Hallucincations
Chapitre I : Honte
Auteur : Lojie
Disclaimer : Aucun des personnages ne m'appartient (malheureusement) et étant donné que j'ai toujours pas commencé à construire de start-up, ils sont pas prêts de m'appartenir un jour… Par contre Joaquim il est à moi d'abord !
En ce qui concerne la zikmu, c'est " Vivre " chantée par Noa dont les droits appartiennent au *camarade* Jean-Marie Messier ;o)
Note de l'Auteur : Je ferme enfin ma parenthèse Jinucci pour en ouvrir une autre qui me tient vraiment à cœur, c'est-à-dire la parenthèse Carmico ;oP Même si Ce Que Pensent Les Femmes et Après sont en quelque sorte des fanfictions Carmico, la première a un ton plutôt léger, et la deuxième concerne plusieurs histoires en même temps donc j'avais envie de faire une vraie fanfiction que sur Anna et John. Alors voici le premier chapitre assez tristounet, j'espère que vous l'aimerez quand même :oP
Nota Bene : Merci à Jarleen pour le tutoiement mdr ! Je ne m'en étais pas aperçue en l'écrivant ;o)
Bonne Lecture
zzz zzz zzz
La nuit est si belle
Et je suis si seule
Je n'ai pas envie de mourir
Je veux encore chanter
Danser et rire
Je ne veux pas mourir
Mourir
Avant d'avoir aimer
zzz
" _Et après avoir vomi ces deux comprimés dans la cuvette, avez-vous prévenu quelqu'un de votre geste ? "
" _Oui, " répondit nerveusement Carter assis sur une vieille chaise en bois inconfortable et bancale. " J'ai aussitôt prévenu Abby Lockhart une infirmière qui travaille dans le même service que moi. C'est une ancienne alcoolique et elle me parraine aux alcooliques anonymes. Ensuite j'en ai parlé à Kerry Weaver ma supérieur. "
" _Bien, " répondit simplement l'homme à lunettes en face de lui. Il gribouilla quelques notes sur le dossier Carter puis releva le regard vers son patient. " Je crois monsieur Carter, hormis cette petite erreur mais que vous avez parfaitement rattrapé, que vous êtes vraiment en bonne voie vers une guérison complète. Malgré tout j'aimerais quand même vous revoir dans six mois. "
John resta encore quelques instants dans le bureau mal éclairé pour décider d'un futur rendez-vous, puis sortit enfin de la pièce avec soulagement. Il se trouvait à présent dans l'un des longs couloirs de ce centre spécialisé pour les docteurs toxicomanes. La lumière blafarde du soleil de l'hiver d'Atlanta éclairait, grâce à d'immenses fenêtres sans rideaux toute la longueur du couloir. Il s'assit dans un fauteuil le temps de reprendre tous ses esprits.
Il y a à peine un an qu'il était sorti de cet établissement, mais tous les six mois il devait se rendre ici pour s'assurer qu'il n'avait pas, ou n'allait pas rechuter. Et chaque fois que John franchissait le seuil de ce centre, il avait l'impression que tous les démons de son passé se jetaient sur lui comme des rapaces sur une charogne : certains portaient le visage de Lucy, d'autres de Chase, mais aussi de Milicent, de Peter, d'Abby, de Kerry… Bref de tous ceux qui avaient joué et qui jouaient encore un rôle dans sa vie. Mais le démon qui l'horrifiait le plus c'était celui de Paul Sobriki, et malgré qu'il soit redevenu sobre chaque nuit il revenait le hanter.
John se releva et s'approcha d'une fontaine placée contre le mur. Il but quelques gorgées et grimaça en sentant l'eau au goût poussiéreux couler le long de son œsophage. Il essuya sa bouche distraitement du revers de sa main puis se dirigea tranquillement vers la sortie. Dans quelques heures il serait de nouveau à Chicago. Il n'aimait pas Atlanta, celle ville froide et bétonnée lui rappelait trop combien sa vie avait pu être misérable, combien la drogue avait pu l'asservir. Au bout du couloir se trouvait le bureau d'accueil de la standardiste, puis les portes qui amenaient vers l'extérieur, vers la vraie vie. La sortie n'était qu'à une dizaine de mètres quand il vit deux silhouettes entrer.
