« -Est-ce
cela que tu désires ? »
La jeune femme fixait obstinément le
bout de ses chaussures, le regard dans le vague elle ne semblait pas
avoir entendu la question.
« -Keiko ? » insistai son
interlocutrice.
Elle relevait la tête et la commissure de ses
lèvres frissonna juste avant que la personne face à elle n'insiste
à nouveau :
« -Es-tu sûre que c'est ce que tu veux ? »
Keiko
acquiesça rapidement et serrait les poings sur sa longue jupe
blanche :
« -Oui c'est ce que je veux le plus au monde. »
murmura-t-elle.
Cependant des larmes aux coins des yeux
trahissaient la peur dans laquelle la plongeait son vœu. La peur
légitime que l'on pouvait ressentir à l'encontre de la mort. Keiko
ne tremblait pourtant pas, elle gardait son menton relevé et dardait
son regard sur le visage de l'autre femme, face à elle. Celle ci se
contentait de sourire tristement, passant lentement ses doigts dans
ses très longs cheveux d'azur, délassant une natte qu'elle avait
noué tandis qu'elle écoutait la requête de Keiko. Une fois ses
cheveux lâchés elle reposait ses mains sur la table et dit
calmement :
« -Alors soit je t'emmènerai la voir ce soir.
»
L'interlocutrice se levait doucement du siège sur lequel elle
était assise et s'approchait de Keiko. Elle posait une main sur
l'épaule de la jeune fille qui s'affaissa aussitôt, comme si le
poids de ses peurs venait de s'envoler miraculeusement à ce contact
:
« -Mais ce ne sera pas une partie de plaisir. » ajoutait-elle
en serrant ses doigts sur la veste de Keiko.
Celle-ci dit alors
d'une voix claire :
« -Si je ne le fais pas le pire pourrait
arriver à Natsuzora. »
Je suis seule face à l'océan et
j'observe le flux et le reflux des vagues, l'écume qui vient se
briser sur les rochers et je me sens hypnotisé par ce spectacle. Je
fixe une vague à sa naissance, près de l'horizon, et la suit
pendant son existence à la surface de la mer, jusqu'à ce qu'elle se
perde sur la plage et je recommence avec une autre. Contre mon cœur
je serre fort la jarre que l'on m'a donné au funérarium, comme si
je voulais qu'elle se glisse en moi.
Une mouette passe au dessus
de ma tête en criant très fort, elle fond droit sur un pauvre crabe
et s'envole aussitôt après s'être saisi de sa proie.
« -Pas
de chance... » m'entendis-je murmurer.
C'est alors que je fixais
la mouette qui volait vers l'horizon que je compris que j'étais
resté planté là tout l'après midi, le soleil pourpre se couchait
lentement au loin, baignant l'eau d'une encre rougeoyante. Sentant
brusquement mes jambes fléchirent sous la fatigue je m'asseyais au
bord du ponton et approchais la jarre de mon visage en un geste d'une
infinie douceur. J'y posais mon front contre la porcelaine moite et
étranglais un sanglot qui voulait troubler ma déclaration :
«
-Tu me manque déjà... »
Une larme roula sur ma joue et je la
laissais mourir sur mes lèvres, léchais la goutte d'eau salée et
repris d'une voix un peu plus chevrotante :
« -C'est injuste ce
qui nous arrive, j'aurai tant voulu que tu saches à quel point je
t'aimais... »
Le poids du chagrin m'empêcha de prononcer un mot
de plus, un râle s'échappait de ma bouche et tremblante je serrai à
nouveau la jarre contre mon cœur. Quelque longues minutes s'
écoulèrent avant que mon corps ne soit plus secoué de sanglots et
que je puisse reprendre :
« -Tu m'as précéder dans l'autre
monde et j'espère que les anges sont à ta hauteur. »
J'approchais
de nouveau la jarre près de mon visage et essuyais avec le pouce la
moiteur de la porcelaine en murmurant :
« -Tu me manque
tellement... »
Puis y déposait un baiser d'eau salée. Lentement
je dévissais le couvercle de l'urne et le posais à côté de moi,
sans plus attendre je fis s'envoler vers l'océan la moindre partie
du corps de la personne que j'aimais. Ces cendres se confondirent à
l'écume bouillonnante après avoir été balayé par le vent venant
des montagnes. Je restais coite quelque secondes à peine et me
relevais, abandonnant l'urne sur les planches en bois vermoulu.
