pli de tissu qui se formait puis se tendait dans les robes richement brodées que portait le couple.

L'Autre était blonde. Ben voyons. Elle aurait vraiment été surprise, si ça n'avait pas été le cas.

Hermione se força à dépasser le brouillard qui flottait au dessus du texte, intégrant les élégantes lettres vertes une par une. Elle fut obligée de s'y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir assembler les caractères en un mot cohérent. Plus qu'un mot, il s'agissait d'un nom. Et même alors, il lui fallut quelques minutes avant de le prononcer à haute voix, de le tester contre l'air renfermé de sa petite cuisine.

« Astoria. »

Elle fit une moue similaire à celle qu'elle avait adressée à l'odeur désagréable qui émanait de ses mains. Astoria. On aurait dit le nom d'un de ces hôtels de luxe américains. Elle relut l'encadré, à sa façon cette fois.

« Draco Malfoy, célibataire convoité de 21 ans, a jeté son dévolu cette année sur le Palace Astoria, à Greengrass, dans le Nevada. La charmante bâtisse est bien rodée, en pierre blonde, avec un air de noblesse qui a su satisfaire aux exigences du jeune homme. Il y a été aperçu faisant le tour du parc et admirant les galeries par de nombreuses personnes à plusieurs reprises. Les rumeurs circulent qu'il compterait en faire sa résidence principale. »

Un rire lui échappa de la gorge, mais un ingrédient essentiel en était absent : l'humour. Hermione crut qu'elle allait plutôt se mettre à pleurer, mais parvint à retenir ses larmes en se disant qu'elles ne lui serviraient guère. Comme toujours dans ces moments, elle ressentit la honte de n'avoir pas de raison vraiment valable d'exprimer son chagrin. Elle maudissait Voldemort pour cela. Ce qu'il avait fait endurer à ses amis et au monde des Sorciers lui semblerait toujours monstrueux par rapport à ses petits problèmes personnels. Si Draco Malfoy avait choisi de tomber amoureux d'un Palace Cinq Étoiles, grand bien lui fasse, se dit-elle avec un calme soudain. Lentement, elle se leva de table et entreprit de faire sa toilette. Sa vie ne changerait pas ce jour-là, Hermione décida fermement.

Même si l'Autre avait maintenant un nom.

A/N : Voilà pour le premier chapitre. C'est plus une entrée en matière… mais bon. J'apprécierais énormément vos commentaires.