Mission de Secours
Spoiler : saison 7 !
Genre : Mission de sauvetage très périlleuse !
Auteurs : L'Atlante et Aliénor (Alinore)
Disclaimer : bien sûr, ça n'est pas à nous et nous n'avons pas touché le moindre cent pour ça.
-Je m'en contrefiche ! Il n'a qu'à attendre ce conseiller... Qui ça, au fait ?
La réponse du Caporal se perdit dans le claquement de la porte des vestiaires. SG-1 rentrait d'une mission harassante sur une planète torride et Jack pensait qu'ils avaient tous mérité au moins une bonne douche ! Depuis quand d'ailleurs se passait-on de la sacro-sainte visite à l'infirmerie pour rencontrer un VIP ?
-SG-1 en salle de réunion, niveau 12 ! SG-1 en salle de réunion, niveau 12 !
-Et maintenant le salon de réception des VIP au lieu de la salle de briefing ! Carter, qui doit-on voir ?
-Je ne sais pas, mon colonel, vous avez claqué la porte trop fort !
-Bon, allons-y ! Teal'c, mettez un bonnet, une casquette, enfin quelque chose !
La douche les avait rafraîchis. Ils avaient passé des tenues propres mais n'avaient pas revêtu leurs uniformes officiels. Au diable ce conseiller ! Ils étaient si fatigués. Sauf Teal'c, évidemment ! Jack vit Daniel se frotter les yeux, derrière les verres embués de ses lunettes. Les prunelles azur de Sam, étaient cernées de mauve, ce qui lui donnait un air fragile inhabituel. Il étira ses muscles douloureux et, suivi de son équipe, se dirigea vers le niveau 12.
-Madame le Conseiller, permettez-moi de vous présenter le Major Samantha Carter, le Docteur Daniel Jackson, euh Teal'c et le Colonel Jack O'Neill. SG-1, voici, Madame...
-Kathleen, Dreidre, Seanned O' Maley !
-Drayson, tu oublies Drayson, Jon !
Sous les regards interloqués de ses coéquipiers et du Général Hammond, Jack traversa la pièce en deux enjambées, saisit le conseiller par la taille, la souleva dans ses bras et la fit tournoyer en riant.
-Colonel !
-Ce n'est rien Général. Jon et moi sommes de vieilles connaissances !
Elle était toujours suspendue à quelques pas du sol. Les mains sur les épaules de Jack, elle le regardait avec amusement.
-Jon, tu pourrais peut-être me poser, maintenant, non ?
-Pour quoi faire ?
Il arborait un sourire moqueur et un brin féroce !
-Jonathan O'Neill, lâche-moi tout de suite !
-Si tu cesses de m'appeler Jonathan !
Il la posa doucement sur le sol et la serra contre lui, déposa un baiser sur ses cheveux.
-Je suis heureux de te voir, bídeach bandrao !
Sam détaillait discrètement le conseiller Drayson. Elle était petite, vraiment petite, 1 m 50 au plus. Ses cheveux d'un roux éclatant atteignaient à peine le biceps du colonel. Ses yeux d'un vert lumineux transperçaient ses vis-à-vis. Son teint laiteux était parsemé de taches de rousseur. Sa silhouette menue était harmonieuse. Son air décidé, presque autoritaire, révélait un sacré caractère mais n'arrivait pas à amoindrir son charme prenant. Bref, elle était ravissante ! Et le colonel avait l'air enchanté de sa présence.
-Le conseiller Drayson, attaché à la Maison Blanche, Madame ?
-Carter sait toujours tout sur tout, même en politicailleries ! Tu bosses avec le Président, Kat ? Depuis quand ?
-Depuis six mois, comme tu le sais très bien !
La voix musicale de la jeune femme s'était faite un peu froide. Jack se rembrunit et s'écarta d'elle. Elle posa une main fine sur son avant-bras.
-D'accord, c'était ma faute ! Tu ne peux pas passer l'éponge ? Oublier ce que je t'ai dit ?
-Oublier ! Tu m'as accusé d'avoir influencé Sean ! De l'avoir obligé à entrer dans les commandos ! Comme si quelqu'un pouvait forcer ton fils à quoi que ce soit ! Il est aussi entêté que sa mère ! Et toi, tu es de mauvaise foi !
-Il a suivi tes traces, ton exemple, tu es son idole, Jon, tu le sais très bien et ce, depuis toujours ! Si tu n'avais pas...
