Défi n°41 sur le thème : « Le destin de Miriel ».


Une pression soutenue à l'arrière du talon. Le visage lavé par un linge humide. Un massage qui remonte lentement vers le genou. Un bain pour les cheveux.

Les deux servantes travaillaient toujours en même temps. Cependant, leur rôle n'était jamais prédéfini et toutes deux maîtrisaient parfaitement les arts de la toilette et du massage. Elles n'avaient pas de nom, car en ce pays leur fonction ne le nécessitait pas. C'était d'ailleurs à peine si l'on pouvait les distinguer l'une de l'autre tant elles se ressemblaient dans leurs longues robes grises.

"Tu crois qu'elle va se réveiller ?"
"Tu veux dire... aujourd'hui ?"
"Non. Je me demande, va-t-elle se réveiller... un jour ?"

La servante ne répondit pas, et continuait son massage en silence. La dame elfe dont elles s'occupaient était, à ce que l'on disait, une invitée de prestige. Mais ce n'était pas pour cela qu'elle recevait une attention toute particulière : la pauvre était totalement inconsciente depuis son arrivée.

Le lendemain matin, les deux servantes revinrent au chevet de l'elfe pour ses soins. Sans se concerter, l'une prépara la toilette, tandis que la seconde entamait le massage. Ce fut la servante qui était restée muette la veille qui brisa le silence.

"Je crois, elle se réveillera."
"Oui ? Pourquoi ?"
"Parce que, elle est toujours en vie."

Dès l'arrivée de la dame elfe, Estë était intervenue en personne afin qu'aucune tentative de provoquer un réveil ne soit entreprise. En effet, les soins dictés par Estë n'avaient qu'un unique objectif : maintenir le corps de celle qu'elle nommait Miriel tel qu'il était lorsque celui-ci fut recueilli dans les jardins de Lórien.

S'en suivit une semaine de soins en silence, ce qui était au final très commun dans cette maison. Les servantes effectuaient leur tâche et passaient d'un patient à l'autre sans communiquer, sans que cela ne génère de gêne chez l'une ou l'autre. Seules les heures passées à s'occuper de l'elfe Miriel semblaient provoquer chez les deux servantes un besoin de s'exprimer, et peu à peu des miettes de conversations prirent l'habitude d'apparaître.

"Moi, je ne pense pas qu'elle va se réveiller."
"Ah ?"
"Parce que son corps vit, mais son esprit est mort."
"Son esprit n'est pas mort, il est absent."

Les séances de soins se succédaient et chaque jour apportait de nouvelles pensées quant à l'état de l'elfe. Les opinions des servantes commencèrent à se distinguer sensiblement, l'une croyant au réveil, l'autre n'y croyant pas.

"Ne devrait-on pas arrêter son corps ?"
"Non."
"Pourquoi ?"
"Son corps est en vie. Et la vie c'est précieux."
"Un corps sans esprit, c'est triste."
"Je vois."

Les servantes ne dirent plus rien ensuite. Mais l'idée était née et Estë, dont l'omniscience était sans faille concernant ses gens, sentit en elle le souci d'intervenir. "Je ne peux pas me permettre de vous conserver dans cette maison", leur avait-elle dit. "Il n'existe qu'une personne qui puisse porter le fardeau de décision. Le destin du corps de Miriel épouse de Finwë, roi des Noldor, m'appartient." Sur ces paroles, les deux servantes furent nommées et invitées à quitter les jardins de Lórien.