Le bruit des machines résonnaient dans ses oreilles. Cela faisait maintenant trois jours qu'il était là à attendre. Attendre, encore et encore. Les longues journées chaudes d'Été commençaient à avoir raison de lui. Les bips continus l'agaçaient aussi. Mais peut-être les passages des infirmières y étaient pour quelque chose. Quoi qu'il en soit, il n'était pas heureux ici. Vraiment pas.

Allongé dans un lit aux draps blancs, il regardait avec attention le plafond couvert de carreaux blancs. Les rideaux de la fenêtre étaient jaunes pâles avec des petites fleurs roses en-bas. Les volets électriques étaient à demi-fermés et l'heure avancée. Midi et vingt minutes pour être précis.

La salle, quoique modestement grande, semblait très étroite pour lui qui dormait ici sans bouger depuis trois jours. Vêtu d'une pauvre tunique blanche, ses yeux noirs à-demi fermés semblaient fatigués. Sa chevelure noire et très courte était ébouriffée. Il avait aussi un visage assez carré et la peau mate. Il ne prenait plus soin de lui, et ne voulait pas qu'on s'intéresse à lui non plus. Il attendait. Il ne savait pas quoi, mais il attendait.

Puis, il soupira. Une infirmière entra. Le même discours. S'il allait bien ? Oui, pour sûr. Il fit un grand sourire mais pleura au fond. Toutes ces électrodes branchées sur lui ne lui plaisait pas. Ça lui faisait mal. Et pourquoi irait-il bien ? Cloué au lit depuis tout ce temps sans aucune compagnie, le pied quoi.

La jeune fille lui rendit son sourire. Elle prit sa température et partit. Le jeune homme lâcha une larme. Puis une autre. Et encore une, jusqu'à verser un torrent de larmes qui coulèrent le long de ses joues et s'écrasèrent lamentablement sur son cou laissé à découvert par sa tunique. Il pleurait en silence. Il ne pouvait faire que cela, pleurer. Il n'avait même plus la force de sécher ses larmes. Ses bras ne lui obéissaient plus. Son énergie se vidait. La vie semblait l'abandonner.

Il s'était dépêché. Son avion pour Nénucrique partait dans à peine une demie-heure. Quand il avait su deux jours plus tôt l'état de son ami, il annula ses rendez-vous. Après toutes ces guerres passées ils avaient quand même réussi à se réconcilier. Même plus. Les autres les regardaient bizarrement et ne pouvaient pas oublier leurs méfaits, mais ils n'en avaient que faire. Ils s'aimaient.

Il prit son manteau rouge sur son bras, ferma la porte à clef et monta dans sa voiture. Un cadeau très spécial sur la place passager, il alluma le moteur et roula vers l'aéroport. Malgré tout ce temps, il n'avait pu se défaire de cette tunique rouge qui le caractérisait à présent. Et quand il sortit de sa voiture, tous regardèrent ses cheveux rougeoyants et bien plaqués vers l'arrière.

Il prit place et ferma les yeux. Son esprit divagua vers le passé. Vers ce temps révolu que nous avons tous voulu changer un jour ou l'autre. Toutes ces erreurs qu'il regrettait, toutes ces peines, hontes et colères. La prison l'avait changé. Mais lui aussi l'avait changé.

Il se remémora toutes ces heures passées en sa compagnie. Ses baisers volés, son souffle chaud... Tout ça ne pouvait finir ainsi.

Il arriva vers treize heures trente. Il prit un taxi et monta dans la chambre de son ami souffrant.

Elle avait été mise au courant. Mais elle ne savait pas pourquoi. Après tout, c'était elle, maintenant âgée de dix-huit ans, qui les avait emmené derrière les barreaux. Pourtant, le rouquin avait tenu à la mettre au courant de la situation. Peut-être parce qu'elle avait tenu un rôle important dans cette aventure.

Elle habitait à Algatia désormais. Elle se sentait plus proche de la mer et voulait vivre parmi la faune et la flore aquatiques. Elle avait de grands yeux bleus et de grandes couettes brunes. Elle portait un petit foulard bleu sur sa tête et une robe turquoise.