-Ça suffit ! Si tu es venue jusqu'ici pour me faire encore des reproches, eh bien c'est fait ! Tu n'avais qu'à téléphoner, ça t'aurait pris moins de temps ! Nous sommes crevés, alors si tu permets...
Il tourna les talons et avait presque franchi la porte quand elle cria.
-Jon ! Sean a disparu.
Jack s'arrêta net, se retourna.
-Je t'en prie, Jon !
Elle était là, face à lui, toute droite et crispée, retenant ses larmes.
-Je sais que rien n'aurait pu l'empêcher de partir. Que c'est aussi à cause de son père qu'il a fait ce choix. Et parce que c'est ce qu'il veut faire de sa vie, servir son pays. Je l'ai compris, je l'ai accepté. Mais j'ai déjà perdu Ian, alors si Sean... C'est mon fils, Jon tout ce qu'il me reste avec toi...
Jack la prit par le bras, la fit asseoir, s'installa près d'elle. Sa voix se fit très douce.
-Raconte moi, Kat.
-Nous allons vous laisser, Madame...
-Non, Général, s'il vous plaît, restez tous. Nous aurons besoin de votre avis. Je suis désolée, je ne voulais pas faire de scène, je...
-Ton fichu caractère irlandais te joue encore des tours, ma douce !
Tant de tendresse perçait dans sa voix que le cœur de Sam se serra. Que représentait donc cette femme pour Jack ? Elle était mariée, son fils ne portait pas le même nom qu'elle... Drayson n'était pas un patronyme irlandais mais Ian sonnait bien celtique... Était-elle veuve ? Et donc libre ? Les pensées de Sam s'emballaient pendant qu'ils s'installaient tous autour de la table. Kathleen Drayson raconta ce qui était arrivé à son fils.
Le Lieutenant Sean O'Connor, Navy Seal, en mission pour l'armée américaine à la frontière afghano-pakistanaise, avait disparu depuis une semaine. Sa mère avait eu beaucoup de difficultés à apprendre ce qui s'était passé. Grâce à son poste, à ses relations et à son entêtement, elle avait réussi à obtenir quelques détails et surtout à trouver Jack !
-Cette base est si secrète que c'est comme si elle n'existait pas. J'ai eu un mal fou à découvrir où tu étais. Je suis venu incognito, et j'ai promis de garder le secret. Je me demande...
-Chut ! Non, ne demande pas...
-Dis-moi Kat, et Drayson dans tout ça ? Avec ses contacts, sa fortune, ses puissantes relations...
-Il est effondré par la disparition de Sean, tu t'en doutes !
-Mmouais !
-Jon, vous ne vous entendez pas tous les deux, mais Max aime beaucoup Sean.
Jack avait l'air d'en douter sérieusement.
-Il est jaloux, Jon, c'est vrai ! Jaloux parce que Sean t'adore. Jaloux de notre relation.
Sam avala sa salive : leur relation ?
-Ian n'a jamais eu de problème avec ça, pourtant. Drayson est idiot !
-Ian était ton ami et il savait que ce qu'il y a entre toi et moi est... indestructible Il ne se sentait pas menacé, il savait que je l'aimais.
-C'est la question, non ? Tu n'aimes pas Drayson, pas comme tu aimais Ian ! Je ne comprendrai jamais pourquoi tu as épousé ce type !
-Quand Ian est mort, j'étais anéantie. Max était là, il a pris soin de moi, il me protégeait, il m'aimait...
-Il a profité de ta fragilité passagère ! Comme si tu avais besoin de protection ! Est-ce que je n'étais pas là pour ça ! Oh, d'accord, j'étais dans le Golfe... Tu avais peur pour moi, de me perdre, comme Ian, et tu préférais tirer un trait sur les militaires, n'est-ce pas ? Et un jour, tu t'es réveillée, apaisée, forte de nouveau, mariée à un mec possessif, qui ne sait que geindre. Une femme comme toi ! Si entière, si ardente, si... vivante ! Comment as-tu pu t'enterrer ainsi ?
-Jon, nous gênons tes amis. Je suis certaine qu'ils ne t'ont jamais entendu parler autant !
Ce n'était rien de le dire !
SG-1 et le général Hammond assistaient à cette scène, stupéfaits et un peu embarrassés. Ils dévisageaient le colonel O'Neill comme s'ils ne l'avaient jamais vu ! Et c'était vrai, jamais il se s'était livré ainsi. Où était le militaire parfois glacial, toujours réservé, cachant ses émotions derrière des plaisanteries et des pirouettes ?
