Titre : Une voix familière

Rating : T

Disclaimer : Rien de tout cela ne m'appartient, que ce soit les personnages ou l'univers dans lequel ils évoluent, mais je me réserve quand même les droits de ce que j'écris.

Note d'auteur : Hum, la voix familière, j'espère que vous devinerez à qui elle appartient, mais bon, je compte faire plusieurs chapitres, donc vous aurez tout le temps de comprendre. Bonne lecture !

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Il devait se reposer, ne serait-ce que quelques heures avant de repartir brûler les tours qui défigurait Rome. Montant quatre à quatre les marches qui le séparait d'un lit, dévisagé par les courtisanes qui s'écartaient de son passage en murmurant d'un air suspicieux.

Des ténèbres poursuivaient Ezio sans relâche, il entendait une voix familière qui dormait allègrement dans ses oreilles. Elle s'étalait un peu dans son esprit, déjà troublé par ses problèmes d'Assassin. Il était toujours présent, quelles que soient les circonstances, il le voyait partout, et parfois il le sentait même à ses côtés, faire un saut de la Foi dans le vide, avec lui, et lorsqu'il accourait voir ce qu'il restait de son corps au sol, il n'y avait rien. Il se sentait perdre l'esprit, en claquant derrière lui la porte de bois clair, qui formait le seul rempart contre les oreilles indiscrètes, seul dans la pièce où l'unique ameublement était un lit aux draps rouges, et il s'empressa de fermer la fenêtre encore ouverte.

Il le voyait vêtu comme un Assassin, comme lui, tout de blanc, mais il ne pouvait voir son visage, sous cette capuche qui le traquait.

Ezio aurait aimé se libérer de tout ce qui lui cachait la vue, car il commençait à perdre le contrôle de son propre corps. Personne ne lui pouvait lui dire ou lui ordonner, il était le seul maître de ses actions. Pourtant sa vision se troublait, et il sentait même à son nez une vieille odeur de foin, et il n'avait pas toujours l'impression de lever son bras de son propre chef.

Mais il s'était fait fort de convictions, alors il suivait à tâtons la route qu'il se traçait dans le noir, difficilement il est vrai, mais il continuait de survivre, en ignorant ce qu'il considérait comme le résultat de la fatigue qui lui tannait les muscles. Cette voix n'était pas son seul souci, bien sûr que non, il fallait qu'il continue sans relâche sa mission. La Pomme, les Borgia, tant de raisons pour lesquelles il se devait de rester droit, pour l'honneur de sa famille, et peut-être aussi pour la survie du monde entier. Il se devait de sourire, d'être continuellement sur le qui-vive, prêt à contrer n'importe quelle menace. Il l'avait promis, le jour même où il avait vu les corps de ses frères et son père se balancer au bout de cordes de potence.

Tellement de promesses et d'apparences... Federico lui manquait plus que tout. Petruccio, son père... Tout était faux, tout n'était qu'une vague illusion qu'il devait entretenir, au risque de finir par y croire lui- même pour ne pas perdre la raison. On lui avait donné le soleil de minuit, et il s'était laissé emporter par la vague de mensonges qu'était devenue sa vie. Il ne pouvait pas faire table rase du passé, tellement lointain, mais parfois il ne savait même pourquoi il marchait encore, soldat sans bannière. Il voulait qu'on lui rende le bonheur auquel on l'avait arraché beaucoup trop tôt. Il était ignorant, à cette époque, de tous les maux qui tordaient son monde, comme tous d'ailleurs, mais il était au moins heureux et insouciant. Tout semblait lui sourire, mais une conspiration lui avait fait payer le prix fort pour ses dix-sept années de joie.

Son ciel bleu et ses courses sur les toits, à fuir les foudres du père de sa belle Cristina. Les railleries de son grand frère sur ses capacités à la séduire, son cher Petruccio, le sourire triste qu'il affichait sur son visage enfantin et son projet secret qu'il n'aurait jamais le loisir de contempler, en ébouriffant ses cheveux sombres. Tout aurait été tellement différent, et un seul évènement avait fait de lui un Assassin, découvrant du même coup qu'il connaissait à peine son propre père.

Pourtant une voix masculine se faisait de plus en plus présente en lui, plus oppressante au fil du temps et de ses ennuis. Parfois il avait de bien étranges sensations, qui lui faisait perdre le peu de raison qui demeurait en lui. Cela devenait peu à peu une obsession, qu'il s'efforçait de dissimuler. Il s'assit au bord du lit et prit sa tête au creux de ses mains, en levant du même coup sa capuche, fronçant les sourcils.

Dans le flot de ses larmes qui se tarissaient, il savait bien qu'au fond de ses yeux brûlait quelqu'un d'autre. Avec le temps, il se gravait plus profondément dans sa tête, se savait devenir totalement fou,mais il ignorait la réaction qu'aurait ses semblables s'ils l'apprenaient. Son mal le retenait et l'attirait près de lui, d'après l'effet qu'il avait sur lui. Il entendait sa voix murmurer à son oreille et son souffle chaud sur sa nuque qui se hérissait à son contact, mais lorsqu'il se retournait, il ne voyait plus qu'un vide à l'arrière goût amer. Ezio ne connaissait rien d'autre de lui, mis à part le son de sa voix douce, qui résonnait justement en lui, alors qu'il enlevait ses bottes pour passer une nuit qu'il espérait plus longue que les précédentes, dans l'une des nombreuses chambres de courtisanes qu'il avait écartées sans ménagement dans un mouvement d'humeur, à la Rose Fleurie.

