Disclaimer : Hermione Granger et tous les lieux et personnages inhérents à l'univers d'Harry Potter n'appartiennent qu'à J.K. Rowling, auteur émérite de la saga. Je n'ai fait que m'appuyer dessus pour donner naissance à cette fanfiction et ne tire aucun profit pécuniaire de ce récit.

Attention, cette histoire est rattachée à l'univers de la précédente fiction, La voie des ténèbres, certains personnages seront donc ceux que j'ai remaniés, bien qu'empruntés à J.K. Rowling.

L'un d'entre eux est celui que l'on voit dans les films Les reliques de la mort et non celui du livre, pour des raisons évidentes. Il se peut que j'aie également pris quelques petites libertés concernant la chronologie de la bataille de Poudlard, pour la fluidité narrative, mais c'est infime. Il ne sera pas fait mention des reliques de la mort car elles n'existent pas dans cet univers.

Je ne sais pas du tout quelle sera la fréquence de publication des chapitres, je ne sais pas non plus combien il y en aura. J'espère poster une fois par semaine, le week-end, sinon un week-end sur deux (merci à ma salade magique pour cette remarque pertinente ^_^ ). Ce sera probablement freestyle ;-)


J'ai pensé à écrire cette fic à force d'écouter House on a hill de Kamelot, et Scarlet de Delain.

Bonne lecture et pensez aux reviews :)

Nightwyn ~ 04/09/2016.


Journal de terrain d'Hermione Granger, 9 septembre 2013, le soir.

"Premier jour en tant que professeur d'étude des runes. C'est déconcertant d'avoir eu à endosser ce rôle, mais je n'ai pas eu le choix. Enfin, façon de parler.

Je sais que ça me plaira, certains disaient que j'étais faite pour enseigner, même si Harry plaignait systématiquement mes hypothétiques futurs élèves...
Au ministère, Neville a été d'une rare gentillesse et je trouve qu'il a beaucoup changé, mûri, pourtant c'est comme si on s'était quitté hier. Je sais très bien que cet entretien n'a été qu'une formalité, je sais très bien que Snape... le directeur, ne peut pas se permettre de refuser ma candidature. En toute honnêteté. Il n'a trouvé personne depuis la disparition de ce pauvre Rayne Phines, il y a trois ans. C'était un bon traducteur et un bon professeur, de ce que j'ai appris, il était apprécié par tout le monde, alors j'espère être à la hauteur. J'espère ne pas décevoir mes élèves.

Nous sommes très peu aussi jeunes, si je me compte, nous sommes seulement trois à avoir mon âge. La petite prof de potions n'est encore qu'une gamine, mais si j'écoute Neville, c'est une personne méritante. Je n'en doute pas, mais... il va me falloir mettre certaines choses de côté.

Revoir Ethan m'a fait un drôle d'effet. Nous nous côtoyions au ministère, bien sûr, mais le voir ici... c'est différent. Il semble être dans son élément. Lui aussi semble fait pour ce travail, les élèves l'adorent, les filles l'adorent. Je l'adore, moi aussi.

Avoir pour élèves Teddy Lupin et Victoire Weasley est un peu plus difficile à gérer. Ce sont des enfants que je connais bien, et même s'ils ne me connaissent plus, j'en souffre. C'est uniquement ma faute alors ça aussi, il faudra que je le mette de côté. Je ne dois pas me plaindre de cet état de fait.

Outre ce... détail, je me sens assez à l'aise, je suis heureuse de revoir mes anciens professeurs et mes amis. C'est juste tellement bizarre de savoir que Dumbledore et le professeur McGonagall ne seront plus jamais là... J'ai eu beau assister à leurs funérailles, je ne m'y ferai jamais. Snape est semble-t-il un bon directeur, Flitwick n'a pas tari d'éloges à son sujet, alors que je ne demandais rien. Peut-être essaie-t-il d'adoucir les mauvais souvenirs que j'ai de lui.

Il n'a pas besoin de le faire, c'est grâce à moi si Snape est encore en vie à ce jour."