J'observais de nouveau l'écume qui devenait soudain l'être le plus
cher, la moitié de mon cœur. Ce flux et ce reflux de l'océan qui
semblait m'appeler au secours, cet embrun salé qui se transformait
en parfum de fleur. Cette mer qui m'apparaissait comme celle qui
m'avait quitté :
« -Keiko... »
Mon murmure fut emporté par
le souffle du vent, ce vent qui me poussait vers elle. Effrayée par
la puissance de son appel je reculais, sans pourtant la quitter des
yeux. D'autres vagues vinrent se briser sur les rochers, plus
violentes. L'écume jaillissait sauvagement, terrassant les crabes
fainéants, bouillonnant sur le sable et la roche. Le vent de la
montagne se fit encore plus pressant, mes jambes vacillaient et je
m'approchais dangereusement de la surface de l'eau.
« -Keiko
qu'il y a t-il ? » m'époumonais-je à l'égards de celle qui
s'emportait contre moi.
Quand le vent m'amena au bord du ponton
je crus comprendre ce qu'elle attendait de moi :
« -Tu ne veux
pas qu'on soit séparer c'est ça hein ? » lui criais-je à nouveau.
« -Moi non plus ! Je ne le supporterai pas ! »
Je risquais un
regard vers la route mais aucune lumière ne trahissait la présence
d'un véhicule ou d'un passant, personne ne pouvait m'empêcher de
sauter. Et ne voulant plus attendre je cédais à l'appel de Keiko et
me laissais engloutir par l'écume.
La mer démontée fut plus
douce avec moi que je ne l'aurai cru, l'eau s'enroulait autour de mes
membres comme seuls des bras aimants pouvait le faire. Le courant
m'attirait au fond avec tellement de tendresse que je m'y sentais
bien, les algues chatouillaient mes membres gourds de fatigue et le
sel piquait sous mes paupières. A mi chemin de l'extase de retrouver
mon être cher j'ouvrais grand la bouche, je voulais sentir toute
cette immensité d'amour glissé en moi. Mais rien ne vint, jamais.
Keiko ?
Inquiète j'ouvrais les yeux et fut
stupéfaite de ce que je vis. L'océan démonté avait disparu, et le
sol de vase que j'attendais de toucher ne m'avait pas englouti. L'eau
dans laquelle je baignais était claire, comme celle des plus grandes
profondeurs. Quelques rayons de lumière filtraient depuis la surface
que je n'arrivais déjà plus à percevoir. Je continuais de sombrer
dans cet abîme de calme, n'essayant même pas de retrouver l'air
libre et la souffrance qui l'accompagnait. J'étais si bien dans ces
eaux, claires et sombres à la fois. Je fermais à nouveau les yeux
et eut la fugace impression que ma chute s'accélérait, qu'un fond
invisible m'attirait à lui. Ou m'étais -je simplement endormi ?
Tout est tellement étrange sous l'océan.
« -Natsuzora..
»
C'était sa voix qui m'appelait au loin, était-ce l'endroit
que l'on découvrait après la mort ?
Vais-je la revoir ?
«
-Keiko ... » soupirais-je presque d'aisance.
Aucune rasade d'eau
ne vint étouffer mes paroles, et j'y respirais comme à l'extérieur.
Mais je ne m'en inquiétais pas vraiment, je me trouvais dans l'autre
monde et Keiko m' appelait. J'allais la revoir, j'allais la
revoir...
« -Je vais te revoir. »
Je rouvrais les yeux,
l'abîme était la même mais mes membres se faisaient de plus en
plus gourds, ma vision se troublait. Au dessus de moi je croyais
discerner une forme humaine, lointaine et gracieuse.
« -Keiko...
»
« -Ne la touche pas je t'en pries... » implorait sa voix tout
autour de moi.
Mon visage se fendit d'un sourire béat : oui
Keiko me parlait et elle s'avançait à toute vitesse vers moi !
«
-Ne t'en saisit pas... »
Je tendais les bras vers la forme qui
était si proche de moi à présent mes doigts effleurèrent ceux
d'une main qui tentait d'attrapé mes membres tremblants. Des doigts
glacés qui finirent par se refermer sur mon poignet avec vigueur.
Tout disparu en un instant sous le cri déchirant de ma tendre Keiko
:
« -Ne prends pas sa main ! »
J'ouvrais brusquement les
yeux pour m'apercevoir que j'étais étendu sur une surface dure et
terriblement froide, à plat ventre, la joue collée au sol.