Sam découvrait un homme passionné, sensible, impétueux ... pour une autre.
Daniel toussota.
-Madame le conseiller...
-Kathleen.
-Kathleen, c'est tout à fait... fascinant de vous écouter tous les deux. Très instructif. Euh, vous savez, Jack est plutôt glissant quand il s'agit de se dévoiler. Une véritable anguille !
-Daniel ! Bon, si on en revenait à Sean !
Cette remarque jeta un froid et ramena tout le monde à la réalité. Ils se penchèrent sur les circonstances de la disparition du jeune homme. Kathleen avait apporté avec elle des documents. Cartes tactiques de la région, rapports des agents infiltrés sur le terrain... Le vidéo projecteur de la salle de réunion focalisait maintenant l'attention de tous. Chacun apportait ses commentaires, analysait les données, demandait des précisions. Sam était de plus en plus inquiète. Elle se doutait de ce qui allait se passer. Kathleen voudrait sauver son fils et le Colonel O'Neill irait quels qu'en soient les risques et les conséquences. Or, la situation du jeune homme était quasi désespérée, en admettant qu'il soit encore en vie, ce qui était loin d'être évident, et le coin une poudrière.
-Mon Colonel !
-Ne soyez pas négative, Carter !
-Tu ne sais pas ce que veut dire le Major.
-Ah non ?
Jack et Sam échangèrent un regard. La bouche de Jack s'étira dans un de ses sourires asymétriques. Sam baissa les yeux.
-Le Colonel a raison, Madame. Je pense que ... enfin, il y a peu de chances que...
-Vous croyez que Sean est mort et qu'il serait folie de risquer la vie d'autres soldats...
-Oui, Madame, je pense que ce serait du suicide.
La fatigue expliquait sans doute le léger tremblement de sa voix. Kathleen l'observa, vit son regard bleu posé sur son supérieur, empli d'inquiétude.
-Oh Jon, je ne comptais pas te demander d'intervenir en personne.
-Si une opération est envisagée, j'irai, bien sûr.
-C'est trop dangereux !
-Kat ! Tu ne veux pas risquer ma vie, mais celles d'autres oui ? Allons, pourquoi es-tu venue sinon pour me demander d'aller le chercher ?
-Si tu me dis que c'est impossible, je... je l'accepterai. Oh, mon Dieu, je n'aurais pas dû t'impliquer...
Ses mains délicates se tordaient, elle perdait de nouveau son calme.
-Colonel O'Neill, avant toute chose, ne serait-il pas adéquat de s'assurer que le lieutenant O'Connor est en vie ?
Teal'c, qui n'avait pas dit un mot jusque là, mettait son grain de sel.
-A quoi pensez-vous, Teal'c ?
-Au zatarklnic, Colonel O'Neill
-Ça, c'est une bonne idée, Teal'c, une très bonne idée !
-Qu'est-ce que le zatar... ?
-Le quoi ? Jamais entendu parlé et toi non plus, Kat ! Tu as des hallucinations auditives ? Qu'as-tu mis de spécial dans ton café ce matin ?
Sam sourit, un peu rassérénée et comme toujours amusée par les plaisanteries de Jack. Kathleen intercepta ce sourire, perçut son soulagement. Bon sang ! Son angoisse pour son fils l'aveuglait. Cette belle scientifique, si sérieuse, si... militaire était amoureuse de son Jon ! Et lui ? Difficile à déchiffrer comme toujours ! Un petit sourire se dessina sur sa bouche : il n'avait jamais rien pu lui cacher, enfin pas très longtemps ! Kathleen revint à de plus graves préoccupations. Visiblement, le géant taciturne avait abordé un sujet top secret. Mieux valait qu'elle se retire afin de leur laisser toute latitude pour réfléchir sans contraintes.
-Je vais vous laisser étudier les options possibles. Général, je suis éreintée, pourrais-je m'étendre quelque part ?
-Bien sûr, Madame. Je vous fais escorter. Sergent Siler !
Durant les longues heures suivantes, Kathleen se reposa dans le quartier des invités alors que SG1 étudiait un éventuel plan d'attaque. Le zatarklnic était une sorte de détecteur sophistiqué mis au point par la Tok'ra. A partir de sa signature ADN, il pouvait repérer un individu sans risque d'erreur. Son rayon d'action était assez limité, selon les critères Tok'ras, mais un AWAC survolant la zone où avait disparu Sean devrait pouvoir le détecter.