Hermione Granger soupira et reposa sa plume dans l'encrier. Elle se pencha et souffla doucement sur la page de son gros carnet de terrain pour faire sécher l'encre, puis le referma dans un bruit mat, prenant le temps de nouer le lien de cuir autour avant de le pousser un peu plus loin.

Elle leva les bras au dessus de sa tête pour s'étirer longuement et se laissa tomber en arrière, sur son lit.

Elle avait gardé cette habitude d'écrire assise en tailleur sur son lit. Elle l'avait toujours eue, même à la maison, si bien que Ron lui demandait à chaque fois à quoi lui servait son bureau, dans le salon. Elle lui répondait qu'elle aimait bien travailler comme ça, et c'était tout, il n'insistait pas, du moins, il n'insistait plus, surtout depuis le jour où il avait sauté sur le lit pour la rejoindre et que le contenu de l'encrier s'était répandu sur un parchemin officiel de compte-rendu pour son supérieur.

Ils s'étaient disputés, Ron avait de nouveau sorti l'excuse du travail de sa femme qui était plus important que lui, et même si c'était sa propre faute, Hermione était partie en claquant la porte, quelques heures, errant suffisamment longtemps pour finir dans un pub à Londres et boire une bière ou deux en pensant au passé, alors que les autres clients s'égosillaient devant un match de football.

Elle s'était mise à penser au passé de plus en plus, depuis ce soir-là.

L'ironie voulait qu'elle travaille en tant qu'obliviator au ministère de la magie, département des accidents et catastrophes magiques. Elle ne faisait que ressasser toutes sortes de choses impossibles à oublier pour elle, et son travail consistait à manipuler la mémoire et les souvenirs des gens, moldus comme sorciers. Elle excellait dans son travail, elle était si perfectionniste et si chevronnée qu'elle pouvait se vanter d'être la seule de toute la division à pouvoir aussi bien nettoyer seulement quelques bribes d'un esprit, et ce, avec une dextérité effrayante. Elle faisait de la chirurgie de précision, tout simplement.

Adolescente, elle avait commencé par modifier la mémoire de ses parents, et ensuite, elle avait dû jeter le sort à Severus Snape. Elle n'avait pas eu le choix, là non plus. Il était certes mourant, mais elle le connaissait, elle savait qu'il avait une mémoire infaillible, or, il ne devait pas parler, il ne devait surtout pas parler.

Elle se redressa et se leva, ramassant son carnet et son encrier pour les déposer sur son bureau, sous la fenêtre qu'elle avait ouverte un peu plus tôt. Elle s'accouda sur le rebord et appuya son menton sur ses bras croisés, profitant de la fraicheur du soir. Fermant les yeux, elle se laissa glisser dans ses pensées.

Elle aimait bien ses appartements ornés de belles boiseries ; situés derrière sa salle de cour, ils étaient bien placés et donnaient sur le parc. De ses fenêtres, elle apercevait le lac, qui miroitait sous un croissant de lune, ce soir. Il n'y faisait jamais ni trop chaud, ni trop froid. Il était confortable et rassurant.

Elle l'avait aménagé comme son ancienne chambre, chez ses parents. Il y avait des livres partout, des parchemins, des dictionnaires, des revues, un gros fauteuil parfait pour lire... Elle n'avait pas changé.

Cette particularité n'avait pas changé.

Pourtant, elle n'était plus la même. D'ici quelques jours, elle aurait trente-quatre ans, et depuis l'été dernier, elle n'était plus la même.

Elle s'était enfuie. Elle avait quitté le domicile familial après avoir illicitement fait son travail. Elle avait changé la mémoire de son époux et de leurs deux enfants, elle avait effacé son existence entière de la mémoire de tous les gens qui la connaissaient. Cela avait pris des semaines, mais après tout, elle était la meilleure dans son domaine, elle ne devait rien laisser au hasard et elle était bien trop pointilleuse pour négliger qui que ce soit.