La première tenait la deuxième en l'enserrant de ses bras protecteurs. Cette scène rappela à John le soir où Peter Benton l'avait amené ici. Son cœur se mit alors à battre un peu plus fort. Si le chirurgien n'avait pas été là, il ne voulait même pas tenter d'imaginer ce qu'il serait devenu. La première silhouette se fit plus nette au fur et à mesure que les deux individus se rapprochaient du bureau de la standardiste. C'était un homme châtain de taille moyenne au regard noir et perçant. Il devait à peu près avoir entre trente-cinq et quarante ans. Soudain les yeux de John se fixèrent sans pouvoir se détacher sur la jeune femme que l'homme soutenait.
Ses cheveux ternes entre le blond cendré et le châtain clair, étaient mal retenus par une queue de cheval faite à la va-vite. Sa peau était légèrement grise et de grandes cernes bleues soulignaient ses yeux noirs et vides, rougis par la dépendance. Frêle et tremblante, elle s'agrippait avec ses doigts crispés sur l'avant-bras de l'homme. La jeune femme releva elle aussi les yeux et rencontra le regard de John. Ce fut comme un choc et elle poussa un cri de surprise.
Ses jambes se plièrent sous elle et l'homme qui la soutenait eut du mal à la garder contre lui. Finalement il s'accroupit au sol avec la femme toujours dans ses bras, et jeta un regard interrogateur à John. Le docteur sans réfléchir se jeta à genoux près de la femme et prit son visage entre ses mains :
" _Anna ! Qu'est-ce que… qu'est-ce que tu fais là ? " Demanda-t-il affolé en se rendant compte après coup combien sa question était stupide.
" _John… J'ai tellement honte…" Murmura-t-elle d'une voix tremblante avant de fondre en larmes.
zzz
" _Mais pourquoi tu veux rester plus longtemps à Atlanta ? " Demanda Kerry surprise à l'autre bout du téléphone.
" _Juste deux jours de plus, je vous expliquerais tout en rentrant, " lui promit John dans l'une des cabines payantes du centre.
" _C'est grave ? " La voix de Weaver trahissait son inquiétude.
" _Ca l'est. Cela ne me concerne pas… enfin pas directement. Mais ne vous inquiétez pas ! Je vous expliquerais tout à mon retour, " répondit-il sur un ton rassurant.
" _Je te fais confiance, " ajouta Kerry après un moment de silence.
" _Merci, " dit-il avant de raccrocher.
Il sourit en pensant qu'il y a encore peu de temps, Kerry ne lui aurait pas fait confiance. Il retourna alors s'asseoir sur une rangée centrale de fauteuils placée en face de chambres de patients. John se plaça à côté de Joaquim Del Amico, un des frères d'Anna. Il semblait soucieux et épuisé, et il avait toutes les raisons de l'être. John lui avait brièvement expliqué qu'il était un ancien collègue de sa sœur à Chicago. En face d'eux, Anna dormait sous calmants dans un lit préparé express pour son arrivée.
" _Comment en est-elle arrivée là ? " Demanda John. Cette question ne cessait de tourner en rond dans son crâne depuis qu'il avait reconnu Anna à l'entrée.