-Je vous accompagnerai, Jack.
-Daniel !
-Vous parlez arabe ? Moi, oui !
Bien sûr, Daniel pourrait s'avérer précieux mais Jack avait des scrupules à risquer la vie de son ami pour une mission non officielle. Il soupira.
-C'est vraiment très risqué !
-Vous le feriez pour moi, non ?
-Je viens aussi, Colonel O'Neill.
Jack hocha la tête. Les compétences linguistiques de Daniel étaient rares et Teal'c était un combattant hors pair. Leur présence ferait peut-être la différence.
-Mon Colonel, vous aurez besoin de moi pour régler le zatarklnic une fois sur le terrain.
Ce n'était pas tout à fait vrai. Le système était d'une simplicité enfantine à utiliser.
-Carter, même moi je sais me servir de ce truc ! Non, Il est hors de question que vous veniez !
-Nous formons une équipe, pourquoi resterais-je à l'écart ?
Teal'c et Daniel sortirent discrètement de la pièce. Ils croisèrent Kathleen dans le couloir. Elle était plus sereine, reposée. Elle haussa les sourcils en entendant la voix de Jack à travers la porte fermée.
-Non, Major, c'est un ordre !
La réponse de Sam était incompréhensible mais la colère dans sa voix était nettement perceptible !
-Mieux vaut ne pas entrer maintenant, Kathleen.
-Je vois.
La porte s'ouvrit à la volée. Sam sortit et s'éloigna dans le couloir à grandes enjambées.
Jack se retourna quand ils entrèrent. Son expression était fermée, ses mâchoires crispées. Daniel et Teal'c s'abstinrent prudemment de tout commentaire.
-Le Major essaie toujours de te convaincre de laisser tomber ?
-Tu la connais bien mal ! Elle veut venir avec nous.
-Et tu ne veux pas ?
Jack la dévisagea comme si elle avait dit une obscénité.
-Bien sûr que non, je ne veux pas ! Et non, je ne veux pas en discuter avec toi, ni avec personne.
-Messieurs, pourriez-vous nous laisser un moment, s'il vous plaît ?
Les deux hommes sortirent.
-Deux femmes comme ça ! C'est trop pour Jack, il va craquer !
-Je partage cet avis, Daniel Jackson !
Elle était penchée sur son microscope, l'air absorbé. Mais elle n'arrivait pas à se concentrer.
-Sam ?
-Daniel.
-Est-ce que tout va bien ?
-Oui
-Sam ? Vous ne voulez pas en parler ?
Elle leva sur lui des yeux embués, un sourire misérable aux lèvres.
-Non, je ne veux pas en parler. Mais merci d'être venu, Daniel.
-Major Carter ?
-Oh Teal'c, entrez, je ne vous avais pas vu.
Le Jaffa vint se planta en face de Sam, les mains croisées dans le dos. Il ne s'embarrassa pas de précautions oratoires selon son habitude.
-Vous en voulez au colonel O'Neill ?
-Je ne comprends pas ce qui lui prend. On a déjà effectué des missions aussi dangereuses.
-C'est différent, cette fois. Ce n'est pas une mission du programme « Porte des Étoiles » !
-Mais il vous accepte bien, Daniel et vous. Non, il me tient à l'écart, il ne veut même pas de mes conseils.
-Vous vous sentez rejetée ?
La franchise de Teal'c était parfois embarrassante. Elle ne répondit rien.
-Major Carter, dois-je vous rappeler que j'étais présent lors des tests Zatarc ?
Sam rougit, gênée. Teal'c se permit un léger sourire.
-O'Neill tient trop à vous pour vous permettre cette mission. Il profite de ce que ce n'est pas officiel pour vous protéger.
Sam fit la moue, pas convaincue.
-Cette femme compte beaucoup pour lui. Elle est très belle et si ... vivante !
- Vous êtes jalouse ?
-J'ai peur Teal'c. Il ne peut rien y avoir entre nous. Alors quand je le vois si complice, si tendre avec elle... Et puis, cette mission, si ça tournait mal ? Au moins, si je vous accompagne je pourrais...
-Le protéger ? Mourir avec lui ?
-Oui !
Ce oui était sorti comme un cri !
-Décidément, vous êtes très semblables tous les deux ! Sur le vaisseau d'Apophis, O'Neill voulait aussi mourir près de vous ! Je ne crois pas du tout qu'il soit épris du conseiller Drayson...
