Pour Mary


La pluie venait s'écraser contre sa fenêtre, méthodiquement. Le regard vide, il regardait les pleurs du ciel glisser le long de la vitre, comme les larmes qu'il ne pourrait jamais verser. Il serra le poing, ce poing de chair tatoué, ce poing de monstre. Il se sentait si seul… Malgré tous ces gens qui se pressaient autour de lui, ces courbettes et saluts faussement polis, malgré ces filles qui le suivaient comme son ombre…

L'homonculus de l'Avidité, Greed pour faire plus simple, regarda autour de lui. Cette nuit, il n'était pas rentré au Devil's Nest. Tant qu'à être seul, autant l'être vraiment. Et puis personne ne se soucierait de son absence, de toute façon. Il avait trouvé refuge dans un vieil hôtel abandonné. Une chambre à peu près en bon état, une chaise branlante près de la fenêtre, voilà ce qui lui suffisait pour le moment. Et il regardait la pluie tomber, berçant son cœur de monstre par sa régularité effrayante. Il n'en pouvait plus de vivre ainsi. Il n'en pouvait plus de toujours tout vouloir, de ne jamais se sentir satisfait. Il n'en pouvait plus de se souvenir de ces jours heureux, où il courait dans le jardin familial avec sa sœur, avant que la maladie ne l'emporte. Il n'en pouvait plus…

Dans la rue, une femme et son enfant se hâtaient de rentrer chez eux. Un clochard dormait sous son carton trempé, serrant contre son cœur une bouteille d'alcool à deux sous. Une fille traînait encore sur le trottoir, attendant un client téméraire, elle avait tant besoin d'argent. Un estropié s'était abrité sous un porche et observait la pluie tomber, comme lui, le visage si triste. Est-ce que c'était ça la vie ? Le monde qu'il voulait contrôler ? Cette avalanche de misère et de désespoir ? Non, bien sûr que non. Et c'était bien pour ça qu'il avait repéré cet homme, et qu'il lui avait demandé de se joindre à eux…

Il s'en souvenait comme si c'était hier. L'apparition de cet homme aux yeux dorés, dans la pénombre des couloirs du laboratoire. Il souriait d'un air de dément, en observant les soldats se faire massacrer. Pourtant, il avait été des leurs. Puis son regard s'était porté sur lui, le non humain. Deux monstres face à face… C'était peut être parce qu'ils étaient tous les deux des montres à visage humain que Greed avait su lire dans ses yeux or. Tout en lui respirait la traîtrise, contrôlée par son envie de tuer. Une alarme s'était mise en route dans l'esprit de l'homonculus : « Ne le prend pas avec toi. Il te trahira. Il sera l'homme qui te mènera à ta perte. » Il avait écouté la petite voix. Il avait proposé à l'homme de venir. Il lui avait donné une occasion en or, en se rendant au QG du Sud la veille. Il lui avait parlé du crâne. De toute façon, il était alchimiste, il aurait compris seul.

Greed quitta la petite chaise pour venir s'allonger sur le matelas poussiéreux, bras calés sous sa tête. Demain, à la même heure, tout serait fini. Il ne savait pas comment, il savait juste qu'il allait mourir. Il ferma lentement les yeux, essayant en vain de chercher le sommeil qui l'avait déserté depuis si longtemps. Pour sa dernière nuit, il aurait tant aimé rêver… Mais il ne rêvait plus. Il ne croyait plus en rien. Il n'était plus qu'un semblant d'humain, animé par ses pulsions incontrôlables. Il n'était qu'un être issu des pêchés de l'homme. Il soupira pour la dernière fois de sa vie et se releva. L'heure était enfin arrivée. Il quitta la petite chambre d'hôtel et se rendit à son repaire, un sourire aux lèvres. Oui, l'heure était enfin arrivée pour lui de crever.


Qu'il ne vous arrive jamais de penser comme Greed. Il ne faut jamais s'arrêter de croire et de rêver