" _Une longue histoire, " rétorqua avec aigreur Joaquim. " Bizarrement Max n'y est pour rien, moi qui pensait qu'il causerait tôt ou tard sa perte… Il y a un an Anna s'est fait agressée en rentrant chez elle, elle a été violée et ne s'en ait jamais vraiment remise. Les mois qui ont suivis elle ne supportait plus le contact des hommes, même Max n'arrivait pas à l'approcher. Finalement il en a eu marre et un matin il a fait ses valises. Cela n'a fait qu'enfoncer encore plus Anna dans la dépression. Nous avons assisté à sa descente aux enfers sans rien pouvoir tenter pour l'aider. Un jour je suis venu chez elle pour prendre des nouvelles, et je l'ai surprise une seringue à la main. Alors toute la famille s'est concertée et on a décidé que le mieux pour elle serait de la mettre en cure. Ses collègues de travail nous ont conseillé cet établissement spécialisé pour les docteurs… Voilà maintenant vous savez tout. "
John se frotta nerveusement les tempes avec ses index et ses majeurs pour se réveiller. Cela lui semblait si irréel. Il s'aperçut que le jour où il avait enfin commencé à sortir la tête de l'eau, correspondait à peu près au même moment où Anna avait plongé dans l'horreur. Joaquim le fixait. Il attendait lui aussi des explications. Anna lui avait souvent parlé d'un ami à Chicago, un certain John Carter dont elle regrettait souvent la présence. Il soupçonnait que les deux n'avaient pas été que des amis mais il ne pouvait rien affirmer :
" _Et vous ? Que faites-vous à Atlanta ? "
" _Et bien… " La question gênait John mais il décida quand même de jouer franc-jeu. " Je suis ici pour une visite de contrôle. J'ai moi aussi fait une cure dans ce centre l'année dernière. Mon histoire n'est guère plus gaie que celle d'Anna. Mais le principal c'est que je m'en sois sorti. Ici c'est un bon centre, je suis sûr qu'Anna va elle aussi s'en sortir ! "
" _J'aimerais avoir votre optimisme, " rétorqua gravement Joaquim. " Vous savez Anna a tant changé. Elle n'a plus rien à voir avec la femme que vous avez connu à Chicago. Elle n'a plus rien à voir avec la sœur que j'avais…"
" _Je suis sûr que malgré les apparences, la Anna que j'ai connu à Chicago vit encore en elle. Quand j'étais dépendant, j'étais devenu quelqu'un d'autre, je n'étais plus John Carter, j'étais une sorte de zombie qui niait sa dépendance et qui fuyait la vie. Maintenant je me suis retrouvé et même si parfois j'ai des moments où je me sens redevenir faible, je résiste de toutes mes forces. On n'apprécie jamais autant la vie que quand on est revenu de l'enfer. "
Joaquim ne répondit rien. Il priait de toutes ses forces pour que cet homme qu'il connaissait à peine est raison. Alors qu'il pensait qu'il ne dirait plus rien, John reprit la parole :
" _Je vais rester deux jours à Atlanta. Je veux m'assurer que tout se passera bien pour Anna ici. Je lui dois bien au moins ça… Et puis j'essaierais de passer chaque semaine. Les visites sont importantes car ici on est seul au front, seul contre ses propres démons et de temps en temps cela fait du bien de marquer une pause, et de revoir des têtes familières. "
" _Pourquoi vous voulez faire tout ça ? " Demanda Joaquim surpris d'une telle dévotion.
" _Anna m'a beaucoup aidé, elle m'a ouvert les yeux sur tant de choses. Et pour ça je lui en serais éternellement reconnaissant… Il y a aussi qu'elle m'a manqué durant toutes ces années. "
John fixait avec regret et mélancolie la porte fermée de la chambre d'Anna. Joaquim se sentit débarrassé d'un poids. Il avait l'impression d'être un peu moins seul pour s'occuper de sa sœur.
zzz
John se tenait le front appuyé contre la froide vitre de la fenêtre. La pluie n'arrêtait pas de tomber et le temps d'Atlanta semblait encore plus triste que celui de Chicago. Derrière allongée sur son lit, Anna dormait encore et son visage semblait presque paisible. Mais ses cernes et ses traits fatigués trahissaient son véritable état. John se demandait où était passé son sourire rayonnant, ses yeux pétillants de vie, ses gestes entraînants et vifs, son rire communicatif… La nostalgie s'était subitement emparée de lui.
Joaquim avait quitté la pièce quelques instants pour aller chercher du café, et il était seul dans la pièce avec elle. Les paupières d'Anna tressaillirent puis elle ouvrit doucement les yeux. Ses pupilles noires s'habituèrent rapidement à la demi obscurité dans laquelle baignait la pièce. John s'approcha alors doucement pour ne pas l'effrayer. Il n'avait pas oublié que Joaquim lui avait dit qu'elle ne supportait plus le contact.