-Votre impressionnant ami a raison, Samantha !
Kathleen était sur le seuil du labo. Depuis combien de temps ? Teal'c inclina légèrement la tête et se retira, laissant les deux jeunes femmes seules.
-Pouvons-nous nous asseoir. Vous êtes tous si grands, je suis fatiguée de lever la tête. Jon prétend que c'est moi qui suis petite...
Elle se jucha sur une chaise et Sam s'assit en face d'elle.
-Essayons d'éclaircir un peu les choses ! Je sens des tensions très fortes entre Jon et vous. Comme il est plus buté qu'une mule irlandaise, il ne veut rien me dire.
-Il n'y a pas de tension particulière, madame le conseiller.
-Kathleen ! Vous gardez vos distances, Samantha, pourquoi ?
Sam resta muette. Elle n'allait pas se laisser décontenancer par cette femme autoritaire !
-Oh Seigneur ! Vous êtes aussi rétive que Jon.
Et étonnamment, elle se mit à rire doucement.
-J'ai aimé Jon dès notre première rencontre. Et je crois que lui aussi ! Comme un coup de foudre réciproque et définitif !
Ainsi Sam avait raison. Cela faisait si mal. Quand elle rouvrit les yeux, le conseiller l'observait avec un drôle de sourire à la bouche : malicieux et attendri en même temps, un rien moqueur aussi.
-J'avais cinq ans et lui dix ! Je venais de débarquer dans le Minnesota. Des gamins de l'école se moquaient de moi, de mon accent irlandais, de mes cheveux rouges de sorcière, de ma taille. Un soir, après l'école sur le chemin de la maison, je donnais des coups de pieds dans un arbre, tempêtant, pleurant de rage. Quand enfin, je me suis calmée, j'ai vu un grand garçon dégingandé qui m'observait, adossé nonchalamment à un arbre, un panier et une canne à pêche à ses pieds.
« Tu fais tellement de bruit que les poissons se sont enfuis. »
J'étais interloquée. Il ne me demandait pas qui j'étais, d'où je venais, pourquoi je pleurais. Il ne me traitait pas de rouquine. Il m'a tendu la main très sérieusement et il a dit :
« Je m'appelle Jonathan O'Neill, avec deux l. Tout le monde m'appelle Jack, sauf ma mère ! »
J'ai serré sa main.
« Je m'appelle Kathleen Dreidre Seanned O' Maley. »
Il a pris son mouchoir, et sans rien dire il a essuyé mon visage maculé de larmes. Puis il m'a emmenée à la pêche. Un quart d'heure après il savait tout de moi ! Il m'a appris à me défendre, à mépriser les moqueries, et même à pêcher. C'est lui qui m'a présenté Ian O'Connor, mon premier mari, le père de Sean. C'était son meilleur ami. Comprenez-moi, Samantha : j'adore Jon, c'est mon ami, mon frère, mon arbre, mon roc. Je ne cesserai jamais de l'aimer quoi qu'il arrive, c'est aussi naturel pour moi que de... respirer. Mais je ne suis pas amoureuse de lui, ni lui de moi.
-Pourquoi me confier tout ça, mad... Kathleen. À quoi bon ?
Sam avait murmuré les derniers mots. Kathleen soupira.
-Le règlement, la loi de non fraternisation, hum ! Vous l'aimez ?
Après Teal'c, Kathleen ! Sam n'allait pas se laisser faire !
-Règlement ou pas, je n'ai jamais vu Jon regarder aucune femme comme il vous regarde, vous. Non pas même Sarah ! Et pourtant, il l'aimait. Et tout ce qu'il ne m'a pas dit sur vous m'en apprend beaucoup !
-Sarah ? Est-ce qu'elle vous... Enfin, non, je n'ai rien dit.
-Est-ce qu'elle était jalouse de moi ?
Kathleen pour la première fois, était confuse. Sam sourit franchement ! Chacune son tour !
-Vous ne connaissez pas Jack en dehors de votre travail, je me trompe ?
-Euh, non ! C'est vrai !
-Je veux dire, vous ne le voyez jamais évoluer au milieu de civils dans un environnement ordinaire. A vrai dire, il a le sens de l'humour, ça c'est constant. Mais il est aussi bourré de charme. Enfin, je ne sais pas si je me fais bien comprendre ?
-C'est très clair, oui, mais le colonel ne drague pas le personnel féminin de la base !