Courbaturée je me redressait à l'aide de mes avants bras et
entendit quelque os craqués sous ma peau. Je grognais en m'asseyant
sur mes talons pour observer le lieu où je me trouvais à présent.
L'abîme avait disparue, plus une goutte d'eau alentour et je
n'étais même pas mouillée. Je devais me trouver dans un endroit
qu'un cinéaste décrirait comme le centre du monde. Un lieu sombre
sans m'être hostile pourtant.
Je soufflais et me mettait debout,
d'autre os craquèrent et quelques muscles froissés me firent
grimacé.
« -Nom de Dieu... »
Je ne sais par quel miracle
je me trouvais sur une plate-forme au beau milieu d'un vide immense
et noir. La plate-forme était recouverte d'un espèce de vitrail qui
représentait un garçon au visage doux, les yeux clos. Il tenait
dans sa main une énorme clé qui m'intrigua plus encore que
l'endroit où je me trouvais.
Où ai-je déjà vu une clé
pareille ?
« -Ne souffre d'aucune crainte Elue. »
Je
sursautai et figea mon regard vers l'immensité sombre en face de
moi, la voix gutturale ne tarda pas à de nouveau se manifester :
«
-Natsuzora Elue des Ténèbres il te faut accepter ton destin. »
Ce
genre de phrase m'aurait d'ordinaire fait sourire, voir même rire
aux éclats si je l'avais entendue dans un film ou venant d'un de mes
profs au lycée... Mais à ce moment précis je jugeais bon de ne
rien rétorquer. J'attendais sagement qu'on m'explique comment
retrouver Keiko.
« -Vois. »
Une lumière éclatante
m'aveugla soudain, le genre de lumière sournoise qui se glisse au
travers d'une persienne fermée par jour de grand soleil... Celle qui
vous fait cligner de l'œil et vous fait pleuré. Celle la je crus la
voir jaillir du néant et quand mes yeux s'accoutumèrent à l'éclat
je pus voir ce qu'elle avait apporté.
Mon cœur manqua un
battement quand, malgré moi, je reconnu l'objet qui flottait à
quelques mètre de là où je me trouvais. Une clé, pareille à
celle que tenait le garçon sur le vitrail.
« -Prend la Keyblade
Natsuzora, il est plus que temps pour toi d'entrer en guerre. »
Une
nouvelle fois, et malgré l'envie, je ne mouftais pas. De plus ma
curiosité l'emporta quand mes jambes se mirent à vacillées vers la
clé. Mes yeux ne pouvait se dérobés à elle, je voulais la tenir
dans mes mains. C'était incontrôlable, mais pas effrayant.
Une
évidence...
Arrivé à sa hauteur je risquais un coup d'œil
circulaire aux alentours et tendis la main vers ce que je devinais
être le manche. Mais mon bras se figea quand me revinrent
brusquement en mémoire les mots de Keiko :
« -Ne t'en saisi pas.
»
Mon geste toujours en suspens je tournais la tête pour
observer le néant qui s'étendait à perte de vue tout autour de
moi. Mais rien ne m'apparu, pas même une solution, ni une idée pour
me sortir de cet endroit. Et de nouveau la voix étranglée de ma
Keiko s'écria :
« -Réveille toi je t'en pries ! »
« -Je ne
comprends pas Keiko... »murmurai-je « Ca n'a pas l'air dangereux...
»
La Keyblade continuait de flotter devant moi et les mises en
garde de Keiko m'attirait de plus en plus vers elle. Elle avait
quelque chose de merveilleux et d'inquiétant, ce mélange qui me
faisait craquer chez les personnes que je pouvais rencontrer. Et
c'est cela qui devait m'attirer à elle, elle respirait l'humanité.
De la Keyblade émanait de drôles d'émotion, mélange d'angoisse,
d'amour et de force. Et comment un objet aussi étrange pouvait-il
ressentir la moindre émotion ? Complètement subjuguée je glissais
ma main dans la garde pour m'emparer d'Elle. Je voulais mieux la
comprendre et je tentais d'oublier le cri perçant de mon aimée qui
accompagnait mon geste.
« -Il est temps. » affirma, lointaine,
la voix du néant.
Quand mes doigts s'enroulèrent autour du
manche d'acier, au lieu de comprendre la Keyblade je crus défaillir.
C'était comme si un fluide bouillant pénétrais en moi pour
s'écouler dans la moindre partie de mon être, brûlant mes chairs
et rongeant mes os. C'était une douleur sans pareil, un martyr
silencieux qui m'en coupait la respiration.