" _Bonjour, " dit-il en approchant une chaise du lit et en s'asseyant dessus à l'envers, les coudes posés sur le dossier. Il tentait de paraître détendu mais il n'avait jamais été un bon comédien.
Anna ne répondit pas tout de suite et l'observa quelques instants. A contre-jour elle eut du mal à reconnaître les traits de Carter. Mais que faisait-il là ? Etait-ce son frère qui l'avait amené ? Son esprit croulait sous les questions sans réponse. Revoir John était si inattendu. Anna eut soudainement honte qu'il la voie dans l'état dans lequel elle était.
" _Que fais-tu là ? " Demanda-t-elle sans même le saluer. Sa voix froide et neutre la surprit elle-même.
" _Et bien… " John ne savait pas vraiment par où commencer. " J'ai moi aussi passé pas mal de temps dans cet établissement, et je revenais pour un contrôle de routine. "
" _Un contrôle de routine ? " S'étonna Anna. " Toi aussi tu… mais enfin avec Chase… comment ? " La révélation de John lui paraissait complètement aberrante et elle n'osait y croire.
" _Les circonstances qui m'ont amené à devenir un tox, alors que mon cousin est lui-même devenu un légume vivant à cause des ses conneries, sont assez complexes. Et franchement j'ai vraiment honte d'avoir plongé là-dedans, j'ai aussi honte de ne pas m'être aperçu tout de suite de ce que j'étais devenu. "
" _Moi aussi j'ai honte, " répliqua Anna en fuyant son regard.
" _Je sais, " répondit John en souriant. " Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, mais ce que je sais c'est que j'ai ressenti des choses assez similaires aux tiennes. "
" _Alors Joaquim t'a tout raconté, n'est-ce pas ? " Devina Anna en jetant un coup d'œil au paysage pluvieux d'Atlanta par la fenêtre. John hocha silencieusement de la tête.
" _Tu m'as beaucoup aidé, " reprit-il. " Je te dois au moins ça de te rendre la pareille. Et puis ça me fait aussi plaisir de te revoir même si les circonstances sont assez spéciales. Je reste encore deux jours à Atlanta, et si tu le veux j'aimerais pouvoir passer te voir au moins une fois par semaine… "
" _Non, " le coupa sèchement Anna. " Je ne veux voir personne et je n'ai pas besoin de ta pitié. Le plus grand service que tu me rendrais serait de partir d'ici tout de suite. Je suis vraiment désolée pour tout ce qui a pu t'arriver, mais je ne veux pas de ton aide. Tu me ferais plus de mal que de bien. "
" _Mais je… " Voulut rétorquer John.
" _J'ai dit non, " le coupa-t-elle une nouvelle fois. " Et c'est définitif. "
John n'insista pas. Il se leva avec lenteur et sortit de la pièce en traînant le pas. Anna ne le suivit même pas des yeux et continuait de regarder par la fenêtre. Une larme perla le long de sa joue qu'elle essuya rapidement. Elle avait tant honte qu'il l'ait vu dans cet état. Soudainement la porte de sa chambre se rouvrit et John réapparut. Il déposa un petit papier sur sa table de chevet alors qu'Anna continuait de l'ignorer.
" _Si jamais tu changes d'avis ou… ou que tu veux simplement parler, voici mon numéro de téléphone. Appelle à n'importe quelle heure tu ne me dérangeras jamais. "
N'obtenant que le silence en réponse John fit un pas en arrière, puis sortit cette fois définitivement de la pièce. Anna ouvrit brusquement le tiroir de sa table de chevet, jeta le papier avec le numéro dedans sans même le regarder, puis ferma tout aussi violemment le tiroir pour qu'il disparaisse de sa vue. Elle se replongea ensuite dans la vue des grattes-ciels gris d'Atlanta.
zzz
Vivre
Pour celui qu'on aime
Aimer
Plus que l'amour même
Donner
Sans rien attendre en retour
zzz
A suivre…
zzz
Le Petit Mot De La Fin : Je sais pas pourquoi mais depuis quelques temps, mes fics ne commencent jamais à Chicago. La précédente " Le Papillon " commence à New-York et celle ci commence à Atlanta. Inconsciemment je dois avoir une dent contre Chicago ;o)
Chapitre I : Honte
Auteur : Lojie
Disclaimer : Aucun des personnages ne m'appartient (malheureusement) et étant donné que j'ai toujours pas commencé à construire de start-up, ils sont pas prêts de m'appartenir un jour… Par contre Joaquim il est à moi d'abord !