Elle pleura beaucoup, lorsqu'elle jeta le sort sur Ron, Rose et Hugo. Elle pleura encore, lorsqu'elle découvrit sans le vouloir que Ron avait quelquefois rendu visite à une ancienne petite amie, alors qu'Hermione et lui étaient encore... et bien, mari et femme. Il n'y avait rien eu de sérieux entre eux, là non plus, mais cela la blessa beaucoup et lui facilita lâchement la tâche.

Cependant, elle s'obligea à arrêter de se morfondre sur cette trahison. Elle aussi avait un secret. C'était à cause de ce secret qu'elle avait outrepassé ses droits d'obliviator. Ce qu'elle avait fait lui valait de passer devant le Magenmagot sans autre forme de procès, ce pourquoi elle le faisait le valait mille fois plus.

Alors, elle laissa les choses suivre leur cours et Lavander Brown vint tout naturellement remplacer l'épouse "décédée dans un accident de magie", et les enfants l'adoptèrent aussitôt. Elle avait elle aussi une histoire derrière elle, elle avait mûri, respectait Ron et adorait ses enfants, elle avait amené sa fille Emily avec elle car elle était séparée de son père, un moldu. Ils seraient heureux tous les cinq, c'était une certitude.

Hermione Granger disparut donc dans la nature et ne reparut que pour assister à son entretien avec le professeur Neville Longbottom, après avoir proposé son nom. Ce qu'il ne saurait jamais, c'est qu'elle avait modifié sa mémoire, à lui aussi. Elle restait Hermione, mais elle n'avait jamais été mariée à Ron Weasley. Ce souvenir serait commun à tous les gens qu'elle avait croisés un jour.

Lorsqu'elle était arrivée le samedi, elle avait été accueillie par le directeur lui-même, et pendant qu'ils échangeaient quelques banalités, il lui avait donné l'impression qu'il puisait directement les informations dans sa tête, à la recherche de quelque chose de bien particulier, comme à son habitude. Il était resté très courtois, malgré sa froideur manifeste, et elle l'avait trouvé moins... hautain, et puis, il y avait quelque chose dans son regard qui n'y était pas, avant. Elle ne savait pas quel mot mettre sur son comportement. Elle avait juste compris qu'elle n'avait pas intérêt à lui raconter d'histoires, car viendrait le jour où il lui demanderait pourquoi elle était là, et il ne prendrait pas de gants pour le faire. Alors qu'elle avait jeté un sort de masse sur l'équipe de Poudlard, elle ne toucha pas au directeur. Elle s'y refusait. Elle ne le toucherait pas une nouvelle fois.

Elle avait été très surprise en le voyant, et pas vraiment comme elle l'avait imaginé. Il avait facilement plus de cinquante ans mais en paraissait quinze de moins. C'était comme s'il n'avait pas vieilli, depuis la dernière fois où elle l'avait vu. Ainsi, lui aussi avait un secret.

Après tout, ils en partageaient un, bien qu'elle soit la seule à s'en rappeler.

Il était en vie, grâce à elle.

Ils étaient deux à être en vie, grâce à elle.

Elle alla se coucher en essayant de réprimer le besoin qu'elle ressentait de transplaner pour se rendre dans cette maudite forêt du Wiltshire.

Elle soupira, excédée par sa propre bêtise. S'il lui avait été possible de s'y rendre facilement lorsqu'elle vivait à Londres, ici, c'était plus difficile, pas impossible, mais plus difficile. On ne pouvait pas transplaner dans l'école. Il lui faudrait sortir des limites que le sortilège anti-transplanage du directeur imposait au bâtiment. Aller à Pré-au-Lard, par exemple.

Elle était fatiguée, il devait être tard. Et puis, commencer à faire le mur à peine arrivée, franchement...

Si elle était venue ici, ce n'était pas uniquement pour fuir son mariage, ni pour arrêter de se voiler la face. Elle devait se sevrer. Elle ne devait plus vouloir aller sur la colline. Il n'y avait rien pour elle, là-bas.

Elle roula sur le côté et ferma les yeux, se forçant à ne plus penser à ce secret qu'elle trainait depuis quinze ans comme un sac trop rempli, puis sombra dans le sommeil.