« Tes frères et ton père te manquent, je peux te comprendre. Mais la tâche qu'il t'incombe d'accomplir ne peut pas te permettre de t'embarrasser de regrets. Tu essaie vainement d'être invincible, mais tous les hommes ont leurs faiblesses. Le deuil fait partie des tiennes, mais il y a autre chose. Qu'est-ce ? »

Il l'encourageait à être fort, mais ces paroles apaisantes lui faisaient perdre ses minces repères. Pourtant le message qu'elles portaient était d'autant plus troublant qu'ils étaient criants de vérité.

- Avec la moitié de l'Italie à mes trousses et une voix dans ma tête, n'est-ce pas une source de pression ? Si je tombe du piédestal que le peuple, apeuré, a dressé pour que je renverse les Borgia, je ne serais plus rien et notre lutte serait désormais vaine. Je n'ai pas droit à l'erreur, que ce soit le deuil ou autre.

- Je comprend ta douleur.

- Tais-toi.

- Je ne veux que t'aider, Ezio.

- Que connais-tu de cela ? Tu t'invite dans ma tête, et me parle... Je ne sais même pas qui tu es, pourquoi je suis seul à t'entendre.

- Je connais la souffrance de perdre un frère. Je l'ai parfois causée, involontairement, mais j'avais toujours trouvé le moyen de survivre.

- Ah, lequel je te prie ? coupa l'Assassin, en défaisant le nœud du lacet de sa dernière botte.

- Cela peut te sembler niais, mais l'amour m'a sauvé.

- J'ai déjà essayé maintes fois cette possibilité. Aucune femme n'y est jamais parvenu.

- Je ne te parle pas de t'abandonner aux faveurs éphémères des filles de joie, je te parle du réel amour, pas quelques plaisirs contre de l'argent.

- C'est ce que je viens de te dire. Il y a eu des femmes, beaucoup sans doutes, et j'en aimais certaines. Vraiment.

- Mensonges. Tu veux parler de Catherina ? Ou de Cristina ?

- Catherina n'attendait rien de moi, et encore aujourd'hui, je sais que si tout cela n'avait jamais eu lieu, j'aurai terminé ma vie avec Cristina.

- Faux.

- Qu'en sais-tu ?

- Je connais tes souvenirs, et ta famille. J'ai pleuré avec toi sur le cadavre de ton frère. Je sais qui tu as aimé, j'ai entendu tes sanglots, tes soupirs. Tu me confie tes peurs, et tes fautes.

- Je ne comprend plus. Je ne t'ai rien confié, je n'ai pas de peurs qui puissent vraiment me ralentir.

- Regarde toi. Tu es désespéré, ton reflet dans les yeux des gens te répugne.

- Je ne suis qu'amer. Pourquoi ne le serais-je pas ? Je ne peux m'empêcher de refaire le passé. Si j'avais dis cela, si je n'avais pas fais ceci... Si j'avais su, non ! Si j'avais mieux connu mon père...

- Résiste à ça.

- C'est au-dessus de mes forces. Je n'ai plus que des regrets.

- Ezio...

- Non. Je ne sais même pas qui tu es, alors tant que tu ne seras pas un peu plus explicite, je ne te parlerais plus.

- Tu ne me parles pas, tu penses, simplement. Je peux parler tout seul, après tout, il n'y aura que toi qui m'entendra. »

Il retira le reste de sa tenue en soupirant du mal de tête qu'il sentait venir se loger dans son crâne. L'Assassin posa ses lames à côté de son oreiller, prêt à se relever à tout moment, bien que la nuit était tombée depuis déjà longtemps. Il se retourna longuement dans le lit, cherchant à saisir le sens des paroles énigmatiques. Ezio s'endormit après plusieurs dizaines de minutes, épuisé de s'être autant stressé pour une voix grave qu'il espérait de tout son cœur fictive. Pourtant, quelques jours après sa discussion, à chaque fois qu'il assassinait une de ses cibles, il sentait presque ses lèvres remuer seules pour murmurer le « Requiescat in Pace » qui faisait désormais sa vie. Il laissait son bras aller au rythme de la vie des ennemis qui fleurissait sur sa route. La voix ne se manifesta plus pendant plusieurs mois, mais un soir, après avoir détruit l'avant-dernière tour Borgia, assis à un banc près du Colisée, il reposa la question qu'il retournait sans cesse à la prétendue illusion, tous les soirs, les sourcils froncés en réalisant que cette question n'avait pas lieu d'être, puisqu'elle était supposée ne s'adresser à personne.

« Qui es-tu ?...

Après des mois de silence, les paroles qu'il avait vainement attendues retentirent.