En ce qui concerne la zikmu, c'est " Vivre " chantée par Noa dont les droits appartiennent au *camarade* Jean-Marie Messier ;o)
Note de l'Auteur : Je ferme enfin ma parenthèse Jinucci pour en ouvrir une autre qui me tient vraiment à cœur, c'est-à-dire la parenthèse Carmico ;oP Même si Ce Que Pensent Les Femmes et Après sont en quelque sorte des fanfictions Carmico, la première a un ton plutôt léger, et la deuxième concerne plusieurs histoires en même temps donc j'avais envie de faire une vraie fanfiction que sur Anna et John. Alors voici le premier chapitre assez tristounet, j'espère que vous l'aimerez quand même :oP
Nota Bene : Merci à Jarleen pour le tutoiement mdr ! Je ne m'en étais pas aperçue en l'écrivant ;o)
Bonne Lecture
zzz zzz zzz
La nuit est si belle
Et je suis si seule
Je n'ai pas envie de mourir
Je veux encore chanter
Danser et rire
Je ne veux pas mourir
Mourir
Avant d'avoir aimer
zzz
" _Et après avoir vomi ces deux comprimés dans la cuvette, avez-vous prévenu quelqu'un de votre geste ? "
" _Oui, " répondit nerveusement Carter assis sur une vieille chaise en bois inconfortable et bancale. " J'ai aussitôt prévenu Abby Lockhart une infirmière qui travaille dans le même service que moi. C'est une ancienne alcoolique et elle me parraine aux alcooliques anonymes. Ensuite j'en ai parlé à Kerry Weaver ma supérieur. "
" _Bien, " répondit simplement l'homme à lunettes en face de lui. Il gribouilla quelques notes sur le dossier Carter puis releva le regard vers son patient. " Je crois monsieur Carter, hormis cette petite erreur mais que vous avez parfaitement rattrapé, que vous êtes vraiment en bonne voie vers une guérison complète. Malgré tout j'aimerais quand même vous revoir dans six mois. "
John resta encore quelques instants dans le bureau mal éclairé pour décider d'un futur rendez-vous, puis sortit enfin de la pièce avec soulagement. Il se trouvait à présent dans l'un des longs couloirs de ce centre spécialisé pour les docteurs toxicomanes. La lumière blafarde du soleil de l'hiver d'Atlanta éclairait, grâce à d'immenses fenêtres sans rideaux toute la longueur du couloir. Il s'assit dans un fauteuil le temps de reprendre tous ses esprits.
Il y a à peine un an qu'il était sorti de cet établissement, mais tous les six mois il devait se rendre ici pour s'assurer qu'il n'avait pas, ou n'allait pas rechuter. Et chaque fois que John franchissait le seuil de ce centre, il avait l'impression que tous les démons de son passé se jetaient sur lui comme des rapaces sur une charogne : certains portaient le visage de Lucy, d'autres de Chase, mais aussi de Milicent, de Peter, d'Abby, de Kerry… Bref de tous ceux qui avaient joué et qui jouaient encore un rôle dans sa vie. Mais le démon qui l'horrifiait le plus c'était celui de Paul Sobriki, et malgré qu'il soit redevenu sobre chaque nuit il revenait le hanter.
John se releva et s'approcha d'une fontaine placée contre le mur. Il but quelques gorgées et grimaça en sentant l'eau au goût poussiéreux couler le long de son œsophage. Il essuya sa bouche distraitement du revers de sa main puis se dirigea tranquillement vers la sortie. Dans quelques heures il serait de nouveau à Chicago. Il n'aimait pas Atlanta, celle ville froide et bétonnée lui rappelait trop combien sa vie avait pu être misérable, combien la drogue avait pu l'asservir. Au bout du couloir se trouvait le bureau d'accueil de la standardiste, puis les portes qui amenaient vers l'extérieur, vers la vraie vie. La sortie n'était qu'à une dizaine de mètres quand il vit deux silhouettes entrer.