Pourtant quand je
voulu lâcher prise ma main resta fermement agrippée à la clé,
j'eus l'impression que mon bras ne m'appartenait déjà plus.
«
-Parfait, à présent éveille toi Elue de l'Ombre. »
Je reculais
de quelques pas, titubante, et dressai la Keyblade à hauteur de mes
yeux. Ce que je vis me glaça d'effroi : ma peau s'était fondue en
elle. J'observais mes chairs se mélangées au manche de cette chose
vivante qui commençait à respirer à l'intérieur de moi. La clé
se changeait, noircissant comme mes chairs brûlées avait du
noircirent, s'allongeant et se mouvant en arabesques distordus. Mon
bras engloutissait à présent le manche entier et je ressentais la
chose comme une partie de moi. Une partie gangrenée.
Le fluide
bouillant se mit à pulser à mes tempes au rythme complètement
affolé de mon cœur, la douleur vrillait tout mon organisme, je ne
pouvais même pas hurler tant le souffle me manquait. Et soudain une
douleur plus insoutenable encore vint se loger dans ma poitrine,
comme une perceuse entrant et sortant de mon plexus, perçant des
trous toujours plus profondément en moi. Je m'écroulais mollement
me sentant mourir, mon soufflé se raréfiant toujours plus et cette
chaleur qui empoisonnait mon être ... Les trous dans mon cœur. Je
suffoquais, me tordant de douleur sur ce sol qui était à présent
tellement froid, sur ce garçon qui paraissait si paisible. Etait-il
mort de la même bêtise ?
« -Keiko ! »
Un râle rauque
s'échappait de ma gorge quand je crus que le néant m'engloutissait.
« -Je ne peux plus rien faire pour te sauver à présent... »
Je continuais de me tordre de douleur, écoutant vaguement la
douce voix de ma Keiko. Une main glaciale se posa sur mon front,
caressa mes joues en feu et se figea sur ma gorge :
« -Cesse de
lutter ce n'est pas ça qu'Elle désire. »
L'ordre me parut
clair, et vivement un souffle glacé parcourut mon être
bouillonnant, chassant le fluide gangreneux. Il me sembla que la
douleur s'assourdissait, qu'elle commençait à se terrer dans un
coin de mon âme, désertait mon sang et mes entrailles. Mon souffle
s'apaisa, mes muscles se détendirent, ce fus comme si tout mon corps
se relâchait.
Les doigts froids s'attardèrent sur mes cheveux
trempés de sueur, dégagèrent mon front et je senti des lèvres y
déposer un baiser.
« -Tu ne moura pas aujourd'hui ma Natsuzora.
Ni demain, ni un autre jour. Pas tant que je serai là. »
La main
froide me quitta et c'est alors que je senti les doigts de ma main
gauche se détendre. La clé tomba sur le sol en un fracas
métallique. Par réflexe je serrai et desserrai mes doigts, les
phalanges craquèrent mais j'étais heureuse de récupérer ma main.
« -Alors je t'en pries : lève toi. »
Ne sentant plus de
douleur handicapante et prenant appui sur mon bras droit je
m'asseyais. Keiko n'était pas là, c'était toujours ce néant. La
clé gisait à côté de moi, elle ne ressemblait plus du tout à ce
qu'elle avait été avant que je m'en empare. Elle était d'un noir
de jais miroitant, ornée d'arabesque rouge tout autour du cadran.
Elle m'apparu magnifique, et malgré la douleur que je venais de
subir elle m'attirait encore. Tandis que je restais à observer
l'objet l'air autour de moi devint pesant. Mue par un instinct encore
inconnu je m'en emparais en me levant vivement, tournant le dos au
visage si paisible de l'endormi sur la plate forme. Ma main resta
telle qu'elle à son contact et à présent c'était comme si la
keyblade avait toujours fais partie de moi.
Une évidence.
Me répéta mon esprit.
« -N'ai pas peur des obstacles se
dressant sur ta route. »
L'étrange voix me parlait de nouveau.
Elle couvrit un instant le bruit de l'apparition des créatures
noires. Elles étaient une dizaine, petites aux grands yeux dorés.
On aurait dit des lutins gesticulants, elles auraient presque pu me
paraître adorables si l'aura qu'elles dégageait n'était pas si
sombre. Une d'entre elle quitta le cercle de ses congénères et
s'approcha d' un pas tordu vers moi.
« -Des sans cœurs. » me
souffla la voix de Keiko.
