Tu as passé ton bras autour de ma taille. J'ai fait de même en passant le mien sous tes ailes et serre ton dos, mon ange noir. Tu as pris ma main dans la tienne, l'a portée à tes lèvres et l'a embrassée. A ce frôlement, un frisson a parcouru mon échine et réveillé mes souvenirs. Cette posture, nous l'avons prise tant de fois. Quand nous nous retrouvions, lorsque nous nous séparions. Je me rappelle même m'être réveillé ainsi enlacé par toi. Et voilà que nous retrouvons d'instinct ces gestes, à ce moment, à cet ultime instant.
Le ciel sans soleil des Enfers est le miroir de notre détresse. Pesant de son obscurité, il semble vouloir nous écraser. La sombre couleur de ces cieux est si morne à côté de celle de tes yeux.
Nous sommes acculés devant le Mur des Lamentations. Devant cette paroi immense qui clôt les Enfers. Sous les effigies d'Hypnos et de Thanatos, nous attendons. Ces pierres nous barrent la route, coupent notre retraite. Il n'y a aucune échappatoire pour nous.
Je n'ai pas besoin de les voir. Je sens leurs Cosmos nombreux et mêlés qui se rapprochent. Leur haine déferle à travers ce lieu, rebondit sur les pierres. Ce souffle enfle, comme le bruit d'un troupeau devenu fou et fonçant droit sur nous.
Il fait si froid, ici. Il n'y a pas un souffle de vent et pourtant, c'est comme s'il me transperçait jusqu'aux os. La fraîcheur traverse mon armure, mord ma peau, ronge mes chairs. J'entends les hurlements des damnés qui résonnent sur les pierres. Tout nous est hostile ici. Seuls ta présence et le cosmos sombre qui est le tien sont rassurants.
Je te regarde, Minos. Tes prunelles pourpres plongent dans les miennes. Pendant un instant, j'oublie cette situation. J'oublie où nous sommes. J'élude ce qui nous attend. Je serre ta main un peu plus fort, un peu trop fort, même. Tes lèvres viennent aux miennes. Tout mon être s'enflamme lorsqu'elles se frôlent, lorsque tu glisses ta langue dans ma bouche, lorsque la mienne te répond. Nos Cosmos si différents brûlent, vibrent à l'unisson, se mélangent.
Enfin, je les vois. Ces chevaliers, ces Spectres unis dans leur haine contre nous. Ils arrivent, courant, volant. Ils se sont alliés pour ourdir notre perte. Ils ont fait fi de la Guerre Sainte pour nous sacrifier. Ils sont 119 face à nous. Face à toi et moi, Minos, armure d'or et surplis enlacés.
Au milieu de tout ce tumulte, au centre de cette violence, ta main sur ma taille me rapproche encore un peu plus de toi.
- Est-ce ainsi que cela se termine, Minos ? Est-ce comme cela que doit finir notre histoire ?
- Je ne crois pas, non.
Tu lèves les yeux vers ce ciel si obscur, me montres un point lumineux qui traverse cette sombre couverture, se rapproche du Mur.
Je murmure :
- Les dieux.
- Reste à savoir si c'est notre châtiment.
- Ou notre délivrance.
Je caresse ta main, me noie dans ton regard mauve.
- Je ne veux pas te quitter.
- Je ne te laisserai pas, Albafica.