La première tenait la deuxième en l'enserrant de ses bras protecteurs. Cette scène rappela à John le soir où Peter Benton l'avait amené ici. Son cœur se mit alors à battre un peu plus fort. Si le chirurgien n'avait pas été là, il ne voulait même pas tenter d'imaginer ce qu'il serait devenu. La première silhouette se fit plus nette au fur et à mesure que les deux individus se rapprochaient du bureau de la standardiste. C'était un homme châtain de taille moyenne au regard noir et perçant. Il devait à peu près avoir entre trente-cinq et quarante ans. Soudain les yeux de John se fixèrent sans pouvoir se détacher sur la jeune femme que l'homme soutenait.
Ses cheveux ternes entre le blond cendré et le châtain clair, étaient mal retenus par une queue de cheval faite à la va-vite. Sa peau était légèrement grise et de grandes cernes bleues soulignaient ses yeux noirs et vides, rougis par la dépendance. Frêle et tremblante, elle s'agrippait avec ses doigts crispés sur l'avant-bras de l'homme. La jeune femme releva elle aussi les yeux et rencontra le regard de John. Ce fut comme un choc et elle poussa un cri de surprise.
Ses jambes se plièrent sous elle et l'homme qui la soutenait eut du mal à la garder contre lui. Finalement il s'accroupit au sol avec la femme toujours dans ses bras, et jeta un regard interrogateur à John. Le docteur sans réfléchir se jeta à genoux près de la femme et prit son visage entre ses mains :
" _Anna ! Qu'est-ce que… qu'est-ce que tu fais là ? " Demanda-t-il affolé en se rendant compte après coup combien sa question était stupide.
" _John… J'ai tellement honte…" Murmura-t-elle d'une voix tremblante avant de fondre en larmes.
zzz
" _Mais pourquoi tu veux rester plus longtemps à Atlanta ? " Demanda Kerry surprise à l'autre bout du téléphone.
" _Juste deux jours de plus, je vous expliquerais tout en rentrant, " lui promit John dans l'une des cabines payantes du centre.
" _C'est grave ? " La voix de Weaver trahissait son inquiétude.
" _Ca l'est. Cela ne me concerne pas… enfin pas directement. Mais ne vous inquiétez pas ! Je vous expliquerais tout à mon retour, " répondit-il sur un ton rassurant.
" _Je te fais confiance, " ajouta Kerry après un moment de silence.
" _Merci, " dit-il avant de raccrocher.
Il sourit en pensant qu'il y a encore peu de temps, Kerry ne lui aurait pas fait confiance. Il retourna alors s'asseoir sur une rangée centrale de fauteuils placée en face de chambres de patients. John se plaça à côté de Joaquim Del Amico, un des frères d'Anna. Il semblait soucieux et épuisé, et il avait toutes les raisons de l'être. John lui avait brièvement expliqué qu'il était un ancien collègue de sa sœur à Chicago. En face d'eux, Anna dormait sous calmants dans un lit préparé express pour son arrivée.
" _Comment en est-elle arrivée là ? " Demanda John. Cette question ne cessait de tourner en rond dans son crâne depuis qu'il avait reconnu Anna à l'entrée.
