Le Seigneur des Anneaux appartient à J.R.R. TOLKIEN. Le scénario de cette fiction m'appartient, vous pouvez retrouver l'original sur mon autre compte : Laziness Potter-Silverstone.
Bonne lecture ;)
PROLOGUE
Pendant que mon corps, faible, abandonne mon âme,
Ma pensée qui divague en vient toujours à toi,
Parmi les affres morts, ou je me perds, ma dame,
Cet air d'accordéon revient au même endroit.
Ses yeux si particuliers, si dérangeants, se heurtèrent aux murs de sa nouvelle prison. Sa respiration sifflante et hachée s'accentua alors qu'on le jetait dans les bras de ses nouveaux gardiens. Ses oreilles voulurent être sourdes lorsque plurent autour de lui les ricanements et les insultes, les quolibets mesquins de ces roquets affamés qui s'acharnaient sur lui, déchiquetant sa substance, le traînant dans la boue, le souillant de leurs calomnies jusqu'à ce qu'il ne reste plus de lui que des lambeaux ensanglantés, méconnaissables. « Promets-moi ! » Un hurlement muet résonna contre les parois de son crâne, se répercuta à l'infini dans son esprit, alors qu'on le traînait à travers des galeries sombres, des galeries froides, boyaux de la terre. « Promets-moi… » Ses lèvres desséchées s'entrouvrirent sur un cri silencieux comme on le balançait tel un détritus, un déchet, une merde, et qu'on enchaînait solidement ses poignets, ses chevilles et son cou.
Ses bras arachnéens le soulevèrent du sol, ses mains griffues s'accrochèrent mécaniquement aux chaînes, lui arrachant une grimace comme sa peau à vif heurtait le métal. Son visage se pressa contre le mur froid et humide, comme il riait de sa folie.
- Désolé.
Ses cheveux noirs, emmêlés et sales, frottèrent les pierres rugueuses tandis que sa langue allait effleurer sa lèvre fendue. Ses yeux vides de toute émotion se fermèrent. Derrière ses paupières closes, une ombre se forma. Visage livide, yeux écarquillés, loques ensanglantées, entrailles fumantes, parfum sulfureux et doucereux de la chair pourrissante. Le choc était brutal, le contact poisseux, la douleur rouge. Oh, Hiswë, douce Hiswë. Morte. Morte comme leur mère, comme tous les autres.
Elle était morte.
Comme une chanson qui s'achève. Un poids inanimé. Un corps inerte parmi la multitude. Un débris de plus, un débris de trop.
« Promets-moi. »
Il l'entendait encore sonner à ses oreilles, cette supplique – « Promets-moi ! » – sur l'éperon rocheux où l'odeur de sang et de cendres se mêlait au discret fumet des symbelmynës. « Promets-moi, ghanár ! » La fièvre qui la tenaillait alors lui ôtait toutes ses forces et affaiblissait sa voix à un murmure tout juste perceptible, qui retentissait pourtant comme un cri dans son esprit. « Je t'en prie… Promets-moi… » Il aurait préféré être sourd.
« Je t'en prie… »
Le cœur pouvait mentir et la tête jouer mille tours. Mais les yeux voyaient juste, eux. Et de son trou, de son cachot, ils voyaient encore, ils ne cessaient de voir. Il regardait avec ses yeux, les longs et misérables adieux de sa sœur, son cœur tant chéri. Il écoutait avec ses oreilles les faibles suppliques – « Promets-moi… ». Il humait avec son nez les fragrances qui se heurtaient les unes aux autres, sous le fumet persistant, omniprésent, du sang et de la chair blessée. Mais surtout, il sentait, il sentait avec sa peau. Et ça s'était gravé, là, en lui, dans son esprit, dans son cœur, dans son corps. Il n'oublierait jamais. Il ne pouvait pas. Alors il sentait encore se refermer sur les siens l'étau de ses doigts rendus gourds par l'agonie. « Promets-moi, ghanár. » Alors il voyait encore le regard anxieux rivé au sien, qui s'apaisa sitôt sa parole donnée sur ses rétines était encore gravé le sourire qui le remercia et l'image de cette main qui, convulsivement, s'ouvrait, le relâchait, et répandait, fanés et flétris, les pétales toujours blancs de étincelantes de symbelmynës.
Alors résonnait toujours à ses oreilles l'ultime requête de sa sœur chérie.
Il avait promis.
Il Le tuerait.
Même s'il venait tout juste d'échouer, il recommencerait. Et il réussirait.
Ghanár : « frère » en Parler Noir (dérivé du mot hanar : « frère » en Sindarin)
Symbelmynës : une fleur blanche de la Terre du Milieu, réputée pour recouvrir abondamment les tombes des morts ; également appelée Souvenir Éternel, elle fleurit à tout moment de l'année, tels de petits yeux recouvrant le vert parterre de l'herbe.