Kathleen pouffa comme une gamine.
-Non, j'imagine ! Bon, sachez qu'il a souvent eu des problèmes avec ses petites amies à cause de moi. Je me souviens d'une Gina, une Italienne ! Un vrai volcan ! Elle voulait m'arracher les yeux. Elle ne supportait pas notre connivence, notre intimité comme toutes les autres. C'est curieux, toutes, elles croyaient toutes que nous étions amants. Pourtant, c'était idiot !
- Vraiment ? Vous vous moquez de moi ?
Katleen était sincèrement étonnée.
-Vous êtes belle, et si passionnée, si...attirante. Daniel était subjugué, le Général buvait vos paroles, et je pense que même Teal'c était sous le charme ! Il n'y aurait eu d'étonnant à ce que le Colonel et vous...
-Je vous assure, Samantha, c'était inimaginable pour lui comme pour moi ! Mais apparemment, ses petites amies pensaient comme vous...
Elle tournait autour du pot, ne disait rien de Sarah. Mais Sam n'allait pas la lâcher comme ça !
-Comme Sarah ?
-Sarah n'était pas jalouse au sens où on l'entend d'ordinaire. Elle savait bien qu'il n'avait rien entre nous de ...
-Physique ?
-Oui, ou de sentimental. Mais elle était jalouse de notre entente, de notre complicité... Enfin ça, c'était surtout au début qu'ils se connaissaient. Ensuite, Jack et moi nous sommes moins vus, c'était normal. Je pouvais tout à fait la comprendre. Jack aussi, il est moins...
-Moins bête qu'il ne veut bien le faire croire ?
-Oui ! Et Sarah était exclusive, elle avait peur de le perdre, mais c'est vraiment quelqu'un de bien. Quand Ian est mort, je me suis réfugiée chez eux. Elle a accepté que je hurle contre lui, que je le bourre de coups de poing, et pour finir que je pleure des heures dans les bras de son mari. Je regrette ce qui leur est arrivé, sincèrement. Ils auraient pu s'en sortir tous les deux, rester ensemble. Sarah était très éprise de lui, elle aurait surmonté tout ça. Mais Jack est très secret, il ne sait pas livrer ses émotions. Vous qui êtes militaire, vous savez comment ils sont tous...
-Pourtant tout à l'heure...
-Oh ça ! Mais ça me concernait moi, pas lui ! Quand Charlie est mort, il n'a pas réussi à partager son chagrin avec elle, il s'en voulait trop. Et... ça m'est très pénible à dire mais il n'a exprimé qu'une seule fois ce qu'il ressentait...
-Et c'était avec vous !
-Après l'enterrement, nous étions chez eux. J'étais la marraine de Charlie. J'adorais ce gosse, j'étais effondrée. Sean était très malheureux, il pleurait toutes les larmes de son corps malgré ses quinze ans. Il s'est précipité dans les bras de Jon. Lui, très posément, il s'est assis sur le canapé, l'a pris contre lui comme il le faisait avec Charlie, lui a parlé, l'a consolé, il a été merveilleux, il sait s'y prendre avec les enfants. Sean s'est endormi. Jack l'a allongé sur le canapé. Il l'a contemplé sans rien dire : son regard était... comment vous dire ? Hanté, presque déjà absent. Et moi, je ne pouvais m'empêcher de sangloter. Il m'a serré contre lui et je l'ai supplié de pleurer, de se laisser aller. C'était moi, il n'avait pas besoin de garder sa carapace, de se montrer fort. Il a glissé à genoux, sa tête contre ma poitrine, il m'étreignait si fort que j'ai cru étouffer... Et par bonheur, il s'est abandonné. C'est un des pires moments de ma vie et un des plus beaux aussi. Jusque-là c'était moi qui m'appuyais sur lui et enfin je pouvais l'aider un peu. Et puis Sarah est entrée dans le salon... Elle n'a rien dit mais elle a été profondément choquée, blessée. Il ne pouvait pas pleurer leur enfant avec elle et il le faisait avec moi. A sa place...
-Je vous aurais détesté et le colonel aussi !
-Ne le blâmez pas ! Pour lui, s'effondrer c'était enfoncer encore davantage Sarah et il n'arrivait pas à lui parler. Il avait tué Charlie aussi sûrement que s'il avait tiré lui même. Ça occultait tout autre sentiment. Il pensait qu'elle le détestait mais il se haïssait encore plus. J'ai eu vraiment peur qu'il ne fasse une grosse bêtise...