Je tournai la tête vers sa voix et
refoula un sanglot : son corps flottait près du mien, brillant d'un
bleu fantomatique et transparent par endroit. Elle me fusilla du
regard :
« -Bats toi. » m'ordonna-t-elle brusquement.
C'est
alors que je sentis la chose, le sans cœur, tout près de ma jambe.
Il reniflait quelque chose que je possédais et mon petit doigts me
disait que ce n'était pas quelque chose que je pourrais lui donner
de mon vivant.
Secouée d'un réflexe je bondissais sur le côté
pour éviter le contact avec le sans cœur, je me retrouvais face à
l'esprit flottant de Keiko qui me vrillait toujours d'un regards
furibond :
« -Bats toi ! »
Les sans cœurs semblèrent réagir
à l'interpellation de Keiko et se ruèrent d'une même âme sur moi.
Sans plus réfléchir je fis tournoyer la keyblade dans ma main et
frappait aussi fort que je pouvais sur chacune des créatures. Je fus
satisfaite quand au bout de trois coups elles s'évaporaient en nuage
de fumée noire. Et à chaque corps dissipé des orbes brillantes
venaient fusionné en mon être, me donnant l'impression de devenir
plus puissante à chaque fois.
Quand plus aucuns sans cœurs ne
fut à déclarer sur la plate forme je me retournais vers Keiko :
«
-Que m'arrive-t-il ? » l'implorais-je. « -Est-ce que je rêve ?
»
Son esprit se mit à flotter en ma direction, apeuré je
reculais de quelque pas. Elle s'arrêtait et levait ses mains ,paumes
ouvertes, pour m'indiquer ses intentions pacifistes :
« -Je peux
tout t'expliquer. » murmurait-elle.
Je ne dis rien tout
d'abords, l'esprit trop embrouillé par tout ce qui venait de se
passer, je finis par souffler :
« -Je t'en pries explique moi.
»
Restant à quelque mètres elle enfonça son regard dans le
mien, comme avant, et prit une voix que je ne lui connaissais pas :
une voie solennelle.
« -Tu as été choisie pour devenir l'Elue
de l'Ombre. »
Elle marqua un silence mais voyant que je ne
réagissait pas continua sur le même ton :
« -Tu es son
contraire –elle pointa du doigt l'endormi de la plate forme- et tu
te dois de combattre à son côté. Plus que n'importe qui sa mission
est devenue la tienne. »
Mes yeux dérivèrent sur le visage du
garçon :
« -Sa mission ? »
Elle soupirait et avançait vers
moi, cette fois je ne reculais pas. Après tout c'était ma Keiko.
«
- Libérez les mondes des assauts des ténèbres. »
Intriguée
je relevais le visage vers elle et demandait d'une voix blanche :
«
-Les mondes ? Les ténèbres ? Qu'est-ce que tout ça signifie ?
»
Elle secouait la tête, signe qu'elle ne voulait pas en dire
plus.
« -Keiko je t'en pries ! Explique moi ce que tout ça
signifie ! Et pourquoi ... pourquoi tu... »
Elle avait
l'air terrorisée, ses yeux se remplissaient de larmes et je ne
pouvais rien lui dire. C'était un spectacle odieux de la voir, elle,
aussi belle et aussi triste. Perdue dans cette mission qui ne ferait
qu'une bouchée de son tempérament d'enfant. Et je commençais à me
douter que cette histoire de sauver les mondes l'effrayait sans
qu'elle comprenne pourquoi. Sans qu'elle ne comprenne ce que tout ça
augurait.
Oh pourquoi ne puis-je rien lui dire ? Je vous en
pries... Je l'aime tellement...
« -Keiko ! »
m'implora-t-elle. « -Keiko ! »
Elle avançait vers moi par
petits pas saccadés, ses mains tremblaient et elle fit tomber la
keyblade qui n'eu pas le temps de toucher le sol, elle s'évapora
aussitôt. Son visage se trempa de larmes et elle me tendait ses
mains dans un geste de totale soumission :
« -Tu... tu es... »
Je
luttais contre cette envie de la prendre dans mes bras, de la bercer
pour qu'enfin ses peurs et ses pleurs cessent. Mais ma condition ne
le permettait plus, je ne pouvais qu'assister à son chagrin. Tentant
de calmer mes propres ardeurs je lui dit un peu brusquement :
« -
Tu comprendras en temps voulu Natsuzora. »
C'est alors que son
visage alarmé se durcit, ses sourcils se froncèrent et elle se mit
à crier :
« -Comprendre quoi Keiko ? Tu m'as abandonné ! Et
maintenant tu me jette à la figure que je dois me battre contre je
ne sais quel démon avec je ne sais quoi ... »
Elle tenta de
reprendre son souffle mais aussitôt se remit à crier :
« -Avec
une arme qui a bien failli me dévorer la main ! Une arme qui m'a
pompé le sang et qui m'a permis de tuer une horde de ...de ces
choses répugnantes ! Si tu m'aimais vraiment tu m'expliquerai ce que
tout ça signifie... Tu ne... »
Les larmes nouèrent sa gorge et
elle fondit en pleurs, s'écroulant à genoux face à moi.