C'était elle qui avait réussi à déjouer les terribles complots qui menaçaient la région. C'était elle qui avait appelé la police. Mais c'était elle aussi qui les avait réunis.

Elle était en route pour l'hôpital de Nénucrique, sur le bateau qui reliait la petite ville à la région centrale. Elle observait l'océan, inquiète. Il avait vingt-deux ans de plus. Et son ami était plus âgé d'un an encore. Elle soupira. Même si elle ne les connaissait pas tant que ça, elle voulait quand même aller le voir. Quelques souvenirs lui revinrent en mémoire.

Quatorze heures sonna quand elle arriva au port. Elle descendit en hâte et couru vers l'hôpital.

Ses larmes n'arrêtaient pas de couler. Ses cris étaient muets. Une infirmière entra et lui annonça qu'il avait de la visite. Surpris, il releva la tête. En découvrant son ami aux cheveux rouges vifs, il se releva. Ce-dernier s'approcha de lui. Le jeune malade sauta dans les bras du rouquin. Il le serra contre lui du peu de forces qu'il avait. Et il pouvait sentir qu'il était dans un piteux état.

"Pourquoi es-tu venu ? articula-t-il avec peine.

-Parce que nous sommes amis."

Les sanglots du maladif reprirent de plus belle. Eux qui étaient ennemis et que tout opposait, ils étaient désormais de vieux copains. Même plus encore.

Il se pencha pour l'embrasser. Il rougit.

"Je ne veux pas...

-Je sais." le coupa le rouquin.

Il renifla un bon coup alors que son ami versa une larme.

"Aide-moi, je t'en pries.

-Je ferais n'importe quoi pour toi, tu le sais très bien Arthur.

-Max, je..."

Le dénommé Max reposa son ami dans son lit avec soin et délicatesse. Il l'observait d'un regard bienveillant. Comment faire pour l'aider ?... Il n'en avait aucune idée. Enfin, une petite.

"Garde tes forces, tu n'en as déjà pas beaucoup.

-Mais je n'ai que faire de cela. Je ne vais pas tarder, je le sens."

Max déposa son index sur la bouche d'Arthur. Ça lui brisait le cœur d'entendre ça.

"Je reviens."

Il l'avait laissé à la secrétaire de l'hôpital. Il la gratifia d'un regard d'avoir bien voulu garder le cadeau quelques minutes. Il revint dans la chambre d'Arthur et s'assit sur le lit, le paquet dans les mains. Le jeune malade tourna la tête vers lui.

"Qu'est-ce ? lâcha Arthur dans un soupir.

-C'est pour toi."

Max tendit le cadeau à son ami. Il avait l'impression que sa présence lui insufflait une énergie nouvelle qui lui permettait de bouger. Arthur ouvrit le paquet lentement, visiblement surpris. Il laissa s'échapper un petit sourire à la vue du cadre si joliment décoré et de la petite poupée rouge.

Après leur séjour à la prison, ils avaient décidés de faire une "photo de famille", les leaders et leurs bras droits. Malheureusement, ces-derniers partirent juste après et Max n'eut pas le temps de leur donner la version papier. Quant à la poupée, elle était à l'effigie du scientifique. Aussi rougeoyante et aussi belle que le rouquin.

Arthur laissa une autre larme couler.

"Merci."

Max se tourna complètement vers son ami. Il semblait avoir oublié que les heures étaient comptées. Le voir heureux le réjouissait. Et ils avaient tous deux cruellement besoin de bonheur. Après tout, il vivait ses derniers moments, alors autant partir avec le sourire.

Quand enfin elle arriva dans la chambre du souffrant, elle vit Max embrasser son ami. Mais elle se contenta de sourire. Ils étaient devenus très proches ces deux-là, c'était indéniable.

Elle entra sans frapper, un bouquet de roses à la main. Elle le déposa sur la table de chevet et alla s'asseoir sur une chaise. Max s'était alors relevé, les joues aussi rouges que sa chevelure. Quant à Arthur, il semblait encore dans les nuages.

"Salut Arthur.

-Saphir... Toi aussi ? lâcha-t-il en retrouvant ses esprits.

-C'est Max qui m'en a parlé."