Elle se mit à rêver, comme plongée dans la pensine.

Elle rêva de cette nuit-là, cette nuit précise durant laquelle des gens perdirent la vie, alors que la bataille de Poudlard faisait rage.

Harry venait de se sacrifier en emportant Tom Riddle avec lui, détruisant le dernier horcruxe. Remus Lupin et Tonks étaient morts, laissant derrière eux un orphelin. Percy Weasley avait été tué dans une explosion, sauvant la vie de son frère Fred en le protégeant. Molly Weasley avait vengé les parents de Neville et tant d'autres, en tuant Bellatrix Lestrange dans un duel sans précédent. Contre toute attente, Draco Malfoy avait renié son maitre au dernier moment, ôtant la vie à son père et permettant à Harry de donner l'estocade finale à son ennemi.

Brisée par la mort de son meilleur ami, Hermione s'était enfuie en courant pour s'isoler, alors que les survivants recherchaient les disparus, pleuraient, se réconfortaient comme ils pouvaient, ou restaient assis dans un coin en attendant que le jour se lève, accablés, comme si cela pouvait effacer ce qui s'était passé pendant cette nuit horrible. Elle était incapable de rester avec les Weasley, elle ne se sentait pas le courage de faire bonne figure alors qu'ils avaient tant perdu. Elle voulait se cacher et hurler jusqu'à en tomber de fatigue.

Descendant d'abord vers le lac, elle avait laissé ses pas l'emmener au bas du château, de l'autre côté, jusqu'aux décombres du pont que Seamus Finnigan avait fait sauter avec l'aide de Neville, emportant la horde d'assaillants menée par les rafleurs, amputant l'armée de Voldemort d'une bonne partie de ses combattants.

Un champ de mort s'étalait à perte de vue, entre les deux pentes rocheuses. Des pans de bois brûlaient encore par terre, la fumée âcre prenait à la gorge et piquait les yeux. Il y avait des cadavres, partout entre les rochers. Des morceaux de personnes, ici et là. L'odeur cuivrée du sang flottait dans l'air, à peine masquée par celle de la chair grillée. C'était à vomir. D'un autre côté, c'étaient des ennemis. Elle aurait dû se réjouir de voir tant d'ennemis détruits, mais elle n'y arrivait pas, elle était incapable de trouver cette image... réconfortante.

Elle comprit alors qu'elle n'avait rien à faire ici, que ce qui était arrivé ici ne ramènerait pas les morts tombés au combat, ceux qui étaient "du bon côté". Les Lupin étaient perdus à jamais. Harry était perdu à jamais. Les Weasley avaient perdu un des leurs à jamais. Le trio était déchiré. De cette amitié indéfectible, il ne restait plus que Ron et elle. Ron qu'elle avait embrassé parce qu'il avait parlé de mettre les elfes de maison en sûreté. Ron qui devait la chercher et qui devait jurer comme un charretier en craignant pour sa vie. Elle esquissa une ébauche de sourire en l'imaginant pester, demandant à tout le monde où elle était passée. Elle pensa à Ginny, qui devait elle aussi se ronger les sangs pour elle. Elle secoua la tête en se disant qu'ils venaient tous deux de perdre un frère, et qu'ils ne pensaient sûrement pas à elle.

Et par la barbe de Merlin, Harry était mort.

Elle sentit un hoquet lui soulever l'estomac, mais elle parvint à le contenir. Ce n'était pas le moment de flancher, ce n'était pas le moment d'être malade, pas le moment de pleurer, pas le moment de s'apitoyer. Elle ne hurlerait pas jusqu'à en tomber de fatigue.

Elle pivota pour quitter les lieux. Elle devait retourner avec les vivants.

Ce fut alors qu'elle l'aperçut.

Coincé entre deux gros rochers, comme s'il s'était trainé là pour se cacher et mourir comme une bête, il gisait sur le côté, un pan de sa veste ramené sur son visage. Elle s'approcha doucement, sans bruit, sa baguette d'emprunt à la main, prête à s'en servir si nécessaire.