-Daniel dit que... Enfin, je ne peux pas vous raconter les détails mais quand ils se sont rencontrés lors d'une mission difficile, il a compris que Jack comptait ne pas rentrer.
-Il souhaitait mourir, oui. Mais quelque chose l'a sauvé.
-Quelqu'un plutôt ! Daniel, et aussi un adolescent qu'il a rencontré et sauvé lors de cette mission.
-Dieu merci !
Elles restèrent silencieuses quelques instants. Sam était à la fois soulagée, embarrassée par toutes ces confidences et très émue par ce qu'elle découvrait de Jack.
-Je me demande ce que le Colonel penserait de notre conversation !
-Nous ne lui dirons rien, Samantha. Mais il ne serait probablement pas aussi gêné que vous le pensez... Il est réservé, secret, mais pas... timide. Oh, je vous ai fait rire ! Tant mieux ! Vous n'avez pas répondu à ma question, vous l'aimez ?
-A votre avis ?
Elles se jaugèrent du regard en silence. Kathleen comprit brusquement que Sam ne répondrait jamais à cette question par trop directe et en fut profondément touchée : ce qu'endurait cette femme au quotidien devait être lourd à porter et révélait une sacrée force de caractère.
-Major… Ne m'en voulez pas de m'immiscer ainsi dans votre vie mais… vous avez réellement l'air épuisée ! Peut-être devriez-vous vous reposer avant de… je ne sais pas… vous avez probablement un moyen d'aider vos amis à distance, non ?
Sam eut un sourire crispé.
-Vous connaissez la situation internationale. Paradoxalement, il paraît plus difficile de garder contact avec une équipe sur ce type de mission que lorsque… enfin, lorsque nous nous livrons à nos activités habituelles.
-Qui, j'ai tout lieu de le supposer, n'ont pas grand-chose à voir avec la situation internationale, n'est-ce pas ?
-En effet.
-Jack a sans doute ses raisons de ne pas vouloir vous emmener… Ces pays d'intégrisme fanatique sont fort peu accueillants pour les personnes du sexe féminin, à plus fortes raisons pour les étrangères qui exercent un métier d'h… enfin, un métier qui garde tout de même une forte connotation masculine.
Sam poussa un profond soupir ; elle ne se sentait pas en état de poursuivre une conversation de ce genre.
-Vous avez raison, murmura-t-elle. Je vais aller dormir quelques heures. J'y verrai sans doute plus clair ensuite.
-Bonne nuit, Sam.
-Merci, Kathleen.
La situation en Afghanistan ne s'était jamais vraiment arrangée. Bien sûr, la guerre menée par les USA en représailles des attentats du 11 septembre avait chassé les Talibans du pouvoir et remis la souveraineté aux mains des Afghans mais depuis lors, ce grand pays de montagnes escarpées et impraticables végétait dans un chaos latent de dissensions plus ou moins armées entre les différentes ethnies. Les autorités de Kaboul n'avaient qu'une influence limitée. Dans les multiples provinces entourant la capitale, les chefs de tribus faisaient régner leur loi et s'associaient avec le plus offrant, parfois même leurs anciens ennemis. L'armée américaine avait laissé quelques troupes, afin de maintenir un semblant d'ordre mais, chose que les journaux télévisés du monde entier taisaient soigneusement, des noyaux de résistance perduraient çà et là, aidés par la topographie difficile et par les seigneurs de guerre locaux qui n'avaient que faire de la politique internationale. Pis encore, à la frontière séparant l'Afghanistan de son voisin le Pakistan subsistait une zone interdite, enclave dangereuse abritant les terroristes les plus recherchés de la planète. Mais pas seulement. Cette zone était également une plaque tournante du trafic de drogue, terre de culture par excellence du haschich et autres opiacées qui alimentaient toute l'Europe. Y entrer sans autorisation équivalait à signer son arrêt de mort. Les autorités pakistanaises elles-mêmes n'osaient s'y aventurer. Ce qui n'empêchait pas les Américains d'y lancer régulièrement des opérations commandos afin d'y traquer deux proies bien ciblées : un mollah prénommé Omar et un certain Oussama… en vain, jusqu'à présent. C'était lors de l'une de ces missions qu'avait disparu le jeune Sean.
-Inutile de vous préciser, Colonel, que votre mission de sauvetage ne sera pas officielle, déclara Hammond sans préambule lors du briefing précédent le départ. Par ailleurs, votre unique objectif est de ramener le lieutenant O'Connor mort ou vivant. Est-ce bien compris ?
