Tonight

Ils plongeaient dans la nuit comme on plonge dans l'océan. Un océan de bonheur. Un océan de douceur. Un océan de tendresse. Ils s'étreignaient et s'embrassaient. Elle lui murmurait des mots d'amour.

Parfois, il arrivait à lui répondre.

Ses actes exprimaient tout ce qu'il n'arrivait pas à dire. Elle l'émerveillait. Chacun de ses gestes était rempli de ferveur. Elle avait dû le provoquer, l'étourdir, pour qu'il ose. Elle lui avait dit :

« J'aime le sexe. J'aime le sexe avec toi. Baise-moi ».

Les premiers gestes lui avaient semblés presque sacrilèges. Puis, il avait saisi, il avait mordu, il avait pris, il l'avait écoutée avec délices qui le suppliait.

Ils s'endormaient dans les bras l'un de l'autre, et aucun des deux n'avait jamais connu cette osmose parfaite. Il la regardait sombrer dans le sommeil et passait des heures à la contempler.
Elle se réveillait tôt et passait de longs moments à le couver du regard.

Quand il ouvrait les yeux, parfois le matin, il ne voyait que son regard tendre. Et s'y perdait.

Ces jours-là, avec un mélange d'étonnement et de jubilation, il réalisait.

Enfin, je suis heureux.

Sacrifice

House observait avec perplexité Cuddy qui donnait son repas à Rachel, assise dans la chaise haute. Un peu dégoûté, il se versait un whisky, puis revenait s'asseoir à leurs côtés, dans la cuisine. Il fonçait les sourcils et Rachel se tortillait devant ce regard perçant, qu'elle soutenait sans crainte aucune. Cuddy l'observait du coin de l'œil, un peu souriante, un rien étonnée, tout de même un peu frustrée.

- Tu ne comprends pas, hein ?
- Non
.

Il répondait avec franchise. Il ne voulait pas entrer dans la spirale du mensonge et des concessions sous la contrainte.

- Tu ne comprends pas que je l'aime ?
- Si. Je ne comprends pas que tu prennes plaisir à tout ça.
- Tout ça ?
- La nourrir, quand elle en met partout. La changer, quand elle est pleine de merde. La consoler, quand elle crie la nuit. Profondément ennuyeux.
- C'est une question d'amour, Greg. Comme lorsque je supporte tes Monster Trucks.
- Tu préfèrerais mater un bon porno ?

Cuddy se leva d'un geste brusque et sortit une compote du réfrigérateur.

- J'ai encore dit une connerie. Constata House d'un air désabusé.

Devant son air triste, Cuddy fondit. Il faisait des efforts, quand même. Elle posa la compote et vint l'embrasser sur le haut du crâne.

- J'étais prévenue.
- Au moins, elle ne risque pas de faire son transfert oedipien sur moi.
- Va savoir.

Enlacés, ils considérèrent l'enfant qui tapait sa cuiller sur l'assiette.

- Tu es toujours jaloux d'elle ?
- Non.
Il était sincère. Je peux cohabiter.
- Très bien.

Ils se sourirent. Dossier provisoirement clos.

Mais le doute demeurait.

Sleeping with the past

Une fois par semaine, elle confiait Rachel et venait chez lui. Il l'accueillait avec de bons petits plats. Souvent, il lui jouait du piano. Elle aimait l'écouter, lovée dans le canapé.

Il était différent, chez lui. Plus fougueux, plus passionné.

- Tu n'es pas à l'aise chez moi, constatait-elle tristement.

Il ne répondait pas, il la regardait, et lui caressait la joue.

Un soir, il brisa le silence.

- Tu as vécu là avec lui. Je n'arrête pas d'y penser.
- J'ai changé toute la chambre à cause de ça.
- Je sais. Je n'y peux rien.
- Tu veux que je déménage ?

Il la regardait sans répondre, hésitant.

Elle était perplexe. Et agacée. House et ses questions existentielles ! Et attendrie. Il avait peur de blesser, peur d'être blessé. Elle se voulut rassurante.

- Je n'ai pas proposé d'emménager ensemble !
- Je sais.

Il était triste. Elle n'osait comprendre.