Il ne bougeait pas. Il était très certainement mort, personne ne peut survivre à une telle chute. Elle leva machinalement les yeux vers les vestiges du pont, au dessus d'elle. Non, impossible, personne ne peut survivre à une telle chute.

Le cœur de la jeune sorcière se mit à battre sourdement lorsqu'elle reconnut son écharpe, qui dépassait de la veste de l'homme. Il ne l'avait donc jamais quittée, cette fichue écharpe ? Il l'avait déjà lorsque ses rafleurs les avaient attrapés pour les amener au manoir Malfoy. Elle s'en souvenait très bien. Trop bien, même. Elle n'avait fait que subir des vagues de sentiments contradictoires, de leur arrivée au manoir jusqu'à leur libération.

Pourquoi avoir gardé ce trophée ? Pour prouver à ses copains de chasse qu'il avait attrapé la fuyarde sang-de-bourbe la plus célèbre de tout le Royaume-Uni ?

Une bouffée de haine la submergea alors.

Qu'il crève. Qu'il crève !

Il bougea.

Elle sursauta et braqua sa baguette sur ce corps immobile, les battements de son cœur tambourinant encore plus fort dans ses oreilles.

Il avait bougé les doigts. Ceux qui s'agrippaient au cuir de sa veste. Ils s'étaient détendus, ouverts, et sa main avait glissé sur le sol, lentement.

Hermione changea d'idée. Elle avait besoin de le voir, elle avait besoin qu'il la voit, qu'il se confronte à elle, alors qu'il l'avait laissée entre les griffes de la folle Lestrange. Elle devait le regarder en face pour se prouver qu'il n'était rien d'autre qu'un sale rat à l'agonie.

Elle s'approcha encore et s'agenouilla près de lui. Posant une main au sol pour s'appuyer, elle trouva sa baguette, non loin de son autre main à lui. Elle la ramassa et la glissa dans la poche arrière de son jean. Il n'en aurait pas besoin. Mieux : il n'en aurait plus besoin. Il allait crever. Elle tendit les doigts et saisit le pan de veste qu'il avait rabattu sur lui et l'abaissa pour découvrir son visage.

Il était couvert de sang. Une longue et profonde coupure courait le long de son visage, du front à la mâchoire, passant près de son oreille. Le sang à moitié coagulé collait entre elles des mèches de ses cheveux emmêlés. Il y en avait sur le sol, sur les gravats sous son corps, sur ses mains pâles. Il devait avoir des os cassés. Un miracle qu'il ait survécu.

Un miracle ? Hermione pouffa.

Elle retint son souffle alors qu'elle avançait sa main pour chercher un pouls, dans son cou où le sang avait laissé des trainées collantes.

"Incroyable..." murmura-t-elle.

Ce rat n'était pas mort.

Il était inconscient, mais il n'était pas mort.

Elle prit alors la décision la plus absurde et irréfléchie de toute sa jeune vie.

Elle savait que les défenses de l'école avaient été mises à mal par les attaques magiques des Mangemorts. Les protections anti-transplanage avaient dû sauter, c'était certain. Dumbledore avait d'autres problèmes à régler que rétablir cette interdiction, dans l'immédiat.

Elle ferma ses doigts sur le bras du rat et transplana.

Il faisait très sombre dans cet endroit. Où les avait-elle faits arriver ?

Elle leva sa baguette et prononça le sort de lumière pour y voir un peu plus clair. Elle fut surprise de voir qu'elle avait inconsciemment choisi la Cabane Hurlante comme point de chute. C'était vraiment le dernier endroit où elle aurait pensé se rendre, surtout au regard des derniers évènements en date.

D'ailleurs...

"Nom d'une citrouille..."

Le professeur Snape gisait toujours, là, baignant dans son sang, son visage ayant revêtu une pâleur effrayante. La vie avait quitté son corps, elle l'avait vu après qu'il ait supplié Harry de récupérer ses pensées à même ses yeux. Il avait prononcé quelques mots à l'attention de Harry, mots qu'elle n'avait d'ailleurs pas compris, et il s'était éteint. Enfin, il lui avait semblé qu'il s'était éteint...