" _Une longue histoire, " rétorqua avec aigreur Joaquim. " Bizarrement Max n'y est pour rien, moi qui pensait qu'il causerait tôt ou tard sa perte… Il y a un an Anna s'est fait agressée en rentrant chez elle, elle a été violée et ne s'en ait jamais vraiment remise. Les mois qui ont suivis elle ne supportait plus le contact des hommes, même Max n'arrivait pas à l'approcher. Finalement il en a eu marre et un matin il a fait ses valises. Cela n'a fait qu'enfoncer encore plus Anna dans la dépression. Nous avons assisté à sa descente aux enfers sans rien pouvoir tenter pour l'aider. Un jour je suis venu chez elle pour prendre des nouvelles, et je l'ai surprise une seringue à la main. Alors toute la famille s'est concertée et on a décidé que le mieux pour elle serait de la mettre en cure. Ses collègues de travail nous ont conseillé cet établissement spécialisé pour les docteurs… Voilà maintenant vous savez tout. "
John se frotta nerveusement les tempes avec ses index et ses majeurs pour se réveiller. Cela lui semblait si irréel. Il s'aperçut que le jour où il avait enfin commencé à sortir la tête de l'eau, correspondait à peu près au même moment où Anna avait plongé dans l'horreur. Joaquim le fixait. Il attendait lui aussi des explications. Anna lui avait souvent parlé d'un ami à Chicago, un certain John Carter dont elle regrettait souvent la présence. Il soupçonnait que les deux n'avaient pas été que des amis mais il ne pouvait rien affirmer :
" _Et vous ? Que faites-vous à Atlanta ? "
" _Et bien… " La question gênait John mais il décida quand même de jouer franc-jeu. " Je suis ici pour une visite de contrôle. J'ai moi aussi fait une cure dans ce centre l'année dernière. Mon histoire n'est guère plus gaie que celle d'Anna. Mais le principal c'est que je m'en sois sorti. Ici c'est un bon centre, je suis sûr qu'Anna va elle aussi s'en sortir ! "
" _J'aimerais avoir votre optimisme, " rétorqua gravement Joaquim. " Vous savez Anna a tant changé. Elle n'a plus rien à voir avec la femme que vous avez connu à Chicago. Elle n'a plus rien à voir avec la sœur que j'avais…"
" _Je suis sûr que malgré les apparences, la Anna que j'ai connu à Chicago vit encore en elle. Quand j'étais dépendant, j'étais devenu quelqu'un d'autre, je n'étais plus John Carter, j'étais une sorte de zombie qui niait sa dépendance et qui fuyait la vie. Maintenant je me suis retrouvé et même si parfois j'ai des moments où je me sens redevenir faible, je résiste de toutes mes forces. On n'apprécie jamais autant la vie que quand on est revenu de l'enfer. "
Joaquim ne répondit rien. Il priait de toutes ses forces pour que cet homme qu'il connaissait à peine est raison. Alors qu'il pensait qu'il ne dirait plus rien, John reprit la parole :
" _Je vais rester deux jours à Atlanta. Je veux m'assurer que tout se passera bien pour Anna ici. Je lui dois bien au moins ça… Et puis j'essaierais de passer chaque semaine. Les visites sont importantes car ici on est seul au front, seul contre ses propres démons et de temps en temps cela fait du bien de marquer une pause, et de revoir des têtes familières. "
" _Pourquoi vous voulez faire tout ça ? " Demanda Joaquim surpris d'une telle dévotion.
" _Anna m'a beaucoup aidé, elle m'a ouvert les yeux sur tant de choses. Et pour ça je lui en serais éternellement reconnaissant… Il y a aussi qu'elle m'a manqué durant toutes ces années. "
John fixait avec regret et mélancolie la porte fermée de la chambre d'Anna. Joaquim se sentit débarrassé d'un poids. Il avait l'impression d'être un peu moins seul pour s'occuper de sa sœur.
zzz
John se tenait le front appuyé contre la froide vitre de la fenêtre. La pluie n'arrêtait pas de tomber et le temps d'Atlanta semblait encore plus triste que celui de Chicago. Derrière allongée sur son lit, Anna dormait encore et son visage semblait presque paisible. Mais ses cernes et ses traits fatigués trahissaient son véritable état. John se demandait où était passé son sourire rayonnant, ses yeux pétillants de vie, ses gestes entraînants et vifs, son rire communicatif… La nostalgie s'était subitement emparée de lui.
Joaquim avait quitté la pièce quelques instants pour aller chercher du café, et il était seul dans la pièce avec elle. Les paupières d'Anna tressaillirent puis elle ouvrit doucement les yeux. Ses pupilles noires s'habituèrent rapidement à la demi obscurité dans laquelle baignait la pièce. John s'approcha alors doucement pour ne pas l'effrayer. Il n'avait pas oublié que Joaquim lui avait dit qu'elle ne supportait plus le contact.
