J'écris lentement, et je ne peux rien promettre quant à la fréquence à laquelle je posterai de nouveaux chapitres étant donné que c'est le seul que j'ai sous la main. Mais je le ferai.
- Maman, maman, réveille-toi.
Kate se réveilla brutalement, son corps tout entier tressautant lorsqu'elle entendit les pleurs endormis du petit garçon debout à côté de son lit. Ses paupières lourdes gênaient sa vision, mais le trouble désagréable qui brouillait ses yeux disparut au bout de quelques secondes et un hurlement de surprise resta coincé dans sa gorge lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'était pas dans sa chambre.
Elle s'adossa contre la tête de lit et laissa tomber son visage au creux de ses mains en remontant instinctivement ses genoux contre sa poitrine. Ses doigts se glissèrent à travers ses cheveux et ses boucles brunes rebondirent contre son épaule lorsqu'elle se tourna légèrement vers la fenêtre, cherchant la lumière de la pleine lune qui traversait d'une ligne la chambre, faisant virevolter son regard inquiet.
- Maman, maman, répéta-t-il en secouant son bras, avant de grimper sur le matelas périlleusement, déposant son lapin en peluche sur les genoux de la jeune femme pour s'agripper aux draps de ses deux poings.
La panique s'emparât de son cerveau et elle grimaça lorsqu'elle reconnût l'ancre qui trônait devant la cheminée éteinte en face d'elle. C'était la première chose qu'elle avait remarquée lorsque Castle lui avait fait visiter la chambre principale de l'immense maison qu'il possédait dans les Hamptons ; cette ancre dominante qui l'apaisait dès que ses yeux se posaient sur les flammes qu'elle cachait. Elle n'était pas chez elle, mais elle n'était pas complètement perdue.
- Maman, cauchemar.
Ses bras crièrent de douleur lorsqu'elle souleva le petit brun sanglotant qui semblait prêt à abandonner, ses yeux bleus inondés de lourdes larmes qu'elle ne pouvait pas ignorer. Instinctivement, Kate l'assit sur ses genoux et couvrit le visage qu'il enfouit dans son tee-shirt de sa paume ouverte. Son corps minuscule se souleva dans ses bras et elle sentit son propre cœur se serrer, comme une serviette trempée qu'on essorait, tordue dans tous les sens jusqu'à ce que les dernières goûtes s'abattent.
Il se calma au rythme des cercles qu'elle traça dans son dos pour le consoler, comme sa propre mère l'avait fait des années plus tôt quand elle était Katie et qu'elle ne dormait pas parce qu'elle avait peur qu'Amanda Anderson - la fille des voisins - lui coupe à nouveau les cheveux. Il finit par s'endormir et elle jeta la couette au-dessus du lit. Elle posa les pieds par terre en couchant le petit garçon de trois ans tout au plus à la place qu'elle venait de quitter, encore chaude, le borda comme on lui avait appris lorsqu'elle gardait ses petits cousins, adolescente.
Entrant involontairement dans son rôle d'inspecteur de police, Kate balaya d'un regard l'intégralité de la pièce et chassa la vague d'inquiétude qui s'était déposée au fond de son ventre, alourdissant chacun de ses gestes comme une énorme pierre.
Le sol recouvert de toile n'avait pas changé et une partie des meubles étaient encore à leur place, mais tout le reste contredisait ses souvenirs.
Les étagères encastrées dans les murs étaient remplies de livres et non plus de vases divers, l'énorme coquillage sur la table basse avait été remplacé par des peluches et un ouvrage pour enfant sur les vaisseaux spatiaux. La housse de couette aux motifs complexes avait disparu au profit de simples draps bleus. Les petites tables rondes qui servaient de chevets n'entourait plus le lit et une des lampes était maintenant posée sur le large morceau de bois qui soutenait les oreillers. La rangée de bougie était toujours présente, mais devant une série de clichés encadrés qui l'assommèrent comme un coup qu'on lui aurait porté à la tête.