Abandonnant son prisonnier, elle se précipita auprès du maitre des potions. Qu'elle était stupide ! Elle ne pouvait rien faire pour lui, il était mort ! Mais s'il était mort, pourquoi la regardait-il entre ses paupières mi-closes ? Et pourquoi percevait-elle le bruit de son souffle sifflant, alors qu'il semblait lutter pour pouvoir respirer ?

"Professeur ? Vous m'entendez ?"

Il ferma douloureusement les yeux pour acquiescer. Il l'entendait.

C'était à peine croyable.

Hermione prit la baguette du rat dans la poche de son jean et demanda de la lumière. Elle posa les deux baguettes sur le sol et plongea la main dans son sac enchanté, dans lequel elle fouilla un petit moment avant d'en sortir une petite fiole, puis elle se pencha en avant et passa la main sous la tête du mourant, pour la soulever un peu.

Un râle de douleur s'échappa de la gorge de Snape.

"Buvez, ordonna Hermione doucement. C'est un antidote."

Elle approcha la fiole de ses lèvres et y vida le contenu petit à petit.

"Je l'avais fait pour Harry, si jamais il devait se battre contre Nagini... mais il ne lui servira plus, maintenant."

Elle reposa la tête de Snape sur le sol et rangea la fiole dans son sac, pour se mettre à y chercher de quoi nettoyer et panser les plaies que le maitre des potions avait au cou.

Les crocs de Nagini lui avaient inoculé un venin qui avait noirci le bord des plaies, mais l'antidote d'Hermione faisait admirablement bien effet, elle pouvait le constater, ne serait-ce qu'au niveau des meurtrissures, qui présentaient déjà un aspect plus sain. Maintenant qu'elles étaient propres, elle pouvait se servir de son essence de dictame, bien qu'il n'en reste que très peu, mais ce fut suffisant pour refermer les trous laissés par les morsures. Elle avait bien fait de ne pas tout utiliser sur les blessures de désartibulation de Ron, quelques jours plus tôt.

Il se passa de longues minutes avant que son patient ne rouvre les yeux.

"Granger ?" souffla-t-il, incrédule.

Elle ne put que lui offrir un maigre sourire, et ne put non plus s'empêcher de se dire qu'il devait peut-être enfin trouver une utilité à son sobriquet de Miss-je-sais-tout. Elle venait de lui sauver la vie, il n'avait pas intérêt à faire la moindre remarque désobligeante.

"Que faites-vous ici ?"

Sa voix était faible. Il avait perdu beaucoup de sang, et le peu qui lui restait avait drainé du venin de serpent dans tout son organisme durant des heures. Comment avait-il fait pour survivre ? "Oh, Hermione, idiote, c'est le maitre des potions..." s'était-elle dit en secouant la tête. Il s'y était peut-être préparé, il s'y était forcément préparé. En attendant, elle devait le faire sortir d'ici pour l'amener à l'infirmerie.

Infirmerie qui devait être submergée de blessés.

Elle n'avait pas le choix. Il devait être pris en charge par une personne compétente, elle n'était pas médico-mage. Donner les premiers soins étaient dans ses cordes, mais le reste...

"- Évitez de parler, vous êtes très affaibli, dit-elle en s'asseyant sur ses talons, prête à partir.

- Vous me donnez un ordre ?

- Ce n'est pas le moment !"

Il ferma les yeux et esquissa un sourire. En effet, ce n'était pas le moment.

"Nous allons transplaner à l'infirmerie, je vous y laisserai avec madame Pomfrey et je reviendrai ici, d'accord ?"

L'incompréhension se peignit sur le visage de cire de Snape. Pourquoi voulait-elle revenir ici ?

Hermione se tourna instinctivement vers le rat étendu un peu plus loin, à peine éclairé par la lumière que donnait les deux baguettes. Snape n'eut qu'à suivre son regard et à y plonger le sien lorsqu'elle le regarda de nouveau, nerveuse. Il comprit en captant quelques bribes de souvenirs.