J'entendais ces gémissement et serrait les poings, sa douleur
m'était insupportable. Je voulu m'approcher et tenter de la
réconforter mais avant que je ne dise quoi que ce soit elle murmura,
acerbe :
« -Tu ne me laisserai pas seule. Si tu m'aimais vraiment
tu ne me laisserai pas seule face à ça... »
Je baissais la tête
:
« - Je suis tellement désolé Natsuzora... » ne pus-je
m'empêcher de lui répondre. « - Je sais que ça ne servira à rien
mais je suis désolé, je ne voulais pas te laisser seule. »
Elle
releva son visage d'ange vers moi et je sentais qu'elle me croyait.
La force de son empathie lui indiquait qu'elle pouvait me faire
confiance, que je regrettais vraiment. Elle sécha quelques larmes du
revers du poignet et se redressait pour me faire face, son visage si
près du miens...
« - Ce n'est pas ta faute. » m'affirma-t-elle.
« - C'est cette saloperie de cancer, hein ? »
Elle ne savait
pas... elle ne se doutait pas...
« -Oui. » lui mentis-je, prête
à tout pour ne pas perdre son regards.
Elle me souriait
tristement :
« -Je suppose que je vais devoir apprendre à vivre
sans toi... à comprendre sans toi. »
J'approchais une main près
de sa joue mais je ne pus la caresser, je laissais retomber mon bras
le longs de mes hanches et reprit un ton plus ferme sans être
cruelle :
« - Maintenant s'il te plaît réveille toi... Tu
comprendras tout en temps voulu. »
Elle ne répondit rien, se
contentait de me sourire.
« - Tu ne seras plus jamais seule
maintenant. »
Je la vis disparaître, son corps s'évanouissant
du rêve en une brume pourpre. Mon regards s'égarait un instant sur
le visage de Sora :
« - Prends bien soin d'elle... »
«
-Docteur elle se réveille ! »
La première chose qu'elle vit en
ouvrant les yeux l'obligea à les fermer aussitôt. C'était un halo
de lumière aveuglant qui brûla sa rétine. Un cercle blanc
s'inscrivit sous ses paupières et elle l'observa danser quelque
longues minutes avant qu'une autre voix ne s'élève près d'elle :
«
-Mademoiselle ? Vous m'entendez ? »
Elle sentait qu'on lui tâtait
les bras, la gorge. Une main impudique se glissa sous ses vêtements
afin de lui palper le torse et les flancs. Le cercle blanc disparu et
elle murmura, la bouche sèche :
« -Où suis-je ? »
Elle
ouvrit à nouveau les yeux, plus lentement, afin de s'acclimaté à
la lumière. Quelques silhouettes s'agitaient autour d'elle, des
blouses blanches mais aussi des tee-shirt colorés, des cheveux tirés
et d'autres ébouriffés.
« -Vous êtes à l'hôpital
mademoiselle. » lui dit une voix d'homme. « -Vous avez fait une
overdose d'héroïne. »
Une overdose ?
La lumière de
la pièce ne la gênait plus et elle distinguait clairement les
infirmières et le médecin qui l'auscultait. Et ses amis qui
observait, silencieux, le réveil de leur compagne infortunée. L'une
d'entre elle, une petite adolescente aux cheveux décolorés vêtue
comme une poupée Barbie, s'exclamait avec dégoût :
« - La
vache Natsu t'es pâle comme une crevée ! »
Instinctivement
Natsuzora porta ses doigts à ses joues, ils étaient glacés et sa
joue lui sembla rêche comme de la laine de verre. Alors que le
médecin indiquait silencieusement aux infirmières d'expédier les
adolescents, qui commençait sérieusement à l'agacer, il continuait
de préparer une seringue stérile pour la prise de sang :
«
-Vous sentez-vous nauséeuse ? Avez-vous mal quelque part ? »
demandait-il machinalement avant d'enfoncer sans ménagement
l'aiguille dans la veine bleue de la jeune fille.