Arthur jeta un regard bienveillant à son ami et ce-dernier lui rendit son sourire. Saphir poussa un profond soupir.

"Si vous voulez, je peux vous laisser.

-Non, reste s'il-te-plaît." supplia Arthur.

La jeune fille, qui s'était levé, se rassit.

"Merci pour les fleurs." fit Arthur dans un sourire.

Un silence s'installa dans la pièce. Seul le bruit mécanique des appareils effectuait sa musique monotone.

Depuis peu, le jeune maladif fut atteint d'une grave maladie au cœur. Sa maladie lui pompait toute son énergie et tous le savait, il avait peu de chances de s'en sortir sans qu'on lui en greffe un autre. Pourtant, un espoir persistait en chacun.

Une infirmière entra pour la troisième fois dans la pièce. Max se leva. La jeune fille fit quelques vérifications avec Arthur et partit, suivit du rouquin. Saphir les regarda s'en aller sans piper mot. Elle reporta son attention sur Arthur et le vit allongé, les yeux fermés. Sa respiration était lente mais régulière. Il pouvait vivre encore un ou deux jours comme ça, mais il allait très vite lui falloir un traitement spécial, jusqu'au moment décisif.

Elle secoua la tête. Y penser ne faisait qu'aggraver les choses. Autant vivre le peu de temps restant avec le sourire.

Max suivait maintenant le médecin chargé de s'occuper d'Arthur jusqu'à son bureau. Le médecin, un homme d'une cinquantaine d'années, châtains clairs et grand, s'assit à son bureau et invita Max à faire de même en-face.

"Je suis navré pour votre ami, sa santé ne s'améliore pas. Elle empire même."

Max resta silencieux. Il regardait le bureau et la paperasse empilée dessus. Puis, son regard bascula vers le dossier d'Arthur.

"Je vois. lâcha-t-il enfin. Si j'ai bien compris ce que vous m'avez dit au téléphone, c'est un problème cardiaque.

-Tout à fait."

Le jeune homme observait maintenant le médecin. Ses yeux reflétaient une profonde tristesse. Il réfléchit cinq minutes avant de reprendre.

"Et vous croyez que le mien est compatible ?

-Il faudrait faire des tests pour le savoir. Mais je n'ai pas le droit de faire ça, vous le savez."

Le médecin se leva et invita quand même son interlocuteur à le suivre. Après tout, jamais il n'aurait pu prédire la suite.

Il était maintenant seize heures quand Max revint voir Arthur et Saphir. Le jeune malade dormait, tandis que la jeune fille lisait.

"Saphir, je peux te parler en privé ?"

Cette-dernière se leva et suivit Max un peu plus loin.

"Tu ne vas pas faire ça quand même ! s'indigna-t-elle quand le scientifique lui exposa son idée. Pense à lui !

-C'est justement ce que je fais ! Je veux qu'il vive.

-Mais je veux dire, après, quand il apprendra ça..."

Max lui fit signe de se taire. Il retourna dans la chambre d'Arthur. Il semblait paisible, on aurait pu croire qu'il allait très bien. Le rouquin versa une larme qui vint s'écraser sur la joue de son ami. Il tapota gentiment l'épaule de celui-ci pour le réveiller. Il cligna des yeux et observa Max.

"Tu pleures."

D'un revers de manche, Max essuya les quelques gouttes d'eau salées qui ruisselaient sur son visage. Puis, il fit un grand sourire. Il approcha un peu plus son visage de celui de son ami et le serra contre lui. Leurs lèvres se touchèrent en un souffle chaud.

Mais au fond de lui, il avait mal au cœur. Mais il le fallait. Pour qu'il vive.

C'était le lendemain. Une légère brise soufflait les rideaux de la chambre. Arthur dormait paisiblement dans son lit. Saphir se tenait debout et parlait avec un docteur, un de ceux qui s'en sont occupés.

"Tout c'est très bien passé. Il s'en sortira."

Elle n'avait pas osé leur dire la vérité. Pour eux, c'était juste un accident. C'était pourtant presque prévisible.