-Tout à fait, mon Général.
-N'oubliez pas que vous entrez dans une région à la culture particulière… Débrouillez-vous pour vous fondre dans la masse et surtout, évitez de vous faire remarquer !
-Vous me connaissez, mon Général : un véritable passe muraille.
Daniel étouffa un rire malvenu à cette réflexion pour le moins décalée. Jack ne changerait jamais. En revanche, Sam resta de marbre. Elle s'était résignée à rester à l'écart, pour une fois, mais le bref exposé du général sur les zones tribales lui inspiraient de plus en plus de sentiments pessimistes et confortaient sa première idée : la mission de sauvetage ressemblait surtout à une mission suicide.
-Colonel, l'avion qui doit vous conduire à Kaboul décollera dans une heure très exactement de Peterson. Soyez ponctuel et n'oubliez rien !
-A vos ordres, mon Général.
Hammond regagna son bureau tandis que Daniel et Teal'c se dirigeaient vers leurs quartiers. Sam se leva à son tour, prête à rejoindre son laboratoire.
-Carter ?
Elle sursauta.
-Oh, mon Colonel, excusez-moi, j'étais perdue dans mes pensées.
-Vous pensez trop, Major, je vous l'ai déjà dit. Néanmoins, je m'en voudrais de quitter la base en ayant la détestable impression de vous avoir froissée…
Elle poussa un petit soupir gêné.
-Non, mon Colonel. Vous avez sans doute raison.
-Seulement « sans doute », Major ?
-Moi aussi, j'ai fait la Guerre du Golfe, mon Colonel.
-Je le sais pertinemment. Mais vous avez volé, Carter. Ce qui est plutôt normal, me direz-vous, puisque vous faites partie de l'Armée de l'Air.
-En effet.
-Croyez-moi, le terrain est différent.
-Si vous le dites…
-Major ! Ce n'est pas moi qui ne veux pas de vous mais les gens chez qui nous allons qui ne vous accepteront pas. Vous comprenez bien la différence ?
Elle ne répondit rien.
-Carter ! Ces gens-là sont capables de se fracasser sur nos immeubles au nom d'un dieu qui ne leur demande pourtant rien ! Voyez Bagdad en ce moment ! Tous les jours, ils se font sauter avec des hommes, des femmes et des enfants de leur propre ethnie ! Depuis le biberon, on leur apprend à mourir pour Allah en leur promettant monts et merveilles dans l'au-delà ! Vous n'avez aucune idée du fanatisme aveugle qui anime ces gens-là !
-Mon Colonel… avec tout le respect que je vous dois, vous généralisez.
-Non, Major. Je ne vous parle pas du petit coiffeur kabouli qui lutte pour survivre ou du malheureux paysan pachtoune qui trime comme un damné sur ses sillons. Je vous parle des gens à qui nous allons arracher Sean. Ceux-là n'ont aucun respect de la vie humaine, sauf de la leur, bien entendu.
-Je vous crois, mon Colonel.
-J'aimerais en être sûr…
Sam se composa un sourire convaincant.
-Je vous le promets.
-Bon…
Il regarda autour de lui, vérifiant qu'aucun importun ne traînait dans les parages, puis sortit un trousseau de clefs de la poche de son pantalon.
-Vous voulez bien nourrir mes poissons rouges en mon absence ?
Elle écarquilla les yeux : lui, des poissons rouges ?
-Je vous assure que je ne demande pas ça à n'importe qui ! Et si ça vous dit de faire un tour dans mon 4X4, n'hésitez pas !
Sam prit les clefs en souriant. Elle était assez fine pour deviner qu'il s'agissait là du lot de consolation, mais ça valait mieux que… que quoi, au fait ?
-Et Kathleen ?
-Elle retourne à Washington pour le moment. Sa présence ici pose trop de problèmes de sécurité et puis que voulez-vous qu'elle fasse ? Tourner en rond en se rongeant les ongles jusqu'au sang ? Explorer les moindres recoins de la salle vidéo ? Ou découvrir les talents culinaires du chef cuistot du mess ? A moins que vous ne vous proposiez de lui faire faire la visite touristique de Colorado Springs…
Sam éclata de rire.
-Voilà, je préfère ça ! s'exclama Jack, ravi de son petit effet.
-Bonne chance, mon Colonel.
-Merci, Carter. Nous en aurons besoin.
