Prologue : Seconde chance

- Veux-tu vraiment le savoir ?

Thea, prenant une grande inspiration, répondit d'une voix hésitante:

- Oui, je...Je veux le savoir, enfin, je crois...

La Voix sembla réfléchir pendant quelques secondes, puis répondit simplement:

- D'accord, si tu es sure que c'est vraiment ce que tu veux.

Une autre porte apparut, toute simple, et s'ouvrit en grand. Théa se sentit aspirée vers elle comme si une bourrasque de vent avait balayé l'espace dans lequel elle se trouvait. Mais soudain, alors qu'elle s'apprêtait à en franchir le seuil, dans un coin sombre de la pièce apparut une autre porte plus mystérieuse encore et étrangement plus attirante. Dès lors qu'elle vit cette seconde issue, tout son être commença à la désirer sans que rien ne puisse contrer ce besoin impérieux de courir vers elle. Pas même les suppliques de la Voix, qui lui arguait de s'en éloigner ne parvinrent à la faire dévier de sa trajectoire.

- Arrête-toi! Hurla la Voix dont la détresse parsemait le ton, premier sentiment humain apparaissant dans ses mots.

Mais la jeune-fille demeurait sourde à ses appels, seule la porte comptait et occupait son esprit, envahissante, dictatrice. Comme un robot, elle s'approcha de plus en plus, jusqu'à la frôler, puis enfin la toucher et sentir le bois dur contre ses paumes

- Rien de bon ne t'attends par là! Cria la Voix. Fais-moi confiance!

Une fois encore, les mots ne parvinrent pas aux oreilles de Théa qui,les yeux vides de toute émotion et avant d'avoir eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, se fit littéralement aspirée au travers du pan de bois. La dernière chose qu'elle entendit avant de plonger dans un monde peuplé du silence le plus complet et de fermer les yeux fut une plainte déchirante de la Voix, témoignage de sa défaite.

Pendant ce qui lui sembla durer des heures, elle se sentit tomber en chute libre dans une obscurité totale puis, sentant une vive chaleur caresser ses paupières, ouvrit brusquement les yeux...Pour constater que plusieurs choses n'allaient pas. Mais alors vraiment PAS DU TOUT.

Premièrement, elle avait une vue imprenable sur le plafond… D'une pièce qui, au vu de la peinture écaillée, nécessiterait quelques rénovations. Ensuite, elle avait droit à un très gros plan sur le visage d'une femme, totalement floue, mais dont le pyjama ignoble rappelait celui d'une infirmière. En regardant autour d'elle, Thea put constater qu'elle se trouvait dans une chose en plastique transparent qu'elle mit un moment à identifier. Sa conclusion la laissa perplexe, selon toute vraisemblance il s'agissait d'un berceau comme ceux que l'on trouvait dans les maternités.

Minute... Un berceau !? Comment ça, un berceau?! Houston, on a un problème…

Thea cherchait quelque chose à dire pour faire valoir son mécontentement d'être traitée de la sorte - On ne mettait pas une ado de quatorze ans dans un berceau nom d'un chien! - quand il se passa une chose des plus étranges - ou en tout cas, étrange pour elle - car l'infirmière s'éloigna pour s'approcher d'un des coins de la pièce .Ce fut seulement à cet instant que Thea prit pleinement conscience de l'endroit où elle se trouvait, autrement dit, une chambre d'hôpital. A cet instant, en rassemblant les différents morceaux, qu'elle comprit ce qui lui arrivait : elle avait - elle ne savait comment – intégré le corps… D'un nouveau né! Les vagissements qui s'échappèrent de sa bouche lorsqu'elle essaya de crier en furent la confirmation.

Il fallut du temps pour que l'information parvienne au cerveau, visiblement assez engourdi par les dernières péripéties. Mais une fois ce fait accompli, Théa ressentit une profonde indignation.Un nouveau né !? Mais qu'est ce que j'ai fait pour mériter ça !?

Laissant cependant quelques secondes ses lamentations de côté, elle remarqua, avec effroi, qu'elle ne se souvenait que son prénom – Thea – et de son âge – 14 ans – même s'il semblerait que, désormais, cette dernière information soit… Quelque peu… Erronée. Tout le reste n'était plus qu'un épais et infranchissable brouillard. Qui était-elle réellement? Comment s'était-elle retrouvée ici? Quelle avait été sa vie avant cet instant?

Elle fut sortie de ses pensées lorsque l'infirmière s'adressa à quelqu'un ailleurs dans la pièce - ses nouveau parents, probablement - pour leur demander - à sa grande horreur - comment ils souhaitaient appeler leur fille.

Thea protesta vigoureusement en laissant échapper quelques minables gémissements tout juste bons à attirer l'attention d'un éventuel papy totalement gâteau - à condition qu'elle en ait un, bien entendu… Il était hors de question que quiconque s'avise de changer son prénom! C'était tout ce qui lui restait, sa dignité ayant quitté le navire lorsqu'elle avait remarqué qu'elle portait une couche… pleine.

Après un moment de silence, ponctué de chansons ridicules destinées à la calmer, une voix, plutôt plaisante aux doux accent chaleureux, répondit:

"Haley. Nous, l'appelerons Haley Susan Carter".

Un homme se pencha au dessus d'elle avant de la prendre dans ses bras délicatement. Il la berça tendrement en lui murmurant doucement son nom à l'oreille. La jeune-fille se calma, cessant de pleurer pour contempler la barbe mal rasée qui lui faisait face. Elle sentait bon, une odeur de mousse à raser que l'on aurait pas eu le temps de finir d'essuyer dans la précipitation. Ses yeux étaient rieurs, promesse de folles aventures et histoires sans fin sous une montagne de couvertures.

Le sommeil la gagna, appréciable engourdissement après une journée riches en péripéties. Ses paupières se fermèrent, sa respiration s'apaisa, la petite main qui tenait le col de la chemise froissée retomba mollement, l'adolescente s'endormit. Perdu dans ses songes, l'enfant sourit, finalement, Thea aimait bien son nouveau prénom.


N/A: À partir du prochain chapitre, Thea devient Haley.