Confrontation avec le présent.

(--China--)

Le soleil venait de se lever. Comme chaque jour depuis bientôt six mois, je l'observais commencer sa course dans le ciel.

Deux bras entourent ma taille et caressent mon ventre. J'entends la personne soupirer, sa tête posée sur mon épaule. Je fais comme si de rien n'était.

« - C'est vraiment magnifique. Comment te sens-tu aujourd'hui?

- Bien, je suppose. Aussi bien que possible. Les levers de soleil m'apaisent.

- Bon je vais réveiller Kyo et ma tante pour le déjeuner. Vas t'asseoir à table.

- Eriol?

- Oui? » Il se retourne et m'observe, l'air inquiet.

« J'ai peur. » Il revient sur ses pas et me prend dans ses bras. Enfin manière de parler, mon ventre met une distance entre nous deux.

« Je m'en doute. Mais tu n'as aucune raison. Kyo et moi serons toujours là pour lui et pour toi. Pour vous protéger. Tu le sais. On te l'a promis, on le lui a promis. » Je ferme les yeux pour éviter de m'imaginer Shaolan à la place d'Eriol, ce qui arrive de plus en plus en ce moment et pourtant ils ne se ressemblent pas.

« C'est dur. Vraiment dur sans lui. » Il ne dit rien mais je comprends que c'est la même chose pour tout le monde. Son absence nous rend tous nostalgiques du temps passé, du lycée où rien n'était aussi difficile que maintenant, où nos souffrances étaient ridicules par rapport à celles que nous endurons maintenant.

Il se détache de moi alors que Kyo arrive torse nu et m'embrasse sur la joue tout en passant son bras autour de mon cou.

« Alors le petit homme ne fait pas encore des siennes. Pourtant l'accouchement est prévu pour bientôt non? » Kyo n'a pas changé, il ne se rend pas compte qu'il vient d'interrompre quelque chose – ou bien ne le montre pas – et je lui en suis reconnaissante. Je ne peux pas me tourner vers Eriol simplement parce que Shao n'est plus là.

Je hoche la tête et nous nous dirigeons vers la cuisine. Yelan arrive suivie d'Eriol. Nous mangeons le repas en silence. Les deux garçons remontent se préparer pour s'occuper de la maison et des champs.

Yelan et moi finissons notre thé, tranquillement, en observant les prés réchauffés par les rayons du soleil. J'ai toujours eu du respect pour cette femme. Mais nous n'avons jamais vraiment parlé. Depuis six mois qu'Eriol et Kyo m'ont amené ici, nous échangeons simplement des formules de politesse.

« Vous savez Sakura, votre présence m'est agréable, surtout depuis que mes filles sont parties et savoir que vous portez mon petit-fils... Ce que je cherche à dire, c'est que... » Elle s'y reprend à plusieurs fois. Je ne la regarde pas et fixe les champs. Elle continue.

« J'ai perdu mon fils et je sais... Ne pensez-vous pas que vos parents préfèreraient vous avoir auprès d'eux ? » Un silence s'est installé entre nous. Elle attend ma réponse qui ne vient pas.

« J'ai perdu ma mère quand j'étais petite. Mon père est alors devenu très possessif. Il fallait que tout soit en ordre, que tout soit comme il le voulait. Je ne m'en suis jamais plainte, j'ai toujours été la petite fille sage mais je n'avais pas le droit de traîner avec mes amies, de voir des garçons, de sortir en général. Il fallait que je fasse honneur à notre nom, et que je me marie comme ma mère l'avait fait auparavant, selon les traditions, en passant par la dame-marieuse. »

Elle m'écoute. C'est la première fois que je me confie depuis la mort de Tomoyo et je me sens de plus en plus légère. C'est un poids que se retire peu à peu de mes épaules.

« J'ai rencontré Shaolan. Et malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à garder mes distances. Ou bien si, j'ai tout fait pour, mais rien n'est allé comme je voulais. J'ai fini par fuir de la maison et je me suis retrouvé avec votre fils et vos neveux. »

« En partant de là, je ne suis pas sure que mon père soit heureux à l'idée de me revoir. Je lui rappellerais son échec, et je ne le déteste pas assez pour lui faire autant de mal. Je suis sorti de sa vie, de la même manière qu'il est sorti de la mienne et nous nous portons mieux ainsi je crois. »

« Et vous n'avez pas de frères et sœurs? »

« Si un frère. Toya. Je ne sais pas ce qu'il est devenu. »

« Gardez tout de même mes paroles en tête. Je suis sure qu'ils seraient heureux de vous revoir. »

« Et moi je suis sure de ne pas vouloir les revoir avant d'être devenue quelqu'un dont ils pourront être fiers. » Yelan hoche la tête.

« Bon je vais mettre un peu d'ordre dans la cuisine. »

« Je vais vous aider Yelan. » Elle avait insisté pour que je l'appelle Yelan alors que rien ne nous rapprochait à part son fils. Finalement, je pense que ça suffisait.

« Non Sakura. Allez-vous reposer. Ou bien vous entraîner. » Je lui souris et me courbe avant de me retirer. Je retourne dans le salon où se trouve mon piano.

Papa avait décidé de me faire devenir une pianiste professionnelle. Je l'ai déçu. Mais j'ai envie de le devenir. Pas seulement pour lui, pour moi aussi parce que c'est devenu une passion, pour Shaolan et pour mon fils.

Eriol et Kyo m'ont fait transporter de Hong Kong le piano que Shaolan m'avait offert pour mes vingt ans. Et dans ma chambre, j'ai gardé les touches de piano géantes qu'il avait trouvées une semaine après m'être enfuie de chez moi.

Mon ventre m'empêche de m'assoir trop près du piano et je dois véritablement tendre les mains pour pouvoir effleurer les touches ce qui rend la pratique de mes morceaux préférés assez difficile.

Je joue quelques notes et je me laisse bercer par la mélodie. Je me demande ce que Toya est devenu. Puis rapidement les souvenirs de Shaolan et moi me submergent, accompagnant l'air qui sortait de l'instrument et se faufilait à travers la maison.

Commentaire:

Ben voila un court chapitre d'introduction.

L'idée m'est venue en écoutant la BO d'une série taiwanaise que j'avais regardée avec ma coloc il y a 5 ans. Je n'y comprenais rien et elle a traduit au début pour m'expliquer en gros l'histoire.
Le nom de la série : The outsiders ou fighting fish. Et pour la BO : F.I.R.

Dites ce que vous en pensez si vous avez le temps, ou pas trop la flemme.
Vos remarques me sont vraiment nécessaires pour avancer et m'améliorer.

Saeko