- Tu voudrais qu'on habite ensemble ?
- Mon piano vous gênerait ! Je ne serais plus libre.
- Donc, tu ne veux pas.

Il restait triste. Elle étouffa un brusque accès d'hilarité, comprenant enfin. Elle se leva et lui saisit la main, théâtrale.

- Greg House, me ferez-vous l'honneur de partager mon lit, ma cuisine et votre piano, dans un lieu entièrement nouveau choisi par nous deux ?
- Si tu insistes…
- Tu es une vraie midinette, tu sais…

Un sourire creusa sa joue barbue.

- Je sais

Il garda un moment sa main dans la sienne.

- Tu crois que je vais réussir à ne pas tout gâcher ?
- Je ne sais pas.
- Tu es sûre de toi ?
- Non… Mais je t'aime.
- Moi aussi.

Ils espéraient tellement que ça suffirait.

The bitch is back

Il n'avait jamais prêté attention au regard des autres sur lui, sauf pour les provoquer. Mais tout était différent maintenant. Il ne voulait pas qu'elle pâtisse d'être en couple avec lui. Alors, il faisait des efforts. De gros efforts. Il bridait ses sarcasmes et ses sautes d'humeur. Il portait des chemises repassées.

Tout cela lui pesait. Il redevenait taciturne. Comme avant. Avant le bonheur. Et le bonheur s'en allait. Cuddy le voyait s'assombrir et se rongeait les sangs, elle ne comprenait pas. Elle décida de voir Wilson.

- Quand nous sommes à deux, tout va bien. Ici, il se renferme, il ne dit plus rien.
- Il a peur d'échouer avec vous, alors il s'efforce à la discrétion. A la neutralité.
- Je ne lui ai rien demandé
, observa Cuddy dépitée. J'ai toujours su qu'il était incontrôlable.

Elle prit un temps de réflexion.

- C'est comme cela que je suis tombée amoureuse de lui, avoua-t-elle. J'enviais sa liberté.

Wilson se mit à rire.

- Dites-le lui. Il se sentira soulagé. Et puis, notre drama queen adore qu'on lui dise qu'on l'aime !

La porte s'ouvrit sur un House sombre.

- Vous complotez dans mon dos, constata-t-il amèrement en se jetant dans le fauteuil.

Cuddy échangea un regard amusé avec Wilson.

- Une grande discussion sur la durée du sentiment amoureux.

House blêmit brièvement avant de se reprendre.

- Tu te maries ou tu divorces cette fois, Jimmy ?
- Nous parlions de Lisa.
- Ah
. Ton renfrogné. Air inquiet. Frottage machinal de cuisse subitement douloureuse.
- Ton sale caractère me manque un peu, expliqua Cuddy qui estimait que la torture avait assez duré. Et Dieu sait que je n'aurais jamais cru dire ça.
- Oh. Tu ne veux pas rompre, alors ?
- Non, je veux retrouver mon emmerdeur !

Wilson étouffa une crise d'hilarité dans une quinte de toux. House lui jeta un œil noir et saisit Cuddy par la main. Il l'entraîna, rieuse, dans le couloir, dans une chambre vide qu'il referma.

- Je ne ferai pas l'amour avec toi à l'hôpital, prévint Cuddy.
- Je vérifie juste un truc.

Il l'embrassa fougueusement. Elle lui répondit ardemment. Il lui caressa un sein. Elle soupira. Il passa une main sous sa jupe. Elle se plaqua contre lui.

- Tu m'aimes ?
- Je t'aime !
- Tu aimes mon sale caractère ?
- J'aime tout.
- Très bien.

Il la lâcha brutalement et ouvrit grand la porte.

- Non Cuddy, je ne ferai pas l'amour avec vous à l'hôpital, cria-t-il le plus fort possible, faisant se retourner 2 médecins, 3 infirmières et quelques patients avec leurs familles.
- Elle est folle de mon corps, se justifia-t-il devant leurs yeux ébahis.
- HOUSE ! Cuddy sortit à son tour, digne. Vous me ferez 2 heures de consultation supplémentaires.
- Sorcière !
- Feignant !

Cuddy entra dans l'ascenseur, apparemment furieuse. Une fois seule, elle éclata de rire. Elle avait retrouvé son grand fou. Et c'était bon.