Oui j'ai
terriblement mal ...
« -N...non je ne crois pas. »
bégayait-elle en observant son sang couler dans les petits fioles.
Le médecin acheva la prise de sang rapidement, posait les tubes
dans une boîte puis vint se rapprocher de Natsuzora pour lui
murmurer :
« -Vos amis nous on indiquer que vous avez seize ans.
Etant donner que vous êtes mineure nous devons contacter vos
parents. »
Non pas ça pitié...
Elle gardait le
silence, simulant un réveil tardif. Et il se doutait bien qu'elle ne
voulait pas qu'on apprenne à ses parents qu'elle avait prit de la
drogue et par la suite avait failli y passer.
« -Je reviendrais
dans une petite heure, pendant ce temps reposez vous et prenez le
temps de réfléchir à vos actes. Les infirmières repasserons dans
une demie heure pour votre perfusion. »
Il préférait la laisser
réfléchir un peu.
Natsuzora l'observa prendre la boîte
contenant son sang, franchir la porte d'un pas volontaire puis la
porte se refermer en un bruit sourd, éteints par les amortisseurs.
Elle eu aussi un regards pour ses bras, tout deux orné de bandage.
En s'attardant sur le gauche elle se rappela vaguement avoir enfoncé
l'aiguille, appuyer violemment sur le poussoir ... Et plus rien.
L'intérieur du coude était bien panser, l'aiguille avait du
arracher une veine quand elle était tomber inconsciente.
Idiote
idiote, petite imbécile !
Elle se redressa lentement contre
son oreiller et l'aiguille de sa perfusion tira sous la peau de sa
main. Grimaçant de douleur elle se rallongeait en songeant à ce que
lui dirait sa mère quand elle l'apprendrait.
Rentre à la
maison chaton, tout va s'arranger.
« -Ne me faîtes pas
rire... » maugréa-t-elle.
La lumière du plafonnier lui
paressait moins intense et à présent ses yeux ne voulait plus s'en
détacher :
« - Ce n'était ... qu'une hallucination ? »
Le
silence fut la seule réponse. Elle soupirait et senti un sanglot
remonter le long de sa gorge, une douloureuse boule de larmes qui ne
tardait pas à se répandre le long de ses joues.
Tout ça
n'était qu'un rêve. Un foutu rêve dû à cette foutue dope
...
Chivas observait quelques Murmurants. De là où elle
se trouvait, sur la mezzanine qui surplombait toutes les étagères,
elle les voyait parfaitement mais eux ne le pouvait pas. C'était
parfait ainsi.
Ils évoluaient gracieusement entre les rayonnages,
flottant silencieusement sans jamais se rencontrer. Ces grands
échalas d'un noir abyssal étaient les seules créatures capable
d'effrayer et de fasciné la Petite Fée. Longiligne, de très longs
bras terminé par des griffes acérés et un visage dénué d'émotion
: les gardiens des Murmures Neutres ressemblaient vaguement à l'idée
que certains êtres humains se faisait des démons.
« - Que
fais-tu ici ? Tu n'as pas de travail ? »
Chivas pivotait vers la
personne qui venait de l'interpeller. Mikado se tenait dans
l'embrasure de la porte, les mains sur la chambranle et souriait à
son amie. Ses longs cheveux d'un azur éclatant étaient retenus en
chignon sur le haut de son crâne et elle portait une robe d'un noir
presque aussi abyssal que celui des Murmurants.
« - Je suis
venue parce qu'un esprit me rend le travail difficile ces derniers
temps. » répondit Chivas en s'accoudant à la balustrade de la
mezzanine.