Troublée, Kate s'empara de la première photo en fronçant les sourcils. Adulte, elle avait fait un seul séjour à l'hôpital : lorsqu'elle avait reçu une balle en pleine poitrine. Et ce n'était pas pendant ces douloureuses journées qu'elle avait posé, tout sourire, pour un appareil. Encore moins avec un nouveau-né dans les bras. Reposant le cadre à sa place, elle prit le deuxième et observa longuement la joie qui rayonnait dans les yeux bleus de Castle. Celle-là, c'était elle qui l'avait enregistrée dans son téléphone portable, un matin de mars, assise à califourchon sur lui pendant qu'il essayait de la convaincre de passer la matinée au lit. La troisième avait été capturée devant la piscine de la gigantesque propriété : assise à côté de la fille de son partenaire, elle tenait dans ses bras l'enfant qui l'avait réveillée, enroulé dans un peignoir bleu au motif de requin sur la tête. Les cheveux d'Alexis étaient bien plus courts que d'habitude, encadrant son visage sans même toucher ses épaules. Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'elle attrapa l'échographie qui était posée à plat sur le meuble, noire et granuleuse.
Elle n'en avait pas gardé un seul souvenir, mais à en croire tous les éléments dans cette pièce, elle avait été enceinte. Et le petit garçon qui dormait paisiblement dans le lit qu'elle venait de quitter était son fils.
Kate essaya désespérément de ne pas paniquer.
Mais l'absence de Castle pesait sur ses épaules, l'écrasait tellement fort qu'elle se sentait attirée par le sol, prête à s'écrouler.
Elle avait fouillé toute la maison sans succès. Toutes les pièces étaient vides ; elles avaient toutes changé, parfois plus, parfois moins que celle qu'elle venait de quitter. Elle avait trouvé la chambre de Sam - ce fils qu'elle ne connaissait pas - et si tout dans cette pièce indiquait qu'elle était bien sa mère, elle s'était également rendu compte que Castle n'était jamais présent avec elle sur ces photos - bien qu'il le fut toujours sur celles qu'elle pouvait identifier, qu'elle se souvenait avoir prises ou vues dans le passé. Son odeur avait disparu, il n'y avait qu'une seule brosse à dents dans la salle de bain. Leurs vêtements étaient mélangés dans le dressing qui longeait la chambre ; ils étaient tous là, comme s'ils habitaient ici.
Kate s'installa au petit bureau noir à côté de la fenêtre et alluma l'ordinateur portable qui y était posé, coinçant sa lèvre inférieure sous ses dents pointues avec une telle force qu'elle sentit le sang y affluer.
Elle voulait des réponses et chaque minute qu'elle passait dans ce monde complètement différent du sien ne semblait lui donner qu'un peu plus de réponses.
S'emparant de la télécommande, Kate alluma la télévision sans vraiment voir ce qui s'y affichait à cause de l'angle et baissa le son avant de prendre le téléphone portable blanc qu'elle n'avait pas vu jusqu'à là.
La photo qui faisait office de fond d'écran ne l'intrigua même pas, alors qu'elle ne l'avait pourtant pas vue auparavant. Et pour cause, elle affichait une date qui lui était presque étrangère tellement elle semblait éloignée.
21 janvier 2017.
A la fois question et réponse, cette série de chiffre et de lettres expliquait presque tous les changements qu'elle avait observés jusqu'à là, sauf deux : où était Castle ? Pourquoi s'était-elle couchée en 2013, et réveillée en 2017 ?
La troisième lui vint un peu plus tard, alors qu'elle tentait - sans succès - de trouver le mot de passe du MacBook posé sur la table noire. Quelques mots qu'un journaliste d'une grande chaîne nationale déclara devant la Maison Blanche, entouré d'un grand nombre d'autres collègues. Kate ne comprit pas la phrase qu'il prononça par la suite - elle n'essaya même pas. Dès lorsque les mots "président" et "William Bracken" arrivèrent à ses oreilles, elle n'entendit plus rien. Plus une seule syllabe, plus une seule lettre.
Bracken, président.
Ce monde était son enfer.
TBC.