"- Ne me dites pas que vous comptez vous mettre en péril pour... ça ?

- Je ne vous le dirai pas, professeur.

- Vous êtes vraiment inconsciente et je...

- Je sais, et je ne vous ai pas demandé votre avis. Nox."

Elle éteignit la première baguette qu'elle attrapa et la tendit vers son ainé.

"Oubliettes."

Elle ferma les yeux en prononçant le sortilège et se concentra pour n'effacer que cet unique souvenir de la mémoire de Snape. Toute la scène qui venait de se dérouler disparut de son esprit. Il ne saurait jamais qui lui avait sauvé la vie, ni qui il avait aperçu sur le sol de la Cabane Hurlante, cette personne pour qui Hermione Granger risquait très gros.

Elle transplana aussitôt à l'intérieur de l'école, directement à l'infirmerie, abandonna son patient sur un lit inoccupé et couvert des traces du sang qu'avait dû laisser quelqu'un qui n'avait pas tenu le coup, puis disparut en prenant grand soin de ne pas se faire remarquer.

Elle ne pouvait lutter contre les vagues de contradiction qui montaient en elle, depuis son excursion au pied du pont. Trouver Snape en vie avait un peu distrait son trouble, mais maintenant qu'elle était revenue à son point de départ, elle cédait de nouveau.

Elle vérifia qu'il était toujours en vie, et il l'était. Elle s'assit en se demandant quoi faire. Ils étaient bien cachés, ici, mais elle ignorait quoi faire. Elle n'avait pas réfléchi. Elle avait ramené le rafleur ici, et indirectement grâce à lui, elle avait sauvé Snape, mais maintenant ? Elle ne pouvait pas rester là. Où aller ? Que faire du rat ? Non mais quelle idiote ! Elle n'agissait jamais impulsivement, jamais, et voilà qu'elle se mettait à faire n'importe quoi.

"Et si..."

Elle se pencha sur lui et tendit la main pour dégager le front de l'homme d'une lourde mèche de cheveux, du bout des doigts.

Il devait comparaitre devant le Magenmagot. Elle ne savait pas ce qu'était devenu Fenrir Greyback suite à son combat contre Ron et Neville, mais lui, là, il était en vie et il pouvait répondre de ses actes devant le tribunal sorcier. Pendant combien de temps son groupe avait-il pourchassé les fuyards ? Combien de gallions avaient-ils amassés sur le dos de ces malheureux ? Pour combien de gallions l'auraient-ils échangée, elle, s'ils ne l'avaient pas amenée au manoir Malfoy ? Combien de personnes raflées avaient eu la vie sauve ? Combien étaient mortes ? Trop de questions se bousculaient... Elle ne pouvait pas laisser ces crimes impunis. Ne serait-ce que parce que Bellatrix Lestrange l'avait torturée, elle devait faire en sorte que ce sale rat paie.

Il était dans un sale état. Vraiment. Il ne lui servirait à rien, mort.

Elle effleura l'étoffe de son écharpe, qui trainait par terre. Elle se rappela la première fois qu'elle l'avait vu, sans qu'il ne puisse la voir. Protégée par les barrières invisibles dressées autour du camp de fortune du trio, devenu duo quelques temps, elle avait vu passer le groupe de rafleurs qui venait d'appréhender quelques pauvres bougres. Il l'avait sentie. Il était passé près d'elle et il l'avait sentie. Revenant sur ses pas, curieux, il s'était planté en face d'elle, cherchant d'où pouvait venir ce léger parfum incongru, alors qu'ils étaient en pleine forêt. Elle avait croisé son regard, un regard gris et lumineux qui tranchait comme un morceau de ciel, dans le visage crasseux de son propriétaire. Elle n'avait pas osé bouger, persuadée qu'il pourrait la voir aussi bien qu'il pouvait la flairer, mais il avait fini par partir, déconcerté, et elle, soulagée, avait enfin pu reprendre son souffle.

