Severus avait toujours méprisé Sirius pour le choix qu'il avait fait. Pas tant parce qu'il avait préféré ces abrutis téméraires de Gryffondor aux ambitieux rusés de Serpentard mais surtout parce qu'en tournant le dos aux origines de sa famille, il avait volontairement refusé de développer les embryons de qualité qu'il possédait et qui auraient pu devenir exceptionnelles. Son intelligence ? Destinée à jouer les bouffons. Son charme et sa séduction ? Simple moyen de courir les jupons. Son ambition ? Oubliée. Sa richesse ? Méprisée. L'indéfectible fidélité que son charisme attirait à lui ? Rendue !
Il n'aurait pas dû le sous estimer. Il n'aurait pas dû oublier d'où venait Sirius Black et qui l'avait élevé. Il aurait dû comprendre que derrière le cœur palpitant du Gryffondor, soufflait encore l'esprit d'un véritable Serpentard.
Ainsi, il ne l'aurait pas menacé de révéler le secret honteux de son lycan d'ami. Sirius ne l'aurait pas toisé de son regard voilé de haine froide et calculatrice et prononcer les mots terribles.
Il aurait su interpréter l'étincelle dans son œil, celle de Lucius quand il dresse en quelques secondes les plans d'une ruse savante. Il aurait compris que l'intonation désespérée et vaguement chevrotante dans la voix du Gryffondor était comédie et il n'aurait pas prit ses mots au pied de la lettre. « Tu ne comprends pas ! Tu ne sais pas ! Va voir ! Va voir comme il souffre, va voir sa vie ! A la nuit tombée, appuie sur le nœud du Saule Cogneur et prends le passage secret ! Tu verras ! Tu verras ! »
Il avait vu le loup renifler son odeur, et tourner un regard fou vers lui. Il l'avait vu bander ses muscles et se jeter sur lui. Et si James ne l'avait pas sauvé, il n'aurait pas vu grand-chose de plus.
Plus tard dans l'infirmerie et sous le regard sévère de Dumbledore, Sirius lui avait demandé pardon de son plus bel air désolé, comme horrifié de son geste. Et il l'avait presque cru, presque pardonné.
Plus tard encore, au détour d'un couloir, il était resté figé sous la prunelle grise, écouté la voix sourde et grondante.
« - Je t'avais pourtant prévenu de ne pas t'attaquer aux miens. Tu savais que je ferais tout pour les protéger. »
Oui tout. Sirius Black était un Gryffondor et sa loyauté était sans limite. Et pour sauver ceux qu'il aimait, il était capable de tout. Même de tuer. Même de traumatiser son ennemi, d'imprimer au fer rouge dans sa mémoire combien il pouvait être dangereux de s'attaquer à un Black.
A partir de cet évènement, si Severus avait fuit les Maraudeurs comme la peste, il avait aussi commencé à éprouver une certaine admiration pour celui-ci. Et involontairement à porter quelques espoirs en lui. Peut être Black saurait il faire de grandes choses finalement.
Son trouble fut grand quand Sirius fut accusé et reconnu coupable de la trahison et du meurtre des Potter. Black avait toujours été un salaud, mais ce salaud là ? Avait-il été manipulateur à ce point ? Avait-il toujours été dans ses plans de trahir ? Quelque part au fond de son cœur mutilé par la mort de Lily et sa révulsion, une pointe d'admiration persista. Black, dans l'art de manipuler, serait il un orfèvre ?
A chaque pleine lune il y cru un peu plus.
Il tua lui-même Bellatrix pour lui faire payer le meurtre de Sirius. Et inscrivit ce dernier au panthéon des talents dilapidés et des vies gâchées. Mourir pour le morveux vraiment ! Finalement, Black était bel et bien un Gryffondor, et même le pire de tout puisqu'il manqua d'ambition même pour sa propre mort.