Mikado croisait ses bras et haussait un sourcil :
«
- Et donc tu as besoin de venir ici ? »
Chivas soupira et
décidait de quitter la mezzanine, elle s'approcha de Mikado et lui
dit à voix basse :
« - Quand il s'agit de l'esprit de la fille
que tu as aidé à mourir il y a deux ans, oui je me sens dans le
devoir de venir ici. »
Mikado arrondi les yeux en s'écartant
pour laisser la Petite Fée passer dans le couloir :
« - Tu veux
parler de Keiko ? »
Chivas ne répondit rien et continuait de
marcher dans le petit couloir menant à l'escalier de sa démarche
princière. Mikado lui emboîta le pas et demandait d'une voix plus
ferme :
« - Quels problèmes Keiko peut-elle te poser ? »
La
Petite Fée s'arrêtait avant de prendre l'escalier, ses petits bras
menus tremblaient :
« - Elle refuse de rejoindre l'autre monde,
elle répète qu'elle ne veux pas partir tant que son amie ne sera
pas tiré d'affaire. »
La gérante des Murmures eu un soupir de
soulagement :
« - Si ce n'est que ça... »
Chivas ravala une
boule d'amertume et choisi de ne rien rétorquer cette fois ci. Si
Mikado avait aidé cette fille à mourir elle devait avoir ses
raisons, mais le faire en sachant qu'elle errerait comme une âme en
peine dans le Grand Purgatoire cela n'avait aucun sens pour elle. La
Petite Fée descendit à grands pas les escaliers et se retrouvait
dans le corridor principal de la Bibliothèque. Mikado la suivait
toujours, l'air aussi indifférent qu'à l'accoutumée.
« -
Reviens quand elle décidera de rallier l'Enfer et d'asservir les
mondes avec l'aide de ses sous-fifres démoniaques... » lâchait
avec cynisme la bibliothécaire en dépassant Chivas.
« - Mais
si elle franchit la limite des Impardonnables je considèrerais que
ce sera de ta faute ! » lui lança celle ci, mouchée.
Mikado ne
prit pas la peine de répondre, elle s'enfonça dans le couloir en
sentant ses mâchoires se crispées. Chivas avait toujours eu le don
de l'énerver quand il s'agissait de la seule décision qu'elle eut
prise pour aider un être humain. Et elle ne se faisait pas prier
pour lui rappeler que Keiko avait été l'unique entorse à sa grande
et légendaire neutralité. La bibliothécaire s'arrêtait devant la
porte de son bureau et laissa son front s'y reposer un peu, tenta de
mettre de l'ordre dans ses pensées.
Keiko à quel jeux
joues-tu bon sang ?
Pendant ce temps Chivas avait rejoint la
jeune Lucy, assistante de Mikado, qui s'activait à ranger un
rayonnage de livres monstrueux. Ces livres étaient sanglés et
poussaient de temps à autre quelques grognements qui n'avaient rien
de rassurants, mais Lucy ne semblait pas y faire attention. Elle
sifflotait gaiement.
« - Je ne la comprendrais jamais... »
grommela Chivas en s'adossant à l'étagère « Lutins et fées
des prairies ».
Quelques petits rires suraigus retentirent
et une voix se mit à scander comme un comptine « La fée de la
mort est perdue... La fée de la mort est per-due ! ».
Profondément irritée elle cogna un grand coup de talons dans
l'étagère et après quelques exclamations le silence revint parmi
les livres.
« - Mademoiselle Mikado n'a pas pris cette décision
de gaieté de cœur vous le savez bien. »
Il était si rare que
Lucy réponde à ses imprécations torturées que Chivas crut tout
d'abords qu'il s'agissait de son imagination. Mais la jeune employée
reprit d'un ton égal :
« - Cela devait être d'une rare
importance pour qu'elle s'accorde à oublier sa neutralité pour
aider Keiko. Si vous voulez mon avis je dirais qu'elle a dû voir
quelque chose. »
Lucy se remit à siffloter et une fois que ses
livres furent ranger elle poussa le chariot doré vers un autre rayon
en oubliant jusqu'à l'existence de Chivas. La petite Fée de la mort
resta longtemps à observer le vide en se remémorant ce que Mikado
leur avait demander à Yuuko et à elle le soir où Keiko fut mener à
la mort. Quelque chose à laquelle Chivas n'avait pas prêter
attention alors :
« - C'est la seule chance de le sauver. Je
ne le fais pas seulement pour aider l'Elue, je le fais avant tout
pour le garder en vie. »
Yuuko et Chivas n'avait pas compris
les sens de ces paroles, et Chivas ne les comprenait pas plus
aujourd'hui mais tout portait à croire qu'elle avait agit par
contrainte –peut être même la contrainte d'une vision. Et si
seulement Mikado lui faisait confiance, peut être lui en dirait-elle
plus.
« - Tu ne lâches jamais le morceau n'est-ce pas ? »
La
voix froide et sombre de la bibliothécaire tira la fée de ses
pensées. Mikado avança vers Chivas et lui dit d'une voix presque
sans timbre :
« - Je vais t'expliquer, mais il te faudra garder
le silence et ne jamais rien leur répéter. »
La petite fée
arrondit les yeux mais ne dit rien. Au loin un Murmurant poussa une
plainte à fendre l'âme.