Elle était restée infiniment troublée par ces quelques instants et avait bien vite déchanté lorsqu'ils s'étaient mis à les chasser, plus tard, parce que Harry avait brisé le sortilège du Tabou en prononçant le nom de Voldemort. Entre Greyback qui ne cessait de la réclamer pour la croquer, la violer, ou pire encore, Bellatrix qui l'avait torturée, les sous-entendus de cet immonde rafleur et la mort de Dobby, elle gardait un très mauvais souvenir de ces moments passés chez les Malfoy. Elle y avait aussi perdu sa baguette.

Comment avait-elle réussi à tenir, avec tout ça ? Bellatrix aurait pu la tuer, mais elle n'avait fait que jouer avec elle, usant du sortilège Doloris sur elle à plusieurs reprises et s'amusant à lui taillader le bras pour y inscrire l'indicible mot "sang-de-bourbe" avec son poignard d'argent.

Fébrile, elle releva sa manche d'un geste nerveux et étouffa un sanglot. C'était toujours là. Pourquoi n'avait-elle pas soigné cette horreur dès qu'elle avait pu ? Elle reprit le flacon d'essence de dictame et fit couler sur les traces le peu de liquide qu'elle put en tirer, mais malgré tout, il subsista l'ombre blanche de ce que la folle avait gravé dans sa chair.

La combattre à l'école, aux côtés de Luna et Ginny, n'avait rien changé au sentiment d'impuissance qu'elle ressentait trop fortement. Molly Weasley s'était chargée de la tuer, éperdue de douleur suite à la perte de Percy. Mais même après cela, elle se sentait plus vide qu'une coquille abandonnée.

Il ne lui restait plus que son otage. Il fallait le remettre sur pied et le dénoncer afin qu'il subisse le châtiment qu'il méritait.

Le pâle soleil de l'aube perça à travers les planches mal ajustées sur les fenêtres de la pièce dans laquelle ils se trouvaient, lui allongé dans la poussière et elle, assise à côté, ses mains balançant la baguette du rafleur entre ses genoux, alors qu'elle réfléchissait à ce qu'il devenait urgent de faire.

Elle coula un regard haineux vers son prisonnier. Il avait l'air paisible, comme endormi. Et s'il avait choisi de mourir pendant qu'elle était perdue dans ses pensées ? Elle se redressa et répéta le geste de chercher son pouls, il n'avait pas le droit de lui faire ça, il n'avait pas le droit, il devait payer, elle lui interdisait de fuir ses responsabilités en mourant !

Elle sursauta en poussant un cri lorsqu'il saisit ses doigts entre les siens.

"- Je savais que tu aimerais ça... murmura-t-il alors, un sourire charmeur soulevant le coin de sa bouche.

- Quoi ? fit Hermione sèchement.

- Me toucher..."

Elle retira sa main prestement et recula, pointant sa baguette vers lui.

"Et en plus, tu m'as piqué ma baguette..."

Il voulut bouger mais la douleur provoquée par ses os brisés le laissa cloué au sol, alors il toussa un peu et ferma les yeux.

"Drôle de gamine..."

Hermione laissa échapper un cri outré.

"La drôle de gamine va te sauver la vie, dit-elle durement. Ensuite, elle t'accompagnera sur le chemin de la prison."

Il essaya de rire.

"C'est ça, ma jolie."

Hermione s'éveilla d'un coup, ouvrant ses yeux sur l'obscurité de sa chambre douillette. Son cœur battait la chamade et elle s'aperçut que ses poings étaient crispés sur ses draps. Elle avait très soif, alors elle se leva et se rendit dans sa salle de bain, pour boire l'eau directement au robinet, dans le creux de sa main. Elle se redressa et fit un effort pour se regarder dans le miroir. Elle avait pleuré. Elle avait transpiré. Ses cheveux collaient à ses joues. Elle se trouva affreuse.

Elle n'avait pas rêvé de cette nuit-là depuis des années, alors elle comprit qu'il lui faudrait beaucoup plus de temps pour oublier. A l'ancienne, sans sortilège, ni charme.

Il ne fallait pas qu'elle retourne là-bas.


Fond sonore :

Delain / Chrysalis - The last breath