" _Bonjour, " dit-il en approchant une chaise du lit et en s'asseyant dessus à l'envers, les coudes posés sur le dossier. Il tentait de paraître détendu mais il n'avait jamais été un bon comédien.
Anna ne répondit pas tout de suite et l'observa quelques instants. A contre-jour elle eut du mal à reconnaître les traits de Carter. Mais que faisait-il là ? Etait-ce son frère qui l'avait amené ? Son esprit croulait sous les questions sans réponse. Revoir John était si inattendu. Anna eut soudainement honte qu'il la voie dans l'état dans lequel elle était.
" _Que fais-tu là ? " Demanda-t-elle sans même le saluer. Sa voix froide et neutre la surprit elle-même.
" _Et bien… " John ne savait pas vraiment par où commencer. " J'ai moi aussi passé pas mal de temps dans cet établissement, et je revenais pour un contrôle de routine. "
" _Un contrôle de routine ? " S'étonna Anna. " Toi aussi tu… mais enfin avec Chase… comment ? " La révélation de John lui paraissait complètement aberrante et elle n'osait y croire.
" _Les circonstances qui m'ont amené à devenir un tox, alors que mon cousin est lui-même devenu un légume vivant à cause des ses conneries, sont assez complexes. Et franchement j'ai vraiment honte d'avoir plongé là-dedans, j'ai aussi honte de ne pas m'être aperçu tout de suite de ce que j'étais devenu. "
" _Moi aussi j'ai honte, " répliqua Anna en fuyant son regard.
" _Je sais, " répondit John en souriant. " Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, mais ce que je sais c'est que j'ai ressenti des choses assez similaires aux tiennes. "
" _Alors Joaquim t'a tout raconté, n'est-ce pas ? " Devina Anna en jetant un coup d'œil au paysage pluvieux d'Atlanta par la fenêtre. John hocha silencieusement de la tête.
" _Tu m'as beaucoup aidé, " reprit-il. " Je te dois au moins ça de te rendre la pareille. Et puis ça me fait aussi plaisir de te revoir même si les circonstances sont assez spéciales. Je reste encore deux jours à Atlanta, et si tu le veux j'aimerais pouvoir passer te voir au moins une fois par semaine… "
" _Non, " le coupa sèchement Anna. " Je ne veux voir personne et je n'ai pas besoin de ta pitié. Le plus grand service que tu me rendrais serait de partir d'ici tout de suite. Je suis vraiment désolée pour tout ce qui a pu t'arriver, mais je ne veux pas de ton aide. Tu me ferais plus de mal que de bien. "
" _Mais je… " Voulut rétorquer John.
" _J'ai dit non, " le coupa-t-elle une nouvelle fois. " Et c'est définitif. "
John n'insista pas. Il se leva avec lenteur et sortit de la pièce en traînant le pas. Anna ne le suivit même pas des yeux et continuait de regarder par la fenêtre. Une larme perla le long de sa joue qu'elle essuya rapidement. Elle avait tant honte qu'il l'ait vu dans cet état. Soudainement la porte de sa chambre se rouvrit et John réapparut. Il déposa un petit papier sur sa table de chevet alors qu'Anna continuait de l'ignorer.
" _Si jamais tu changes d'avis ou… ou que tu veux simplement parler, voici mon numéro de téléphone. Appelle à n'importe quelle heure tu ne me dérangeras jamais. "
N'obtenant que le silence en réponse John fit un pas en arrière, puis sortit cette fois définitivement de la pièce. Anna ouvrit brusquement le tiroir de sa table de chevet, jeta le papier avec le numéro dedans sans même le regarder, puis ferma tout aussi violemment le tiroir pour qu'il disparaisse de sa vue. Elle se replongea ensuite dans la vue des grattes-ciels gris d'Atlanta.
zzz
Vivre
Pour celui qu'on aime
Aimer
Plus que l'amour même
Donner
Sans rien attendre en retour
zzz
A suivre…
zzz
Le Petit Mot De La Fin : Je sais pas pourquoi mais depuis quelques temps, mes fics ne commencent jamais à Chicago. La précédente " Le Papillon " commence à New-York et celle ci commence à Atlanta. Inconsciemment je dois avoir une dent contre Chicago ;o)