- Sache que je ne suis pas ton ennemi. J'ai vécu ce que tu vis. Je ne te demande pas de m'accorder ta confiance, mais au moins m'écouter.

- Ah oui ? Sur mon passage on m'injure, on crie. Je suis perdu. Etais-tu aussi seul que moi ? questionna l'Assassin, frissonnant dans le froid de la nuit qui commençait à assombrir le ciel.

- Tu n'es pas seul.

- C'est vrai, aujourd'hui j'ai tant d'amis, d'alliés, presque une nouvelle famille. Mais où sont ceux qui m'ont vu éclater de rire sur les toits de Florence ? Je les ai vu partir. On m'aimait bien dans ma rue, maintenant on ne me connaît plus, on me hait.

- J'étais certain d'être seul, moi aussi. On m'admirait de loin, mais une personne que j'avais pourtant fait souffrir à l'extrême m'a aidé comme personne. Il me manque, encore maintenant. Un frère, un ami.

- Je n'ai pas ça. Plus, du moins.

- Tu m'as moi. Même si tu ne pense pas que je sois avec toi, ou même réel. Et si tu cherchais, tu découvrirais que ceux que tu croyais n'être que des amis sont en réalité bien plus que cela.

- Attends, je ne comprends pas.

- Tu ne peux pas comprendre. » clôtura la voix d'un ton ferme.

Malgré les tentatives d'Ezio pour avoir des explications à propos de sa phrase mystérieuse, il n'obtint jamais de réponse. Pendant des semaines il l'appela en vain, mais mit finalement en application les dires de la présence. Au final, Machiavelli et La Volpe n'étaient pas de si mauvaise compagnie, à condition bien sûr de leur parler séparément, au risque de les voir se disputer pour une raison inconnue. On percevait régulièrement les mots profiteur, ivre et taverne, et même si leurs chamailleries se concluaient souvent par un soupir collectif, elles n'en étaient pas moins agaçantes. Et puis, le Voleur lui rapellait sans conteste Florence, et il sentait que c'était là dont il voulait se rapprocher, malgré la nostalgie qui l'envahissait à la simple pensée des murs de sa maison. Il savait qu'il n'aurait pas le courage d'y retourner, les fantômes de Cristina et de sa famille y étaient encore bien trop palpables pour qu'il en ait le courage. Mais il tenterait d'en raviver le souvenir, peu lui importerait le prix.

Après avoir renoncé à entendre à nouveau la voix, Ezio se concentra sur l'élimination des gardes, et rétablir l'entente parmi les clans de voleurs compétitifs. Dans leurs défis, il gagnait toujours haut la main les courses et remettait en place les jeunes insolents qui prétendaient à mieux. Pourtant dans l'une d'elles, il manqua une corniche et tomba de plusieurs mètres. Il fit bonne figure devant le voleur époustouflé par sa performance, mais rentra bien vite voir où en étaient ses recrues Assassins. Il eut la surprise d'y rencontrer Bartoloméo, qui l'accueillit d'un grand éclat de rire chaleureux, en l'enlaçant chaudement. En se libérant de l'étreinte étouffante, il se saluèrent à grands renforts de sourires. Le guerrier fronça les sourcils et lui fit remarquer qu'il boitait, la main sur le pommeau de sa chère épée Bianca. L'Assassin lui expliqua brièvement l'épisode de la course, et son vis-à-vis lui conseilla de s'équiper pour éviter ce genre de problème gênant, avant de repartir, non sans l'avoir rudement sermonné sur les bienfaits d'un équipement sain.

Sa douleur à la cheville envolée, Ezio se souvint que son vieil ami Leonardo lui avait dit un jour que s'il se trouvait en manque d'équipement sophistiqué, l'Assassin pourrait sans problèmes aller le voir, et il avait bien compris que ce conseil était une demande. Le peintre était l'une des rares personnes encore en vie qu'il avait connu du temps de Florence, et il avait l'intention de le contacter depuis quelques temps déjà, et le besoin d'équipement était un parfait prétexte. Il aurait sûrement l'occasion de le revoir les prochains jours, et la présence du blond avait quelque chose de rassurant auprès de lui. Ses yeux innocents l'observait avec une attention que ni sa sœur ni sa mère n'avaient à son égard, malgré sa détresse. Peut-être que l'ami dont il avait tant besoin, selon la voix, était Leonardo, l'homme qui jamais ne l'avait trahi, et qu'il négligeait pourtant. Mais il l'évitait, pour la simple et bonne raison que le peintre lisait en lui comme dans un livre ouvert, et qu'il ne pouvait pas se permettre d'apparaître aussi faible et triste aux yeux de ses alliés. Pourtant Ezio sentait que s'il le lui demandait, le peintre garderait ses secrets, comme il l'avait toujours fait. Après tout, il lui faisait confiance depuis le premier jour, où sa mère le lui avait présenté, cet « ami de la famille. »

D'un pas soudain plus assuré, il alla prendre des nouvelles de ses Novices de retour de mission. Il avait la ferme intention de rendre visite à son plus vieil ami, et dernier espoir.

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A suivre