Saphir jeta un regard vers Arthur. Elle préparait des arguments quant au choix de Max. Il lui serait difficile de tout avouer, mais elle se devait de le faire. Elle avait juste peur de sa réaction. Enfin, dix minutes plus tard, Arthur se réveilla. Il tourna la tête vers la jeune fille et fut surpris de la voir si triste.

"Qu'y a-t-il ?

-Tu vivras. Ils en ont trouvé un."

Arthur voulu sourire de cette bonne nouvelle, mais il savait que Saphir ne serait pas aussi triste de l'apprendre.

"Où est Max ? risqua-t-il.

-Très loin. sanglota Saphir. Mais ici aussi."

Le jeune homme devina aisément la suite. Sans faire attention à rien il se leva et prit la jeune fille par le col. Il la secoua comme un prunier alors que des torrents de larmes coulaient de ses yeux rougies par la tristesse.

"POURQUOI ?! s'exclama Arthur. Tu l'as laissé faire ! Pourquoi ?!

-Il voulait et je ne voulais pas moi non plus, mais tu le connais aussi bien que moi."

Arthur s'effondra à genoux. Max venait de se sacrifier pour lui. Des petites gouttelettes d'eau tombaient en trombes de ses yeux et ruisselaient jusqu'au sol. Il ferma les yeux et serra son poing. Saphir le regardait sans rien dire. Elle aussi pleurait.

Une atmosphère sombre et pesante commençait à s'installer. L'air était lourd. Quelques rayons du Soleil filtraient à travers la vitre.

Finalement, le jeune homme se retourna et prit le couteau qui se trouvait sur le plateau repas déposé peu avant son réveil. La jeune fille le vit mais ne fut pas surprise. Arthur leva le couteau haut au-dessus de sa tête.

"Il n'aurait jamais dû...

-Mais il l'a fait. Et maintenant, vous êtes liés à jamais. Vis la vie à fond, pour toi comme pour lui. Il est et sera toujours avec toi, dans les pires et les meilleurs moments.

-MAX !" s'époumona Arthur dans un cri remplis de tristesse, de désarroi.

Il abaissa violemment son couteau.

Deux mois ce sont écoulés depuis ce jour-là. Les cerisiers du cimetière de Lavandia ont fleuri. Le vent dépose délicatement quelques feuilles sur les tombes.

Un homme et une adolescente se tenait debout devant l'une d'entre-elles. Ils étaient vêtus de noir. Ils adressaient une prière à un de leur camarade. Mort pour une noble cause. Pour qu'il vive.

Très vite, deux personnes habillées de noir et de rouge arrivèrent. Une jeune fille aux cheveux violacés et un jeune homme un peu rondouillard. Ils s'arrêtèrent devant la tombe. La jeune fille tomba en larmes alors que le jeune homme baissa le regard. Voir son nom inscrit ici le tuait mentalement.

"Chef... j'aurai tellement aimé te dire "au revoir". expliqua la jeune fille.

Arthur sortit une photo de sa poche. Elle était encore dans son petit cadre joliment décoré. Il déposa le tout sur la tombe de son ami. Max et Arthur étaient au centre et leurs bras droits respectifs sur les côtés. Tous souriaient, mais tous ne souriront plus désormais.

L'ancien maladif versa à son tour des larmes.

"Tu m'as tellement fais pleurer Max..."

Il mit son poing sur son nouveau cœur et agrippa ses vêtements tellement fort que ses jointures devinrent blanches.

"J'aurai tellement aimé pouvoir te serrer à nouveau. Tout ce qu'il me reste de toi sont un cœur détruit par le chagrin et des souvenirs déjà si lointains."

Courtney se tourna vers Arthur, compatissante. Elle aussi l'avait aimé fut un temps, avant de comprendre qu'elle n'avait aucunes chances.

Comme une bande d'enfants, le petit groupe de quatre amis se firent un câlin mutuel pour se réconforter. À ses côtés, dans son dos plus précisément, Arthur crut sentir une présence. Une présence chaude et réconfortante. C'est alors qu'il entendit un murmure dans le vent.

"D...é...s...o...l...é... Je veillerais toujours... sur toi..."

Arthur se retourna vivement et aperçut la silhouette d'un homme en rouge. Il cligna des yeux et elle disparut. Une larme perla sur sa joue.

Je penserais toujours à toi...